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Les types et la création de sûretés selon le guide législatif de la CNUDCI : Quelques enseignements pour le droit suisse

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Les types et la création de sûretés selon le guide législatif de la CNUDCI : Quelques enseignements pour le droit suisse

FOËX, Bénédict

FOËX, Bénédict. Les types et la création de sûretés selon le guide législatif de la CNUDCI : Quelques enseignements pour le droit suisse. In: Foëx, Bénédict, Thévenoz, Luc et Bazinas, Spiros V. Réforme des sûretés mobilières : Les enseignements du Guide législatif de la CNUDCI = Reforming Secured Transactions : The UNCITRAL Legislative Guide as an Ins . Genève : Schulthess, 2007. p. 63-72

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:9682

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Réforme des sûretés mobilières

Les enseignements du Guide législatif de la CNUDCI

Reforming Secured Transactions

The UNCITRAL Legislative Guide as an Inspiration

Lionel Aeschlimann Georges Affaki Spiros V. Bazinas Antoine Eigenmann Bénédict Foëx Nicolas de Gottrau Nicolas Jeandin Gerard McCormack Henricus J. Snijders

Editeurs / Editors : Bénédict Foëx Luc Thévenoz Spiros V. Bazinas

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Les types et La création de sûretés seLon Le Guide LéGisLatif de La cnudci

QueLQues enseiGnements pour Le droit suisse Bénédict foëx*

introduction

Le professeur Gerard McCormack analyse dans les pages qui précèdent les quatre premiers chapitres du projet de Guide Législatif de la CNUDCI1. Le pré- sent exposé vise à examiner quelques enseignements que le droit suisse pourrait tirer de cette trentaine de Recommandations. Après quelques remarques géné- rales, je me concentrerai sur trois questions qui me paraissent mériter de retenir plus spécialement notre attention :

• Faut-il adopter l’approche dite fonctionnelle des sûretés ? (Recommanda- tion 8)2

• La sûreté doit-elle naître par la simple conclusion d’un contrat ? (Recom- mandation 12)

• Les cessions de créances doivent-elles être soumises au régime juridique applicable aux (autres) sûretés ? (Recommandation 3)

i. Quelques remarques générales

On peut tenir pour acquis qu’une réforme du droit suisse des sûretés mobi- lières est nécessaire. Il nous faut introduire un gage sans dépossession, moyen- nant inscription dans un registre, pouvant porter sur des pluralités d’objets (par

* Professeur à l’Université de Genève.

1 Supra, p. 43 ss.

2 Le présent article se réfère au projet de Guide législatif dans sa version consolidée du Working Paper A/CN9/WG.VI/WP.29, daté du 17 juillet 2006.

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exemple, les stocks) et susceptible de garantir des pluralités de créances. Je n’en ferai donc pas la démonstration3.

Dans cette perspective, l’apport que constitue le projet de Guide Législatif me paraît remarquable. Il confirme, après d’autres exemples, que la voie à suivre est celle de l’introduction d’une sorte d’hypothèque mobilière généralisée, venant s’ajouter aux sûretés existantes et sans les remplacer.

A mon sens, il faut se réjouir que le Guide Législatif préconise l’introduction d’un registre destiné à recevoir les avis de constitution de sûreté4. Il me paraît également heureux que la sûreté en question puisse porter sur des universalités, sur les biens d’équipement, sur les stocks et même sur l’ensemble des biens du constituant5 et qu’elle puisse garantir tous les types de créances, y compris les créances futures6. Enfin, il me semble que c’est également une fort bonne chose que le Guide prévoie que la naissance et l’opposabilité de cette sûreté ne dépendent pas de l’existence de la créance garantie7.

Si le législateur suisse adoptait simplement ces cinq Recommandations, il moderniserait déjà de façon considérable son droit des sûretés. Il se libérerait aussi de contraintes quelques peu surannées découlant des principes du nantis- sement, de spécialité et d’accessoriété. Il réaliserait ainsi deux des objectifs du Guide Législatif : promouvoir le crédit garanti et permettre l’utilisation de la va- leur intégrale des biens8.

