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Une évolution religieuse en pays nzema : du prêtre traditionnel (komenle) au prêtre syncrétique (esôfo). pp. 219-226.

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du prêtre traditionnel (komenle) au prêtre syncrétique (esôfo), © EDUCI 2013. - GODO GODO - Rev Hist Arts Archéol Afr, ISSN 1817-5597, n° 23, pp 219-226.

UNE EVOLUTION RELIGIEUSE EN PAYS NZEMA : DU PRETRE TRADITIONNEL (KOMENLE) AU PRETRE SYNCRETIQUE

(ESÔFO).

Pr. ALLOU Kouamé René Maître de Conférences.

UFR des Sciences de l’Homme et de la Société.

Filière des Sciences Historiques Université Félix Houphouët Boigny.

kouameallou2005@yahoo.fr

RÉSUMÉ

Depuis des temps immémoriaux, les Nzema (peuple Akan vivant dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire et dans le Sud-Ouest du Ghana) vont pratiquer une religion qui croit en l’Etre Suprême (Nyamenle) et lui associe les cultes de génies (Bozonle/Mozonle), fétiches (Amonle), des ancêtres et défunts (Mohouama) dont le grand acteur était le prêtre traditionnel (Komenle). Il exécutait la danse de possession par les génies ou les esprits pour faire de la divination, révéler des remèdes pour soigner des patients et des rites pour conjurer le mauvais sort.

Cependant, à partir de 1913, après la prédication du prophète William Wadé Harris pour évan- géliser le pays nzema, il apparaît un prêtre d’un type nouveau, un prêtre syncrétique (Esôfo) qui utilise la bible, la croix et l’eau principalement, mais dont certaines pratiques sont proches des rites de la religion traditionnelle.

Mots clés : Religion traditionnelle, Prêtre traditionnel, Religion syncrétique, Prêtre syncrétique ABSTRACT

Since time immemorial nzema (Akan people living in the south east of Côte d’Ivoire and in the south west of Ghana) pratise a religion which believe in the Supreme Being (Nyamenle) and associate to him worship of genies (Bonzonle/Mozonle) fetish (Amonle) ancestors and the deceased (mohouama) of which the great actor was the traditional priest (Komenle). He dance the dance of engrossment with the genies or spirits to make divination, disclose cure for the patients and rites to exorcise the spell.

Meanwhile from 1913 after the preaching of the prophet William Wade Harris to evangelize the nzema country, it appear a priest of new pattern, a syncretism priest (Esôfo) who use the bible, cross and water mainly, but some of their worship are close to the rites of the traditional religion.

Keywords: Traditional religion, Traditional priest, Syncretism religion, Syncretism priest.

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INTRODUCTION

Les Nzema1 avaient un univers religieux traditionnel assez complexe. Ils croyaient en l’Etre Suprême le Créateur de toutes choses qu’ils nommaient Nyamenle. Ils croyaient aussi en l’existence de créatures invisibles à l’œil nu qui sont généralement appelés génies et qu’ils nomment Bozonle (singulier)/ Mozonle (pluriel).

Ces créatures telles que décrites par la tradition nzema, ont de grandes similitudes avec les Djinns de la tradition sémitique dont parle le Coran. Ces Djinns sont des créatures surnaturelles qui sont en général invisibles, peuvent prendre différentes formes comme des formes végétales, animales ou anthropomorphes. Ils peuvent avoir un contrôle psychique par le biais de la possession sur l’homme. Le Coran dit qu’Allah (Dieu) a créé les hommes et les Djinns pour l’adorer2. Les Djinns sont crées de feu sans fumée et ont été crées avant l’homme.

De même, les traditions nzema disent que les Mozonle ont été créé avant les êtres humains par Nyamenle. C’est le culte du Bozonle qui se dit Bosson dans la langue des Agni (Peuple Akan) qui a amené Jean-Marie Adiaffi à qualifier la religion des Akan de Bossonisme, créant du coup un néologisme en 19903. Le grand acteur du culte du Bozonle est le Komenle/komian qui exécute une danse de possession sous l’emprise des génies, fait de la divination et indique les plantes médicinales pour soigner les maladies ou pratiquer des exorcismes.

