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RÉSUMÉ LA CAUSALITÉ DE LA PRÉCARITÉ ET LA DÉVALORISATION DE LA FEMME ZOLIENNE DANS «AU BONHEUR DES DAMES», «L ASSOMMOIR» ET «GERMINAL»

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Texte intégral

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RÉSUMÉ

LA CAUSALITÉ DE LA PRÉCARITÉ ET LA DÉVALORISATION DE LA FEMME ZOLIENNE DANS « AU BONHEUR DES DAMES »,

« L’ASSOMMOIR » ET « GERMINAL » Theodore Sikubwabo, M.A.

Littératures & Langues Étrangères Northern Illinois University, 2015

Dr. Matthew Smith, Directeur

Ce mémoire de recherche met l’accent sur la situation précaire et la dévalorisation de la femme zolienne typiquement sous l’angle réaliste d’une classe ouvrière longtemps ignorée ou mal représentée dans la littérature française du XIXe siècle. Est-elle victime de cette société

patriarcale misogyne ou responsable de sa décadence et seule de la société dans laquelle elle vit? La méthode d’observation, d’enquête et de sa vie personnelle est à l’origine du succès de Zola qui peint un portrait exact de cette classe dans les trois œuvres : Au Bonheur des Dames, L’Assommoir et Germinal afin de trouver une solution à sa décadence et influence le choix d’analyser le sort de la femme dans ces romans de la série Rougon-Macquart.

DESCRIPTEURS

Précarité et dévalorisation féminine, impulsivité, sensualité, indulgence, environnement, dégradation physique et psychique, femme objet, beauté, misogyne.

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LA CAUSALITÉ DE LA PRÉCARITÉ ET LA DÉVALORISATION DE LA FEMME ZOLIENNE DANS « AU BONHEUR DES DAMES »,

« L’ASSOMMOIR » ET « GERMINAL » Theodore Sikubwabo, M.A.

Foreign Languages & Literatures Northern Illinois University, 2015

Dr. Matthew Smith, Directeur

This research paper focuses on the precarious and devalued status of women in Zola’s works whose realistic perspective is modeled on that of a working class long ignored or misrepresented in French literature of the nineteenth century. Are women victim of a misogynistic patriarchal society or responsible for their marginalization and solitude society in which they live? Zola’s method of observation and investigation as well as experiences from his personal life account for his success and paints an accurate picture of the working class in Au Bonheur des Dames, L’Assommoir and Germinal to find a solution to its decadence and influences the choice to analyze the fate of women in these novels of the Rougon- Macquart series.

KEYWORDS

Women precariousness and devaluation, impulsivity, sensuality, indulgence, environment, physical and mental degradation, object woman, beauty, misogynistic

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NORTHERN ILLINOIS UNIVERSITY DE KALB, ILLINOIS

MAY 2016

LA CAUSALITÉ DE LA PRÉCARITÉ ET LA DÉVALORISATION DE LA FEMME ZOLIENNE DANS « AU BONHEUR DES DAMES »,

« L’ASSOMMOIR » ET « GERMINAL »

BY

THEODORE SIKUBWABO 2015 © Theodore Sikubwabo

A THESIS SUBMITTED TO THE GRADUATE SCHOOL IN PARTIAL FULFILLMENT OF THE REQUIREMENTS

FOR THE DEGREE MASTER OF ARTS

DEPARTMENT OF FOREIGN LANGUAGES AND LITERATURES

Thesis Director:

Dr. Matthew Smith

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REMERCIEMENTS

Je remercie d’abord mon directeur de recherche, Dr. Matthew Smith, pour son aide à la réalisation de ce mémoire. Je témoigne également ma gratitude au directeur adjoint, Dr.

Christopher Nissen, qui m’a toujours fourni des informations nécessaires pour accomplir ce projet de recherche à temps sans oublier Dr. Shannon Becker pour ses conseils et son aide à l’élaboration de ce projet. Je remercie enfin Carolyn L. Law pour son assistance au format final du projet.

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DEDICATION

À ma famille bien- aimée, Delphine, Benilde et Antoinette

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LIST OF FIGURES vii

INTRODUCTION 1

1. Présentation du sujet 1

2. Description du spicilège 3

Chap. I. AU BONHEUR DES DAMES 11

1.1 Définition 11

1.2. La Précarité de la femme zolienne 11

1.2.1. Les Causalités de la précarité de la femme zolienne 12

1.2.1.1. Précocité de la responsabilité maternelle 12

1.2.1.2. Qualification 13

1.2.1.3. Environnement du travail 16

1.2.1.4. Hostilités intercomis 17

1.2.1.5. Fluctuation des affaires 18

1.2.1.6. Invincibilité du progrès : concurrence des Bazars 19

1.2.2. Conséquence de la précarité de la femme zolienne 20

1.2.2.1. Impulsivité contre conduite raisonnable 20

1.2.2.2. Hostilités des commis 23

1.2.2.3. La déchéance sociale 23

1.2.2.4. Dégradation physique et financière 25

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1.3. La dévalorisation de la femme zolienne 28

1.3.1. Exploitation des sentiments féminins 28

1.3.2. Une femme, objet de satisfaction sexuelle ou bien de consommation 29

Chapitre Page

Chap. II. L’ASSOMMOIR 31

2.1. Bref aperçu 31

2.2. La causalité de la précarité de la femme zolienne 32

2.2.1. Indulgence et lâcheté 33

2.2.2. Dis-mois qui tu hantes ! 35

2.3. La dévalorisation de la femme zolienne 36

Chap. III. GERMINAL 40

3.1. Bref aperçu 40

3.2. La causalité de la précarité féminine 41

3.2.1. L’industrialisation 41

3.2.2. Fécondité abondante et pauvreté 44

3.2.3. Étroitesse spatiale et sexualité libre 54

3.3. La dévalorisation féminine 56

3.3.1. Amour étrange 57

3.3.2. Exemplarité parentale 58

3.3.3. Auto dévaluation 59

3.3.4. Femme, objet d’échange 60

v

(8)

CONCLUSION 62

REFERENCES 63

(9)

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Illustration

1. 5

2. 47

Les Rougeon-Macquart : L’illustration de Zola ...

Illustration de Sophie Jacopin présentée par Martine Lochouarn ...

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INTRODUCTION 1. Présentation du sujet

« Liberté, égalité, fraternité » telle était la devise de la Révolution française au XVIIIe siècle et adoptée par la Deuxième République en 1848, comprise majoritairement de la classe opprimée, promettant une amélioration socio-économique et politique sur toute l’étendue de la France. Le choix lexical incitatif rassemble une masse populaire convaincue de l’action noble pourtant utopique des représentants ; car comme signalent les doutes de Souvarine, cette rhétorique n’est qu’une pure description de la réalité sociale au lendemain de cette même révolution :

«… n’était-il pas à craindre que le monde nouveau ne repoussât gâté lentement des mêmes injustices, les uns malades et les autres gaillards, les uns plus adroits, plus intelligents, s’engraissant de tout, et les autres imbéciles et paresseux, redevenant des esclaves ? »(Zola 428)

Il ne serait pas complétement vrai d’affirmer que la Révolution française n’a amené aucune amélioration aux conditions sociales du bas peuple que les classes supérieures (le clergé et l’aristocratie) lui ont longtemps refusé, mais le fruit de cette devise est dénoué de son sens étymologique. Selon le dictionnaire français le Petit Larousse, la liberté consiste à un « état de quelqu’un qui n’est pas soumis à un maître ». Quant à l’égalité, c’est une « absence de toute discrimination entre les êtres humains sur le plan de leur droits (politique, civile, sociale) » alors que la fraternité participent au même consiste au « lien qui existe entre les personnes appartenant à la même organisation, qui au même idéal ». Malheureusement, la dépendance individuelle et sociale change pour créer une autre dépendance d’une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie.