3 Voir par exemple : Antoine Eigenmann, L’effectivité des sûretés mobilières. Etude critique en droit suisse au regard du droit américain et propositions législatives, thèse, Fribourg 2001 ; Daniel Girsberger, Ist das Faustpfandprinzip noch zeitgemäss ?, in RSJ 1997 p. 97 ss ; Barbara Graham-Siegenthaler, Kreditsicherungsrechte im internationalen Rechtsverkehr.

Eine rechtsvergleichende und international-privatrechtliche Untersuchung, thèse d’habili- tation Zurich, Berne 2005, p. 724 ss ; Bernhard Berger, Registrierung von Mobiliarsicher- heiten : Vorschläge zu einer Reform des Kreditsicherungsrechts, in RJB 2002 p. 197 ss ; Lionel Aeschlimann / Bénédict Foëx, Sûretés mobilières : limites et réforme du droit suisse, in Jour- née 2005 de droit bancaire et financier (C. Bovet et L. Thévenoz, éd.), Zurich 2006, p. 17 ss.

4 Rec. 33 : “The law should provide that a security right created in accordance with the provi- sions of the law on creation is effective against third parties if a notice with respect to the security right is registered in the general security rights registry referred to in recommenda- tions 55-71”.

5 Rec. 17 : “The law should provide that a security right may be granted in all assets of a grantor”.

6 Rec. 15 : “The law should provide that a security right may secure any type of obligation, present or future, determined or determinable, as well as conditional and fluctuating obligations”.

7 Rec. 15 : “The law should provide that a security right may secure any type of obligation, present or future, determined or determinable, as well as conditional and fluctuating obliga- tions” ; Rec. 74 : “[Subject to recommendation 86,] the priority of a security right does not depend on the date when the secured obligation was incurred”.

8 Rec. 1 : “The law should be designed : (a) To promote secured credit ; (b) To allow utilization of the full value inherent in a broad range of assets to support credit in the widest possible array of credit transactions […]”.

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Cela étant, un autre objectif du Guide Législatif me paraît digne d’intérêt.

C’est l’objectif de la Recommandation 1 (j) : respecter l’autonomie des parties9. Il s’agit là d’un principe cardinal du droit privé, même en droit des sûretés10. Or, il faut bien reconnaître que la lecture du Guide Législatif ne donne pas toujours l’impression que ses auteurs ont entendu donner sa pleine mesure à l’autonomie privée ; à titre d’exemple, on peut relever que la Recommandation 128 limite sensiblement l’autonomie du constituant et du débiteur en cas de défail- lance et de réalisation11.

A cela s’ajoute que le Guide Législatif est très complet. Dans la version ici dis- cutée, il est riche de 227 recommandations, qui couvrent plus de cent pages et qui consituent un système d’une complexité redoutable. Certaines de ces recom- mandations entrent par ailleurs dans des détails qui peuvent étonner ; ainsi, à titre d’illustration, on peut se demander s’il est vraiment nécessaire que le Guide Législatif contienne une disposition sur les heures d’ouverture du registre dont l’introduction est proposée12.

En d’autres termes, le Guide Législatif paraît parfois trop complet, par défé- rence à un principe qui apparaissait encore dans un Working Paper du 26 avril 200613, selon laquelle toute loi nationale des sûretés devrait comprendre une ensemble complet et cohérent de dispositions en matière de sûretés (approche dite “globale”)14. Une telle injonction se trouve aujourd’hui dans la remarque qui précède la Recommandation 215, si bien que l’idée d’une certaine exhaustivité demeure.

Une loi peut cependant régler la matière de façon cohérente et complète sans pour autant régler de façon détaillée chaque situation envisageable. Il appartien- dra donc à chaque législateur de s’inspirer comme bon lui semble du Guide Lé- gislatif, dans le respect de ses traditions et en laissant de côté ce qui lui paraît

9 Rec. 1 : “The law should be designed : (j) To recognize party autonomy”.

10 Voir par exemple à cet égard, en droit français, la thèse de M. Philippe Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, Paris 2005.

