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BERNARD CLAVEL. Club d'art Bordas

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BERNARD CLAVEL

L E O N A R D D E V I N C I

Club d'Art Bordas

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1967 Bordas et « Revues et Publications» - N° 0172671703 Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d'auteur.

Printed in France

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I

LA GLOIRE DE VINCI

N

É en 1452 et mort en 1519, Léonard de Vinci est donc, par sa vie, lié aussi bien au XV qu'au XVI siècle. Par ses recherches, par son œuvre, il est le type même du peintre qui contredit les historiens d'art attachés à dresser des barrières infranchis- sables entre les siècles. Ces barrières sont des créations de l'esprit, elles sont les fron- tières les plus artificielles et les plus arbi- traires que l'on puisse ériger. Les termes de quattrocento et cinquecento, (XV et XVI siècles) qui sont pour nous des noms bar- bares, tendent à séparer des époques étroi- tement imbriquées l'une dans l'autre et qui ont vu naître, grandir et mourir des hommes peu soucieux d'arrêter une existence ou une œuvre à la date précise d'un 31 décembre, pour justifier une classification et une chro- nologie nées pour les besoins d'un fichier dont l'histoire de l'art n'a que faire. Ainsi, bravant les dates et les écrits antérieurs, un homme comme Elie-Charles Flamand n'hésite pas à rattacher Vinci au XVI siècle, bien que l'essentiel de son œuvre ait été peint avant qu'il eut atteint la cinquantaine.

Le Moyen Age n'est pas mort d'un coup, remplacé un beau matin par l'art dit de la Renaissance, pas plus que l'Impression- nisme, par exemple, n'a cessé d'exister à une date déterminée pour faire place à d'autres tendances. Le XV siècle a vu coexister le Gothique et la Renaissance, les cathédrales innombrables où le gothique flamboie sur des fondations du plus pur style roman sont là pour montrer que tout se tient, que nulle

date historique ne peut rompre la chaîne qui unit à des artistes octogénaires des compa- gnons en pleine force de l'âge et des appren- tis de vingt ans.

C'est vers 1426 - c'est-à-dire un quart de siècle avant la naissance de Vinci - que furent exécutées par Masaccio les fresques de la chapelle Brancacci del Carmine à Florence, où Franco Russoli (1) voit poindre un nouveau concept religieux et moral qu'il définit comme: « l'équilibre serein entre la rai- son et la nature, entre la science et l'histoire ».

Ainsi commençait de naître la Renaissance italienne, mais sans rupture brutale avec le passé. S'il y a quelque chose de révolution- naire dans la manière un peu rude dont les personnages de Masaccio (1401-1428 - né comme Vinci dans le Val d'Arno) expriment les passions humaines, il n'en reste pas moins que dans le même temps, des artistes comme Masolino (1383-1447) remportent un grand succès avec des œuvres plus timides, où les figures modelées avec soin s'offrent aux caresses d'une lumière souvent artifi- cielle.

S'il est exact que l'Italie était en pleine effervescence au moment où Vinci commença de peindre, cette fièvre de recherche et de création qui l'animait voyait un XV siècle où Gothique et Renaissance voisinaient sans heurt, puisque le Dôme de Florence était en pleine construction au moment où s'acheva celui de Milan.

(1) La Peinture de la Renaissance, Pont Royal.

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LaJoconde Huile sur toile. 77 cm x 53 cm. Musée du Louvre. Ce sourire a fait de Léonard de Vinci l'un des peintres les plus connus du monde. Il a contribué à sa gloire davantage que tout le reste de son œuvre. On s'interroge encore sur l'identité du modèle : est-ce Mona Lisa del Giocondo ou la du- chesse de Franca-Villa Costanza d'Avalos ? Quel que soit le point de départ de cette œu- vre, ce qui importe c'est que le peintre soit ici, beaucoup plus présent que son modèle.

