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ÉTUDE DE DEUX INDICATEURS DE DIFFICULTÉ DE MISE EN PLACE DE L’ALLAITEMENT MATERNEL : LA FATIGUE MATERNELLE ET LE COMPORTEMENT NON OPTIMAL DU BÉBÉ AU SEIN

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ÉTUDE DE DEUX INDICATEURS DE DIFFICULTÉ DE MISE EN PLACE DE L’ALLAITEMENT MATERNEL : LA FATIGUE MATERNELLE ET LE

COMPORTEMENT NON OPTIMAL DU BÉBÉ AU SEIN Latifa Saidi, Pierre Godbout

Association de Recherche en Soins Infirmiers | « Recherche en soins infirmiers » 2016/2 N° 125 | pages 32 à 45

ISSN 0297-2964

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2016-2-page-32.htm ---

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RECHERCHE

R É S U M É

Les problèmes de mise en place de l’allaitement maternel (AM) sont communs et sont associés à un risque accru de cessation de l’AM. Les principaux motifs pour le sevrage au début de l’allaitement sont la fatigue de la mère et le comportement non optimal du nouveau-né au sein (CNOS). Le but de cette étude est de décrire le niveau de fatigue des femmes allaitantes ayant accouché à terme d’un bébé en santé en milieu hospitalier et le CNOS, et d’examiner la relation entre ces deux variables.

Il s’agit d’une étude descriptive, corrélationnelle et transversale réalisée auprès de femmes allaitantes ayant donné naissance à un bébé singleton, en santé et né à terme au CHU de Moncton entre juin et septembre 2013. Les échelles Fatigue Continuum Form et Infant Breasfeeding Assesement Tool sont respectivement utilisées pour mesurer la fatigue et le CNOS. L’analyse de corrélation a été réalisée en utilisant le coefficient de Spearman (r). Les associations bivariées ont été explorées à l’aide du test de khi-carré (χ2).

Soixante-quatre couples mères-enfants ont été inclus pour cette étude. 64,1 % des mères ressentent une fatigue modérée. La fatigue maternelle était associée à la parité (p=0,003), au niveau d’éducation de la mère (p=0,043), au poids de naissance du bébé (p=0,035), au délai de la première mise au sein (p=0,001) et à la fréquence d’allaitement au J0 (p=0,037). La prévalence du CNOS était de 57,8 % au J0 et 25 % au J1. Il était associé à la fréquence d’allaitement inférieure à huit fois dans les 24 premières heures (J0 (p=0,001) et J1 (p=0,003)), à la primiparité (J1) (p=0,046), aux types de mamelons (J1) (p=0,010), à l’expérience antérieure d’allaitement (J1) (p=0,046), au peau à peau dans la salle d’accouchement (J1) (p=0,041) et au délai de la première mise au sein (J1) (p=0,027). Une corrélation significative a été constatée entre la fatigue maternelle et le CNOS J0 (r=0,196 ; p=0,029) et entre le CNOS à J0 et le CNOS à J1 (r=0,661 ; p<0.001).

Une surveillance particulière des couples mères-enfants à risque est nécessaire afin de bénéficier d’un soutien supplémentaire lors de leur hospitalisation ainsi qu’un suivi après la sortie de l’hôpital.

Mots clés : allaitement maternel, nouveau-né, fatigue, période du postpartum, hôpital.

Latifa SAIDI

Infirmière M.Sc.inf. Chargée d’enseignement clinique, École de science infirmière, Université de Moncton, Campus de Moncton, Canada

Pierre GODBOUT

Infirmier Ph.D, Directeur de l’École de science infirmière, Université de Moncton, Campus de Moncton, Canada

Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein

Study of two indicators of difficulty in initiating maternal breastfeeding : maternal fatigue and suboptimal infant breastfeeding behaviour

Pour citer l’article :

Saidi L, Godbout P. Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein. Rech Soins Infirm. 2016 Jun;(125):32-45.

Adresse de correspondance : Latifa SAIDI : latifa.saidi@umoncton.ca

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INTRODUCTION

L’allaitement maternel représente la référence pour l’alimentation du nourrisson (1). Santé Canada et l’Organisation Mondiale de la Santé recommandent un allaitement exclusif jusqu’à l’âge de six mois (2, 3). Cependant, dans les pays industrialisés, peu de femmes suivent cette recommandation (4, 5, 6). Le Canada ne constitue pas une exception. Au Nouveau-Brunswick, en 2011, le taux d’allaitement à la naissance était de 70,3 %. Par contre, le taux des enfants nourris exclusivement au sein pour la durée recommandée de six mois était de 20,4 %, soit parmi les taux les plus bas au Canada (7).

Malgré une grande motivation pour allaiter, certaines mères rencontrent des difficultés lors de la mise en place de l’allaitement. La première semaine du postpartum est une période critique pour le démarrage de l’AM. Pendant ce temps, les problèmes de l’AM sont communs et sont associés à un risque accru de cessation de l’AM (1, 8). Plusieurs auteurs ont démontré que les principaux motifs pour le sevrage au début de l’allaitement sont la fatigue de la mère (9, 10, 11) et le comportement non optimal du nouveau-né au sein (CNOS) (1, 9, 12, 13, 14).

Des recherches (11, 15) démontrent qu’en milieu hospitalier, la fatigue de la mère en postpartum immédiat est l’une des raisons pour proposer la préparation commerciale pour nourrisson (PCN) aux bébés. Les mères qui ne sont pas préparées à la fatigue en postpartum et aux besoins de leurs

enfants accueillent la proposition de passage aux suppléments de PCN comme une solution à leur fatigue accablante. Ainsi, certaines mères continuent à donner des suppléments par la suite (11). De plus, maintes études démontrent qu’il y a moins de mères qui allaitent encore à six semaines si leur bébé a reçu des suppléments de PCN à l’hôpital (16).

