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8 - Perceptions et motivations paysannes de la pratique des associations céréales - légumineuses en zone Soudano - Sahélienne du Burkina Faso

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Perceptions et motivations paysannes de la pratique des associations céréales - légumineuses en zone Soudano - Sahélienne du Burkina Faso

Koulibi Fidèle ZONGO1,3*, Edmond HIEN2,3, Jean-Jacques DREVON4 et Cathy CLERMONT-DAUPHIN4

1

Université Thomas Sankara, Centre Universitaire de Tenkodogo, Laboratoire Sol Matériaux et Environnement, 12 BP 417 Ouagadougou 12, Burkina Faso

2

Université Joseph KI-ZERBO, Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR-SVT), Laboratoire Sol Matériaux et Environnement, 03 BP 7021, Ouagadougou 03, Burkina Faso

3

Centre Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Laboratoire Mixte International Intensification Ecologique des Sols cultivés en Afrique de l’Ouest (LMI-IESOL), 688 Av KI-ZERBO,

BP 182, Ouagadougou, Burkina Faso

4

Institut National de la Recherche Agronomique (INRA),Centre Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD)- SupAgro, Unité Mixte de Recherche en Ecologie Fonctionnelle & Biogéochimie des Sols et Agroécosystèmes,

Laboratoire Eco & Sols, 2 place Viala 34060 Montpellier Cedex 2, Montpellier, France

_________________

* Correspondance, courriel : fidelezongo62@gmail.com

Résumé

Les agro-écosystèmes soudano-sahéliens du Burkina Faso sont en proie à une forte dégradation des terres compromettant sévèrement les rendements des cultures occasionnant ainsi une insécurité alimentaire des populations rurales. Dans cette région, plus de la moitié des superficies cultivées chaque année sont consacrées aux associations mixtes céréales-niébé. L’objectif de cette étude est d’analyser les perceptions des paysans vis-à-vis de cette pratique d’associations céréales-légumineuse. La méthodologie a consisté à la conduite d’enquête socio-économique dans la région Nord du Burkina Faso. Les enquêtes ont concerné soixante (60) chefs d’exploitations agricoles familiales (EA). Ces EA ont été choisis de manière aléatoire. Le plan de sondage peut être considéré comme un échantillonnage stratifié non proportionnel. Cette approche a permis d’avoir une meilleure représentation de la diversité des réponses. La collecte des données a consisté en un dialogue direct à travers un jeu de questions-réponses avec chaque chef d’EA suivi d’observations sur le terrain. Les résultats ont montré que la pratique des associations céréales-niébé relève des pratiques agricoles traditionnelles. La pratique de ces associations est essentiellement de nature socio-économique et non lié prioritairement aux connaissances des chefs d’EA en matière d’amélioration de la fertilité des sols.

Ainsi, la gestion efficiente des pratiques culturales d’associations mixtes céréales-niébé et des substrats organiques aiderait à mieux orienter les performances de rendements des cultures et la fertilité des sols dans la région Nord du Burkina Faso.

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Abstract

Farmers's perceptions and motivations for the practice of cereal-legume associations in the Sudano-Sahelian zone of Burkina Faso

The Sudano-Sahelian agro-ecosystems of Burkina Faso are suffering from severe land degradation, that severely compromising crop yields and causing food insecurity for rural populations. In this region, more than half of the area cultivated each year is devoted to mixed cereal-cowpea associations. The objective of this study is to analyze farmers's perceptions of this practice of cereal-legume associations. The methodology consisted of conducting a socio-economic survey in the northern region of Burkina Faso. The surveys were carried out among sixty (60) heads of family farms (EA). These EA were selected at random. The sample design can be considered as non-proportional stratified sampling. This approach would allow a better representation of the diversity of responses. Data collection consisted of a direct dialogue through a set of questions and answers with each head of EA followed by field observations. The results showed that the practice of cereal- cowpea associations is part of traditional agricultural practices. The practice of these associations is essentially of a socio-economic nature and is not primarily linked to the knowledge of the heads of EA in terms of soil fertility improvement. Thus, the efficient management of farming practices associating cereal- cowpea in mixed cropping and organic substrates would help to better guide crop yield performance and soil fertility in northern-Burkina Faso.

Keywords :

legume-cereal mixed cropping, farmers’ perceptions and motivations.