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L'eau coule d'un siècle à l'autre sans rencontrer aucun barrage, mais seulement animée de remous et de courants accéléra- teurs. Vinci est l'un de ces courants, mais il ne saurait être dissocié du fleuve. Son temps est celui où l'Italie, divisée en petits Etats sans cesse en guerre, connaîtra l'invasion des armées de Charles VIII et verra les artistes fuir certaines villes - comme Flo- rence d'où furent chassés les Médicis, comme Pise dont le siège dura 14 ans - pour gagner Rome et s'assurer la protection des papes.

Mais le temps de Vinci est aussi celui où les mécènes commencent à distinguer l'artiste de l'artisan. La peinture, la sculpture, l'archi- tecture ne sont plus considérées comme des travaux mineurs que l'on peut faire conce- voir et exécuter à la tâche. L'artiste digne d'attention est un maître, il a droit à l'habit de gentilhomme et à l'épée. Vinci, Michel- Ange, Raphaël ne sont pas seulement pein- tres mais sculpteurs, architectes, poètes, archéologues, et si nous les connaissons surtout aujourd'hui par leurs toiles et leurs fresques, ce fut souvent pour la multiplicité de leurs talents que les Grands cherchèrent à se les attacher. Si leur époque est un peu le siècle de ces demi-dieux à qui tous les dons semblaient avoir été donnés, elle est aussi le temps où les grands mécènes paraissent, qui ont, avec l'argent, l'intelligence de com- prendre comment ils pourront utiliser le génie créateur.

L'un des écrits les plus importants sur la Renaissance italienne, reste l'ouvrage de Burckhardt. Mais ce qui fait l'intérêt de la plus récente édition de cette thèse (2), est la préface que lui donne Robert Klein qui fait le point de toutes les réserves formulées à

(2) Jacob Burckhardt, La Civilisation de la Renaissance en Italie, Gonthier (coll. "Médiations") ou Plon.

la lumière de découvertes récentes. Car s'il est incontestable que la Renaissance pousse ses racines jusqu'au cœur du Moyen Age, s'il est certain que nulle limite chronologi- que précise ne peut lui être assignée sans danger, il n'en reste pas moins qu'elle justifie son nom par cette redécouverte de l'Anti- quité, par un renouvellement pour l'homme de sa manière de concevoir l'existence, d'aborder la morale, la religion et l'art.

Il serait original d'aborder Léonard de Vinci sans ajouter une page au dossier déjà surchargé de la Joconde, mais ce serait faus- ser le problème, non seulement parce que la Joconde est un chef-d'œuvre, mais aussi parce qu'elle est un cas en soi et une œuvre qui se détache aussi bien de la production de son auteur que de la peinture italienne de cette époque. La Joconde a contribué à la gloire de Vinci beaucoup plus que le reste de son œuvre et, même si nous admettons qu'un certain snobisme y est pour quelque chose et que la réputation de cette toile doit davantage à la publicité qu'à sa valeur artistique, celle-ci demeure incontestable.

Nous devons tenir compte de ce qui est (bon ou mauvais) et faire la part des choses si nous voulons avoir une idée saine de l'hom- me, du peintre et de ce qu'il nous a laissé.

Il faudrait des pages pour raconter l'histoire de ce portrait de dimensions fort modestes, perdu, retrouvé, volé, restitué, promené, etc. Au musée du Louvre, où on le présente avec tant de soins, il attire cent fois plus de visiteurs que d'autres toiles qui le valent bien et qui atténueraient sans doute son éclat si le public était à même d'échapper à toute influence et de retrouver une par- faite objectivité. Si cette toile déplace plus de curieux que de véritables amateurs d'art, si elle a fait couler à elle seule plus d'encre

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et de salive que n'importe quelle vedette, c'est, précisément, qu'elle est devenue une vedette. A ce titre, elle doit subir aussi bien les critiques — justifiées ou non — que les louanges ; elle doit accepter son fardeau de gloire, cette médaille dont le revers peut être terrible. De tous les maux dont elle pourrait avoir à se plaindre, le pire tient à notre épo- que ; il a contribué pour beaucoup à sa gloire, il se nomme la reproduction. Il convient d'en dire un mot, car, s'il concerne plus particu- lièrement cette œuvre, il pose un problème qui touche à l'art en général et intéresse tous ceux qui lui sont attachés.