La réussite du démarrage de l’AM dépend chez l’enfant d’un comportement adéquat au sein. Le comportement adéquat au sein est associé à un état d’éveil optimal, une bonne prise du sein et des tétées efficaces, ces deux dernières sont essentielles pour l’efficacité du transfert de lait et le maintien de sa production (1). Si le comportement du bébé au sein n’est pas ajusté, le transfert de lait risque d’être insuffisant et ceci peut causer à court terme, une perte de poids excessive (perte supérieure ou égale à 10 % du poids de naissance) (1) et un risque de déshydratation plus au moins critique, ou à long terme, un risque d’arrêt pondéral avec malnutrition (17). Au-delà de ces complications, plusieurs recherches ont démontré le lien entre ces difficultés et la survenue d’un sevrage précoce de l’AM (9, 13).

Cette problématique de santé se place au centre de la pratique infirmière dans le domaine de la périnatalité au niveau de la promotion, protection et soutien de l’allaitement maternel.

Bell et al. (9) affirment que les infirmières peuvent exercer une influence positive ou négative sur la décision d’allaiter.

Ainsi, le soutien apporté par l’infirmière est déterminant et indispensable pour la mise en route de l’AM : l’intérêt de cette étude porte sur la possibilité, pour les infirmières, d’augmenter The problems with setting up breastfeading are common and are associated with a heightened risk of weening. The main motives brought up by the mothers for early weening were fatigue and the suboptimal infant breastfeeding behaviour (SIBB). The goal of this study is to describe the fatigue levels of breastfeading women who gave birth to healthy full term babies in a hospital setting and the SIBB. This study also examines the relation between these two variables.

This descriptive correlational and cross-sectional study was conducted with breasfeeding women who gave birth to healthy, full term, single babies at the CHU in Moncton between June and September 2013. Fatigue Continuum Form and Infant Breastfeeding Assesement Tool were each used to measure fatigue and SIBB.

Analysis was done using Spearman’s correlation coefficient (r) and bivariate associations where measured using the chi-square test (χ2).

Sixty-four mother child dyads were included in this study. 64.1 % of mothers experienced moderate fatigue.

Maternal fatigue was associated with parity (p=0,003), the mothers’ level of education (p=0,043), the child’s birth weight (p=0,035), the delay before introducing the breast (p=0,001) and the frequency of feedings on D0 (p=0,037). The prevalence of SIBB was 57.8 % on day 0 (D0) and 25 % on day 1 (D1). SIBB is associated with a frequency of less than eight feedings in the first 24 hours (D0 (p=0,001) and D1(p=0,003)), to the primiparity (D1) (p=0,046), nipple types (D1) (p=0,010), previous breastfeeding experience (D1) (p=0,046). Skin on skin contact in the delivery room (D1) (p=0,041) and the delay before the first introduction to the breast (D1) (p=0,027). À significant correlation was noted between maternal fatigue and SIBB on D0 (r=0,196 ; p=0,029) and between SIBB on D0 and on D1 (r=0,661 ; p<0.001).

A special supervision of mother-child dyads that are at risk is necessary in order to benefit from extra support during hospital stays and following their discharge from the hospital.

Key words : breastfeeding, newborn, fatigue, postpartum period, hospital.

A B S T R A C T

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leurs connaissances sur ces deux concepts ; ceci permettra à l’infirmière de trouver des moyens appropriés pour apporter un soutien à l’AM par des interventions susceptibles de soulager la fatigue et de promouvoir l’allaitement.

L’objectif de cette étude est de décrire le niveau de fatigue des femmes allaitantes ayant accouché à terme d’un bébé en bonne santé en milieu hospitalier et le comportement du bébé au sein. L’étude a aussi comme but d’examiner la relation entre ces deux variables. Les questions de recherche retenues dans le cadre de cette étude sont les suivantes : 1. Quel est le niveau de la fatigue de la mère qui allaite en

milieu hospitalier ?

2. Quel est le comportement du bébé à terme nourri au sein en milieu hospitalier ?

3. Existe-t-il une relation entre la fatigue de la mère qui allaite, en milieu hospitalier, et le comportement non optimal du bébé au sein ?

Au meilleur de notre connaissance, aucune étude traitant la relation entre la fatigue maternelle et le CNOS n’a été rapportée dans la littérature.

CADRE THÉORIQUE INFIRMIER

Le cadre théorique retenu pour cette étude est la théorie des symptômes déplaisants de Lenz, Pugh, Milligan, Gift et Suppe (1997) (18). La North American Nursing Diagnosis Association (NANDA) (19) définit la fatigue comme une sensation désagréable, accablante et prolongée d’épuisement réduisant la capacité habituelle de travail physique et mental.

La diminution de ces capacités a contribué au développement de la théorie des symptômes désagréables (18). Cette théorie comprend trois principales composantes : les symptômes que l’individu éprouve, les facteurs qui influencent l’expérience des symptômes (les variables situationnelles, physiologiques et psychologiques) et les conséquences des symptômes (la performance) (18).

La première composante de la théorie des symptômes déplaisants repose sur les symptômes qui sont le point central de cette théorie. Ils sont définis comme des indicateurs des changements dans le fonctionnement normal tel que vécu par les patients. Les symptômes sont multidimensionnels, ils se produisent souvent simultanément bien qu’ils peuvent survenir de façon isolée. Ils peuvent en déclencher d’autres.

La seconde composante regroupe trois types de variables : les variables situationnelles, physiologiques et psychologiques.

Elles sont liées les unes aux autres, peuvent s’influencer mutuellement et peuvent ainsi influencer l’expérience des symptômes. Selon Lenz et al. (18), les facteurs physiologiques peuvent être l’existence de pathologies, le niveau d’énergie, les hémorragies, etc. Les variables psychologiques incluent l’état mental, l’humeur de la personne, les réactions affectives à la maladie, le degré d’incertitude et de connaissances sur

les symptômes et leurs significations possibles, ainsi que les réactions à l’acquisition du rôle maternel (20). Les variables situationnelles comprennent les aspects de la vie sociale et de l’environnement physique qui peuvent affecter la manière dont les symptômes sont communiqués (le statut familial, l’emploi, le soutien social, le tempérament de l’enfant, l’âge de la mère, etc.). La dernière composante de la théorie est la performance qui est le résultat ou l’effet de l’expérience des symptômes.