11 Rec. 128 : “The law should provide that, subject to recommendation 127, the grantor and any other person that owes payment or other performance of the secured obligation may waive unilaterally or vary by agreement any of their rights and remedies under the provisions of this law governing default and enforcement, but only after default”.

12 Rec. 55 (j) : “The law should provide an administrative framework to ensure that the regis- tration and searching process operates as follows : […] (j) The registry operates reliable and consistent service hours compatible with the needs of potential registry users”.

13 Cf. le Working Paper A/CN.9/WG.VI/WP.26/Add.7, du 26 avril 2006, disponible sur le site in- ternet de la CNUDCI à l’adresse suivante : http ://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V06/

534/20/PDF/V0653420.pdf ?OpenElement.

14 “Comprehensive approach. The law should include a comprehensive and consistent set of provisions on security rights in tangibles and intangibles” (Recommandation 5).

15 “The purpose of the scope provisions of the law is to establish a single comprehensive re- gime for secured transactions”.

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superflu ou peu désirable. En particulier, on peut penser que le législateur suisse, s’il s’attelait à la tâche de réformer notre droit des sûretés mobilières, ne se conten- terait pas de reprendre telles quelles les 227 recommandations, mais qu’il en ti- rerait les caractéristiques principales que doit présenter un droit des sûretés moderne, laissant pour le surplus au juge, à la doctrine et à la pratique le soin de compléter le système ainsi mis en place.

ii. faut-il retenir l’approche dite fonctionnelle ?

Faut-il soumettre toutes les sûretés réelles mobilières (gage, réserve de propriété, leasing financier, etc.) à un régime juridique commun, celui du gage, eu égard au fait qu’elles répondraient économiquement à la même fonction16 ? Il s’agit là d’une question fondamentale du droit des sûretés17.

A première vue, le Guide Législatif y répond par l’affirmative. Intitulée “Inte- grated and functional approach”, la Recommandation 8 prévoit en effet que “The law should establish an integrated and consistent set of provisions on security rights in tangibles and intangibles. Its rules should apply to all contractually cre- ated rights (regardless of form) in movable property that secure an obligation, in- cluding rights under a transfer of title to tangibles or an assignment of receivables for security purposes, a retention of title sale, a financial lease or a hire-purchase agreement […]”.

Dans la même veine, la Recommandation 2 (e) dispose que “The law should apply : (e) To all types of property right created contractually to secure the pay- ment or other performance of an obligation, irrespective of the form of the rele- vant transaction, including the various forms of retention of title, financial leases and hire-purchase agreements, as well as transfers of title by way of security”18. L’idée est la suivante : il faut faire prévaloir le fond sur la forme. Les sûretés mobilières poursuivent bon an mal an toutes le même but. Elles répondent écono-

16 Voir à titre d’illustration l’article 9-109 (a) (1) UCC : “Except as otherwise provided in subsec- tions (c) and (d), this article applies to : (1) a transaction, regardless of its form, that creates a security interest in personal property or fixtures by contract”.

17 Voir par exemple à ce propos : Jean-François Riffard, Le security interest ou l’approche fonctionnelle et unitaire des sûretés mobilières. Contribution à une rationalisation du Droit français, thèse, Clermont-Ferrand 1997 ; Harry C. Sigman, The security interest in the United States : a unitary functional solution, in Repenser le droit des sûretés mobilières (sous la direction de Marie-Elodie Ancel), Paris 2005, p. 55 ss.

18 Voir également la remarque de G. McCormack dans le présent ouvrage (p. 53), selon laquelle l’approche fonctionnelle “is evident throughout the Guide”. Voir aussi : Jean-François Riffard, Propriété et garanties : faut-il destituer la reine des sûretés ? Ou du caractère soluble de la pro- priété-sûreté dans le Guide Législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties, in Repenser le droit des sûretés mobilières (sous la direction de Marie-Elodie Ancel), Paris 2005, p. 28 ss, pp. 35 et 37.

