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Pour une politique active contre l’érosion des bonnes volontés

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R. Bize

un remèdeauxmaux dusiècle

?

Le manque d’activité physique compte parmi les dix premiers facteurs de risque responsables des années de vie perdues dans les pays développés.1 Les maladies non transmissibles, qui ont comme facteur déterminant une alimentation désé­

quilibrée et un manque d’activité physique, sont responsa bles de pratiquement 60% des décès annuels dans le monde, ainsi que de 47% de la charge globale de morbidité.2 Une personne sédentaire, qui devient régulièrement active, verra non seulement ce facteur de risque disparaître, mais elle verra fréquemment quatre autres facteurs de risque parmi les dix premiers s’améliorer (hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète, surcharge pondérale).3 Ce constat fait de la promotion de l’activité physique un objectif prioritaire de santé publique.

La frustration en termes d’atteinte de résultats (diminution durable de la pré­

valence de l’inactivité physique) est cependant souvent à la hauteur des espoirs suscités par l’ampleur des effets bénéfiques potentiels de l’activité physique. Cet apparent paradoxe peut être éclairé en considérant l’individu dans son contexte.

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y penseetpuisj

oublie

Considérons tout d’abord la motivation nécessaire sur le plan individuel pour modifier durablement toute habitude de vie. L’adoption d’un mode de vie plus actif physiquement nécessite par exemple de lutter avec régularité et persévé­

rance contre la forte inertie d’une organisation sociale et d’un fonctionnement de plus en plus sédentaires. Le tableau 1 illustre bien à quel point l’entrée dans la vie adulte met un frein – avant toute atteinte à la santé qui pourrait l’expliquer autrement – à la «spontanéité déambulatoire» de l’enfant. Comme l’ont démontré de nombreux spécialistes en sciences du comportement, la seule rationalité ne suffit pratiquement jamais à induire un changement durable en matière d’habi­

tudes de vie.4 L’approche de type entretien motivationnel nous apprend au contraire à quel point il faut aller chercher du côté des sensations, du ressenti, des représentations propres à l’individu pour faire émerger un discours, puis une For an active policy against the erosion of

goodwill

Maintaining a regular physical activity prac­

tice throughout lifetime is a challenge for most of us. This often means «resisting» against a physical environment and a social organization that promotes physical inactivity and discou­

rage those who, fiercely, walk or try to com­

mute by bike. So there’s a little hero behind every doctor that distills the subtle potion of motivational interviewing against sedentary habits. Any hope of change in our living con­

ditions, taking into account our natural need to move, is however not lost. This article il­

lustrates the paths that are traced by collec­

tivities in order that the advices we provide to our patients continue to make sense once the practice door is crossed.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 1448-50

Maintenir une activité physique régulière tout au long de l’existence relève de la gageure pour une majorité d’entre nous. Cela implique souvent «d’entrer en résistance» contre un environnement physique et une organisation sociale qui in­

vitent à la sédentarité et découragent ceux qui, farouchement, marchent ou tentent de se déplacer à vélo. Il y a donc un peu du héros derrière chaque médecin qui distille la subtile potion de l’entretien motivationnel à l’assaut des habitudes sédentai­

res. Tout espoir de voir évoluer nos conditions de vie vers une meilleure prise en compte de notre besoin naturel de bouger n’est cependant pas perdu. Cet article illustre les voies qui sont tracées par les collectivités publiques pour que les con­

seils que nous prodiguons à nos patients trouvent un écho fa­

vorable une fois la porte du cabinet franchie.

Pour une politique active contre l’érosion des bonnes volontés

mise au point

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11 juillet 2012 Dr Raphaël Bize

Institut universitaire de médecine sociale et préventive

CHUV – Biopôle 2 Route de la Corniche 10 1010 Lausanne raphael.bize@chuv.ch

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attitude orientés vers le changement. Cette approche fait l’objet d’une attention particulière dans les projets qui vi­

sent à former les professionnels en contact avec des per­

sonnes sédentaires. Le programme PAPRICA de formation des médecins de premier recours en constitue un exemple bien documenté (cf. www.paprica.ch). Même bien mené, le conseil visant à accroître la motivation des individus se heurte pourtant souvent à l’atténuation de son effet à moyen et à long termes.

mythedesisyphe

C’est dans cette érosion plus ou moins rapide des bon­

nes volontés qu’il faut chercher l’empreinte implacable de l’environnement (physique, social, culturel, politique). La figure 1 illustre l’interaction entre les facteurs individuels et les caractéristiques environnementales dans l’adoption d’habitudes en matière d’activité physique.