Son pouvoir spirituel, s’appuie aussi sur un siège (tabouret) blanchi au kaolin, un sabre en bois également blanchi au kaolin et un chasse-mouche4. Au culte du Bozonle, il faut ajouter le culte des ancêtres, des défunts (Mohouama), celui des fétiches (Amonle) et de quelques forces cosmiques dont la mère-terre (Emô azèlè yaba).

Du contact avec le christianisme surtout après la prédication décisive du prophète William Wade Harris en 1913, l’on verra apparaître en pays nzema un christianisme syncrétique avec comme grand acteur un prêtre syncrétique appelé Esôfo. C’est cette évolution religieuse que la présente communication veut mettre en exergue, en présentant d’abord l’univers des croyances traditionnelles des Nzema avant les contacts avec le christianisme puis ensuite la naissance de cultes syncrétiques après la prédication du prophète William Wade Harris.

I- L’UNIVERS DES CROYANCES TRADITIONNELLES NZEMA AVANT LES CONTACTS AVEC LE CHRISTIANISME

Les Nzema croyaient en un Etre Suprême Créateur de toutes choses qu’ils nom- ment Nyamende/ Nyamenle kouame. Ils croyaient en l’action des forces cosmiques comme l’esprit de la terre Emô Azèlè yaba (Mère terre yaba) perçu comme une

1 Peuple Akan vivant dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire et le Sud-ouest du Ghana. Le peuple Akan le plus connu est le peuple Ashanti.

2 Coran. Sourate 55. Verset 15.

3 Véronique DUCHESNE. “Le Bossonisme ou comment être moderne et de religion africaine“. Présence Africaine 161/162. 2000.pp. 299-314.

4 Claude-Hélène PERROT ; “Du visible à l’invisible : les supports du pouvoir en pays Akan (Afrique de l’Ouest)“. Présence Africaine n°161/162. 2000. p.29.

Idem.“Religions africaines, religion du terroir : hier et aujourd’hui“ Historien-géographes. Dossier Afrique Subsaharienne 367 1999. pp. 175-192.

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le prénom donné aux personnes de sexe masculin nées Samedi. Le nom yaba de l’esprit de la mère-terre est le prénom donné aux personnes de sexe féminin nées jeudi. Mais le jour consacré au culte de la mère-terre est vendredi (yalè).

Les Nzema croyaient au principe de la dualité qui se voyait à travers l’invocation de l’Etre Suprême Créateur fait en premier au moment des libations, puis ensuite l’invocation de la mère-terre. Et aussi à travers l’existence du roi (Blemgbunli/Ehene) dont le siège est principalement de forme rectangulaire (Sèsèbia) et la reine-mère (Obahima) dont le siège est de forme circulaire (pouloué). Le culte de l’Etre Suprême (Nyamenle) consiste à planter une fourche à trois têtes au milieu de la cour sur laquelle, l’on place un récipient en bronze avec dedans des offrandes. Cela est dédié au huitième enfant dans l’ordre de naissance. Son nom est Nyamkè (Don de Dieu).

Cette dédicace concerne aussi le neuvième enfant dans l’ordre de naissance Nyonhan (Enfant de Dieu) et les jumeaux (Ndalè).

Les Nzema pratiquaient le culte des ancêtres (Nana mô womenle) et des défunts (Mohouama). Des libations étaient faites pour les invoquer. Ils étaient associés aux festivités qui marquent l’année nouvelle (Abissa/ Koundoum). L’invocation des noms de ceux qui avaient le privilège de l’ancestralité, c’est-à-dire de ceux qui ont mené une vie qui peut servir de modèle aux vivants était importante. Les Nzema pratiquaient le culte de l’âme (Ekala).l’un des aspects de ce culte consistait à purifier l’âme. Ce rite est appelé Ekala Ebialè (Laver l’âme).