La performance inclut les activités fonctionnelles (les activités quotidiennes, les activités sociales, etc.) et les activités cognitives (la concentration, la résolution des problèmes, etc.).

Les conséquences de la fatigue en postpartum comprennent l’altération de l’auto-soin maternel et des soins infantiles, ainsi que l’altération de la capacité fonctionnelle et de la réadaptation physique de l’accouchement (20).

En résumé, la théorie des symptômes déplaisants est représentée comme un cercle vicieux. Les facteurs physiologiques, psychologiques et situationnels influencent sur l’un ou plusieurs symptômes. Ces symptômes déterminent la qualité de la performance. La performance, à son tour, influence les facteurs et les symptômes. La fatigue en postpartum est définie comme un concept multidimensionnel avec les aspects physiologiques et psychologiques (21). Cela peut entraîner chez la mère un risque d’épuisement et d’interférer avec sa performance (22). De nombreux chercheurs ont utilisé cette théorie comme cadre conceptuel pour fonder leurs études sur la fatigue en postpartum (20, 23, 24, 25, 26).

MÉTHODOLOGIE z Type de l’étude

Cette étude de type descriptif, corrélationnel et transversal s’est déroulée à l’unité de maternité du Centre hospitalier universitaire Dr Georges L. Dumont de Moncton entre juin et septembre 2013. Ce centre s’efforce d’obtenir la désignation

« Ami des bébés ». L’Initiative des Amis des bébés a été adoptée par le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick, en janvier 2006, afin de créer un milieu qui protège, encourage et soutient l’allaitement maternel (27). L’étude a été approuvée par le comité d’éthique et de la recherche de la faculté des études supérieures de l’Université de Moncton ainsi que de l’organisation hospitalière où s’est déroulée l’étude.

z Population

L’échantillon comprenait des femmes accouchées qui allaitaient ayant les critères d’inclusion suivants : a) en mesure de lire et d’écrire le français ou l’anglais, b) âgée de 18 ans et plus, c) ayant donné naissance à un bébé singleton, en bonne santé et né à terme (entre 37 et 41 semaines). Seules les femmes séparées plus de 24 heures de leur bébé en raison d’une condition de santé non optimale du bébé ont été exclues de l’étude.

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Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein

z Recueil des données

Le type d’échantillonnage non probabiliste de convenance a été privilégié dans cette étude. Le recrutement des participantes a été fait au sein de l’unité de maternité dans les premières 24 heures après l’accouchement (J0). Suite à l’approbation de participer à l’étude et au moment choisi par la participante, le formulaire de consentement était signé. Ensuite, le questionnaire évaluant la fatigue était rempli par cette dernière. L’étudiante chercheure observait au moins deux tétées du bébé et remplissait l’échelle Infant Breastfeeding Assessment Tool (IBFAT) aux J0 et J1. Lors de son absence, c’est l’infirmière conseillère en allaitement qui remplissait l’IBFAT aux J0 et J1. Les données sociodémographiques et cliniques ont été extraites à l’aide des dossiers médicaux aux J0 et J1. Quelques questions ont été posées à la mère afin de compléter le formulaire sociodémographique.

z Instruments de mesure

Les données ont été recueillies à l’aide d’un formulaire de données sociodémographiques et cliniques ainsi que de deux instruments de mesure, Fatigue Continuum Form (FCF) et IBFAT.

Le FCF (28) est une modification de Fatigue Symptoms Checklist (FSC) (29). À l’origine, l’échelle a été développée en anglais. Elle a été traduite en français dans le cadre de cette recherche en utilisant la méthode inversée. La version française a été traduite en anglais et comparée à la version originale par quatre lecteurs bilingues qui ont jugé que la traduction était pleinement satisfaisante. En clinique, la version retraduite a été testée auprès de 10 femmes en post- partum. Aucune difficulté à répondre au questionnaire n’a été rencontrée. Le FCF est une liste de 30 items représentant les symptômes de la fatigue. Sur une échelle ordinale de quatre points, le répondant attribue un score variant de 1 à 4 à chacun des items (1 : pas du tout ; 2 : parfois ; 3 : modérément et 4 : beaucoup). Le score total peut varier de 30 à 120. Cette échelle démontre de bons résultats auprès de femmes en âge de procréer et que l’instrument est fiable en période intrapartum (30). Les items de l’échelle démontrent un coefficient alpha de Cronbach (a) de 0,91 à 0,94 (28) ce qui indique une grande cohérence interne de l’échelle. En ce qui concerne la validité de l’instrument, les indices conceptuels spécifiques de validité comprennent des corrélations significatives avec les variables pertinentes qui devraient être liées à la fatigue (comme le sommeil, la durée du travail et le type d’accouchement) (21, 28). Par exemple, les scores de fatigue étaient plus élevés lorsque les femmes avaient une période d’accouchement plus longue et moins de sommeil.

L’IBFAT a été développé à partir d’une revue de la littérature, des observations faites en pratique clinique et des consultations avec des experts dans le domaine du

comportement néonatal (31). À l’origine, l’échelle a été développée en anglais. Suite à une traduction libre en français, elle a été nommée Échelle de comportement du nouveau-né au sein (1). L’IBFAT évalue les quatre principales composantes du comportement de l’allaitement du nourrisson nommément, la qualité de l’éveil, la recherche du sein, la prise du sein et le type de succion.