La tâche titanesque de faire reculer les atteintes à la santé liées à la sédentarité ne saurait donc incomber qu’aux seuls médecins de premier recours. La société dans son ensemble doit prendre ses responsabilités dans la création de conditions cadres qui facilitent l’adoption d’un mode de vie plus actif. La marche est la modalité qui présente le plus grand potentiel pour accroître l’activité physique moyenne de la population.5 Le tableau 2 décrit quelques­uns des nombreux avantages de cette activité «naturelle». Promou­

voir durablement la marche, notamment en tant que mode de déplacement sûr, efficace et agréable, implique une ca­

pacité d’agir de manière coordonnée sur une variété de politiques publiques pertinentes, en dehors du champ de la santé (urbanisme, transports, aménagement du territoire,

éducation, etc.). C’est dans cette optique qu’ont été lan­

cées ces dernières années plusieurs initiatives sur le plan international et en Suisse.

stratégieglobaleetprogrammenational L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis en 2004 une Stratégie globale pour l’alimentation, l’activité physi que et la santé. Le Conseil fédéral a chargé le Département de l’intérieur de mettre en œuvre cette stratégie sur le plan national, ce qui a abouti en 2008 au lancement du Pro­

gramme national alimentation et activité physique 2008­

2012 (PNAAP). La «force motrice» de ces initiatives est tou­

jours à chercher du côté de l’épidémie d’obésité, véritable machine à mobiliser l’opinion publique et les décideurs politiques. Ceci explique une approche conjointe sur les thématiques de l’alimentation et de l’activité physique. On trouve, parmi les quatre missions du PNAAP, la volonté de créer des conditions de vie facilitant des choix favorables à la santé en matière d’alimentation et d’activité physique.

Dans une logique qui allie judicieusement approche con­

textuelle et soutien individuel, on trouve encore, parmi d’autres objectifs, la promotion d’une offre adéquate en matière de conseil médical et de traitement.

éléments pourunepolitiquedelutte contrelasédentarité

L’OMS a récemment publié une revue de littérature in­

titulée «Intervention on diet and physical activity : what works».6 Ce document fournit une liste d’interventions ayant démontré leur efficacité en termes de changement de com­

portement. Citons les exemples suivants : a) affichage d’une signalétique encourageant l’utilisation des escaliers dans les zones de «prise de décision» ; b) déploiement de cam­

pagnes médiatiques avec une forte identité visuelle et des messages simples, couplées à des activités communautai res en lien avec la campagne (par exemple : dans les écoles) ; c) approche globale de prévention de l’obésité dans les écoles impliquant également les parents et/ou la famille ; d) ap­

proche globale de prévention de l’obésité sur le lieu de travail (offres en matière d’alimentation équilibrée et d’acti­

vité physique, implication du personnel dans la planification et l’implémentation des programmes, conseils personnali­

sés) ; e) conseils par un professionnel de la santé et f) acti­

vités physiques en groupe pour les personnes âgées dans des lieux de rencontre déjà fréquentés par ces personnes.

En plus de leur validité sur le plan scientifique, il est

• Activité physique la «moins rare» à l’état naturel

• S’intègre à la vie quotidienne

• Peut revêtir plusieurs fonctions (loisirs, déplacements)

• Motivations individuelles et collectives (santé, préservation de l’environ - nement)

• Ne nécessite pas d’équipement spécifique

• Praticable à tout âge avec un risque limité

• Equité d’accès

Tableau 2. Avantages de la marche (Tiré de réf.10).

Enfants de 8 à 10 ans 12 000 à 16 000

Jeunes adultes 7000 à 13 000

Adultes 6000 à 8500

Personnes âgées ou malades 3500 à 6500

Tableau 1. Nombre de pas pratiqués naturellement au quotidien par groupe d’âge

(Recommandations = 10 000 pas par jour).

(Tiré de réf.10 ; adapté de réf.11).

Figure 1. Déterminants de l’activité physique (Tirée de réf.10).

Facteurs liés à la personne • Connaissances • Motivation • Conseils reçus • Aptitudes

Comportement actif • Loisirs

• Transport • Travail • Domestique

Caractéristiques de l’environnement social et physique

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également suggéré de baser le choix des actions prioritaires en fonction de la faible probabilité que des blocages institu­

tionnels ou politiques ne viennent empêcher leur réalisation.

Comme le rappelle le deuxième monitoring de l’état de santé de la population migrante en Suisse récemment paru,7 les migrants sont nettement plus souvent physiquement inactifs, et souffrent plus souvent de surpoids que les Suis ses.

La volonté de lutter contre les inégalités de santé constitue donc également une mission de premier plan.

septchampsd

investissementprioritaires En complément de la Charte de Toronto,8 le GAPA (Glo­

bal advocacy for physical activity) a publié en 2011 un do­

cument intitulé «Non communicable disease prevention : investments that work for physical activity».9 Ce document définit sept champs d’action prioritaires : 1) approche glo­

bale de promotion de l’activité physique dans les écoles ; 2) politique des transports mettant la priorité sur la mar che, le vélo et les transports en commun ; 3) régulations aux ni­

veaux de l’urbanisme et des infrastructures qui offrent un accès sûr et équitable à des activités physiques intégrées à la vie quotidienne, notamment par le biais de la marche à tous les âges de la vie ; 4) intégration de la promotion de l’activité physique et de la lutte contre les maladies trans­

missibles dans les services de santé de premier recours ; 5) information au public, notamment par le biais de campa­

gnes médiatiques visant à accroître la prise de conscience et à changer les normes sociales par rapport à l’activité physique ; 6) programmes communautaires impliquant dif­

férents settings et secteurs, de manière à mobiliser et à en­

gager les ressources de la communauté et 7) approche du sport favorisant le «sport pour tous» et encourageant la participation à tous les âges.