1. Introduction

Les associations céréales-légumineuses sont considérées comme un moyen durable d'amélioration de la production agricole dans les agro-écosystèmes arides ou semi-arides. Traditionnellement, dans les zones semi-arides d'Afrique de l'Ouest, les cultures associées sont mises en place en associant une céréale parmi les céréales dominantes (maïs, sorgho, mil) avec le niébé et/ou l'arachide [1, 2]. Ce système de culture occupe une place importante dans les exploitations agricoles familiales de la zone soudano-sahélienne du Burkina Faso. Il est estimé à près de 80 % les surfaces cultivées des associations céréales-légumineuses par an dans la zone soudano-sahélienne du Burkina Faso [3]. Dans cette zone du pays, le niébé est principalement associé au sorgho ou au mil. Ces céréales constituent avec le maïs la quasi-totalité des produits consommés par les ménages ruraux. Depuis les années 2000, les superficies totales allouées aux cultures associées des céréales avec le niébé en culture secondaire ont doublé et occupent de nos jours environ 1,5 millions d'hectares, comparativement aux monocultures de niébé limitées à moins de 100 000 ha [4]. Ce qui dénote de l’importance de cette pratique culturale. De nombreux auteurs se sont intéressés à des études comparatives de performances agronomiques et socio-économiques de ces associations culturales, en termes de rendements et de gestion de la fertilité des sols par rapport aux monocultures. En effet, les rendements en grains du riz et de l'arachide, par exemple, ont augmenté respectivement de 29 à 37 % et de 4 à 7 % dans le système de cultures arachide-riz par rapport à la monoculture de chaque culture[5]. Il a été rapporté que la valeur de Land Equivalent Ratio était supérieure à l'unité en culture intercalaire mil-niébé rapport à la culture pure de mil [6]. En année de culture, l'estimation 15N de l'azote transféré de l'arachide au riz dans un système de culture intercalaire riz-arachide variait de 5,5 à 11,9 % de l'azote total accumulé dans les plants de riz en culture intercalaire ; ce qui laisse suggérer que l'azote transféré de l'arachide dans le système de culture intercalaire riz-arachide a contribué à la nutrition du riz en azote [5]. L’ azote dérivé de la rhizodéposition en pourcentage de l'azote de la plante à maturité peut varier de 7 à 57 % [7]. L'expérience a aussi démontré que le transfert direct de l'azote souterrain du niébé au millet en culture intercalaire se faisait à un taux de

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2 kg N ha-1 pendant la saison de croissance [8]. Par rapport à la monoculture de sorgho, les sols des rotations

niébé-sorgho et arachide-sorgho ont augmenté respectivement l'azote minéral du sol de 15 et 22 kg N ha-¹ [9]. Les rotations niébé-sorgho et arachide-sorgho ont ainsi doublé l'absorption d'azote et

augmenté les rendements de sorgho subséquent respectivement de 290 et de 310 % [9]. L’association culturale sorgho-niébé s’est montré plus efficace que leurs cultures pures en entraînant une réduction de l'érosion de 80 % par rapport au sorgho seul et de 45 - 55 % par rapport au niébé seul en zone soudano- sahélienne du Burkina Faso [10]. Des auteurs ont également montré, en zone soudano-sahélienne, la capacité des associations à assurer une meilleure intégration agriculture-élevage, à travers les transferts de fertilité et d’alimentation du bétail [11 - 13]. L’efficacité des associations sorgho-niébé ou mil-niébé dans la lutte contre les adventices par rapport à la monoculture a été prouvée au Tchad [14]. Les effets des choix variétaux des céréales et du niébé sur les rendements des cultures associées ont été aussi documentés au Burkina Faso [11] et au Mali [16]. Les grands avantages de la culture associée céréales-légumineuses par rapport à la culture unique pourraient probablement être attribués à l'augmentation de l'utilisation complémentaire des ressources de croissance [17] comme l'azote et la lumière dans l'espace et dans le temps [17, 18]. Il a été également démontré qu’en moyenne dans le contexte européen, les systèmes de culture à base de légumineuses ont réduit les émissions de N2O de 18 % et l'utilisation d'engrais azotés de 24 et 28 % respectivement dans les systèmes arables et fourragers, par rapport aux systèmes sans légumineuses [19].

Par ailleurs, sur le plan alimentaire, l’importance des cultures associées dans la diversification alimentaire grâce à l'introduction de légumineuses et l’amélioration de la qualité nutritionnelle relative à une teneur en protéines de 22 à 24 % des graines de niébé ont été signifiées [20].

Sur le plan économique, la vente du niébé, issu principalement des associations de cultures avec le mil ou le niébé, a été considérée comme la principale source de revenus des petites exploitations agricoles familiales en zone soudano-sahélienne d’Afrique de l’ouest [4, 13]. Aussi, des auteurs ont relevé l’importance de ces associations dans la gestion de la sécurité alimentaire et des ressources naturelles en zone semi-aride du Burkina Faso [13]. En outre, les productions des associations de nature familiale témoignent de la capacité du petit exploitant agricole à s’adapter à son environnement [4]. Cependant, en dépit des nombreux avantages et potentiels écophysiologiques et socio-économiques ci-dessus-cités, les pratiques traditionnelles d’association céréales-niébé enregistrent de faibles rendements moyens dans la région nord du Burkina Faso.

Ces rendements sont estimés à 0,2 t ha-1 pour le niébé et 0,4 t ha-1 pour le mil ou le sorgho [11, 15].

Comparativement aux autres régions du pays, la région nord demeure l’une des plus touchées annuellement par le déficit céréalier. Les populations sont ainsi exposées à une forte insécurité alimentaire et à une extrême pauvreté. Sur la base de ces constats, des études doivent être menées pour un renforcement des pratiques et techniques en matière d’associations céréales-niébé pour une amélioration des rendements.

Ainsi, une meilleure compréhension des perceptions paysannes qui guide le choix de ces pratiques culturales associant céréales et légumineuses s’avèrent nécessaire dans l’optique d’optimiser ce système, d’où l’analyse de la présente étude. Il s’est agi tout d’abord d’identifier, à partir du point de vue des paysans concernés, les combinaisons d’association céréales-niébé pratiquées dans la région nord du Burkina Faso ; puis d’appréhender et d’analyser les perceptions paysannes pour ces pratiques, et cela par rapport à leurs importances socio-économiques et agronomiques ressenties par les exploitations agricoles familiales.

