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AVIS DE RECHERCHE FORESTIÈRE SEPTEMBRE 2017
ans
Recherche
forestière
INNOVATION et ÉVOLUTION
Par Nelson Thiffault, ing.f., Ph. D. et François Hébert, biol., Ph. D.
Alors que certains écosystèmes, telles les sapinières, sont généralement caractérisés par une régénération abondante, les forêts nordiques sont soumises à des contraintes environnementales importantes, comme de courtes saisons de croissance ou une faible disponibilité des éléments nutritifs du sol, qui limitent le succès d’établissement de la régénération. L’abondance de plantes éricacées et de lichens, des groupes reconnus pour leurs interférences chez les conifères, influe également sur l’établissement et la croissance de la régénération dans la frange nord de la forêt boréale commerciale. Ces facteurs entraînent une augmentation de la proportion de forêts ouvertes, un phénomène qui pourrait être exacerbé par les changements climatiques qui influenceront les régimes des précipitations et des feux.
En août 2010, nous avons établi un dispositif expérimental en blocs complets à parcelles partagées comprenant cinq répétitions de chacun des traitements suivants, en parcelles principales : i) une préparation mécanique standard du sol, réalisée à l’aide d’un scarificateur à disques, ii) une préparation mécanique standard du sol, suivie de la plantation systématique d’aulnes crispés en juin 2011, iii) une préparation mécanique intensive du sol, réalisée à l’aide de deux passages d’un scarificateur à disques, et iv) un témoin, sans préparation de sol. En juillet 2011, nous avons divisé chacune des parcelles principales en deux et mis en terre des plants d’épinette noire et de pin gris.
Au cours des trois premières saisons de croissance après la mise en terre, nous avons mesuré la taille des plants, leur nutrition et la végétation qui les entoure (Figure 1). Nous avons notamment mesuré la distance entre les conifères plantés et les aulnes les plus près, de même que la différence de hauteur entre les deux espèces.
Territoires où les résultats s’appliquent.
La résilience des forêts correspond à leur capacité à retrouver leurs fonctions après des perturbations majeures.
Elle dépend largement de leur capacité à se régénérer.
Dans la frange nord de la forêt boréale commerciale, plusieurs peuplements présentent des insuffisances dans la quantité et la qualité de la régénération forestière après des coupes ou des feux. La sylviculture en bas âge peut-elle contribuer à établir une régénération qui assurera le retour de peuplements fermés et contribuera au maintien de services écosystémiques telles la production de bois, la fixation du carbone atmosphérique ou la création d’habitats fauniques?
La sylviculture et la facilitation écologique pour améliorer la résilience des peuplements à la limite nordique des forêts attribuables
Objectifs et approche méthodologique
Dans ce contexte, nous avons conçu une expérience afin d’évaluer le potentiel de traitements sylvicoles en bas âge pour favoriser l’établissement et la croissance de l’épinette noire (Picea mariana [Mill.] BSP) et du pin gris (Pinus banksiana Lamb) dans une station située à la limite nordique de la forêt boréale commerciale. Sur un site subarctique dépourvu de régénération, nous voulions tester les hypothèses selon lesquelles 1) le scarifiage permet de réduire le pourcentage de couverture des plantes éricacées, et 2) la croissance des plants d’épinette noire et de pin gris mis en terre est proportionnelle à l’intensité du traitement. Nous voulions également vérifier si 3) la plantation d’une espèce compagne fixatrice d’azote (l’aulne crispé, Alnus viridis [Chaix] DC ssp. crispa [Aiton] Turrill) augmente la concentration d’azote dans la zone d’enracinement et améliore la croissance des conifères par rapport aux conditions témoins (relation de facilitation). Par ailleurs, nous avons aussi évalué 4) s’il y a présence d’un effet compétitif de l’aulne sur les conifères, selon la distance entre les individus et l’essence considérée (épinette noire ou pin gris).
Notre étude s’est déroulée au nord-est du réservoir Manicouagan, à environ 290 km au nord de Baie-Comeau, dans la région de la Côte-Nord. Le site, qui était dominé par l’épinette noire, a été brûlé par un incendie forestier en 2007. Aucune coupe de récupération n’a eu lieu après l’incendie. Au fil des années, les plantes éricacées et les lichens ont graduellement recouvert le sol. Un inventaire préliminaire, réalisé en 2010, a confirmé l’absence d’une régénération de conifères.
ISSN : 1715-0795 Les liens Internet de ce document étaient fonctionnels au moment de son édition.
Pour plus de renseignements, veuillez communiquer avec : Direction de la recherche forestière
Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs 2700, rue Einstein, Québec ( Québec ) G1P 3W8
Téléphone : 418 643-7994 Courriel : recherche.forestiere@mffp.gouv.qc.ca
Télécopieur : 418 643-2165 Internet : www.mffp.gouv.qc.ca/forets/connaissances/recherche
Principaux résultats
La préparation mécanique du sol diminue significativement le pourcentage de recouvrement des plantes éricacées par rapport aux conditions témoins; son effet demeure très significatif après 3 saisons de croissance, le faisant passer de 33 % dans les parcelles témoins à 8 % dans les parcelles scarifiées.
Après trois saisons de croissance, les plants mis en terre dans les parcelles soumises à une préparation mécanique du sol présentent une pousse terminale et un diamètre significativement plus grands que ceux des plants mis en terre dans les parcelles témoins (Figure 2). La plantation d’aulnes et la préparation mécanique intensive n’augmentent pas la concentration en azote du sol et des aiguilles par rapport à la préparation mécanique standard. Néanmoins, ces traitements entraînent des gains supplémentaires pour certaines variables de croissance (Figure 2).
Implications
La préparation mécanique du sol a un effet global positif sur les plants. En diminuant le recouvrement de la végétation concurrente, elle stimule la croissance en hauteur et en diamètre.
Par ailleurs, l’aulne a un effet bénéfique sur la taille des plants qui équivaut à celui associé à une préparation de terrain intensive.
Ces résultats à court terme indiquent que la sylviculture en bas âge peut être utile au maintien de la résilience des forêts nordiques, et que le recours au processus de facilitation écologique pourrait être envisagé dans un tel contexte.
Pour en savoir plus
Thiffault, N. et F. Hébert, 2017. Mechanical site preparation and nurse-plant facilitation for the restoration of subarctic forest ecosystems. Can. J.
For. Res. 47(7): 926-934. doi : 10.1139/cjfr-2016-0448
Figure 1. Plant d’épinette noire mis en terre après un scarifiage du sol, sur une station située à la limite nordique des forêts attribuables.
(Photo : Maïté Brémont, MFFP).
Figure 2. Pousse annuelle (a) et diamètre au niveau du sol (b) de plants d’épinette noire et de pin gris, au terme de leur troisième saison de croissance après leur mise en terre avec différents traitements dans une station située à la limite nordique des forêts attribuables. Pour une essence donnée, les colonnes surmontées d’une même lettre ne sont pas significativement différentes les unes des autres.