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miquement à la même fonction. Dès lors, elles doivent être soumises à un régime juridique identique. Surtout, elles doivent produire les mêmes effets et procurer les mêmes prérogatives à leur bénéficiaire.

La cible principale de l’approche fonctionnelle est la propriété-sûreté. On lui reproche de constituer un gaspillage de crédit : en transférant sa propriété, “le débiteur épuise en une seule fois la possibilité d’obtention de crédit” sur l’actif considéré19. Tel n’est pas le cas du gage : la constitution d’un premier gage n’em- pêche pas la constitution d’un gage ou de plusieurs gages de rang postérieur, per- mettant de tirer pleinement parti de la valeur de garantie représentée par la chose grevée20.

On reproche également à la propriété-sûreté d’être une “concurrente dé- loyale”21 par rapport au gage : le créancier-propriétaire échappe aux aléas de la faillite. Le créancier gagiste, lui, se voit entraîné (pour ne pas dire empêtré) dans la faillite et son désintéressement dépendra d’un processus sur lequel il n’a guère de prise. Il convient donc de priver le créancier-propriétaire de ses “prérogatives exorbitantes”22 dans la faillite. Pire, le créancier-propriétaire est gourmand à l’ex- cès, puisqu’il exige le transfert de la pleine propriété là ou un droit restreint pour- rait satisfaire ses besoins. Il y a également là un gaspillage économiquement peu satisfaisant.

Il s’agit cependant à mon sens là de visions réductrices. Ainsi et par exemple, la réserve de propriété ne vise pas nécessairement uniquement à garantir une créance. Il arrive non rarement que le vendeur se réserve la propriété pour conser- ver un certain contrôle sur le sort du bien vendu ; tel sera par exemple le cas du producteur d’une matière destinée à être transformée (alliage spécial livré à un fa- bricant de pièces détachées de précision ; cuir ou tissu portant une marque pres- tigieuse livrés à un maroquinier industriel, etc.), qui souhaite éviter que le produit vendu ne tombe dans la masse en faillite de son acheteur et ne soit susceptible d’être acquis par un concurrent lors de la réalisation23.

On le voit, la réserve de propriété peut répondre à un besoin qui va au-delà de la simple garantie d’une créance. Il n’est donc ni nécessaire, ni opportun, de

19 Riffard (note 17), p. 166.

20 Cf. les art. 886 et 893 CC.

21 Cf. par exemple Riffard (note 17), p. 114 s.

22 Riffard (note 18), p. 45.

23 Voir par exemple l’arrêt du Tribunal fédéral du 14 janvier 2003 publié in SJ 2003 I 312 ss : ventes successives d’alliages d’or à un fabricant, les déchets (représentant plus de 90% des quantités livrées) étant restitués au vendeur aux fin d’être retraités ; l’inscription d’une ré- serve de propriété (ne visant pas avant tout à garantir le paiement du prix de vente) aurait permis de lever tout doute sur la question (tranchée finalement par le Tribunal fédéral) de savoir si les déchets se trouvant en possession de l’acheteur lorsqu’il est tombé en faillite devaient ou non tomber dans la masse en faillite.

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la réduire ex lege à un gage. Et cela est vrai aussi du crédit-bail24 et, dans une cer- taine mesure tout du moins, de la propriété fiduciaire à fin de garantie.

En définitive, l’affirmation selon laquelle il faut faire prévaloir la forme sur le fond (substance over form)25 peut être retournée : c’est une vision formaliste que de dire que la propriété-sûreté peut toujours être assimilée à un gage.