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2. Matériel et méthodes

2-1. Villages d’études et exploitation agricole familiale

Les enquêtes ont été menées à l’échelle de l’Exploitation Agricole familiale (EA). Cette dernière représente une unité de production, de consommation et de résidence sous la responsabilité du chef de famille qui prend les décisions de gestion de l'entité. L’étude « Perceptions » a été menée dans 4 villages de la région Nord du Burkina Faso (Figure 1) : Pougyango dans la province du Passoré (12°58’N, 2°08’O), Zindiguéssé dans le Zandoma (13°16’N, 2°20’O), Soumyaga dans le Yatenga (13°30’N, 2°24’O) et Titao dans le Lorum (13°45’N, 2°05’O).

Figure 1 :

Localisation de la région et des villages ou sites d’étude

2-2. Conception du questionnaire d’enquête

Les fiches d’enquête utilisées dans le cadre de la présente étude ont été conçues en deux étapes : premièrement, 5 chefs d’EA par village ont été soumis à un questionnaire test conçu de manière semi- structurée en se basant sur des connaissances et des données générales déjà existantes sur la zone d’étude.

Après cette phase test et en fonction des réponses recueillies, certaines rubriques du questionnaire ont été modifiées en s’adaptant au contexte de l’étude, et des questions ont été ajustées, ajoutées ou approfondies.

Le questionnaire final comprend les principales rubriques suivantes :

 les caractéristiques socio-économiques de l’EA ;

 les types et les modes de gestions des parcelles abritant les associations céréales-légumineuses dans l’EA ;

 les modes et possibilités de conservation et de commercialisation des produits récoltés ;

 les importances agronomiques et socio-économiques des associations céréales-légumineuses et les difficultés rencontrées dans la gestion des parcelles.

2-3. Échantillonnage des villages et exploitations agricoles

Le plan de sondage de l’étude a consisté en une enquête par sondage aléatoire. Dans chaque province, le choix du village a été fait de manière aléatoire sans tenir compte du nombre total de village de la province.

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Ensuite, dans chaque village, 15 exploitations agricoles ont été choisies de manière aléatoire, quel que soit le nombre d’exploitations agricoles dans le village. Ce plan de sondage peut être considéré comme un échantillonnage stratifié non proportionnel. Cette approche a permis d’avoir une meilleure représentation de la diversité des réponses. Ainsi, 60 EA ont donc été ainsi enquêtées dans toute la région.

2-4. Collecte des données

Les échanges ont consisté en un dialogue direct à travers un jeu de questions-réponses avec chaque chef d’EA ou avec le représentant délégué par celui-ci. Durant ces enquêtes, des observations directes ont été aussi réalisées sur le terrain : présence éventuelle de fosses fumières, matériels agricoles disponibles et mobilisés, disponibilité d’animaux de trait et atelier de production animale, techniques anti-érosives dans les champs.

La collecte des données pour l’enquête a été effectuée de mai à septembre 2012. Quinze (15) chefs d’EA par village, dont les 5 déjà enquêtés durant la phase test, ont été soumis au questionnaire final.

2-5. Analyses statistiques

Les analyses statistiques ont été faites à l’aide des logiciels SPHINX, 2001 et EXCEL, 2007. Les procédures ont été l’analyse des pourcentages et les écart types associés de réponses données par les chefs d’EA, l’analyse des variances ANOVA et les comparaisons de moyennes selon le test de Fisher au seuil de 5 %. Les groupes de moyennes statistiquement différentes ont été classés suivant un ordre alphabétique ascendant en affectant la lettre « b » aux plus petites valeurs.

3. Résultats

3-1. Caractéristiques sociales des exploitations agricoles par village

Les résultats de nos enquêtes, dans le Tableau 1, montrent que les chefs d’EA des villages de Pougyango, Zindiguéssé, Soumyaga et de Titao sont exclusivement des Moosés qui sont les autochtones des villages. Ils ont des moyennes d’âge comprises entre 45,3 ± 13,5 ans à Titao et 49,4 ± 11,8 ans à Zindiguéssé avec une moyenne dans les 4 villages de 47,5 ± 11,9 ans (Tableau 1). Les chefs d’EA des villages sont quasiment tous mariés ; Seuls 7 % ne le sont pas dans les villages de Soumyaga et de Titao. Le nombre moyen d’épouses par chef d’EA est en moyenne de 2 par village et cela dans l’ensemble des 4 villages. Les chefs d’EA ont pour principale croyance religieuse l’islam. Plus de la moitié (58 %) d’entre eux ont été scolarisés. Dans le village de Pougyango il y a environ 2 fois plus de scolarisés par rapport aux 3 autres villages (87 %). Le niveau de scolarisation le plus élevé reste le primaire. Aussi, 43 % des chefs d’EA ont été alphabétisés en langue mooré ou arabe dans l’ensemble des 4 villages. A Soumyaga, le taux d’alphabétisation des chefs d’EA est de 20 % (Tableau 1).