Conformément à son jour de naissance, la personne se rendait dans un cours d’eau pour prendre un bain matinal, mais avant il rencontrait ceux avec qui elle avait eu des malentendus et des palabres pour aplanir les différends. Ensuite, elle invitait ceux-ci et des membres de son entourage à prendre un repas. Quand une personne était agonisante, on ne l’appelait plus que par son prénom de jour de naissance. C’est le rite du Kelada. Les Nzema pensaient ainsi la retenir dans le monde des vivants et lui éviter de mourir pour aller dans le séjour des morts (Ebôlô).

Les Nzema croyaient en la transmigration des âmes d’où l’observance du rite de l’Evèha qui veut que les trois premiers enfants d’une même mère n’aient pas droit à des funérailles (Ezène) afin qu’ils puissent se réincarner plus vite dans le monde des vivants. Ceux qui ont mené une vie digne sur terre sont vénérés comme ancêtres (Nana). Ceux qui ont mené une vie mauvaise ou qui sont morts de mort violente, n’ont pas ce privilège. Les décédés par mort violente sont appelés Womenle Buamenle/

Etôfoô. Les Nzema estiment que le cours de leur vie tel que prévu par l’Etre Suprême a été brusquement interrompu et n’et pas arrivé à son terme. Ils doivent se réincarner pour achever leur destinée5.

Les Nzema percevaient l’enfant qui n’est pas né à la suite de trois menstrues successives de sa mère comme un enfant ayant une âme mauvaise. Il est appelé Amou. L’enfant né dixième dans l’ordre de naissance (Boulou) est perçu de la même manière. De même que le cinquième enfant dans l’ordre de naissance (Anlounli) ainsi

5 Pour toutes ces informations, nos informateurs sont Maame Bôlô Nyamkè. Prêtresse traditionnelle (Komenle) Assoué (Sous-préfecture de Tiapoum. Côte d’Ivoire) 11/08/1999. Egya Echimane Koffi. Prêtre traditionnel (Komenle). Frambo (Sous-préfecture de Tiapoum. Côte d’Ivoire)15/08/1999. Voir aussi F. K.

Eboyi ANZA. Benlea Maamela. Bureau of Ghana Languages. Accra 1979. 63p.

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que le troisième enfant dans l’ordre de naissance dont le sexe est différent de celui de ces deux sœurs aînées ou de ses deux frères aînés. Un tel enfant est appelé Kyindô. Tous les enfants perçus comme ayant une âme mauvaise étaient soumis à des rites d’exorcisme. Parfois ils étaient éliminés.

En revanche, le huitième enfant dans l’ordre de naissance, le neuvième et les jumeaux sont appelés Nyangonle Malè, c’est-à-dire les enfants qui portent la marque de Dieu. Le maître d’œuvre des rites était le prêtre traditionnel (Komenle). Les Nzema croyaient que chaque personne avait une force vitale (Moha) qui est liée à l’esprit reçu de son père. Le totem (Kibadiè) vient de l’esprit paternel. Le totémisme est donc principalement lié aux esprits ou aux génies que l’on vénère en ligne patrilinéaire (Be ze anzi Bozonle). Les Nzema croyaient que chaque individu est habité par un esprit (susumi) qu’il reçoit de l’Etre Suprême au moment de sa naissance, tout comme il reçoit de lui l’âme (Ekala).

Les sorciers malfaisants mangeurs de la force vitale des gens et que l’on appelle Ayène étaient très redoutés par les Nzema. Un aspect du culte des ancêtres consis- tait à vénérer les objets qu’ils ont laissé comme les sièges, les reliques, le paquet contenant tout l’appareillage pour l’usage de la poudre d’or, monnaie par excellence des Akan, les figurines représentant des ancêtres ou des esprits divers. C’est cela les fétiches (Amonle) qui sont donc des objets spiritualisés, témoins des esprits. Ces objets sont parfois des statuettes représentant l’époux de l’au-délà (Ebôlô Hegnan) ou l’épouse de l’au-délà (Ebôlô Halè).