Chaque critère est évalué à l’aide d’une valeur numérique selon quatre choix de réponse de type Likert allant de 0 à 3 (0 étant le score du bébé qui n’a pas un comportement cible et 3 est le score du bébé qui fait facilement preuve d’un comportement cible). Le score total peut varier de 0 à 12. Un score de 12 est indicateur d’une alimentation efficace (31). Walker (32) soutient que les propriétés psychométriques de l’IBFAT sont fidèles et valides. Une fiabilité interjuge de 91 % a été obtenue entre les mères et les évaluateurs lors de l’utilisation de l’instrument évaluant les comportements au sein de la naissance à quatre jours après la naissance chez 60 nouveau-nés en bonne santé (31). Par ailleurs, Riordan et Koehn (33) ont précisé que cet instrument possède des qualités métrologiques moyennes (coefficient de corrélation de Spearman = 0,57 pour l’évaluation interobservateur et 0,88 pour test-retest) et que ces performances sont proches de celles des autres échelles publiées. Dans le même ordre d’idée, Riordan et al. (34) confirment qu’il existe des liens significatifs entre le score de la mère et celui de l’infirmière évaluatrice, ce qui soutient la validité de l’échelle IBFAT.

z Définition des variables

• Le CNOS est défini par un score IBFAT inférieur ou égal à 10 (1, 8, 14).

• Les scores de la fatigue sont catégorisés comme suit : la fatigue faible est définie par un score inférieur à 38,5. La fatigue modérée par un score compris entre 38,6 et 64,4 et une grande fatigue était attribuée à un score supérieur à 64,5 (18).

z Analyse des données

Les données ont été entrées et analysées à l’aide du logiciel Statistical Package for the Social Sciences (SPSS) version 21.

Des statistiques descriptives regroupant les distributions de fréquences, les mesures de tendances centrales et variabilité ont été retenues pour décrire le présent échantillon (caractéristiques des mères, critères d’allaitement…) et sont aussi utilisées pour répondre aux deux premières questions de recherche. Pour répondre à la dernière question de recherche qui tente d’explorer l’existence d’une relation entre les deux concepts étudiés, le coefficient de corrélation de Spearman (r) a été utilisé. Les associations bivariées entre les indicateurs de difficulté de l’allaitement maternel et les variables indépendantes ont été examinées en utilisant le test de khi-carré (χ2). Une valeur de p inférieur à 0,05 a été considérée significative.

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Les variables indépendantes Fréquences Pourcentage

(%)

CNOS

J0 (%) CNOS

J1 (%) Fatigue Faible

≤38,5

Fatigue Modérée 38,6-64,4

Fatigue Élevée

≥64,5 Facteurs maternels

Parité Primipare

Multipare 26 (40,6)

38 (59,4) 69,23

50 38,46*

16,22* 3,85*

36,84 76,92*

55,26 19,23*

7,89*

Age < 28 ans

≥ 28 ans 21 (32,8)

43 (67,2) 57,14 58,14 20

27,91 33,33

18,60 47,62

72,09 19,05 9,30 Éducation

Diplôme secondaire et moins

Diplôme collégial et plus 15 (23,4)

49 (76,6) 6,67

55,10 35,71

22,71 46,67*

16,33* 40*

71,63* 13,33*

12,24*

Revenu familial < 59,999 $ CANa

≥ 60,000 $ CANa 27 (42,2)

36 (56,3) 62,96

52,78 23,08

25 25,93

22,22 51,85

72,22 22,22 5,56 Antécédents d’anxiété ou de dépression

Oui Non 6 (9,4)

58 (90,6) 50

58,62 16,66

26,32 16,67

24,14 66,67

63,79 16,67 12,07 Travail et accouchement

Type d’accouchement

Voie vaginale spontanée 44(68,8) 54,55 25,58 29,55 56,82 13,64

Voie vaginale induction 8 (12,5) 75 25 12,5 75 12,5

Voie vaginale avec utilisation d’un forceps ou d’une

ventouse 1 (1,6) 0 0 0 100 0

Césarienne planifiée durant la grossesse 6 (9,4) 83,33 16,67 0 83,33 16,67

Césarienne non planifiée durant ma grossesse 5 (7,8) 40 40 20 80 0

Soulagement de la douleur en travail Aucun

Narcotiques Épidural

Narcotiques + épidural

8 (12,5) 14 (21,9) 30 (46,9) 12 (18,8)

78,5737,5 63,33 33,33

23,0812,5 26,67 33,33

21,4312,5 16,6730

57,1487,5 56,67 75

21,430 14,33 8,33 Durée du travail et accouchement

< 6 hb

≥ 6 hb 39 (60,9)

25 (39,1) 59,36

54,55 28,13

23,81 31,25

18,18 59,38

63,64 9,38 18,18 Heures d’accouchement

Entre 9 AMc et 7 PMd

< à 7 PMd > 9 AMc 24(37,5)

40(62,5) 55

62,5 37,5

19,95 22,5

15 60

70,83 17,5 4,17 Perte sanguine

< 500 mle

≥ 500 mle 57 (89,1)

7 (10,9) 54,39

85,72 23,21

42,86 26,32

0 61,40

85,71 12,28 14,29 Caractéristiques de l’enfant

Sexe Masculin

Féminin 32 (50)

32 (50) 50

65,63 21,86

29,03 18,75

28,13 59,38

68,75 21,88 3,13 Âge gestationnel

< 39 semaines

≥ 39 semaines 14 (21,9)

50 (78,1) 57,14

58 21,43

26,53 7,14

28 78,57

60 14,29

12 Poids de naissance

< 3500 gf

≥ 3500 gf 30 (46,9)

34 (53,1) 53,33

61,76 17,24

32,35 33,33*

14,71* 63,33*

64,71* 3,33*

20,59*

Score d’Apgar, une minute < 8

≥ 8 5 (7,8)

59 (92,2) 40

59,32 20

25 0

25,42 80

62,71 20

11,86

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Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein

RÉSULTATS

z Description de l’échantillon

Au total, 91 couples mères-enfants ont été répertoriés durant la durée de recrutement. Sur 91 naissances, 78 répondaient aux critères d’inclusion. Quatorze mères ont refusé de participer à l’étude pour les raisons suivantes : fatigue (n=7), manque d’intérêt (n=5), pas l’intention d’allaiter après 24 heures postpartum (n=1), fatigue de la mère et le bébé avait un CNOS (n=1). Treize couples mères-enfants ne répondaient pas aux critères d’inclusion (mère sourde et muette (n=1), mère malentendante (n=1), sortie de la maternité avant 24

heures postpartum (n=1), bébé hospitalisé (n=4), mère ne parle pas français ou anglais (n=1), la mère tire son lait et le donne au biberon (n=1), préparation commerciale pour nourrisson donnée à l’enfant (n=4)). L’analyse est donc basée sur 64 couples mères-enfants. Les caractéristiques de ces couples mères-enfants et les associations bivariées entre les variables indépendantes et les indicateurs de difficulté de l’allaitement maternel sont représentées dans le tableau 1.

L’âge moyen des mères est de 28,78 ± 4.37 ans. La presque totalité des mères (96,9 %) sont mariées ou en union libre.

Près des trois quarts des participantes ont un diplôme collégial et plus (76,6 %). Près des deux tiers des mères

Les variables indépendantes Fréquences

Pourcentage (%)

CNOS

J0 (%) CNOS

J1 (%) Fatigue Faible

≤38,5

Fatigue Modérée 38,6-64,4

Fatigue Élevée

≥64,5 Allaitement

Expérience antérieure d’allaitement maternel

Oui Non 38 (59,4)

26 (40,6) 50

69, 23 16,22*

38,46* 3,85

36,84 76,92

55,26 19,23 7,89 Type de mamelon

Invaginés / Plats

Érectiles après stimulation 8 (12,5)

56 (87,5) 87,5*

53,57* 62,5*

20* 25

23,21 62,5

64,29 12,5 12,5 Chirurgie mammaire

Oui Non 4 (6,3)

60 (93,8) 50

58,33 0

27,12 0

25 75

63,33 25

11,67 Peau à peau en salle d’accouchement

Oui Non 57 (89,1)

7 (10,9) 54,39

85,71 21,43*

57,14* 22,81

18,57 64,91

57,14 12,28 14,29 Délai de première mise au sein après l’accouchement

Moins de 1 heure De 1 heure à 2 heures Plus de 2 heures

40 (62,6) 15 (23,4) 9 (14,1)

90,47 73,33 77,77

26,32*

55,55*40*

17,5*

11,11*20*

70*60*

44,44*

12,55*

44,44*20*

Fréquence d’allaitement, jour 0 < 8

≥ 8 22 (34,5)

42 (65,6) 86,36*

42,86* 57,13*

9,52* 22,73*

23,81* 50*

71,43* 27,27*

4,76*

Suppléments de préparation commerciale

Oui Non 3 (4,7)

58 (90,6) 33,33

59,02 33,33

25 0

24,59 66,67

63,93 33,33 11,48

Tableau 1.

Associations bivariées entre les variables indépendantes et les indicateurs de difficulté de l’allaitement maternel

* p<0,05 association significative avec le test de khi-carré (χ2)

a $ CAN = dollar Canadian

b h= heure

c AM = avant-midi

d PM = après-midi

e ml= millilitre

f g=gramme

g mn= minutes

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(8)

(68,8 %) travaillent à temps plein à l’extérieur du domicile.

Un peu plus de la moitié (56,3 %) des mères ont un revenu supérieur ou égal à 60,000 $. Peu de femmes (9,4 %) ont des antécédents d’anxiété ou de dépression.

Un peu plus des deux tiers des participantes (66,8 %) ont accouché par voie vaginale spontanée. Parmi ces dernières, 12,5 % n’ont reçu aucune analgésie ou anesthésie. Seulement 12,5 % des femmes ont eu un accouchement par induction.

Le pourcentage des femmes qui ont eu une césarienne dans notre échantillon est de 17,2 % ; 7,8 % étaient des césariennes d’urgence. La durée moyenne du travail et de l’accouchement était de 6,47 ± 3,66 heures. 10,9 % des femmes ont eu des pertes sanguines supérieures ou égales à 500 ml. En absence de complication, les femmes qui ont accouché par voie vaginale sont restées à l’hôpital pour 48 heures et celles qui ont eu une césarienne 96 heures.

Les primipares représentaient un peu plus d’un tiers des femmes (40,6 %). Toutes les multipares avaient de l’expérience antérieure à l’allaitement maternel. La durée d’allaitement du premier enfant était comprise entre deux jours et 18 mois. Parmi les femmes qui ont allaité leurs premiers enfants, 60,53 % des femmes avaient allaité pour la durée recommandée de 6 mois. Les principales raisons évoquées pour l’arrêt de l’allaitement maternel du premier enfant étaient : la fatigue maternelle (17,2 %), la production lactée insuffisante (7,8 %), le retour au travail (6,3 %), le retour aux études (4,7 %) et une nouvelle grossesse (3,47 %). 10,9 % des mères avaient allaité deux enfants.