Pour ma part, je regrette donc que les Recommandations 8 et 2 (e) du Guide Législatif optent pour l’approche fonctionnelle. Ce d’autant plus que l’on sent les auteurs du Guide hésitants sur ce point ; en témoigne le fait que les recomman- dations concernant les “Mécanismes de financement d’acquisitions”26 sont dé- doublées : chaque Recommandation est d’abord donnée en fonction d’un système dit unitaire (unitary approach), puis ensuite modifiée pour tenir compte d’une approche non-unitaire (non-unitary-approach)27, ce qui revient à s’écarter de l’ap- proche fonctionnelle.

Il n’est pas possible de s’étendre plus longtemps ici sur cette question. On peut se borner à conclure qu’il s’agit là d’un carrefour important, d’un choix fon- damental qui se posera nécessairement au législateur suisse s’il entreprend une réforme du droit des sûretés. On rappelera dans ce contexte que la réforme du droit français des sûretés adoptée en mars 200628 n’a – sciemment – pas suivi l’ap- proche fonctionnelle29.

iii. La sûreté doit-elle naître par la simple conclusion du contrat constitutif de sûreté ?

La Recommandation 12 prévoit que la sûreté mobilière prévue par le Guide naît par le simple accord des parties : “The law should provide that a security right is created by agreement between the grantor and the secured creditor […]”. Dans le système institué par le Guide, une mesure de publicité n’est pas nécessaire à la naissance de la sûreté. Une telle mesure (inscription dans un registre, transfert de

24 Voir encore, par exemple, la remarque de G. McCormack dans le présent ouvrage (p. 58) : “In effect, two types of contractor, the finance lessor and the simple retention of title supplier, who never considered that they were bringing into existence a security interest at all, are magically transformed by legislation into doing what they never wanted to do”.

25 Cf. par exemple : James J. White, Uniform Commercial Code : Secured transactions, 4e éd., St. Paul, 1995, p. 715.

26 Acquisition financing devices.

27 Cf. les Recommandations 182 ss.

28 Cf. Ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006, in JO du 24 mars 2006, p. 4475.

29 Voir par exemple : Dominique Legeais, Le gage de meubles corporels, in La Semaine Juridique 2006, Supplément au no 20 – 17 mai 2006, p. 12 ss, p. 13 : “Les rédacteurs du projet n’ont pas voulu succomber à la tentation de la conception moniste et fonctionnelle des sûretés inspirée des droits anglo-saxons. […] Les rédacteurs ont voulu s’en tenir à la tradition française faisant une large place à la diversité des techniques utilisées”.

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possession, etc.) permet de rendre la sûreté opposable aux tiers30. Mais la sûreté existe déjà, entre les parties, dès la conclusion du contrat31.

En d’autres termes, on peut dire que la sûreté prévue par le Guide Législatif naît en principe solo consensu. Le seul échange de manifestations de volonté pro- duit un effet réel, crée la sûreté. C’est ce que l’on appelle le système consensuel, qui est connu d’un certain nombre de pays. Mais ce n’est pas le système du droit suisse, ainsi que le Tribunal fédéral a encore eu l’occasion de le rappeler dans un arrêt publié récemment : “Dabei ist zu beachten, dass sich der historische Gesetz- geber bewusst für das Traditionsprinzip (und gegen das Vertragsprinzip) ausge- sprochen hat”32.

Selon le Guide Législatif, le contrat donnerait donc naissance à une sûreté mobilière qui ne serait dans un premier temps pas opposable aux tiers, ce qui est un peu curieux, d’un point de vue du droit suisse33. Mais en soi, cela ne constitue pas un obstacle déterminant : si la réforme de notre droit des sûretés est à ce prix, il faudrait bien songer à adopter cette distinction inspirée de l’article 9 UCC . Mais s’agit-il d’une nécessité logique ? Est-il vraiment nécessaire que la sûreté naisse par le seul effet du contrat ? C’est là une question qui est fort peu étudiée.