Allez au Louvre, achetez le guide géné- ral du musée et, si vous parvenez à vous faire une idée de la Joconde à travers la reproduc- tion qu'en offre la couverture de cette bro- chure, c'est que vous avez au moins autant de génie que Vinci. Il faudrait en effet un pouvoir de recréation assez extraordinaire pour retrouver l'original sous cet éclairage verdâtre, sous ces ombres violettes et sans aucune nuance. Mais ce n'est rien. Nous avons vu pire au moment où M. Malraux s'est embarqué pour l'Amérique en compagnie de ce chef-d'œuvre. Foulards en quatre cou- leurs, pochettes, sachets de parfumerie, tout y était. Je me souviens même d'un cartonnier qui avait lancé trois modèles de boîtes à bonbons : La Joconde ordinaire, la luxe et la grand luxe avec paillettes dorées. Cet homme précisait : « La Joconde donne très fort. C'est notre article de tête. On peut dire qu'on doit gros à M. Malraux. » Les Américains défi- lèrent devant la toile exactement comme l'avaient fait les compatriotes de Vinci devant sa Sainte Anne à peine achevée. Loin de moi l'idée d'accuser l'auteur des Voix du silence d'avoir trahi la cause de l'art, le malheur est que nous ne disposions d'aucune arme pour

la protection des œuvres. Car si les Améri- cains ont pu voir l'original, s'il existe d'excel- lentes reproductions, il n'en reste pas moins que des millions d'hommes ont découvert et cru bon d'admirer la Joconde — c'est-à-dire Vinci — à travers une imagerie du plus insi- gne mauvais goût. Que ce sourire célèbre et ce regard, dont on a tant vanté le pouvoir magique puissent encore toucher après tant de tortures et de déformations, me paraît proprement inconcevable.

Je n'ai jamais autant pensé à Vinci, à la joie, à la douleur, à l'amour de l'artiste devant sa toile qu'en voyant ce qu'on osait en faire. Car la Joconde, comme tous les grands portraits les plus émouvants, est œuvre d'amour. Et ce que l'on saisit mal, c'est qu'une peinture si chargée d'émotion soit « supportée » si aisément. Je pense ici aux millions de reproductions fidèles épin- glées à des murs où elles n'engendrent plus que l'indifférence. Ainsi l'excès de gloire est- il souvent plus nuisible que le silence, car ce n'est plus un peintre que l'on juge où que l'on aime à travers la Joconde, dont on a complètement oublié qu'elle est pourtant

— et avant tout — Léonard de Vinci.

Et la meilleure preuve nous en est donnée non seulement par l'attitude du public qui vient la voir comme on va voir une bête étrange, mais par ce même public face à un mur vide. On a constaté en effet que des milliers de visiteurs défilaient de- vant « la place vide » laissée par la toile célèbre au moment où elle fut volée. Parmi ces visiteurs, de nombreux Parisiens inter- rogés reconnurent qu'ils n'avaient jamais jusqu'alors eu l'idée de pénétrer au musée du Louvre... même pour y voir la Joconde.

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RÉFÉRENCES DES PHOTOGRAPHIES

Alinari-Giraudon : 45

Anderson-Giraudon : 37, 38

Atlas Photo - J. Feuillie : 59

Bibliothèque royale de Windsor : 43, 59

Giraudon :

8, 11, 12, 13, 14, 16, 21, 25, 28, 30, 35, 46, 49, 50, 52, 54, 57, 60 Etienne-Hubert :

7, 15, 27, 32, 41, 55

Publications filmées d'Art et d'Histoire : 4

Scala : 17, 18, 23

Achevé d'imprimer

Sur les presses des Imprimeries de Bobigny en mars 1967

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