La durée d’allaitement du deuxième enfant était comprise entre trois et 12 mois. Les principales raisons pour l’arrêt de l’allaitement maternel étaient : le retour au travail (3,1 %), la fatigue maternelle (1,6 %) et la production lactée insuffisante (1,6 %). Trois mères dans notre échantillon ont essayé d’allaiter, mais elles ont arrêté entre 24 à 48 heures après la naissance. Les raisons soulignées par les mères étaient : la fatigue et la production lactée insuffisante (n=1), le bébé avait de la difficulté à prendre le sein et la mère avait les seins plats (n=1) ; la douleur aux seins et la difficulté à prendre le sein (n=1). Seulement 6,3 % des femmes avaient eu une chirurgie mammaire, 4,7 % des participantes avaient des mamelons invaginés et 7,8 % avaient des mamelons plats. L’âge gestationnel moyen des bébés était de 39,58

± 0,9 semaines. Le score d’Apgar moyen était de 8,75 ± 0,73 à une minute après l’accouchement et de 8,94 ± 0,30 à cinq minutes. Le poids de naissance moyen était de 3460,69

± 427,72 g et seulement un enfant avait un poids <2500 g à la naissance. Seulement deux bébés ont eu besoin de l’oxygène libre comme support après la naissance et un bébé a été ventilé. La perte de poids moyenne dans les 24 premières heures était de 3,77 % ± 1,45 %. Seulement 10,9 % des bébés n’ont pas été placés peau à peau avec leurs parents juste après l’accouchement. Le délai moyen de la première prise de sein était de 2,20 ± 1,04 heure. 31,3 % des enfants ont été allaités dans les 30 minutes suivant leur

naissance. La fréquence moyenne d’allaitement durant les premières 24 heures suivant l’accouchement était de 7,81 ± 2,11. Seulement 4,7 % des bébés ont reçu des suppléments de préparation commerciale pour nourrisson. Les raisons évoquées pour la supplémentation sont : le CNOS, la fatigue de la mère, la douleur et les gerçures aux seins.

z Vérification des propriétés psychométriques des instruments de mesure

Dans le cadre de cette étude, afin d’évaluer la validité du construit du FCF, l’analyse en composante principale a été utilisée. Le test de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) retrace un ajustement faible des données aux facteurs latents (0,615). Le test de Bartlett, quant à lui, est significatif (p<0.001) et confirme la présence de corrélations inter-items. Le FCF a été soumis à un pré-test auprès de trois femmes accouchées en postnatal immédiat afin de confirmer la clarté et la compréhension des questions. Cet instrument a révélé être applicable pour notre population. Par ailleurs, les items de l’échelle démontrent un coefficient alpha de Cronbach de 0,901.

Concernant l’échelle IBFAT, au J0 et J1, la valeur du KMO correspond à un ajustement moyen (0,798). Le test de Bartlett est significatif (p<0.001) et témoigne la présence de corrélations inter-items. Un accord interjuges a été établi entre l’étudiante chercheure et la conseillère en lactation en lien avec l’IBFAT.

L’alpha de Cronbach calculé aux J0 et J1 était de 0,927.

z Présentation des résultats relatifs aux questions de recherche

Niveau de la fatigue de la mère qui allaite en milieu hospitalier

La première question de recherche vise à décrire le niveau de la fatigue de la mère qui allaite en milieu hospitalier. La moyenne de la fatigue dans les premières 24 heures suivant l’accouchement était de 49, 97 ± 12,72 relatant une fatigue modérée. Moins d’un quart des mères en postpartum immédiat (23,4 %) éprouvent une fatigue faible avec une nette prédominance de multipares (93,33 %). À peu près les deux tiers des mères (64,1 %) éprouvent une fatigue modérée dont à peu plus de la moitié 51,22 % chez les multipares. Seulement 12,5 % des mères en postpartum immédiat éprouvent une fatigue élevée, dont 62,5 % chez les primipares. Le tableau 2 regroupe les scores de la fatigue selon la parité.

Les pourcentages et les associations bivariées entre la fatigue et les variables indépendantes sont représentés dans le tableau 1. Dans l’analyse univariée, la fatigue maternelle était significativement associée à la parité (p=0,003), au niveau d’éducation de la mère (p=0,043), au poids de naissance du bébé (p=0,035), au délai de la première mise au sein (p=0,001), à la fréquence d’allaitement au jour 0 (p=0,037). La fatigue maternelle peut être expliquée en partie par une combinaison de plusieurs facteurs indépendants. Afin de vérifier le facteur

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Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein

qui a le plus d’effet sur la fatigue maternelle, des analyses supplémentaires ont été réalisées soit une analyse multivariée.

Cette analyse révèle que le délai de la première mise au sein affecte positivement la fatigue (p=0,007). Cet effet est grand (R2 ajusté= 0,275).

Afin d’étudier chaque item de l’échelle FCF, le score total a été comptabilisé pour chaque item pour l’ensemble de la population regroupant 64 mères. Ces données sont représentées dans la figure 1.

À travers ce graphique, on discerne bien les items auxquels les participantes avaient des scores élevés. Les items sont

classés par ordre décroissant : « J’ai soif », « J’ai envie de m’allonger », « Je ressens de la fatigue dans tout mon corps »,

« Je me sens somnolente », « Je ressens de la fatigue dans mes yeux », « Je ressens de la douleur dans mon dos »,

« Je me sens maladroite quand je bouge », « Je ressens un manque d’équilibre quand je suis debout », « Je ressens de la fatigue dans mes jambes », « J’ai envie de bailler », « Je me sens la tête pesante », à travers ces expressions, on peut s’apercevoir que les items auxquels les scores étaient les plus élevés sont des facteurs personnels physiologiques. Viennent ensuite les facteurs psychologiques tels que : « Je me sens susceptible à oublier certaines choses » et « Je me sens étourdie ». La difficulté à penser, le manque de concentration, Tableau 2.

Scores de la fatigue en lien avec la parité Niveau de fatigue maternelle Ensemble des mères en

% [n] Primipares en % [n] Multipares en % [n]

Fatigue faible Fatigue modérée

Fatigue élevée

23,4 [5]

64,1 [41]

12,5 [8]

6,67 [1]

48,78 [20]

62,5 [5]

93,33 [14]

51,22 [21]

37,5 [3]

Figure 1.