Les Nzema croyaient que l’enfant qui nait pouvait venir de l’au-délà avec des fétiches comme l’Asohoun, l’Anhouman ou l’Akidjiamo. L’Asohoun est un esprit, un fétiche représenté par une statuette en argile. On lui consacre un rite une fois l’an.

L’Anhouman ne reçoit pas de sacrifice, mais avec du beurre de karité, du tabac et du miel, un herboriste-guérisseur versé dans la science occulte que les Nzema nomment Nisinli/Nisivolè confectionne un talisman appelé Anhouman Amonle qu’il met au cou de l’enfant. Dès cet instant, cet enfant ne doit plus consommer de la sauce graine et de l’huile de palme mardi (Djôkè). Devenu adulte, il doit s’abstenir de tout rapport sexuel ce jour là6. Le Nisinli connaissait l’art divinatoire qu’il pratiquait, en faisant usage d’un objet fait de lanières en cuir incrusté de figurines. Cet objet de divination est appelé Adounyi par les Nzema.

En temps de guerre ou quand un malheur survenait, les femmes Nzema chan- taient, demandaient le secours de l’Etre Suprême, de la mère-terre, des ancêtres, des génies, des esprits pour que les hommes reviennent sains et saufs des combats.

Ce rituel d’exorcisme fait par les femmes pour briser le désastre, annihiler le danger imminent est appelé Adjane. Elles usaient de la parole pour maudire leurs ennemis.

C’est dire que les Nzema croyaient en la puissance de la parole qui à leurs yeux est agissante pour bénir (Bô mpaye) ou pour maudire (Bô Sansan/wa amonle). D’où l’usage constant des libations (Goua nzan azè) pendant les rituels.

Les Nzema croyaient que le sang des menstrues souillait les choses sacrées.

Aussi en période de menstrues, les femmes nzema se retiraient à l’arrière de la

6 L. Vinigi GROTTANELLI “Pre-existence and survival in Nzema beliefs“. Reprinted from MAN 1961 January. pp.1-5,p.3.

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toutes les créatures étaient dotées d’un pouvoir de parade spirituel. Aussi avaient-ils un profond respect de la nature qui pour eux est un être vivant .Ils faisaient donc des libations à l’esprit de la mère-terre avant de procéder à tout enterrement.

Pour les Nzema, l’on n’ôte pas la vie d’une créature la plus petite soit-elle pour rien. L’on ôte la vie d’une créature animale, végétale, minérale pour que l’être humain vive. Pour les Nzema, l’on donne la mort pour que la vie humaine se perpétue. Toute créature a en elle une âme (Ekala) et un esprit (Susumi) est donc digne de respect et sa vie doit être respectée. Les Nzema croyaient en l’existence du double totémique.

L’animal, le végétal ou le minéral totémique était perçu comme un prolongement de la personne humaine dans ces règnes là.

Les Nzema croyaient en l’existence d’esprit appelés communément génies et qu’ils nomment Bozonle (singulier)/Mozonle (pluriel). Ces esprits disent les Nzema appartiennent à différents univers comme l’eau, le feu, la terre, l’air, le monde végé- tal, minéral etc. Les génies qui sont de feu sont appelés Manlamanlakè8. Tous les cours d’eaux portaient les noms des génies qui les peuplaient. Les trois plus grands génies dans le pays nzema étaient l’Amanzoule, le Tanoè et le Siane connu aussi sous le nom Ankobra. Ce sont des fleuves. Les génies qui étaient des gnomes étaient appelés Motia par les Nzema. Bref cet univers des génies (Mozonle) était très vaste.

Ce sont les génies qui amenaient les Komenle à exécuter la danse de possession appelée Ahone au cours de laquelle, exorcismes, divinations, libations, révélations de plantes médicinales et divers rites étaient pratiqués. Le Komenle était l’acteur principal de la religion traditionnelle des Nzema.