On comprend fort bien qu’un système moderne et efficace nécessite une cer- taine déconnexion entre le contrat et la publicité, entre la constitution et l’oppo- sabilité de la sûreté. Ainsi, l’inscription dans un registre doit pouvoir précéder la constitution de la sûreté (ainsi que le prévoit la Recommandation 6434), ne serait- ce que pour permettre aux parties de réserver le rang d’une sûreté dont elles sont encore en train de négocier la constitution. Mais on a de la peine à se convaincre qu’il soit pour autant nécessaire d’adopter cette distinction entre sûreté existante (naissant par l’effet de la convention) et sûreté opposable (par l’effet de la mesure de publicité)35.

A cela s’ajoute que le Guide Législatif indique expressément qu’une sûreté qui n’est pas opposable aux tiers ne produit d’effet ni envers les titulaires d’autres sûretés non opposables, ni même envers les créanciers chirographaires : “The

30 Cf. notamment la Rec. 30 : “The law should provide that a security right is effective against third parties only if it is created in accordance with this law and one of the methods referred to in recommendation 33, 35 or 36 has been followed”.

31 Cf. notamment la Rec. 31 : “The law should provide that a security right that has been created in accordance with the provisions of the law on creation is effective against the grantor even if it is not effective against third parties”.

32 ATF 132 III 155/161.

33 Il est vrai que le droit suisse connaît un cas de transfert de propriété non opposable aux tiers (cf. art. 717 al. 1 CC). Mais il s’agit là d’un cas particulier, dont le caractère exceptionnel confirme qu’en principe les droits réels doivent être rendus publics pour exister.

34 “The law should provide that a notice with respect to a security right may be registered before or after creation of the security right”.

35 Eigenmann (note 3), p. 242 s. ; du même avis, semble-t-il : Graham-Siegenthaler (note 3), p. 745 s. D’un avis contraire : Berger (note 3), p. 217.

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Working Group may wish to note that the commentary will explain that a security right that is not effective against third parties has no effects as against general credi- tors or secured creditors whose security rights are not effective against third parties.

[…] The practical result of this approach is that no issue of priority arises in the case of security rights that are not effective against third parties and, therefore, such rights would be equal between them and with the rights of general creditors ”36. On se demande dès lors quel est l’intérêt de considérer qu’une sûreté existe par simple accord entre les parties. Il conviendrait en tout cas de réfléchir très sérieu- sement avant de faire ce pas dans une réforme du droit suisse ; en particulier, les ef- fets d’une telle sûreté non (encore) opposable devraient être sérieusement analysés, que ce soit en droits réels37, en droit de l’exécution forcée38 ou en droit pénal39, no- tamment. En vérité, les répercussions d’une telle intervention du principe consen- suel dans notre système juridique (et pour les seules sûretés mobilières, les autres droits réels restant soumis au principe de publicité des droits réels) paraissent difficilement maîtrisables et l’on se demande bien si le jeu en vaut la chandelle.

iV. Les cessions de créances doivent-elles être soumises au régime juridique applicable aux (autres) sûretés ?

Le champ d’application du Guide Législatif est ambitieux : ses Recommandations s’appliquent naturellement à la mise en gage des créances, mais également à leur transfert à fin de garantie, voire à leur transfert pur et simple40.

Il en résulte qu’en principe, une inscription dans un registre est nécessaire pour effectuer chacune de ces opérations41. Le Guide Législatif réserve toutefois le

36 Note ad Rec. 31.

37 Par exemple : en cas d’aliénation du bien grevé, le tiers acquiert-il le bien dégrevé même s’il est au courant de l’existence de la sûreté non opposable ?

38 Par exemple : le constituant peut-il se prévaloir du beneficium excussionis realis ? La voie de la poursuite en réalisation de gage est-elle ouverte au créancier “gagiste” ?

39 Par exemple : l’art. 145 CP, qui réprime le détournement de choses frappées d’un droit de gage s’appliquerait-il en cas d’aliénation d’une chose grevée d’une sûreté non opposable ? Un tiers pourrait-il être l’instigateur d’une telle infraction alors que la sûreté ne lui est pas opposable ?