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2 Suite à la Révolution française et l’essor du capitalisme industriel en France au XIXe siècle, l’affaiblissement de l’influence politico-économique et sociale de l’aristocratie et du clergé s’avère l’origine de la prolétarisation et de la bourgeoisie libérale et réformatrice, classe sociale désormais dominante et promoteur du développement industriel. Cette classe dominante qu’est la bourgeoisie est maître incontesté des usines, des banques et occupe des postes importants au sein du gouvernement et leurs moyens financiers les élèvent au même niveau social que le clergé ou l’aristocratie. Ne dépendant généralement qu’à la noblesse à la veille de la Révolution française, propriétaire agraire et vivant du travail champêtre ou domestique, les paysans se retrouvent encore ouvriers de la bourgeoisie et dans des conditions dures pour un salaire maigre.

En plus du danger que ces ouvriers encourent au travail, ils sont cibles des maladies dues au manque d’hygiène soit au lieu de travail ou soit au logement insoluble.

De tous les membres de la société française de la veille ou du lendemain de la Révolution, les femmes n’ont remarqué qu’une évolution spatiale relative et non- négligeable suite aux demandes accrues de la main d’œuvre dû au développement industriel malgré l’unanimité masculine qui insiste que sa place est à la maison où elle s’occupe du mari et de l’éducation des enfants, spécialement des filles et gère les affaires du foyer . Nonobstant le travail traditionnel de la femme agricultrice qui est de «semer, sarcler, arroser le potager; nourrir les poules et ramasser les œufs; cueillir les petits fruits; traire les vaches, fabriquer le beurre et le fromage; battre le lin;

filer le lin et la laine; tisser; piquer les courtepointes; préparer les marinades et les confitures;

saler la viande; coudre, repriser, tricoter; cuire le pain; préparer les repas, laver la vaisselle;

entretenir le feu; fabriquer le savon et les chandelles; nettoyer les lampes et faire la lessive », Catherine Omnès trouve que «l’activité féminine progresse alors sans bouleverser les rapports

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entre les hommes et les femmes dans la société et dans la famille… »1. Cependant, la révolution industrielle a eu pour conséquence de déplacer les lieux du travail : manufactures, fabriques, usines, magasins, bureaux où les hommes et les femmes exercent ces métiers loin de leur domicile et y retourner, louer ou vivre dans des appartements que les employeurs leur prévoient, conséquemment interférer avec l’activité familiale et créer un manque de respectabilité de la ménagère traditionnelle. La décadence de l’industrie agraire traditionnelle et le développement industriel partagent la responsabilité de la prolétarisation en général et de la vie précaire de la femme en particulier d’où l’intérêt particulier à analyser sa situation dans les œuvres d’Emile Zola. À part ces occupations agraires, la femme devient aussi blanchisseuse, couturière, cuisinière, lessiveuse, marchande de quatre saisons, ménagère, ouvrière, porteuse d’eau, repasseuse, tailleuse de verres, et elle envahit les mines et devient même fonctionnaire.

2. Description du spicilège

Le corpus littéraire met spécialement l’accent sur les romans d’Emile Zola comme écrivain incontestable et renommé du naturalisme français au XIXe siècle. Se basant personnellement sur des « observations scrupuleuses »(Larousse) pour créer une littérature d’ « une objectivité parfaite », les œuvres zoliennes constituent une illumination de la représentation de la réalité socio-économique et politique féminine au XIXe siècle en France. Nicklas Bender trouve que le naturalisme zolien dans les Rougon Macquart contribue à produire l’évolution physiologique et sociale de l’homme suite à ses dispositions innées ou héréditaires, son environnement et son période historique (Becker14). Zola décrit les groupes sociaux issus de la généalogie de la famille souche des Rougon, reliant à une condition physiologique, à une profession et à un

1 Catherine Omnès : Professeur en histoire à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, France.

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4 environnement pendant une période historique précise. Bien qu’il se soit inspiré d’eux, le style littéraire zolien marque la différenciation entre le réalisme de Balzac, de Flaubert et de Goncourt qui, selon Becker qui cite l’argument de Zola lui-même, « a peu de sympathie […] pour les histoires de convention, pour ces contes romanesques […] aime les récits âpres et vrais qui fouillent hardiment en pleine nature humaine »(14). L’admiration de Zola à la curiosité physiologique balzacienne le pousse à ajouter aussi l’étude des « questions de sang et de milieu » d’une famille qui se ramifie dans toutes les classes sociales du second Empire dans la série des Rougon-Macquart. Ainsi schématise-t-il la série pour exposer minutieusement la transmission des défectuosités héréditaires de « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire ».

Tableau 1. Les Rougeon-Macquart : L’illustration de Zola

L’aspiration de Zola de créer un autre style littéraire coïncide avec l’opposition des Impressionnistes contre la pratique des artistes classiques du XIXe siècle qui composent la nature en atelier, mais comme l’indique Véronique Burnod, la Conservatrice en Chef du Musée

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de Cambrai, aux « peintres de l’école de Barbizon qui s’attachent à représenter le plus fidèlement la nature, ils conservent une vision sentimentale et mystique de celle-ci ». Comme chez Zola, leurs peintures sont « un témoignage sociologique sur les conditions des hommes ou tout simplement un regard impassible et vrai sur le visible »et « resserrent leur enquête sur le réel, accordant une attention toute particulière à la lumière et au mouvement » (4)1. Comme leur présence dans la nature est indispensable pour capter les effets fugitifs de la lumière, ainsi Zola se rend-il sur terrain pour observer, enquêter et s’instruire afin de faire un rapport à la fois naturel et romanesque. Cette méthodologie zolienne influence le choix de l’analyse de ses œuvres.

Le spicilège zolien sur lequel cette analyse se concentrera est une partie de la série des Rougon- Macquart à savoir Au Bonheur des Dames, L’Assommoir et Germinal. Le premier met en conflit le traditionalisme et le modernisme commercial face au progrès industriel tout en dénonçant l’esprit égocentrique de la bourgeoisie traitant inhumainement les ouvriers sous la complicité du pouvoir politique du Second Empire. D’un côté, Monsieur Baudu, oncle de Denise Baudu et propriétaire du Vieil Elbeuf, Bourras, vendeur des parapluies et Goujean, fabriquant de soie à Paris sont contre la concurrence sans scrupule et l’extension frénétique du grand magasin qui engloutit tout ce qui est sur son chemin. De l’autre, Octave Mouret, propriétaire du magasin, et son adjoint, Bourdoncle, ambitieux n’arrêtent devant rien pour agrandir sa superficie et la diversification des marchandises et pour rester maître de ce commerce moderne. Denise Baudou et Mme Henriette Desforges se montrent alliées au modernisme commercial. La première

1 Véronique Burnod en collaboration avec d’autres membres de la direction du Musée de Cambrai (France) ont présenté un dossier pédagogique sur le regard de l’artiste du XIX e siècle sur le monde rural.

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6 explique ses techniques et ses avantages aux vieux commerçants, son oncle et Bourras, et est accusée de s’allier au propriétaire de la « machine » qui engloutirait leurs magasins. Ces vieux commerçants ignorent l’humiliation qu’elle y subit, en persévérant pour l’amour de ses frères. La seconde, malgré son antagonisme dû à la jalousie à la fin du roman, organise la rencontre de Mouret et de Hartmann afin de trouver des finances pour agrandir le grand magasin. Les ouvriers, bien qu’il n’y ait aucune considération de leur contribution quant à la gestion du magasin, ils acceptent de placer une partie de leur salaire misérable. Le tableau descriptif de la représentation de la diversité des classes de la société française à la suite de la Révolution dans Au Bonheur des Dames constitue un corpus considérablement important pour la réalisation d’une riche analyse.

Le choix du second roman est dû au partage du milieu parisien avec le premier et qui peint un tableau de la déchéance d’un ménage d’ouvriers sous l’influence d’un milieu des cabarets. Vu que Zola a côtoyé les ouvriers du quartier latin ou du Mouffetard à Paris où il vivait avec sa mère après la mort de son père, Becker considère que la réalisation de L’Assommoir reflète l’expérience personnelle du naturaliste. L’écrivain a lui-même connu le froid, la faim et le Mont- de-piété. D’origine d’Aix-en-Provence (Plassans) comme Zola, Auguste Lantier, Gervaise Macquart et leurs fils Claude et Etienne s’installent à Paris où Etienne abandonne Gervaise et les enfants à leur sort tout en emportant la maigre économie du Mont-de-piété1 qui leur reste.