L’introduction de la doctrine et de la foi chrétienne va provoquer en pays Nzema l’apparition de rites syncrétique dont l’acteur principal sera un personnage nouveau appelé Esôfo.

II- LA NAISSANCE DE RITES SYNCRETIQUES EN PAYS NZEMA APRES LA PREDICATION DU PROPHETE WILLIAM WADE HARRIS.

Le christianisme, bien qu’il apparaît sur les côtes du Nzema avec l’arrivée des Européens travaillant pour les compagnies commerciales dès le XVème siècle demeu- rera sans impact réel sur le pays. C’est avec l’action de William Wade Harris que le christianisme va réellement commencer à s’implanter en pays nzema. C’est après sa prédication que naîtra en pays nzema des syncrétismes à savoir des rites chrétiens mêlées de pratiques issues de croyances traditionnelles.

Les Nzema donnent deux noms à William Wadé Harris. Tantôt ils l’appellent Latagbo, tantôt ils l’appellent Wawakye9. Les traditions affirment que William Wadé Harris est arrivé en pays nzema un an avant le déclenchement de la première guerre

7 Kwesi P.A. ABOAGYE. Sukoa nzema maamela ne. Bureau of Ghana languages, Accra 1967. 34p. p.21.

8 J. Amihere ESSUAH. Mekakye bie I Printed and published by catholic Mission Press. Cape Coast.

1958. 136p.

9 J. Amihere ESSUAH. Mekakye Bie II Printed and published by catholic Mission press. Cape Coast 1969. 192p. p.59 et suivante.

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mondiale soit en 1913. Cette guerre, les Nzema l’appellent Kaizer Konle10. Il était accompagné par deux jeunes nzema qui lui servaient de traducteurs. Ces derniers comprenaient et parlaient la langue de William Wadé Harris. Cette langue, les Nzema la nomment Mgbôkèlè. C’est le parler des Kroumen/Krao.

William Wade Harris délivre le message de l’évangile de Jésus-Christ et invite les Nzema à jeter leurs fétiches à se détourner de leurs croyances et pratiques religieuses ancestrales. Puis il s’est mis à baptiser les premiers qui ont accepté son message11. Au début, son message semblait ne pas avoir d’impact mais quand il est arrivé à Bôlôfo (Axim), une folle rumeur a parcouru tout le pays Nzema disant que les baptisés étaient prémunis des mauvais sorts et des actions négatives pouvant venir des génies ou des esprits.

Les Nzema ont alors massivement rejoints William Wadé Harris à Axim pour se faire baptiser. Ceux qui se feront baptiser, seront encore plus nombreux quand sur le chemin du retour il traversa à nouveau le pays. De Sanwoma à l’Est à Assinie (Manvea) à l’Ouest, les Nzema ont accouru pour se faire baptiser par William Wade Harris. Quand ce dernier s’en retrouvait chez lui au Libéria, il a recommandé aux baptisés de fréquenter les églises présentent sur le territoire à savoir l’église Catho- lique Romaine, l’église Wesleyenne et l’église Anglican12.

Cependant, certains baptisés vont créer des églises à fort relan syncrétiste que les Nzema nomment Nakaba Asône. Elles utilisent comme instrument de musique pour louer Dieu des calebasses de végétal cerclées de perles appelées Awa. Elles utilisent aussi comme instrument de musique des clochettes en métal appelées Elawoulé en langue nzema. Certains cantiques que l’on chante dans ces églises sont en Mgbôkèlè la langue du prophète William Wadé Harris. L’un de ces cantiques dit : « Gila Wouwio, Wouwio, Gila Wouwio, Wouwio… ». Cependant, les adeptes le chantent sans en connaître le sens. Ils disent simplement que c’est un cantique que chantait William Wadé Harris lui-même13.