40 Cf. la Rec. 3 (“The law should apply to outright transfers of receivables, subject to recommen- dation 160 [application of the chapter on enforcement to outright transfers of receivables]”), ainsi que les définitions a (“ ‘Security right’ means a consensual property right in movable property and attachments that secure payment or other performance of one or more obliga- tions, regardless of whether the parties have designated it as a security right. It includes acquisition security rights and non-acquisition security rights. With respect to receivables, security right also means an outright transfer of a receivable, as well as a transfer by way of security. References to a ‘security right’ in the Guide also refer to the ‘right of an assignee’ ”) et q (“ ‘Assignment’ means the creation of a security right in a receivable, including an out- right transfer of a receivable”) au début du Guide Législatif.

41 Rec. 33 : “The law should provide that a security right created in accordance with the provi- sions of the law on creation is effective against third parties if a notice with respect to the

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cas des comptes bancaires, qui peuvent faire l’objet d’une sûreté sans inscription si le bénéficiaire de la sûreté en a le “contrôle”42, ce qui sera notamment le cas de la banque dépositaire43.

S’agissant du gage sur les créances et du point de vue du droit suisse, on peut se réjouir du régime juridique proposé par le Guide Législatif : libérée de la néces- sité de transférer la possession du titre de créance (exigé par l’art. 900 al. 1 CC), la mise en gage de créances pourrait retrouver une certaine attractivité.

On pourrait en revanche hésiter quant à l’opportunité d’inclure la cession de créance à fin de garantie dans le champ d’application du Guide et, partant d’éten- dre à ce transfert la nécessité d’une inscription. En effet, le fait que la cession de créance à fin de garantie ne s’accompagne pas d’une mesure de publicité (en droit suisse actuel) procure une souplesse et une efficacité appréciables à cette institu- tion, en permettant par ailleurs de ménager les intérêts commerciaux du cédant.

D’un autre côté, il faut bien reconnaître qu’en l’état actuel, cette sûreté présente le désavantage d’être occulte44, ce qui peut conduire à des résultats particulière- ment peu satisfaisants lorsque la cession de créances est globale : une entreprise peut ainsi être vidée en catimini d’une partie très importante de sa substance45 ; en outre, cette absence de publicité fait courir aux tiers les risques inhérent à une double cession de créances. L’inscription dans un registre serait une solution per- mettant de remédier de façon élégante à ces inconvénients. En définitive, il faut se réjouir que le Guide Législatif propose aux législateurs nationaux de prévoir une telle mesure de publicité pour les cessions de créances à fin de garantie46.

security right is registered in the general security rights registry referred to in recommenda- tions 55-71”.

42 Cf. Rec. 35 (f) : “The law should provide that a security right may also be made effective against third parties by one of the following alternatives to registration methods : (f) In a right to pay- ment of funds credited to a bank account, by control, as provided in recommendation 46”.

43 Cf. à cet égard la définition du terme “control” au début du Guide Législatif (définition hh) :

“A secured creditor has ‘control’ with respect to a right to payment of funds credited to a bank account : (i) Automatically upon the creation of a security right if the depositary bank is the secured creditor ; (ii) If the depositary bank has concluded a control agreement with the grantor and the secured creditor, according to which the depositary bank has agreed to follow instructions from the secured creditor with respect to the right to payment of funds credited to the bank account without further consent of the grantor ; or (iii) If the secured creditor is the account holder”.

44 Cf. par exemple : Aeschlimann / Foëx (note 3), p. 29.

45 Voir par exemple : Luc Thévenoz, La fiducie cendrillon du droit suisse, in RDS 1995 II 253 ss, p. 308 ; N. de Gottrau, Transfert de propriété et cession à fin de garantie : principes, et ap- plications dans le domaine bancaire, in Sûretés et garanties bancaires (N. Iynedjian, éd.), Lausanne 1997, p. 173 ss, p. 246.

46 Voir également la contribution de N. de Gottrau dans le présent ouvrage (p. 179 ss, notam- ment pp. 189 s. et 200). Contre l’introduction d’un registre des cessions globales de créances, par exemple : Peter Hänseler, Die Globalzession, thèse, Zurich 1991, p. 78.