Scores totaux pour chaque item de l’échelle de FCF

Je me sens la tête pesante Je ressens de la fatigue dans tout mon corps Je ressens de la fatigue dans mes jambes J’ai envie de bailler Je ressens une chaleur dans ma tête et j’ai les pensées embrouillées Je me sens somnolente Je resssens de la fatigues dans mes yeux je me sens maladroite quand je bouge je ressens un manque d’équilibre quand je suis debout J’ai envie de m’allonger Je ressens que j’éprouve de la difficulté à penser Je ne ressens plus l’envie de parler Je me sens nerveuse Je me sens incapable de me concentrer Je me sens que j’éprouve un manque d’intérêt envers tout Je me sens susceptible à oublier certaines choses Je ressens un manque de confiance en moi Je me sens anxieuse Je ressens que je suis incapable de me tenir droite Je ressens que j’ai un manque de patience Je ressens que j’ai mal à la tête Je ressens une courbature dans les épaules Je ressens de la douleur dans mon dos Je ressens que j’éprouve du mal à respirer J’ai soif Je sens que ma voix est rauque Je me sens étoudie Je ressens des spasmes dans mes paupières Je ressens des tremblements dans

mes bras et mes jambes

Je ne me sens pas bien

70 90 110 130 150 170 190

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ne pas se sentir bien, avoir des pensées embrouillées, la nervosité, l’anxiété, ne pas avoir l’envie de parler, le manque de confiance en soi, le manque de patience sont classés respectivement en 16ème, 18ème, 19ème, 20ème, 21ème, 22ème, 23ème, 25ème, 26ème et en dernier rang parmi le score total des participantes.

Comportement du bébé à terme nourri au sein en milieu hospitalier

La deuxième question de recherche vise à décrire le comportement du bébé à terme nourri au sein en milieu hospitalier. Dans notre échantillon de 64 couples mères- enfants, la moyenne de l’IBFAT au J0, était de 8,25 ± 3,86. Au J1, la moyenne de l’IBFAT était de 10,62 ± 2,50. La médiane de l’IBFAT était de 10 à J0 et de 12 à J1. Un peu plus de la moitié des nouveau-nés (57,8 %) avaient un CNOS à J0 dont 48,65 % chez les primipares. Cependant, le pourcentage des nouveau-nés ayant un CNOS avait diminué à 25 % à J1 avec 62,5 % chez les enfants de primipares. Le tableau 3 regroupe les moyennes de l’IBFAT à J0 et J1 ainsi que les scores de l’IBFAT selon la parité.

Dans l’analyse univariée, l’étude des associations a retrouvé que le CNOS à J0 était significativement associé à la fréquence d’allaitement inférieure à huit fois dans les 24 premières heures (p=0,001) et était à la limite du taux de significativité avec le type de mamelon (p=0,052) et n’était pas loin de l’être avec les analgésies ou anesthésies prises lors du travail accouchement (p=0,063). En analyse multivariée, aucun facteur ne ressortait.

Le CNOS à J1 était significativement associé à la primiparité (p=0,046), aux types de mamelons (p=0,010), à l’expérience antérieure d’allaitement (p=0,046), au peau à peau à la salle d’accouchement (p=0,041), au délai de la première mise au sein (p=0,027) et à la fréquence d’allaitement au jour 0 (p<0.001) dans l’analyse univariée. Le CNOS à J1 découle en partie par une combinaison de plusieurs facteurs indépendants. Pour vérifier les facteurs qui ont le plus d’effet sur le CNOS, une analyse multivariée a été réalisée.

Cette analyse montre qu’au J0 aucun facteur ne ressortait.

Toutefois, les facteurs qui ont le plus d’effet sur le CNOS à J1 sont la fréquence d’allaitement dans les premières 24 heures et les analgésies ou anesthésies prises lors du travail d’accouchement. Ainsi, une augmentation de la fréquence de

l’allaitement diminue la prévalence du CNOS à J1 (p=0,005) alors que l’utilisation des analgésies ou anesthésies lors du travail d’accouchement l’augmente (p=0,005).

Relation entre la fatigue maternelle et le CNOS

La troisième question de recherche cherche à savoir s’il existe une relation entre la fatigue de la mère qui allaite, en milieu hospitalier, et le comportement non optimal du bébé au sein.

L’étude des corrélations entre les critères de difficulté de l’AM a retrouvé des corrélations significatives, mais faibles entre la fatigue maternelle et le CNOS à J0 (coefficient de corrélation (r=0,192 ; p=0,029) et une corrélation significative et forte (r=0,661 ; p<0.001) entre le CNOS à J0 et le CNOS à J1. Les mères des nouveau-nés ayant un CNOS à J0 avaient un score moyen de fatigue maternelle légèrement supérieur 51,41 ± 13,81 à celui des mères ayant des nouveau-nés avec un comportement optimal au sein. Le tableau 4 représente le niveau de fatigue des mères des nouveau-nés ayant un CNOS J0 et J1.

DISCUSSION

Les résultats de cette étude montrent que les difficultés de mise en place de l’AM dans les premiers jours postpartum sont relativement communes même chez des femmes qui ont accouché dans un centre hospitalier universitaire qui s’efforce d’obtenir la désignation « Ami des bébés ». En fait, 64,1 % des mères en postpartum immédiat éprouvent une fatigue modérée et 12,5 % éprouvent une fatigue élevée, et un peu plus de la moitié des nouveau-nés (57,8 %) avaient un CNOS à J0.

Tableau 3.

Moyennes de l’IBFAT J0 et J1 et score du CNOS en lien avec la parité

Ensembles des mères Primipares Multipares IBFAT moyen

± écart type J0

J1 8,25 ± 3,86

10,62 ± 2,50 6,92 ± 4,25

10,04 ± 2,75 9,16 ± 3,32

11,08 ± 2,27

CNOS en % (n) J0

J1

57,8 % (37) 25 % (16)

48,65 (18) 62,5 (10)

51,35 (19) 37,5 (6) Tableau 4.