Un autre cantique dit : « Gyio Gyio Wara, Gyio Gyio wara assouan naka Gyio Gyio wara…14 ». Ce cantique dont le sens est aussi ignoré de mes informateurs doit à notre avis avoir un lien avec le nom divin Jehova que les fidèles de Nakaba asône ont déformé en Gyio wara. Ces églises syncrétiques ou Nakaba Asône en pays nzema sont autocéphales et sont chacune dirigées par un acteur principal appelé Esôfo. Les termes Esôfo et Asône (Eglise) ont la même racine à savoir le mot sô qui littéralement signifie allumer et aussi baptiser. En effet, baptiser, se dit sône. Asône (Eglise) est donc le lieu où l’on baptise, et l’Esôfo est celui qui baptise. Fô étant un suffixe désignatif en langue nzema.

Comme on le voit, ce que les fidèles de ces églises syncrétiques ont retenu prin- cipalement de la prédication de William Wadé Harris est le baptême. Ces églises en pays nzema ressemblent fort à l’église Harris telle qu’elle existe en Côte d’Ivoire. Au demeurant, les Nakaba Asone tout comme l’église Harris se réclament du prophète

10 Ibidem p.60.

11 Ibidem p.61.

12 Ibidem p.62 ;63.

13 Esôfo Nyamkè Henya. Moame (Commune de Bonoua. Côte d’Ivoire) 12/09/1999. Son adjointe Esôfo Nyamkè Halè.

14 Ibidem

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abondamment usage de l’eau comme moyen de purification mais aussi comme moyen thérapeutique.

Le prêtre qui donc officie à la tête de chaque Nakaba Asone est l’Esôfo. Dans la cour de l’église, il y a une sorte d’enclos avec sur son sol du sable blanc, très fin, avec au centre une bouteille enfoncée dans la terre avec l’ouverture tournée vers le ciel pour recueillir l’eau de pluie, Nyangonzule autrement dit l’eau de Dieu. Ce lieu est tenu dans une propreté impeccable et l’esprit qui est censé avoir pour réceptacle cette bouteille est appelé Dépiti. Il est présenté comme un ange15.

A propos du nom de cet esprit présenté comme un ange, nos informateurs n’ont pu nous dire grande chose se contentant d’affirmer qu’il s’agit d’un ange de Dieu.

Mais nous pensons qu’il peut provenir de l’anglais Deputy qui signifie délégué, sup- pléant16. Cet esprit présenté comme un ange est celui qui est souvent invoqué par l’Esôfo. C’est lui qui est censé dynamiser ou bénir l’eau qui sert à la purification des fidèles, tout comme l’eau que l’Esôfo utilise pour la guérison des malades ou pour faire la divination.

Dans le sanctuaire où est placée la bouteille qui symbolise la présence de Dépiti, il y a une grande croix peinte en blanc qui symbolise la présence de Jésus-Christ.

L’Esôfo utilise l’eau pour faire des libations alors que dans les rites traditionnels, c’est l’alcool qui était fait usage. Au moment de faire la divination, l’Esôfo s’assoit sur un tabouret blanc, ce qui n’est pas sans rappeler celui du Komenle, invoque Dépiti puis entre en transe en regardant l’eau dans un récipient peint aussi en blanc pour délivrer son oracle.

Dans le Nakaba Asone, l’Esôfo tout comme les fidèles utilisent beaucoup le par- fum et les poudres de toilette qu’ils mêlent parfois à l’eau du bain sur laquelle ils ont préalablement prié. Ce rite disent-ils sert à éloigner les mauvais esprits et à attirer la bienveillance de Dieu. A côté de ces rites multiples dont l’élément principal est l’eau, ces églises syncrétiques utilisent la Bible, les cierges et la croix quand elles célèbrent le culte. Certains Esôfo utilisent la Bible traduite en langue nzema ou en langue fanti (peuple Akan vivant dans la région côtière centrale du Ghana).

Bref, dans les églises Nakaba Asone, le personnage principal est l’Esôfo et celles-ci sont nées d’une intériorisation, voire d’une adaptation particulière que les Nzema ont fait du christianisme après la prédication du prophète William Wadé Harris.