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Tableau 1 : Caractéristiques sociales des exploitations agricoles

Caractéristiques sociales Pougyango Zindiguéssé Soumyaga Titao Région Test Fisher

des EA du Nord

n = 15 n = 15 n = 15 n = 15 n = 60 P ≤ 5 % Moyenne d’âge du chef de l'EA 47,7 ± 10,5a 49,4 ±

11,8a 47,8 ± 12,8a 45,3 ±

13,5a 47,5 ±

11,9 0,5 ns

Moyenne du nombre

d'épouse/EA 2 ±

1,4a 2 ±

0,8a 1,8 ±

1,2a 1,7±

0,9a 1,9 ±

1,1 0,6 ns

Pourcentage de réponses (%) Répartition genre

Homme 100 100 100 100 100

Femme 0 0 0 0 0

Situation matrimoniale

Marié 100 100 93 93 97

Célibataire 0 0 7 7 3

Répartition ethnique

Mossés 100 100 100 100 100

Autres 0 0 0 0 0

Répartition selon l'origine

Autochtones 100 100 100 100 100

Allochtones 0 0 0 0 0

Répartition selon la religion

Musulmans 100 100 100 100 100

Autres 0 0 0 0 0

Répartition selon l'éducation

Scolarisés 87 47 40 47 58

Alphabétisés 80 87 53 73 43

Niveau de Scolarisation

Primaire 87 47 40 47 58

Autre 0 0 0 0 0

Langue d'alphabétisation

Mooré 41 34 20 31 30

Arabe 4 23 20 8 13

EA : Exploitation Agricole ; n = nombre d’Exploitation agricole; les moyennes de la même ligne affectées par la même lettre sont statistiquement homogènes dans les 4 villages selon le test de Fisher au seuil de 5 % ; ns = non significatif

3-2. Caractéristiques économiques des exploitations agricoles par village

La principale activité économique menée dans les EA est l’agriculture, essentiellement pluviale (Tableau 2). L’étude montre ainsi que 70 % des chefs d’EA mènent des activités secondaires qui sont par ordre d’importance l’orpaillage, le commerce, l’artisanat, la mécanique et la médecine traditionnelle. Les superficies moyennes des champs des EA sont de 4,8 ± 2,3 ha à Pougyango, de 3,8±1,5 ha à Zindiguéssé, de 5,5 ± 3 ha à Soumyaga et de 4,4 ± 2,3 ha à Titao avec une moyenne de 4,5 ± 2,4 ha pour l’ensemble des 4 villages. En effet, chaque chef d’EA possède par héritage en moyenne 3 champs et cela quel que soit le village. La main d’œuvre utilisée pour les travaux champêtres est essentiellement familiale. Les nombres moyens de bouches à nourrir sont statiquement proches par village avec une moyenne de 14,8 ± 8,6 pour l’ensemble des 4 villages de la région nord du Burkina. Les nombres moyens d'actifs agricoles (+ 12 ans) par village sont statistiquement les mêmes. Dans la région, en moyenne 8,6 ± 7,5 sont des actifs agricoles. Il faut noter que les chefs d’EA considèrent qu’un membre de leur EA est un actif agricole lorsqu’il a plus de 12 ans. Ainsi, 64 %

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des bouches à nourrir sont des actifs agricoles dans la région. L’élevage dans les villages et dans la région est dominé par l’aviculture (poules, pintades) et l’élevage de petits ruminants (caprins et ovins). Les chefs d’EA du village de Titao sont les moins nantis en nombre moyen de volaille (P = 0,04) comparativement aux 3 autres villages (Tableau 2). Par contre, les chefs d’EA des villages de Pougyango, Soumyaga et Titao ont plus de bovins de trait que ceux du village de Zindiguéssé. Cependant, c’est dans le village de Soumyaga que les chefs possèdent moins d’ânes (P = 0,05). Concernant les équipements agricoles, les chefs d’EA du village de Zindiguéssé restent significativement moins nantis en charrettes asines (P = 0,05) et en charrues bovines (P = 0,05) par rapport aux 3 autres villages (Tableau 2). Par ailleurs, les chefs d’EA de Zindiguéssé possèdent significativement plus de rayonneurs par rapport à ceux de Pougyango, de Soumyaga et de Titao (P = 0,001). En cas de mise en valeur de tous les champs des chefs d’EA enquêtées par an, un actif agricole doit travailler en moyenne 0,49 ha à Pougyango ; 0,46 ha à Zindiguéssé ; 0,41 ha à Soumyaga et 0,57 ha à Titao soit 0,47 ha par actif agricole dans l’ensemble des 4 villages. L’analyse révèle que les actifs agricoles du village de Titao travaille 1,2 à 1,4 fois plus de superficies que ceux des 3 autres villages. Aussi, en considérant les nombres totaux de bovins de trait et les superficies totales exploités par village, un bovin de trait doit travailler en moyenne et par an 5,1 ha à Pougyango ; 9,4 ha à Zindiguéssé ; 3,4 ha à Soumyaga et 4,8 ha à Titao et 4,8 ha dans l’ensemble des 4 villages. Aussi, selon la même analyse, un âne doit travailler 2,1 ha à Pougyango ; 1,9 ha à Zindiguésé ; 4,6 ha à Soumyaga, 3,5 ha à Titao et 2,8 ha dans l’ensemble des 4 villages. On peut noter que la charge moyenne de travail des animaux de trait (bovins et ânes) dans le village de Zindiguéssé est de 1,4 à 1,6 supérieure à celles des 3 autres villages. Cependant, il ne faudra pas omettre que ces valeurs restent relatives au nombre d’opérations culturales annuelles. Les recettes monétaires moyennes annuelles des chefs d’EA par an varient de 111,3 ± 57,5 KFCFA à Pougyango à 445 ± 502,9 KFCFA à Titao (Tableau 2). Les recettes monétaires moyennes par chef d’EA dans les villages de Pougyango et de Zindiguéssé sont significativement 2 fois moins élevées (P = 0,01) de celles des chefs d’EA des villages de Soumyaga et de Titao (Tableau 2).