Courageuse et remplie de tendresse pour abandonner des enfants, Gervaise s’embauche comme blanchisseuse. Sa beauté et son attitude positive à la vie gagne le zingueur Coupeau qui l’épouse.

1 Organisation de charité fondée au XVIIe siècle et qui consiste au prêt sur gage en échange d’une somme d’argent.

On donne en garantie un objet de valeur et si on ne peut pas rembourser, on perd l’objet qui est vendu en jachère.

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Leur travail assidu leur permet d’acquérir une boutique de blanchisserie. Cependant, toutes les économies du ménage s’envolent suite à la chute du toit qui laisse la jambe de Coupeau cassée.

La peur de monter sur le toit hante ce dernier qui sombre dans l’ivrognerie et la brutalité.

Gervaise ne parvenant pas à payer le loyer, Goujet, un forgeron voisin qui l’aime chastement, continue de lui prêter de l’argent malgré la mise en garde de la mère de celui-ci et la prédiction qu’il est impossible de le rembourser. L’apparition de Lantier soutenu par Coupeau s’installe chez eux sans payer sa pension et perturbe la vie paisible, déjà gourmande et paresseuse de Gervaise. Les deux hommes engouffrent la boutique. « Copeau meurt à l’hôpital psychiatrique de Saint-Anne des crises de delirium tremens auxquelles assiste » (Becker, 36). Expulsée à maintes reprises de sa chambre suite au manque de moyens, Gervaise vit dans une niche sous un escalier, ne pense qu’à l’alcool et se livre à la mendicité et à la prostitution. Leur fille Anna ou Nana qui portera le titre d’un autre livre de Zola fuit la vie abominable de ses parents pour devenir la « mangeuse d’hommes ». De cette famille, Zola donne la voix au peuple en général et aux ouvriers en particulier pour dénoncer leur faim de justice et du pain. Il écrit « un roman sur le peuple […] (36) qui ait l’odeur du peuple » qu’il respire quotidiennement.

La spécialité du troisième roman réside dans la continuation du personnage d’Etienne Lantier du second roman et surtout dans la particularité du travail des femmes dans les mines, une carrière féminine jadis inexistante, mais nouvelle suite au progrès industriel. Difficile aux hommes, on s’imagine les conditions de la femme dans de tel endroit et spécialement dans les corons où les familles des mineurs s’entassent dans des maisons juxtaposées aux minces mures qui exposent l’intimité des parents et des voisins surtout aux enfants (qui est d’ailleurs une des causes de la promiscuité de la jeunesse). Le centre de gravité de Germinal est la misère et le

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8 travail dans les mines où le lecteur apprend ce métier avec le héros Etienne Lantier. Le roman met en opposition les miniers et les directeurs et les actionnaires ; la bourgeoisie soutenue par le pouvoir politique et le prolétariat. Les conditions de travail et le salaire sont extrêmement misérables qu’ils déclenchent une grève qui coûte la vie aux grévistes, la destruction et la faillite à certains propriétaires. Le contraste physiologique et financier des membres des familles est tellement frappant qu’il inspire une analyse considérable. Les enfants des Maheu manquent de subsistance alimentaire alors que l’attractivité physique de la fille des Grégoire est notoire. Les tableaux descriptifs respectifs présentés dans ces différents romans constituent un outil énormément important pour l’analyse de multiples causes de la précarité et la dévalorisation de la femme zolienne.

Au Bonheur des Dames est le onzième volume de la série Rougon-Macquart d'Émile Zola racontant l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire et publié en 1883 et dont l'histoire est basée sur l’extension incessante et l’engloutissement des vieux magasins de nouveautés environnants, les marchandises saisonnières en prévenance des quatre coins du monde, les employés et les clientes de ce nouveau grand magasin. Le naturalisme de ce roman réside dans l’investigation que Zola effectue en interrogeant des anciennes vendeuses, des clientes du magasin Le Bon Marché, des ingénieurs, et les propriétaires eux-mêmes. Son héroïne, Denise, est une jeune normande qui est absorbée par l'étalage des marchandises de “Au Bonheur des Dames” sur son chemin chez son oncle Baudu avec l’espoir de trouver du travail. Après la mort de ses parents, elle arrive à Paris avec ses deux frères Pépé âgé de 5 ans et Jean de 15 ans.

Cependant, la petite boutique de tissus de Baudu est sévèrement concurrencée par Octave Mouret, le directeur du Bonheur des dames et ne peut plus l’engager ou subvenir à ses besoins et

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ceux de ses frères. Denise n’a autre choix que de chercher du travail dans ce magasin qui ruine son oncle. Les clientes de presque toutes les couches sociales de la société française se bousculent pour acheter des marchandises flattant, de mode et au bon marché alors que la bataille entre les commis s’enrage pour vendre plus ou déloger les collègues qui sont au-dessus de l'échelle pour prendre leur place. Une fois engagée, Denise fait face aux conditions de travail inhumaines et aux commérages des collègues qui la maltraitent. Malgré cet environnement hostile, sa compassion d'élever ses frères, sa vertu et sa détermination lui procurent le respect de ses collègues et l’amour d’Octave Mouret à qui elle approuve ses méthodes du nouveau commerce et qui désire éperdument de l’épouser à la fin du roman au détriment des autres maîtresses.

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Chapitre I Au Bonheur des Dames 1. La précarité de la femme zolienne

1.1. Définition

La précarité est une situation dans laquelle une personne ne bénéficie d’aucune stabilité financière lui permettant de se suffire. Elle vit une situation incertaine, provisoire, fragile. Parmi les employés d’Au Bonheur des Dames, il s'avère que la rémunération hebdomadaire est insuffisante pour quelques-uns à cause de leurs dépenses irrationnelles (frénésies d’achats) alors que les autres n’ont pas de revenus suffisants puisqu’ils s’occupent aussi des autres. Cette dernière situation est propre à Denise Baudu. La mort des parents qui ne lui ont laissé aucune ressource l’oblige à travailler pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses frères. Alors que les autres font recours aux autres ressources supplémentaires illicites ou immorales, Denise se contente de recoudre sa robe, de réparer ses chaussures, de trouver un autre travail de côté et d’économiser quand elle trouve du travail.

1.2.1. Les causalités de la précarité de la femme zolienne

La progression du roman Au Bonheur des Dames et la description des personnages de Zola révèlent les causes généralement partagées par les ouvrières alors que d’autres sont particulières pour certains personnages. La cause commune saisonnière est la baisse des ventes qui oblige que les employés soient renvoyés instantanément et d’une façon imprévisible alors que celles qui sont personnelles consistent au manque de retenu face aux responsabilités dépensières. Pour diminuer les frais, la direction rend « au pavé un bon tiers des commis, les faibles qui se laissaient manger par les forts » (Zola 213). Pendant l’été, les clients deviennent si rares que les ouvriers sont renvoyés massivement s’ils ne reçoivent pas les congés non payés.