CONCLUSION

Les Nzema avant de rencontrer le christianisme, ont pratiqué une religion qui croyait en l’existence d’un Etre Suprême et qui avait des rites multiples dédiés à la mère-terre, aux génies, à des esprits divers, aux mânes des ancêtres, aux défunts, aux fétiches etc. le personnage principal et officiant de cette religion traditionnelle était le Komenle prêtre-médium qui exécutait la danse de possession sous l’emprise

15 Esôfo Nyonhan Akouba. Quartier Divo de la commune de Koumassi (Abidjan, Côte d’Ivoire) 15/09/1999.

Esôfo Nyamkè Henya. Op. cit.

16 LAROUSSE. Français Anglais. English French. Sous la direction de Marguerite M. DUBOIS. 17 Rue du Montparnasse 75298 Paris CEDEX 06. P.188.

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des esprits pour faire de la divination, révéler des remèdes pour soigner les malades et exorciser le mauvais sort.

Après la prédication du prophète William Wadé Harris en 1913, le pays nzema verra apparaître des églises syncrétiques appelées Nakaba Asone dont le prêtre et l’officiant principal sera un personnage appelé Esôfo. La dimension divination, guéri- son des malades et exorcisme du mauvais sort sera pris en compte dans ces églises syncrétiques. C’était trois préoccupations majeures dans la vie sociale et spirituelle des Nzema. Tout comme les rites traditionnels répondaient à celles-ci, les rites du christianisme syncrétique née en pays nzema y répondront également.

BIBLIOGRAPHIE SOURCES

LE SAINT CORAN et la traduction en langue française du sens de ses versets. Révisé et édité par la Présidence Générale des Directions des Recherches Scientifiques Islamiques de l’IFA, de la Prédication et de l’Orientation Religieuse.

SOURCES ORALES

Maame Bôlô NYAMKE. Prêtresse traditionnelle (Komenle) Assoué (Sous-préfecture (S/P)) de Tia- poum (Côte d’Ivoire) 11/08/1999.

Egya Echimane KOFFI. Prêtre traditionnel (Komenle) Frambo (S/P de Tiapoum. Côte d’Ivoire) 15/08/1999.

Esôfo Nyamkè HENYA. Moame (Commune de Bonoua. Côte d’Ivoire) 12/09/1999. Esôfo Nyamkè HALE. Moame Esôfo Nyonhan AKOUBA. Quartier Divo de la commune de Koumassi. Abidjan.

Côte d’Ivoire.

SOURCES IMPRIMEES

ABOAGYE (Kwesi P.A.) Sukoa nzema maamela ne Bureau of Ghana languages, Accra 1967. 34p.

ANZA (Eboyi F.K.) Benlea Maamela. Bureau of Ghana Languages, Accra 1979. 63 p.

ESSUAH (J. Amihere) Mekakye Bie I. Printed and published by Catholic Mission Press. Cape Coast 1958. 136p.

IDEM. Mekakye Bie II. Printed and published by Catholic Mission Press. Cape Coast 1959. 192p.

OUVRAGE DE REFERENCE

DICTIONNAIRE LAROUSSE. Français Anglais. English French sous la direction de Marguerite M.

DUBOIS Paris CEDEX 06.

ARTICLES

DUCHESNE (Véronique) « Le Bossonisme ou comment être moderne et la religion africaine » Présence Africaine 161/162. 2000. Pp.299-314.

GROTTANELLI (L. Vinigi) « Pre-existence and survival in nzema beliefs ». Reprinted from MAN 1961 January pp.1-5.

PERROT (Claude-Hélène) “Du visible à l’invisible: les supports du pouvoir en pays Akan (Afrique de l’Ouest) Présence Africaine n° 161/162. 2000

IDEM « Religions africaines, religion du terroir : hier et aujourd’hui »Historiens-Géographes. Dossier Afrique Subsaharienne 367. 1999 pp.175-192.

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