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Tableau 2 : Caractéristiques économiques des exploitations agricoles

Caractéristiques économiques Pougyango Zindiguéssé Soumyaga Titao Région Nord Test Fisher

des EA n = 15 n = 15 n = 15 n = 15 n = 60 P ≤ 5%

Pourcentage de réponse (%) Activité principale

Agriculture 100 100 100 100 100

Activités secondaires 80 46,7 73,3 80 70

Champs des EA

Nombre moyen de champs 2,7 ± 0,7a 2,7 ± 0,8a 2,6 ± 0,8a 2,9 ± 1,2a 2,7 ± 0,9 0,20 ns

Surfaces totales moyennes des champs 4,8 ± 2,3a 3,8 ± 1,5a 5,25 ± 3a 4,4 ± 2,3a 4,5 ± 2,4 0,12 ns

Nombre de bouches à nourrir 16,4 ± 11a 12,6 ± 5,1a 18,3 ± 10,1a 11,9 ± 5,6a 14,8 ± 8,6 0,19 ns

Nombre d'actifs agricoles (+12ans) 9,6 ± 9,6a 8,1 ± 4,4a 12,5 ± 7,9a 7,7 ± 4,9a 8,6 ± 7,5 0,10 ns

Equipements agricoles et autres

Charrues bovines 0,1 ± 0,3a 0 ± 0b 0,2 ± 0,4a 0,2 ± 0,6a 0,1 ± 0,4 0,05 *

Charrues asines 1,2 ± 1,1a 0,9 ± 0,4a 1 ± 0,5a 0,7 ± 0,5a 0,9 ± 0,7 0,08

Charrettes bovines 0 ± 0a 0 ± 0a 0 ± 0a 0,1 ± 0,3a 0,0 ± 0,1 0,10 ns

Charrettes asines 1,1 ± 1,1a 0,5 ± 0,5b 0,8 ± 0,4a 1,7 ± 2,1a 1,0 ± 1,3 0,05 *

Houe manga 0 ± 0a 0 ± 0a 0,1 ± 0,3a 0,3 ± 0,6a 0,1 ± 0,3 0,11 ns

Sarcleurs 0 ± 0a 0 ± 0a 0,1 ± 0,3a 0 ± 0a 0,02 ± 0,1 0,16 ns

Rayonneurs 0,3 ± 0,5a 0,7 ± 0,6b 0,1 ± 0,4a 0,13 ± 0,35a 0,3 ± 0,5 0,001 ***

Motos 0,6 ± 0,9a 0,4 ± 0,5b 1,4 ± 1,3a 1 ± 1,25a 0,9 ± 1,1 0,05 *

Bicyclettes 4,5 ± 3,4a 3,2 ± 2,5a 4,3 ± 2,3a 3,47 ± 2,2a 3,9 ± 2,6 0,22 ns

Elevage et animaux de trait

Nombre moyen de bovins d'élevage 1,5 ± 2,6a 1,53±5,2a 2,4±5,4a 2,1±3,7a 1,9 ± 4,3 0,25 ns

Nombre moyen de caprins 5,9 ± 3,7a 9,6±5,2a 9,13±9,6 8,7±7,7 8,4 ± 6,9 0,09 ns

Nombre moyen d'ovins 5,1 ± 3,4a 5±5a 12,5±14,5a 7,8 ± 7,8a 7,6 ± 9,1 0,05 ns

Nombre moyen de volailles 18,4 ± 11,1a 27,3 ± 25,8a 25,4 ± 15,9a 11,2 ± 6,9b 20,6 ± 17,3 0,04 *

Nombre moyen de bovins de trait 0,9 ± 0,8a 0,4 ± 0,7b 1,5 ± 1,1a 0,9 ± 1,3a 0,9 ± 1,1 0,03 *

Nombre moyen de ânes 2,3 ± 2,2a 1,9 ± 1,1a 1,1 ± 0,5b 1,3 ± 0,8a 1,7 ± 1,4 0,05 *

Recettes monétaires moyennes 111,3 ± 57,5b 123,6 ± 99b 379 ± 429,5a 445 ± 502,8a 264,7 ± 359,9 0,01 **

(KFCFA/an)

EA : Exploitation Agricole; n = nombre d’Exploitation agricole; les moyennes de la même ligne affectées par la même lettre sont statistiquement Homogènes dans les 4 villages selon le test de Fisher au seuil de 5 % ; ns = non significatif

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3-3. Combinaisons de cultures associées céréales-niébé

Dans les 4 villages de l’étude « Perceptions », les chefs d’EA pratiquent diverses combinaisons d’associations mixtes entre

Vigna unguiculata

(le niébé),

Sorghum bicolor

(le sorgho rouge ou blanc) et/ou

Panicum miliaceum

(le mil) (Tableau 3). Dans le village de Pougyango, les associations sont faites uniquement entre le sorgho (rouge ou blanc) et le niébé et, entre le mil et le niébé. La principale combinaison d’association pratiquée à Pougyango est l’association sorgho rouge-niébé. Or, les associations entre le sorgho blanc et le niébé sont majoritairement pratiquées dans les 3 autres villages de Zindiguéssé, Soumyaga et Titao. Dans ces 3 derniers villages, en plus des combinaisons d’associations rencontrées à Pougyango, des associations simultanées entre le sorgho blanc ou rouge, le mil et le niébé sont pratiquées. Toutes ces associations sont mixtes entre les céréales et le niébé. Les deux cultures sont semées dans les mêmes poquets.