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1.2.1.1. Précocité de la responsabilité maternelle

Bien que Denise Baudu ait vingt ans, Zola ne mentionne nulle part qu’elle a appris les différentes pratiques d'élever des enfants. Cependant, elle a vaillamment remplacé instinctivement sa mère en s’occupant de ses frères après la mort de son père et ce qu’elle gagnait ne suffisait pas pour les trois. Elle est donc obligée de travailler car selon Jean Claude Farcy «être jeune, à la campagne, c’est d’abord travailler : là est la différence essentielle avec la jeunesse bourgeoise. » Il n’y a pas de doute qu’elle n’a cessé de s’occuper d’eux même au vivant du père quand celui-ci voulait valoriser sa teinturerie qui lui a coûté toute son économie. Cet investissement lui a complètement ruiné malgré que l’oncle Baudu le lui ait déconseillé et ne lui est resté absolument rien à léguer à Denise et ses frères. La tendresse, la protection et le bien-être que sa mère leur témoignait lui sont transmis et Denise les exerce sur ses frères. Son éducation vertueuse lui a aussi procuré les bonnes qualités: le calme, la douceur, la miséricorde, qui lui ont permis de persévérer et enfin d’avoir la capacité de s’occuper de ses frères malgré le manque de moyens financiers. Que ce soit à Valognes ou à Paris, Denise Baudu travaille et s’occupe du reste de la famille avec le peu qu’elle gagne. La mort de sa mère lui impose des responsabilités auxquelles elle ne s’y attendait pas. Son adaptation ne va sans doute pas sans difficultés. Le fait de quitter son lieu natal représente un duel intérêt : l’exode rural et la protection de son frère contre son scandale amoureux. L’industrialisation du XIXème siècle en France a incité les gens à quitter les campagnes pour Paris à la recherche du travail ou à recouvrir la liberté totale. De même, l’insuffisance du salaire que Denise Baudu reçoit l’oblige à quitter son travail rural à la recherche d’un bon pâturage en ville tout en comptant d’abord sur son oncle Baudu suite à la promesse émotionnelle d’il y a un an de ce dernier qu’elle est bienvenue chez lui. Cependant, Denise

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12 ignorait que les affaires de son oncle s’aggravait à cause de la concurrence d’Au Bonheur des Dames. Cette décision de trouver un meilleur travail constitue un bon jugement et l’acceptation d’être responsable de ses frères lui présente l’opportunité de prouver son innocence et sa vertu aux yeux de Mouret et de certains de ses camarades de travail.

1.2.1.2. Qualifications (physique, l’habillement, beauté et expérience)

Selon le Dictionnaire le Robert, la beauté est un « caractère de ce qui fait éprouver une émotion esthétique, qui plaît à l'œil, qui fait naître un sentiment d'admiration ou de satisfaction ». Pour Denise Baudu, cet aspect esthétique, toujours considéré par les employés pour l’attraction de la clientèle, devient une première barrière pour obtenir du travail Au Bonheur des Dames. Bien qu’on soit mis en garde qu’il ne faut pas « juger le livre par son couverture », les gens se font une bonne ou mauvaise opinion souvent subjective sur leurs interlocuteurs en quelques minutes. La communication non-verbale entre autre le style vestimentaire, la manière de se tenir, la démarche et les expressions faciales impressionnent. La beauté ou son manque dirigerait la première

impression des client(e)s se présentant dans un lieu de business et leur déciderait d’acheter ou non. C’est pourquoi engager les employés qui plaisent à l’œil ou susceptibles à l’admiration est cruciale surtout dans les lieux où les femmes sont la clientèle primordiale comme Au Bonheur des Dames. L’antagonisme de la beauté féminine au XIXème siècle en France consiste aux portraits de La Castiglione1, lourde et massive et à la belle malade, vertueuse. Virginia Oldoini, Comtesse de Castiglione s’est rendue en France pour plaider l’unité de l’Italie auprès de Napoléon III et devient sa maîtresse à cause de sa beauté exceptionnelle. Après leur rupture, elle continue d’exercer son influence à Paris « dans le monde de la haute finance, de l'aristocratie et de la politique ». Selon la

1 Musée d’Orsay: La comtesse de Castiglione par elle-même. (Archive, 1999)

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description caractéristique de Denise Baudu, elle se place à une partie de la dernière catégorie.

Elle est mince avec une chevelure pale et n’apparaît que vingt ans contrairement à la beauté éclatante de son frère Jean (49) et aux employées féminines les unes plus fortes que les autres et d’une beauté à désirer pour quelques-unes. Lorsqu’elle se présente à la recherche de Mme Aurélie pour l’emploi de vendeuse, la première informatrice est décrite comme « petite, d’une mauvaise chair blanche » et l’autre est «une veuve à la mâchoire saillante et aux cheveux durs, maigre et laide » (100). Pourquoi n’est-elle pas bien accueillie alors qu’elle n’est pas la seule moins belle dans cet endroit ? L’un des commis la prend pour « la grue de la place Gaillon » et le second de Mouret, Bourdoncle, la trouve trop laide (103). Sa tenue vestimentaire peint une pauvreté frappante. Non seulement son apparence physique constitue un désavantage, mais aussi son expérience de vendeuse à la campagne et la référence de son oncle, alors concurrent,

l’exacerbe puisque Au Bonheur des Dames n’engage que ceux qui ont au moins un stage d’une année dans un petit magasin parisien (104). Il est vrai qu’aucune de ses caractéristiques

physiques féminines n’est attirante. Pauvrement habillée et chétive pour ses vingt ans avec des cheveux pales, Denise Baudu ne pouvait espérer aucun accueil chaleureux des autres vendeurs et vendeuses qui la traitent de concurrente, et plus un, Mme Aurélie, la première des rayons Au Bonheur des Dames et recrutant, est connue pour sa dureté contre les débutants. N’eut été pour le bien- être de ses frères, elle se serait sauvée et couper court au calvaire que lui causait l’interview de travail. Cependant, son charme désarme Mouret qui se mêle au recrutement qui était alors la responsabilité de Mme Aurélie et il saisit aussi l’occasion de prouver qu’il n’y a rien de

personnelle quant à la ruine de l’oncle de Denise, mais seul le modernisme commercial est responsable. Contrairement aux autres qui jugent Denise de son apparence extérieure, Mouret la

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14 trouve charmante et tendre et impose son recrutement. La réaction de Denise à la question d’être envoyée par son oncle leur prouve qu’un bon caractère est une arme importante. « Et elle ne put s’empêcher de rire, tant l’idée lui parut singulière. Ce fut une transformation. Elle restait rose, et le sourire, sur sa bouche un peu grande, était comme un épanouissement du visage entier. Ses yeux gris prirent une flamme tendre, ses joues se creusèrent d’adorables fossettes, ses pâles cheveux eux-mêmes semblèrent voler, dans la gaieté bonne et courageuse de tout son être » (105). La dichotomie du symbolisme des couleurs qu’emploie Zola démontre le mauvais jugement fondé sur l’apparence physique quelquefois circonstancielle contre la personnalité individuelle. La couleur rose représente la féminité, la séduction, l’innocence, la douceur et la confiance. Mouret la trouve qu’elle a ce qu’il faut pour une femme même si elle « mince ».

« Mais elle est jolie ! dit tout bas Mouret à Bourdoncle ». Cette transfiguration couvre les autres couleurs de laideur pour ouvrir sa vraie personne féminine. Malgré ses yeux ternes, son sourire les rend clairs et délicats. Ses cheveux pâles, symbole du manque de vie, ressuscitent sous ce sourire magique.

1.2.1.3 Environnement du travail

Toute compagnie ou individu ayant la volonté et les moyens d’engager un (e) employé(e) doit créer un environnement d’un accueil chaleureux. Il est pour l’intérêt de l’employeur et de l’employé(e) en même temps car le recrutant ne perd pas son temps ni ne dépense inutilement.

L’aliénation d’un (e) employé(e) potentiel (elle) pourrait endommager la réputation et entraîner le désintéressement public sans oublier la perte du marché. La rencontre préliminaire de Denis Baudu avec l’équipe administrative et hiérarchique révèle peu de professionnalisme. Toute l’équipe d’Au Bonheur des Dames manque le respect du prochain. Dans son article, Serge

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Kikoso Kikunda voit le respect comme « le sentiment de considération, d’égard, voire de vénération que l’on peut avoir envers un individu ou quelque chose. Il se manifeste par une attitude de déférence et le souci de ne pas porter atteinte à l’objet du respect, ni le heurter inutilement. Le respect est une valeur plus profonde que la simple politesse, car il est débarrassé de toute hypocrisie. Le respect mutuel constitue l’un des fondements de la paix sociale et des relations interpersonnelles »(13). Nonobstant ce manque de courtoisie ou politesse de base, la situation précaire dans laquelle elle se trouve ne dicte pas Denise de rejeter leur offre d’emploi : elle mourrait de faim avec ses frères. Il est sans doute impossible de ne pas remarquer que la culture du manque de respect à l’égard de qui que ce soit dans ce gigantesque magasin de nouveautés est pratiquée verticalement et horizontalement. Lorsque la crainte de ne rien vendre envahit Mouret et que Bourdoncle le lui signale, ce dernier reçoit une menace de renvoi :

« Fichez-moi donc la paix ! Tout va bien… Je finirai par flanquer les trembleurs à la porte » (149). Ce comportement dictatorial est décentralisé. Le management ne donne aucun respect or un simple signe politesse à Denise après son interview. «Elle remercia Mme Aurélie… Ceux-ci (Mouret et Bourdoncle) qui ne s’occupaient déjà plus d’elle ne lui rendirent pas même son salut… » et « Clara eut un geste vexé, en regardant Marguerite, comme pour prédire que la nouvelle vendeuse n’aurait pas beaucoup d’agrément au rayon » (106). L’angoisse qu’elle éprouve de cet accueil froid n’altère pas sa décision, sa détermination et son courage de travailler Au Bonheur des Dames pour le bien du reste de sa famille.