Comme on peut le constater, l’ensemble de ces docu­

ments de référence situent le rôle du médecin de premier recours au sein des champs prioritaires.

ledurdéfi demesurer

Mesurer l’impact global d’un programme multisectoriel de promotion de l’activité physique demeure difficile à plu­

sieurs titres. Les spécialistes peinent encore à se mettre

d’accord sur la nature des indicateurs à privilégier. La me­

sure de l’activité physique pratiquée à l’échelle d’une po­

pulation se heurte aussi à la difficulté de détecter le «signal»

souvent faible d’une intervention par rapport au «bruit de fond» lié à l’imprécision des outils de mesure. Une autre difficulté réside dans le fait que de nombreuses politiques publiques sont impliquées dans l’atteinte des objectifs, notamment dans des domaines sur lesquels les autorités sanitaires n’ont que peu ou pas de contrôle. Encourager le recours à l’outil d’évaluation d’impact sur la santé, dont le potentiel, pour améliorer la prise en compte des objectifs de santé dans les politiques publiques situées en dehors du périmètre sanitaire, paraît à ce titre important.

uneprioritéen guisedeconclusion Au vu de son grand potentiel en termes de santé publi­

que et de la complexité liée à sa mise en œuvre, la création de conditions cadres propices à la pratique d’une activité physique intégrée à la vie quotidienne bénéficierait de faire l’objet d’un plan d’action détaillé, définissant à la fois des settings d‘intervention, des objectifs spécifiques précis (par exemple : augmenter d’une quantité définie le pour­

centage des élèves qui se rendent à pied à l’école), les rôles et les responsabilités des différents partenaires impliqués pour chacun des objectifs spécifiques, ainsi que les modes de financement. Des mécanismes visant à encourager les initiatives privées doivent également être développés. Il convient enfin dans une telle démarche d’examiner quelles réglementations pourraient être adaptées ou créées en vue de garantir la mise à disposition d’infrastructures attrayan­

tes pour la pratique d’une activité physique au quotidien et en toute sécurité. Ce n’est qu’ainsi que l’approche indi­

viduelle par le médecin de premier recours pourra réaliser tout son potentiel.

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www.revmed.ch

11 juillet 2012 1 World Health Organization. The world health re- port 2002 – Reducing risks, promoting healthy life.

Geneva, 2009. URL : www.who.int/whr/2002/en/index.

html

2 World Health Organization Europe : Gaining health.

The European strategy for the prevention and control of non communicable diseases. World Health Organi- zation, Regional Office for Europe. Copenhagen, 2006.

3 Katzmarzyk PT, Leon AS, Wilmore JH, et al. Tar- geting the metabolic syndrome with exercise : Evidence from the HERITAGE family study. Med Sci Sports Exerc 2003;35:1703-9.

4 Conner M, Norman P. Predicting health behaviour.

2nd ed. Maidenhead : Open University Press, 2005.

5 * Meyer K, Rezny L, Breuer C, Lamprecht M, Stamm HP. Physical activity of adults aged 50 years and older in Switzerland. Soz Praventivmed 2005;50:218-29.

6 World Health Organization 2009 : Intervention on diet and physical activity – What works – Summary re- port. URL : www.who.int/dietphysicalactivity/summary- report-09.pdf

7 Office fédéral de la santé publique. Deuxième mo- nitoring de l’état de santé de la population migrante (GMM II). Berne, 2010. URL : www.bag.admin.ch/themen/

gesundheitspolitik/07685/12533/12535/index.html?

lang=fr

8 ** Global Advocacy Council of Physical Activity (GAPA), International Society for Physical Activity and Health (ISPAH) 2010 : La Charte de Toronto pour l’ac- tivité physique : un appel mondial à l’action. URL : www.globalpa.org.uk/pdf/torontocharter-french- 20may2010.pdf

9 ** Global Advocacy for Physical Activity (GAPA) the Advocacy Council of the International Society for Physi-

cal Activity and Health (ISPAH) 2011 : NCD Prevention – Investments that work for physical activity. URL : www.globalpa.org.uk/pdf/investments-workfrench.pdf 10 Bize R. Promotion de l’activité physique au cabinet médical. Manuel de référence à l’intention des méde- cins. Policlinique médicale universitaire, Office fédéral du sport, Collège de médecine de premier recours, Ligue vaudoise contre les maladies cardiovasculaires.

Lausanne, 2009.

11 Tudor-Locke CE, Myers AM. Methodological con- siderations for researchers and practitioners using pe- dometers to measure physical (ambulatory) activity.

Res Q Exerc Sport 2001;72:1-12.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implications pratiques

Explorer avec ses patient/es comment ils/elles perçoivent leur contexte de vie par rapport à l’activité physique Utiliser les éléments de contexte favorables pour promou- voir une intégration de l’activité physique au quotidien

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