Tableau 3 :

Proportion des combinaisons des associations céréales-légumineuses pratiquées

Questions posées et Pougyango Zindiguéssé Soumyaga Titao Région

réponses données par du Nord

les chefs d’EA % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) % (n = 60) Quels types d'associations

céréales légumineuses faites-vous ?

Sorgho blanc–niébé 93 60 80 80 78

Mil-niébé 87 55 80 67 72

Sorgho rouge–niébé 100 13 0 0 28

Sorgho blanc-mil-niébé 0 47 27 40 28

Sorgho rouge mil-niébé 0 7 0 7 3

EA : Exploitation Agricole; n = nombre d’Exploitation agricole.

3-4. Perceptions paysannes par rapport à l’importance socio-économique de la pratique des associations céréales-niébé

En réponse à la question « Pourquoi pratiquez-vous les associations de culture et non la monoculture ? », les chefs d’EA affirment que les combinaisons d’associations ci-dessus citées sont des pratiques, traditionnelles et transmises de manière générationnelle, contrairement aux monocultures dans la région (Tableau 4). Aussi, selon eux, ces associations permettent de satisfaire prioritairement les besoins alimentaires et nutritionnels des membres de leurs EA et représentent de ce fait la base de l’autoconsommation familiale (Tableau 4). La troisième raison est de limiter les risques d’instabilité interannuelle des rendements, par rapport à l’adoption de nouvelles technologies qui, selon les chefs d’EA, sont moins bien connues et peu maitrisés. En outre, l’une des raisons également évoquées est le fait que les pailles de sorgho et fanes de niébé sont utilisées pour l’alimentation du bétail dans 85 % des EA, et aussi comme source d'énergie domestique dans 62 % des EA. A ces raisons s’ajoute le fait que 67 % des chefs d’EA à Pougyango, Zindiguéssé et Soumyaga et 87 % à Titao ont relevé que la pratique des associations céréales-niébé permet une économie du temps de travail (Tableau 4). Par ailleurs, selon leurs dires des chefs d’EA, les associations sont aussi pratiquées pour une meilleure efficience dans l’utilisation des terres cultivables qui se raréfient d’année en année imputable à l’augmentation de la population. Enfin, ces associations sont une source potentielle de

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Tableau 4 :

Perceptions paysannes de l’importances socio-économiques des cultures associées

Questions posées et formes Pougyango Zindiguéssé Soumyaga Titao Région

de réponses données du Nord

par les chefs d’EA % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) % (n = 60) Pourquoi pratiquez-vous ces associations

et non la monoculture ?

Pratique traditionnelle (ancestrale et 100 100 100 100 100

trans-générationnelle) Source d'auto-consommation

(alimentation et nutrition) 100 100 100 100 100

Source de recette par la vente du niébé 100 100 100 100 100

Evitez les risques d'instabilité 100 100 100 100 100

de rendements

Alimentation du bétail par les résidus 80 87 100 73 85

de culture

Economie importante du temps de travail 67 67 67 87 77

Source d'énergie domestique 67 53 47 80 67

Meilleure efficience dans l’utilisation 60 53 67 53 58

des terres

EA : Exploitation Agricole; n = nombre d’Exploitation agricole.

3-5. Perceptions paysannes par rapport à l’importance agronomique de la pratique des associations céréales-niébé

Selon les chefs d’EA, les performances agronomiques des associations céréales-légumineuses se résument à l’amélioration de la fertilité des sols par leur pratique. Dans ce sens, deux cas de figures ont été entendus : en année de culture, 30 % des 60 chefs d’EA enquêtés disent reconnaitre l’amélioration de la fertilité des sols par la pratique des associations sorgho (ou mil) et niébé (Tableau 5). Ils l’attribuent principalement aux caractères fertilisants des feuilles, et en général, des résidus de cultures de niébé qui tombent et se dégradent au cours de la même campagne agricole. Aussi, 23 % des chefs d’EA de l’ensemble des 4 villages disent percevoir cette amélioration de la fertilité des sols par la préservation de l’humidité du sol dû à la couverture du niébé rampant. Par contre, 47 % des chefs d’EA n’ont aucune notion ou opinion sur le pouvoir fertilisant des sols par les associations en année de culture. En années subséquentes à la production des cultures céréales-niébé, près de 60 % des chefs d’EA attribuent d’abord l’amélioration de la fertilité des sols aux reliquats d’amendements apportés sous les cultures associées (Tableau 5). Par ailleurs, le caractère fertilisant des résidus des cultures des céréales et du niébé restés sur place dans les champs a été explicité seulement par environ 20 % des chefs d’EA de la région. Les chefs d’EA observent la bonne végétation des cultures succédant aux associations comme indicateur du niveau de fertilité post-associations culturales.