1.2.1.4. Hostilités intercommis

La politique du management de maximiser les chiffres d’affaire a un caractère antagonique n’office qu’entrer dans magasin et au cours de la journée. S’inscrire sur un tableau selon l’ordre

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16 d’arrivée suscite des confrontations et constitue un comportement nuisible à la relation entre les vendeurs et les vendeuses. «Madame, je suis arrivée avant elle » déclara Clara. « Elle m’a bousculé à la porte, mais j’avais déjà mis le pied dans le salon », démentit Marguerite. Chacune d’elles veut servir un(e) client (e) la première car la liste réglait « les tours de vente » (143). Bien que les commis se disputent des clients dans les rayons, ce sont les nouveaux engagés qui subissent des hostilités inouïes. Clara trouve du plaisir à arracher une cliente à Denise malgré que la première ne montre aucun enthousiasme au travail. « Attendez de savoir, pour servir les clientes connues » (146). Comment apprendre si elle n’est pas entraîné et que toutes les ventes sérieuses lui sont empêchées? Denise a besoin de vendre pour obtenir les commissions et un salaire hebdomadaire. Mais il semble difficile car en tant que débutante, elle commence d’abord à plier et classer les manteaux dans les armoires. D’abord la première rencontre ne s’est pas bien passée bien qu’elle ait obtenu le travail, ensuite le début s’avère difficile, comment espérer rester dans cet endroit hostile ? Son avenir Au Bonheur des Dames est décidément douteux. « La peur de l’avenir la prenait, elle se sentait écrasée entre tant d’intérêts lâchés » (146). Tenant compte de la concurrence entre les commis et commises, il est évident qu’il sera difficile pour tout(e) débutant(e) de mettre la main sur les bénéfices des ventes directement.

1.2.1.5. Fluctuation des affaires

Les chiffres d’affaire Au Bonheur des Dames ne sont pas toujours stables. La rotation rapide des stocks, les rendus, les soldes, la publicité et l’organisation du magasin permettent de briguer la concurrence et de rester opérationnel au cours de l’année. Cependant, tout business connait les hauts et les bas et une fois ce dernier prolonge, les propriétaires réduisent l’effectif des employés pour amorcer les dépenses afin d’éviter les pertes. Ce magasin comme d’ailleurs beaucoup

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d’autres à Paris lui arrive souvent de renvoyer quelques-uns de ses ouvriers pour rappeler ceux qui n’ont pas la chance de trouver un autre travail quand les affaires s’améliorent.

« Quand la morte-saison d’été fut venue, un vent de panique souffla au Bonheur des Dames.

C’était le coup de terreur des congés, les renvois en masse dont la direction balayait le magasin, vide de clientes pendant les chaleurs de juillet et d’aout » (212-3). Avec les informations collectées et ses observations au Bon Marché ou au Grand Magasin du Louvre, Zola les applique à son magasin fictif pour la présentation de la réalité sociale et selon le journaliste de Figaro Francis Puyalte, « son génie est de faire un livre inoubliable avec ses observations ». (6) 1.2.1.6. Invincibilité du progrès : Concurrence des Bazars

La description de l’ancien et du nouveau commerce dans Au Bonheur des Dames montre la concurrence cruelle à laquelle font face le vieux commerce et les avantages des grands magasins.

L’emploi des métaphores démontre une lutte désespérée et une force inégale. Le nouveau magasin est comparé au «monstre » et est « colosse » alors que les vieux sont « balayés depuis longtemps par la faillite ». La déshumanisation du nouveau magasin comme « machine » montre son manque de sentiment à l’égard de tout que ce soit, mais il est fait pour remplir une tâche particulière : maximiser les profits par tous les moyens possibles. La disparition du vieux commerce est inévitable et aggrave aussi la situation des ouvriers renvoyés. Cette lutte continuelle poursuit Denise Baudu et Robineau. Ce dernier, à l’aide de la maitresse de Mouret, Mme Desforges, et suite à leur mésentente, ouvre son propre magasin une fois renvoyé, mais ne tient qu’un bout de temps à cause du faible capital et de la concurrence des grands magasins.

Quant à Denise renvoyée sous fausses accusations, Bourras, un propriétaire d’un vieux magasin de parapluie lui offre du travail non pas parce qu’il en a besoin, mais parce qu’il ne voulait pas sa

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18 mort et celle son frère sous son toit pour manque de nourriture. L’ouverture d’un rayon de parapluie Au Bonheur des Dames le met en faillite et Denise est obligée de chercher du travail chez Robineau qui n’en a pas pour longtemps.

1.2.2. Conséquences de la précarité de la femme zolienne

La vie de la femme zolienne dans ces œuvres est une démonstration de la continuation ou du changement de sa vie sociale en France à la deuxième moitié du XIXème siècle. Or tout changement n’est pas toujours positif comme celui-ci et des conséquences qui en découlent peuvent être destructives ou constructives selon la personnalité individuelle. Denise Baudu, l’héroïne de Au Bonheur des Dames ne suit pas les pratiques de nombreuses femmes parisiennes pour subvenir à leurs besoins en général et celles de ses collègues en particulier. Comment se conduisent-elles face aux difficultés financières ?

1.2.2.1. Impulsivité contre conduite raisonnable

La situation précaire de la femme zolienne commence au seuil du grand magasin où on se bouscule pour s’inscrire selon l’ordre d’arrivée ; ce qui règle aussi les tours de vente une fois à l’intérieur. L’atmosphère qui y règne est celle de la jungle ; seul le plus malin et/ou soumis survit. D’abord les débutant(e)s sont bizuté(e)s et mis(e)s à l’écart sous prétexte de leur inexpérience. L’exemple frappant est celui de Denise qui est souvent accordée des ventes incertaines qu’elle ne parvient d’ailleurs pas de conclure. Comme son salaire et son tant pour cent ne suffisent pas, elle est obligée de chercher un second travail. Son éducation et sa conscience ne lui permet pas de prendre le chemin le plus simple de chercher un amant qui satisferait ses besoins financiers. Margandant mentionne la remarque de Durand que « la prostitution parmi les actrices résulte d'une situation de violence concernant les costumes : le

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metteur en scène a refusé de prendre la responsabilité pour les costumes nécessaires des actrices dans des pièces contemporaines, de sorte qu'ils ont souvent eu à dépenser jusqu'à 1500 francs par an pour alimenter leur propre garde-robe. Parce que ces sommes représentaient souvent le salaire de toute une année, les actrices ont été obligés de chercher d'autres sources de revenus moins respectables » (9).

D’autres écrivain(e)s du même siècle que Zola comme George Sand dans Pauline, Maupassant dans Bel Ami et Balzac avec La Rabouilleuse peignent des femmes qui choisissent la vertu à la promiscuité (la vie mondaine) face à la détresse. La ressemblance de la précarité de Denise Baudou et celle d’Agathe Bridau est frappante et la façon dont elles se sont toutes conduites ne manque pas d’éloges. La perte de leur membre de famille dirige leurs décisions. Pour subvenir à leur famille respective, Denise se rend à Paris pour chercher du travail alors qu’Agathe déménage pour s’installer dans un appartement qui lui est abordable et est obligée finalement de travailler. Aussi la mère de Laurence et celle-ci elle-même endurent-elles les commérages provençales bien que la mère reste amie et conseillère de sa fille qui lui obéit. La tendresse et l’amour qu’elle témoigne à ses filles reflètent l’attitude de Denise vis-à-vis de ses frères car « la mère est un élément référentiel », « une puissance inspiratrice et adoratrice » comme Yvonne Knibiehler le signale. Le comportement et le langage des parents jouent un rôle non négligeable à la bonne ou mauvaise conduite dans la vie future d’un enfant. La conduite vertueuse de Denise triomphe sur le mauvais conseil (selon Denise) de son amie Pauline pourtant attirant.