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Faut-il également exiger une inscription dans un registre pour les cessions pures et simples, ainsi que le prévoit le Guide Législatif ? Ce serait une exigence nouvelle, pour ne pas dire exorbitante, en droit suisse ; il n’est pas du tout certain que notre législateur sera prêt à faire ce pas. On peut certes relever que poser l’exi- gence d’une inscription pour les cessions à fin de garantie, mais non pour les ces- sions pures et simples, c’est exposer les parties à des contestations sur la nature de leur cession : la partie qui voudra contester la validité d’une cession pure et simple sera tentée d’alléguer que l’opération aurait dû être inscrite, car poursuivant en réalité un but de garantie ; au final, la sécurité juridique n’y trouverait peut-être pas son compte. On peut également avancer que le droit national pourrait res- treindre le cercle des cessions pures et simples soumis à l’exigence d’inscription, en prévoyant par exemple que seules sont visées les cessions de créances effec- tuées par des personnes morales47. On peut enfin rappeler que, si le registre est informatisé et que les parties peuvent procéder sans difficulté aux inscriptions, la nécessité de prendre une telle mesure ne constituerait pas une exigence particu- lièrement lourde.

Il n’en demeure pas moins que l’on peut sérieusement hésiter à soumettre les cessions pures et simples à l’observation d’une formalité peu naturelle, par simple attraction avec la cession à fin de sûreté. Il s’agit d’un point fort délicat, qui devra être examiné minutieusement avant de se rallier à la proposition formulée par le Guide Législatif.

conclusion

Le Guide Législatif est une somme. Il est un véritable défi lancé aux législateurs nationaux. Il nous stimule et nous aiguillonne dans notre réflexion, en nous mon- trant en bien des points la voie à suivre. Rédigé avec une vision claire de ce que doit être un système moderne des sûretés mobilières, il pose des bases solides et ambitieuses.

Les divers points que nous venons d’examiner ne font pas exception. Les Re- commandations en cause pourraient certainement constituer une source d’ins- piration très sérieuse pour le droit suisse, même s’il n’est pas certain que notre législateur devrait se rallier à chacune des options prises par le Guide. Après tout, le rôle d’un guide n’est-il pas de montrer la voie et d’accompagner les premiers pas, tout en laissant à son destinataire la liberté de suivre son propre cheminement ?

47 Voir à cet égard Eigenmann (note 3), pp. 339 et 359, qui propose de soumettre la cession de créance à l’inscription dans un registre si elle est effectuée par une entreprise.

(13)

SOMMAIRE

Avant-propos 5

Preface 7

Auteurs 9

Sommaire 13

Abréviations 15

Key Policy Issues of the UNCITRAL Draft Legislative Guide 19 on Secured Transactions

Spiros V. Bazinas

The UNCITRAL Legislative Guide on Secured Transactions 43 – Functionalism and Form

Gerard McCormack

Les types et la création de sûretés selon le Guide Législatif de la CNUDCI 63 Quelques enseignements pour le droit suisse

Bénédict Foëx

Opposabilité, registre et priorité : les Chapitres V à VII du Guide Législatif 73 de la CNUDCI

Bénédict Foëx

Publicité et effets à l’égard des tiers des sûretés mobilières 91 Antoine Eigenmann

Some Comments on Dealing with Default, Enforcement and Insolvency 113 in the Draft Legislative Guide on Secured Transactions

Henricus J. Snijders

Défaillance, réalisation, insolvabilité : enseignements pour le droit suisse 125 Nicolas Jeandin

Défaillance, réalisation et insolvabilité : le point de vue du praticien 153 sur quelques questions choisies

Lionel Aeschlimann

(14)

Des aspects bancaires dans le Guide Législatif de la CNUDCI 165 sur les opérations garanties

Georges Affaki

Guide Législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties : 179 le point de vue des banques créancières

Nicolas de Gottrau

Table des matières 209

Références

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