(11)

Tableau 5 :

Perceptions paysannes de l’importance agronomique des cultures associées

EA : Exploitation Agricole; n = nombre d’Exploitation agricole.

3-6. Difficultés rencontrées dans la pratique des associations céréales-niébé

La principale difficulté rencontrée par les chefs d’EA dans la pratique des associations légumineuses-céréales est le manque ou l’insuffisance d'intrants organiques. Cela a été relaté par environ 62 % des chefs d’EA dans l’ensemble des 4 villages (Tableau 6). La deuxième difficulté évoquée par 47 % des chefs d’EA est le sarclage parfois rude lié au caractère rampant du niébé. La nécessité d’utiliser davantage de main d’œuvre pour effectuer plusieurs ramassages des gousses de niébé a été aussi relatée mais seulement par 10 % des chefs d’EA enquêtés dans la région. Enfin, 35 % des chefs d’EA affirment, qu’ils ne rencontrent aucune difficulté dans la production des associations céréales-niébé (Tableau 6).

Tableau 6 :

Difficultés rencontrées par les paysans dans la production des cultures associées

Questions posées et formes de Pougyango Zindiguéssé Soumyaga Titao Région

réponses données par du Nord

les chefs d’EA % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) %(n=15) % (n = 60) Quelles difficultés rencontrez-vous dans la

production

des associations céréales-légumineuses ?

Manque ou insuffisance d'intrants 60 60 60 67 62

organiques

Difficulté de sarclage dû au caractère 47 27 60 53 47

Questions posées et formes de Pougyango Zindiguéssé Soumyaga Titao Région

réponses données par du Nord

les chefs d’EA % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) % (n = 15) % (n = 60) Que pensez-vous des associations

en matière d'améliorations de la fertilité des sols en année de culture ? Donnez les raisons

Les feuilles de niébé qui tombent 33 27 33 27 30

fertilisent le sol

Le niébé rampant préserve 33 27 13 20 23

l'humidité du sol

Aucune opinion 33 47 53 53 47

Que pensez-vous des associations céréales en matière d'amélioration s de la fertilité des sols en année subséquente de culture ? Donnez les raisons

Effet résiduel des fertilisants 47 40 87 60 58

utilisés

Caractère fertilisant des résidus du 27 20 27 20 20

niébé qui reste sur place

Aucune opinion 27 40 7 13 22

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4. Discussion

4-1. Combinaison d’associations céréales-légumineuses pratiquées

Les associations de culture entre le niébé, le sorgho et/ou le mil sont, avec diverses combinaisons, prépondérantes dans les systèmes de culture de de la région Nord du Burkina Faso. Cinq combinaisons ont été inventoriées avec une dominance des associations sorgho-niébé et mil-niébé. Ces associations sont plus pratiquées dans cette région nord contrairement à la partie ouest du pays où elles occupent une place marginale. Les systèmes de culture de la partie ouest du pays sont, quant à elles, à dominance maïsicole [21].

La priorisation pour la culture du sorgho blanc ou rouge résulterait de leur utilisation pour les mets locaux.

4-2. Perceptions paysannes de l’importance socio-économique des associations céréales- légumineuses

Les perceptions et motivations paysannes pour la pratique des associations céréales-légumineuses évoquées par les chefs d’EA sont quasi-similaires dans « les différents villages de » ou « l’ensemble de » la région nord du Burkina Faso. En effet, les céréales sont généralement associées au niébé pour des habitudes culturales ancestrales et traditionnelles et pour les besoins d’autoconsommation des membres des EA. Ces constats avaient déjà été faits par Norman [22]. A ces raisons, s’ajoute l’intérêt nutritionnel pour pallier au déficit protéique dans l’alimentation des populations rurales. Cela serait en relation avec l’amélioration des teneurs en protéine des céréales issus de ces associations mais aussi de la grande valeur protéique des graines de niébé [23, 24]. En outre, conformément à l’une des raisons évoquées par les paysans, les bénéfices des cultures associées sorgho-niébé pour la production de fourrages et, par conséquent, la capacité d’entretenir les animaux pendant la saison sèche, avaient été précédemment relatés [11, 13]. Une autre étude conduite dans les savanes sèches d’Afrique de l’Ouest et du Centre, caractérisé par un système d’élevage constitué principalement de petits ruminants, les fanes de niébé, riches en azote, vont prioritairement à ces animaux [24]. Par ailleurs, la meilleure stabilité interannuelle des rendements également évoquée par les chefs d’EA avait été constatée [25]. Sur ce plan, dans cette zone assujettie à une grande incertitude pluviométrique, la majorité des paysans cherche à limiter la prise de risques liée à l’essai de nouvelles technologies agricoles jugées coûteuses et peu maitrisées [3]. Par contre, la meilleure efficience dans l’utilisation des terres évoquée par les chefs d’EA comme raison pour la pratique des associations contrairement aux monocultures n’a pas pu être vérifiée car nous n’avons pas eu de situation de référence concernant surtout les monocultures de céréales. Bien que cela n’ait pas été vérifié sur le terrain, il avait été rapporté depuis les années 1982 que cette zone à fortes densité de population et charge animale, est contrainte à une raréfaction progressive des terres cultivables conditionnant ainsi les exploitations agricoles à une utilisation rationnelle de la ressource