L’incertitude du lendemain l’inquiète et la hante tout le temps ; pourtant un simple acte de chercher un amant pour subsister est une solution facile. La moralité sociale au XIXe siècle condamne ce comportement et l’adopter serait d’affirmer l’image que les traditionnalistes

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20 sociales donnent aux vendeuses des magasins en particulier et à certains métiers de femmes en général. Leur la place étant au foyer et ne sortant qu’accompagnée, une jeune fille était sous le contrôle de son père et celui du mari au cours de sa vie conjugale. Selon Michelle Perrot, l’indépendance d’une femme était un sujet controverse car considérée comme « mauvaise ménagère, dépensière, sotte, perverse ». Cependant, la mère était l’éducatrice et le modèle de la jeune fille. L'historienne Gabrielle Houbre1 compile les thématiques relatives au lien complexe qui a caractérisé les relations mère-fille à savoir « l'intensité de ce lien, entre amour passionné et rébellion, entre rivalité et identification ». La façon dont Denise traite ses frères est un reflet de la réciprocité de la compassion maternelle idéaliste, « calme, discrète, patiente, sobre et modeste » qu’elle démontre malgré les hostilités autoritaires et ouvrières.

« Au martyre physique s’ajoutait la sourde persécution de ses camarades. Après deux mois de patience et de douceur, elle ne les avait pas encore désarmées. C’étaient des mots blessants, des inventions cruelles, une mise à l’écart qui la frappait au cœur, dans son besoin de tendresse. On l’avait longtemps plaisantée sur son début fâcheux ; les mots de « sabot », de « tête de pioche » circulaient… Elle passait enfin pour la bête du comptoir » (179)

La littérature n’est pas le seul moyen auquel on fait recours pour exprimer cette relation fille- mère, mais aussi comme la peinture montre, comme l’affirme l’historien Philippe Ariès dans le mensuel L’Histoire qu’« Au XIXe siècle, l’enfant est, plus que jamais, au centre de la famille. Il est l’objet d’un investissement de tous ordres: affectif, culturel, éducatif, économique ». L’amour qu’une mère témoigne à sa progéniture débute à l’enfance et se fortifie. Beaucoup de tableaux des mères avec leurs enfants témoignent cette affection.

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1.2.2.2. Hostilité des commis

La description des relations entre ouvrières et/ou l’administration dans Au Bonheur des Dames ne diffère pas à celle de la jungle où seul le plus fort survit. L’environnement inspire de la peur et une constante anxiété aux nouveaux recrus qui se demandent toujours s’ils parviendront y rester pour longtemps. L’hostilité des anciens ouvriers/ouvrières sert d’abord à l’intimidation pour éviter la concurrence et ensuite à la vengeance. À part le salaire ou l’appointement qui n’arrive qu’à la quinzaine, les ouvrières/ouvriers profitent aussi du pourcentage des ventes qu’ils reçoivent. Cette invention de concurrence entre eux pour les inciter à maximiser les ventes est l’ingéniosité de Mouret. Les clientes deviennent comme des gibiers à se partager et la part du lion appartient aux anciens. Ainsi le Darwinisme, qui avance les lois de la lutte pour la vie sélection naturelle, prend-t-il le devant. Les vendeurs/vendeuses connaissent bien de sérieuses clientes qui achètent beaucoup et s’en pressent pour les servir sans qu’il soit leur tour de vendre.

Ils/elles ne laissent aux nouveaux/elles vendeurs/vendeuses qu’à celles qui ont l’habitude d’acheter peu ou de contempler les marchandises sans toutefois vouloir en acheter. Cette pratique sert à montrer aux nouveaux/elles qu’aucun pain ne leur sera offert gratuitement, mais qu’elles le gagneront à la sueur de leur visage. Cette lutte à l’intérieur du magasin est le résultant du changement social et économique.

1.2.2.3. La déchéance sociale

Suite au processus du système capitalisme du XIXe siècle qui a élargi la sphère d’influence de la bourgeoisie, la prolétarisation de la société française et l’affaiblissement de l’aristocratie, ce bouleversement échafaude l’ordre suite à l’existence de la bourgeoisie, titulaire du capital et du travail, laissant quelques membres de l’aristocratie au merci du dur environnement économique,

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22 formant la classe ouvrière sans toutefois améliorer la vie paysanne et créant une opportunité aux femmes d’avoir accès à la place public jusque-là réservée exclusivement aux hommes. Un exemple typique de ce changement est l’octroi de l’emploi Au Bonheur des Dames de « deux comtesses et une baronne au service de la publicité » (350) et de Mlle de Fontenailles, la protégée de la maitresse de Mouret, Mme Desforges, qui gagnait trois francs par jour. La Révolution française a opéré un changement radical et a fustigé l’affaiblissement de la noblesse et du clergé sur les affaires du pays, mais a servi de levier à la bourgeoisie et a créé la prolétarisation. Ce changement est dû aussi au développement industriel du XIXe siècle qui a créé de meilleurs emplois comparativement au travail terrier, seule ressource de l’aristocratie qui s’est vue ruiner et forcer de faire recours à d’autres moyens de revenus. La déchéance de la famille de Mlle de Fontenailles l’oblige à accepter la position de vendeuse, qu’elle ne pouvait d’ailleurs obtenir sans la recommandation de Mme Desforges, pour survivre honnêtement. Ce manque de moyens financiers de certains membres de la classe élite, qui normalement se marient entre eux pour rapprocher fortunes et titres, a eu des percussions sur leur mariage. Pour la bourgeoisie, le mariage est un moyen de consolider ses intérêts financiers et patrimoniaux. Ainsi Balzac dénonce-t-il les tractations financières qui sous-tendent les relations sociales et amoureuses dans son roman intitulé Un contrat de mariage alors que George Sand qui, déçue de son propre mariage, se fait champion de l’égalité des sexes et revendique le droit des femmes d’aimer. On remarque que l’environnement dans lequel évoluent les gens influence leur relation.

La vie misérable dans laquelle vit Mlle de Fontenailles malgré sa classe touche la tendresse de Jean, aussi vendeur au rayon voisin, qui l’épouse finalement. N’eut été ce changement social, ces

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deux âmes n’aurait aucune opportunité de se côtoyer suffisamment et de développer de telle relation. Cette dernière ne serait que de serviteur-patronne.

1.2.2.4. Dégradation psychique et financière

L’énormité du péage de la précarité de la femme zolienne se manifeste dans la progression de ses romans. L’anxiété constante du lendemain incertain constitue une déstabilisation psychologique qui l’oblique de prendre des décisions souvent déraisonnables. La dictature administrative, l’hostilité des camarades de travail, les conditions sociale et difficile au travail et une rémunération inadéquate sont des précurseurs de la dégradation psychologique et financière.

La condition physique de Denise Baudu et l’hostilité des vendeuses l’inquiète constamment car elle peut perdre son travail momentanément. Les douze heures de station debout et le poids des marchandises des clientes qu’elle tire souvent derrière elle l’éreinte énormément qu’elle pleure la nuit sous son corps douloureux et sans oublier l’idée de son renvoi instantané alors qu’elle est responsable de ses frères. Comment survivre à Paris où elle ne connait que son oncle qui est à

la portée de la gueule de la faillite.

1.3. La dévalorisation de la femme zolienne 1.3.1. Exploitation des sentiments féminins

La position ferme de la misogynie traditionnelle masculine en France surtout du XIXe siècle place la femme au foyer. Elle est convaincue de son incapacité d’accomplir un travail intellectuel à cause de la sentimentalité féminine. Depuis l’antiquité, plusieurs écrivains littéraires de différentes ères se sont montrés favorables à la perpétuation de cette assertion. Selon sa recherche, Laura L. Frader trouve que « les femmes expérimentaient une exploitation particulière liée à leurs faibles salaires, à leur vulnérabilité face au harcèlement sexuel, à leur

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24 double journée de travail […] »1. L’exploitation de cette faiblesse féminine donne l’opportunité à Zola pour la réalisation de son roman Au Bonheur des Dames dans lequel Octave Mouret ne voit chez une femme qu’une mine d’or qu’il exploite grâce à ses techniques de marketing et d’étalage. La dualité du manque de respectabilité de Mouret à l’égard des femmes se manifeste dans ses besoins sexuels permanents en jouant particulièrement sur la vulnérabilité de ses vendeuses ou des autres femmes en général et les sentiments des clientes tout en jouant sur sa voix qui se caractérise comme « […] une voix de flûte, une voix d'acteur qu'il prenait, quand il parlait aux femmes » (154).

Opportuniste arriviste comme Georges Duroy dans Bel ami (Maupassant) et Julien dans Le Rouge et le noir (Stendhal), Octave Mouret, ambitieux et audacieux, sans scrupule, utilise ses maîtresses pour assouvir ses intérêts professionnels. Chez Maupassant, Bel homme (Georges Duroy), le protagoniste et héros éponyme du livre, devient baron Du Roy de Cantel et seul héritier par le mariage. Quant à Julien chez Stendhal, il reçoit un grade de lieutenant et le nom de Julien Sorel de La Vernaye après son mariage avec Mlle Matilde de La Mole, la fille de M. de la Mole. De même, Mouret profite de sa bonne relation avec Mme Desforges (avant que Denise ne conquière le cœur de Mouret) pour accéder au crédit et étendre les constructions du magasin. Le caractère cynique de Mouret à l’égard des femmes décrit au long du roman Au Bonheur des Dames est une épreuve tangible du manque de respectabilité. Pour convaincre le baron Hartmann, il lui avoue son secret : « Ayez donc les femmes, dit-il tout bas au baron, en riant d'un rire hardi, vous vendrez le monde ! » Pour assurer le baron de sa certitude, Mouret pose la

1 Laura FRADER enseigne l'histoire à l'université de Northeastern. Elle est Senior Associate à l'université de Harvard, Center for European Studies. Elle vient de publier en collaboration avec Sonia Rose Gender and Class in Modern Europe, Ithaca, Cornell University Press, 1996.

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question au baron à laquelle connaît la réponse à cause du sentiment qu’ils ont tous pour les femmes : « Est-ce que Paris n'est pas aux femmes, et les femmes ne sont-elles pas à nous ? » (387) Comment Mouret s’y prend-il ?

Le renouvellement incessant et l’entassement des marchandises, l’étalage de marchandises qui se complètent sur des rayons distants, la baisse des prix, les rendus, l’aménagement intérieur, et la publicité sont des méthodes utilisées pour attirer et exploiter les faiblesses des femmes. Le changement incessant des nouveautés incite les femmes à être à la mode ; ce qui ruine leurs ménages. Celles qui n’ont pas les moyens ne résistent pas d’assouvir leur curiosité ou de profiter de la liberté malgré le bousculade à l’entrée et dans quelques rayons.

« . D'abord, on devait s'écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute ; et il obtenait cet écrasement, en mettant sous la porte les soldes, des casiers et des corbeilles débordant d'articles à vil prix ; si bien que le menu peuple s'amassait, barrait le seuil, faisait penser que les magasins craquaient de monde, lorsque souvent ils n'étaient qu'à demi pleins.

Ensuite, le long des galeries, il avait l'art de dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et les indiennes en hiver ; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans du vacarme. Lui seul avait encore imaginé de placer au deuxième étage les comptoirs des tapis et des meubles, des comptoirs où les clientes étaient plus rares, et dont la présence au rez-de- chaussée aurait creusé des trous vides et froids. S'il en avait découvert le moyen, il aurait fait passer la rue au travers de sa maison. » (110)

En plus, les enfants qui accompagnent leurs mères les pressent à leur acheter quelques articles étalés délibérément à leur honneur. Et pour ne pas passer cette occasion, Mouret crée des rayons spéciaux pour eux. « Mais son idée la plus profonde était, chez la femme sans coquetterie, de

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26 conquérir la mère par l'enfant ; il ne perdait aucune force, spéculait sur tous les sentiments, créait des rayons pour petits garçons et fillettes, arrêtait les mamans au passage, en offrant aux bébés des images et des ballons » (300). Voulant que toute femme se sente comme reine dans son magasin « pour l’y tenir sans merci,… la griser d’attentions galantes et trafiquer de ses désirs, exploiter sa fièvre », Mouret invente « un chef d’œuvre de séduction jésuitique » : les rendus. Au cas où l’article ne plaît plus, il est permis de le rendre (301). Aucune femme ne pouvait échapper à ses tactiques d’exploitation. Malgré que quelques-unes contrôlent ou luttent contre la crise dépensière, l’incarnation de la faiblesse de Madame Martin et de sa fille représente une proie féminine facile et la création constante des besoins constitue une manipulation féminine, source de sa soumission. Cependant, la dichotomie d’irrésistibilité de Denise et des acheteuses se distingue.

1.3.2. Une femme, objet de satisfaction sexuelle ou bien de consommation

Bien que la société française du 19e siècle voit le mariage d’abord comme moyen d’extension familiale ou quelquefois d’acquérir les moyens financiers, c’est aussi une limitation de promiscuité. Cependant, cela n’empêche pas que les hommes profitent de la précarité des femmes pour les traiter comme objet de satisfaction sexuelle. Ses fonctions ne lui permettant pas de travailler en dehors du foyer, la femme ne dispose aucun moyen financier et est toujours à la merci de l’homme. Même quand elle commence à travailler, la société patriarcale l’abuse sexuellement et moralement. La menace de l’employé de la renvoyer au moindre refus de ses avances se résume en trois mots : « couche ou crève ». Ainsi voit-on Clara qui se donne facilement et finalement rejetée comme les clientes qui n’ont plus de moyens d’achat. Mais, toutes les femmes ne succombent pas à la séduction ou à la pression masculine. Denise Baudu se

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moque, méprise les autres vendeuses qui acceptent ces avances et réfute catégoriquement cette idée malgré le conseil de son amie Pauline, qui trouve cette relation normale et supplément du salaire maigre. Le refus de cette avance reflète la position favorable de Zola face au mariage traditionnel et la condamnation de la promiscuité. Octave Mouret a une forte emprise sur ses ouvriers et peut renvoyer momentanément qui il veut et le refus de Denis Baudu est un défi, mais une défense contre l’immoralité sexuelle. La mise en garde la laisse inébranlable et montre sa détermination même s’il faut perdre son travail :

« Nous aurions été seuls, je n'aurais eu qu'à pousser un verrou. Si je voulais pourtant ! dit-il d'une voix ardente, en lui saisissant les mains. C'était la première qui ne cédait pas. Il n'avait eu qu'à se baisser pour prendre les autres, toutes attendaient son caprice en servantes soumises. Je veux, je veux, répétait-il affolé. Je vous attends ce soir, ou je prendrai des mesures... (370)

Denise n’imagine pas son bonheur avec un séducteur et collecteur de femmes pour ses intérêts professionnels et sexuels. Les commérages indiquent que Mouret invite au dîner quelques-unes de ses ouvrières dont Clara pour s’en servir de dessert et en plus de cela, elle est témoin et victime de la jalousie de Mme Henriette Desforges. Le charme, la tendresse et la persévérance de Denise Baudu affaiblissent Mouret qui ne se décide pas de la renvoyer de peur de la perdre pour de beau. Son entêtement face au conseil de son adjoint est une indication de son attachement et inspire aussi la réticence des autres collègues de la dénoncer pour éviter les réprimandes. Il s’avère que Mouret n’est pas le seul à se servir de la subalternité des femmes au travail. Jouve, capitaine retraité de la police et redoutable surveillant du magasin ne cesse de tourner au tour de sa proie prise en flagrant délit. Son comportement paternaliste à l’intérieur du magasin quand il s’adresse au coupable change en besoin sexuel inassouvi après du thé et les tartines de beurre.