« terre » [15]. L’économie du temps de travail évoquée par les chefs d’EA motivant la pratique des cultures associées est confirmé par l’analyse de nos résultats qui montre que l’agriculture pratiquée dans cette région est peu mécanisée avec en moyenne 7,6 ha à travailler par les animaux de traits que sont les ânes et les bovins. Dans le village de Zindiguéssé, la charge de travail par animaux de trait élevée par rapport aux 3 autres villages pourrait s’expliquer par le nombre réduit des bovins de trait dans ce village. Ainsi, disposant de peu d’animaux de trait et de peu de matériels agricoles pour les opérations champêtres, le travail supplémentaire est absorbé par la main d’œuvre familiale avec en moyenne 0,47 ha à travailler par actif agricole. Cette charge de travail dépendrait de la nature et du nombre d’opérations culturales annuelles par EA. En effet dans cette zone où l’encroutement des terres est assez prononcé, certaines techniques de préparation des sols avant semis comme le zaï, les demies-lunes exigent une forte consommation en main d’œuvre par rapport à l’utilisation des animaux de trait. Par exemple le temps de travail manuel de zaï est considérable et est estimé à 300 heures/homme/ha [26] contre 22 à 36 heures/ha pour le zaï mécanisée [27].

(13)

Par ailleurs, ce qui motive les chefs d’EA pour la pratique des associations céréales-niébé est le fait que la production de niébé grain est reconnue comme un pan essentiel de l’économie de la concession familiale car sa vente permet d’engranger des recettes pour l’achat annuel de vivres pour la consommation familiale. Ces devises servent aussi aux dépenses familiales notamment aux soins médicaux, aux frais de scolarisation des enfants et à l’achat d’intrants agricoles.

4-3. Perceptions paysannes de l’importance agronomique des associations céréales- légumineuses

Les perceptions paysannes de l’importance agronomique des associations céréales-légumineuses se résument principalement au pouvoir fertilisant des sols induits par les cultures associées céréales-niébé. Les chefs d’EA estiment que ces associations céréales-niébé participent à l’amélioration de la fertilité des sols en année de culture et en année subséquente avec des explications assez mitigées. En année de culture, selon trente pourcent des réponses recueillies, cette fertilité serait induite par la chute des feuilles de niébé qui se dégradent pour fertiliser les sols. Ce constat d’amélioration de la fertilité hydrique résultant de la pratique des cultures associées céréales-légumineuses avait été signifié [28]. Ensuite, environ vingt pourcent des chefs d’EA évoquent que cette fertilité est dû à la préservation de l’humidité des sols par la pratique de l’association.

Cela peut s’expliquer par le fait que les variétés de niébé les plus utilisées dans la région sont rampantes, couvrant ainsi rapidement le sol. Celles-ci pourraient ainsi améliorer et préserver le profil hydrique du sol en réduisant l’évaporation. Par contre, en année subséquente aux cultures associées, plus de la moitié des chefs d’EA attribuent l’amélioration de la fertilité du sol aux effets amendant des reliquats d’intrants organiques utilisés sous cultures associées. Seulement vingt pour cent attribuent cette fertilité aux résidus de niébé qui restent sur le sol et contribuerait à la nutrition azotée des cultures suivantes. Mais l’effet de ce dernier facteur sur la fertilité des sols serait très marginal. En effet, dans cette région en proie à une faible production de biomasse naturelle pour le bétail, les résidus de cultures vont prioritairement à l’alimentation animale et non à la fabrication de fertilisants organiques. Aussi, les animaux sont laissés en divagation pendant la saison sèche ce qui compromet sévèrement les chances de collecter des quantités suffisantes de fèces pouvant servir de substrats organiques pour amender les champs. Ce qui confirme le fait que l’une des principales difficultés inhérentes à la production de ces associations selon les dires des chefs d’EA reste l’insuffisance de substrats organiques pour amender les champs. A ce titre, une étude menée dans cette même zone a montré que les quantités moyennes de substrats organiques utilisés par plus de la moitié des exploitations agricoles restent inférieures à 0,5 t ha-1 et les doses apportées ne dépassent guère 2 t ha-1 et par an [29].

5. Conclusion

Les associations culturales céréales-légumineuses occupent une place très importante dans le système agro- alimentaire des petites exploitations agricoles familiales des agroécosystèmes soudano-sahéliens du Burkina Faso. Ces associations se font avec le sorgho blanc ou rouge, le mil et le niébé, avec pour dominance les associations sorgho-niébé et mil-niébé. Les perceptions et motivations des paysannes pour la pratique de ces associations sont liées aux habitudes culturales traditionnelles de production d’une part ; et d’autre part à un souci de satisfaction alimentaire, nutritionnelle et économique des membres de l’exploitations agricole. Peu

de chef d’exploitation agricole ont une connaissance réelle des effets bénéfiques des associations

(14)

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Remerciements

Ce travail a été supporté en partie par le grand projet fédérateur FABATOPIMED, financé par la fondation Agropolis sous la référence ID de 1001 à 009 et le LMI-IESOL, financé par l’IRD.

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