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28 Au lieu de s’abaisser en acceptant les avances de Jouve après être prise en conversation avec son frère Jean aux heures de travail, Denise Baudu accepte vaillamment son renvoi. Le comportement de Denise n’a jamais changé du début à la fin malgré la double hostilité des collègues et de l’administration.

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L’Assommoir de Zola est une œuvre qui lui a suscité beaucoup de critiques à cause de la

« crudité » de son langage et de l’immoralité des personnages. Sa réplique est qu’il réfute les idéalistes décorateurs « d’une société comme un tapissier décore un salon » et adopte la méthode naturaliste comme un outil lui permettant d’étudier « la déchéance d’une famille ouvrière, le père et la mère tournant mal, la fille se gâtant par le mauvais exemple, par l’influence fatale de l’éducation et du milieu » (Becker 68) afin de trouver des solutions. Selon lui, L’Assommoir est le portrait de différentes variétés d’ouvriers parisiens. L’accomplissement de cet ouvrage constitue une voix de la classe que les artistes partisans de l’administration ont abandonné pour plaire cette dernière tout en laissant les ouvriers se barbouiller dans la misère. La famille de Coupeau et Gervaise représente la vie générale des ouvriers dans un nouveau Paris à la suite de la hausmannisation de la ville.

2.1 Bref aperçu

L’exode rural dû au développement industriel du XIXe siècle prend Auguste Lantier et sa maîtresse Gervaise Macquart dans son courant alors qu’ils quittent Aix-en- Province pour s’installer à Paris avec leur deux fils Claude et Etienne en quête du travail. Le peu d’économie qu’ils amènent de la campagne tarit et Lantier s’enfuit avec le reste qu’ils ont acquis du gage à Mont- de-Piété. Fondé au XVIIe siècle sous Louis XIII, il devient le crédit municipal de Paris au XXe siècle et s’occupe en même temps du « gage et des activités bancaires.» Courageuse et travailleuse, Gervaise s’embauche comme blanchisseuse et élève ses fils. Dédiée au travail et raisonnable, Gervaise se remarie avec un zingueur Coupeau avec qui elle a une fille Nana. Le rêve de Gervaise étant de «travailler, manger du pain, avoir un trou à soi, élever ses enfants, mourir dans son lit », leurs efforts leur permet d’ouvrir une blanchisserie et devient « une petite-

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30 bourgeoise ». Cependant, sa complaisance, son mari Coupeau et son ancien amant Lantier lui conduit en ruine et meurt sans abri alors que Coupeau expire dans un hôpital psychiatrique suite à l’alcoolisme chronique. La perte du goût de travail et les dépenses irraisonnables des deux hommes dévient Gervaise de la vie qu’elle a toujours voulu mener.

2.2. La causalité de la précarité féminine

Le style de Zola se distingue de celui de ses contemporains par l’étude minutieuse du milieu avec l’interaction de différents membres de la société, spécialement les femmes. Ayant vécu dans le quartier typiquement ouvrier environnant de la Goutte-d’Or, l’auteur observe, entretient avec eux et expérience leur misère. Qui peut mieux être son honnête et impartial porte- parole pour s’écarter des « mensonges romanesques nocifs et immoraux » et s’armer du rôle de l’observateur afin d’étudier les ruines de la société et faire « naître un état social meilleur » que Zola? (Becker 15). Comme l’explique Zola :

« Le roman doit être ceci : montrer le milieu du peuple, et expliquer par ce milieu les mœurs du peuple ; comme quoi, à Paris, la soûlerie, la débandade de la famille, les coups, l’acceptation de toutes les hontes et de toutes les misères viennent des conditions mêmes de l’existence ouvrière, des travaux durs, des promiscuités, des laisser-aller, etc. » (Zola, Ébauche, 158)1

Bien que l’hérédité joue un rôle non négligeable dans L’Assommoir, la primauté est accordée à l’influence du milieu sur un membre de la famille des Rougon Macquart que Zola s’est juré de mener une étude générationnelle.

1Autour de L’Assommoir d’Émile Zola, Atelier pédagogique de la Bibliothèque nationale de France.

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2.2.1 Indulgence et lâcheté

La dégradation du monde ouvrier sous la représentation de Gervaise Macquart est un signe d’un comportement irraisonnable et autodestructif qui ne conduit qu’au fond de la grève. Le portrait de Gervaise dans L’Assommoir expose une femme délaissée avec ses fils, mais sa compassion et son courage s’arme avec patience et elle travaille diligemment, seule d’abord et après avec son nouveau mari Coupeau pour élever ses enfants et devenir « une petite- bourgeoise » quand elle devient propriétaire d’une boutique de blanchisserie. Au long du roman, Gervaise se montre tout le temps du bien-être des autres : « Elle était douce comme un mouton, bonne comme du pain » (236). Mais à la fin, ses convictions changent en pensées ; bien qu’elle lui soit difficile de mettre ces dernières en action.

Depuis sa rencontre avec Coupeau, le seul but de Gervaise, qui s’exprime comme leitmotiv, est de « travailler, manger du pain, avoir un trou à soi, élever des enfants, ne pas être battue et mourir dans lit. » (70) Une fois au-delà de son objectivité, les souvenirs du mauvais temps disparaissent et la vie change en festivités permanentes. Sa cohabitation avec deux hommes, son époux Coupeau et son ex-amant Lantier (257) et la flatterie de la société exacerbent sa complaisance. L’acceptation de sa belle-mère sous son toit, l’invitation des passants de s’attabler avec sa famille et la distribution incessante des cadeaux constituent l’accroissement des dépenses supérieures aux revenus. « Gervaise, trop donnante de sa nature, lâchait à chaque instant des litres de vin, des tasses de bouillon, des oranges, des parts de gâteaux » (176) et il est « vrai qu’elle était restée obligeante et secourable, au point de faire entrer les pauvres, quand elle les voyait grelotter dehors. »

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32 Ce comportement de passer son temps à jouir de fruits du travail a un effet néfaste au corps et nuit la productivité et conduit conséquemment à la faillite. La gourmandise de Gervaise l’attire à sa dégradation. Elle se refuse de manger « des pelures de pommes de terre » au moment où elle est capable de s’approvisionner « de fins de morceaux ». La mise en pratique de cette conviction se concrétise dans ses fêtes commémoratives de sa noce, sa fête et la communion de Nana. « Dès qu’on avait quatre sous, dans le ménage, on les bouffait. On inventait des saints sur l’almanach, histoire de se donner des prétextes de gueuletons. » (213) La paresse entre par la porte grande ouverte et s’accompagne de la saleté laissant la boutique grasse et la patronne

« porter des jupes fendues » dans « un nid chaud où elle jouissait de s’accroupir » (296). Cette misère devient le décalage de son point de vue sur l’alcool. La haine que Gervaise a contre l’ivrognerie devient son confort. Sa décadence progressive et irréversible atteint son apogée à la mort de maman Coupeau, symbole de la fin de l’accomplissement du rêve de Gervaise.

L’étroitesse de la bière précède celle de leur cabinet du sixième étage. L’accompagnement des ouvriers à la consommation de « l’alcool, l’eau-de vie devient un énorme assommoir » (Becker, 48) qui n’incite qu’un comportement brutal. L’alcool remplace le sang dans le corps et le rend inefficace comparativement au pur-sang. Goujet l’emporte sur l’ivrogne Bec-Sale alors que Coupeau dort dans ses vomissures et finit dans un hôpital psychiatrique. Serait-ce Gervaise la cause de sa décadence ou la société en général et ses plus proches en particulier qui lui ont prêté une main forte ?

2.2.2 Dis-moi qui tu hantes !

L’Assommoir semble à une exposition de tableaux du milieu parisien où évolue Gervaise, du comportement de ses protagonistes et de la société. Contrairement à Plassans où Gervaise a

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