Niveau de fatigue maternelle en lien avec le CNOS J0 et J1

CNOS J0 en %

(n) CNOS J1 en % (n) Fatigue faible

Fatigue modérée Fatigue élevée

24,3 (9) 59,5 (22)

16,2 (6)

31,3 (5) 56,3 (9) 12,5 (2)

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Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein

z Fatigue maternelle

Les résultats de cette étude sont concordants avec l’étude de Rychnovsky (24) et l’étude de Lenz et al. (18) au niveau des scores de la fatigue. Dans notre échantillon de 64 couples mères-enfants, la moyenne de la fatigue dans les premières 24 heures suivant l’accouchement était de 49, 97

± 12,72. Dans l’étude de Rychnovsky (24) utilisant le même instrument de mesure de la fatigue, auprès de 109 femmes en postpartum, le score moyen de la fatigue des femmes durant leurs hospitalisations était de 50,72 ± 13,515. Par ailleurs, dans l’étude de Lenz et al. (18) le score moyen de la fatigue chez 108 couples mères-enfants durant les premières 24 heures après l’accouchement était de 51,5. Ce qui indique que les mères en postpartum éprouvent en moyenne une fatigue modérée. La fatigue est donc un problème inévitable tel que mentionné par Rychnovsky et Hunter (26).

Les résultats de cette étude sont compatibles avec la définition de Milligan et al. (21) pour laquelle la fatigue est un symptôme désagréable de la période du postpartum avec des aspects physiques et psychologiques. Ils sont aussi compatibles avec la théorie des symptômes déplaisants de Lenz et al. (18) utilisée dans le cadre de cette étude. Des facteurs physiologiques, psychologiques et situationnels influencent la fatigue maternelle. L’accouchement, le manque de sommeil, les soins du nouveau-né, etc. contribuent à cette fatigue qui concerne la totalité des femmes suite à l’accouchement.

Concernant les variables physiologiques, notre étude n’a pas trouvé une association entre le type d’accouchement et la fatigue en postpartum immédiat. Par ailleurs, l’étude de Rychnovsky (24) a retrouvé une association significative positive entre les niveaux de fatigue en postpartum immédiat entre les femmes qui ont accouché par voie vaginale et celles qui ont eu un accouchement par césarienne non planifiée, mais pas entre les femmes qui ont eu un accouchement par césarienne planifiée et non planifiée. Par contre, l’étude de Callahan et al. (10) a rapporté qu’il y avait une différence presque significative entre les niveaux de fatigue des femmes ayant subi une césarienne et les femmes ayant eu un accouchement par voie vaginale au cours de la période postpartum immédiate. Le niveau plus élevé de la fatigue pour les femmes ayant subi une césarienne peut s’expliquer par l’intervention chirurgicale majeure qu’elles ont subie.

Dans la présente étude, la fatigue maternelle était significativement associée à la parité. Ce qui concorde avec les études de Callahan et al. (10) et Rychnovsky et Hunter (26) qui soulignent que la fatigue en postpartum est un symptôme complexe qui se manifeste largement et particulièrement chez les mères primipares. Les pourcentages des femmes multipares et primipares qui ressentent une fatigue modérée sont presque égaux. Cependant, les primipares éprouvent plus de fatigue élevée (62,5 %) et moins de fatigue faible

(6,67 %). Ceci pourrait être interprété par le fait que les multipares s’adaptent mieux aux transformations physiques et psychiques et sont plus préparés à cette fatigue et à l’ensemble des changements qui peuvent survenir suite à l’accouchement tels que le manque de sommeil, les soins d’un être nouveau, etc.

La fatigue en postpartum est associée à plusieurs symptômes.

Dans le cadre de cette recherche, les mères en postpartum immédiat éprouvent plus de fatigue d’ordre physiologique que psychologique d’après l’analyse de la figure 1 qui rassemble les scores totaux pour chaque item de l’échelle de FCF. Ceci pourrait être certainement dû aux efforts physiologiques en lien avec le processus de la naissance ce qui est conforme à ce qui pouvait être attendu.

Au niveau des variables psychologiques, dans le cadre de la présente étude, la fatigue n’était pas associée à la dépression ou à l’anxiété de la mère. Cependant, l’étude de Rychnovsky (24) a démontré que la dépression a été fortement associée à la fatigue en postpartum immédiat. L’étude a aussi noté que l’anxiété était en corrélation avec la fatigue en postpartum immédiat. Par ailleurs, l’étude de Wambach (20) réalisée chez 41 mères primipares a démontré que les scores de fatigue étaient significativement plus élevés chez les femmes avec des scores de dépression plus élevés, en comparaison aux femmes ayant des scores de dépression faible. Dans la présente étude, l’anxiété et la dépression ne sont pas évaluées à l’aide d’un instrument de mesure en postpartum tel est le cas de l’étude de Rychnovsky (24) ou de Wambach (20). L’analyse s’est basée sur les antécédents d’anxiété ou de dépression, donc la comparaison avec les études précédentes s’avère difficile.

Par rapport aux variables situationnelles, dans le cas de notre étude, les accouchements survenant entre 10 PM et 7 AM n’étaient pas associés à la fatigue maternelle. L’étude de Rychnovsky et Hunter (26) a prouvé que la fatigue en postpartum immédiat, avant la sortie de l’hôpital, était en corrélation positive avec les troubles du sommeil. Les troubles du sommeil dans l’étude de Rychnovsky, 2007, (24) étaient en corrélation positive avec la fatigue en postpartum immédiat, indiquant que les mères ayant un sommeil plus perturbé éprouvent des niveaux de fatigue plus élevés. Il est noté que dans cette dernière étude, l’échantillon était composé des femmes militaires qui pourraient être plus vulnérables à la fatigue maternelle à cause des rudiments de leur métier.

L’étude des corrélations entre les critères de difficulté de l’AM a retrouvé des corrélations significatives, mais faibles entre la fatigue maternelle et le CNOS à J0. Parce que la corrélation entre la fatigue en postpartum immédiat et le CNOS n’a pas été étudiée auparavant dans les recherches traitant la fatigue, aucune comparaison ne peut être faite.

Par ailleurs, l’étude de Wambach (20) a révélé l’existence de relation positive et modérée à trois, six et neuf semaines

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entre la fatigue et la gravité des problèmes d’AM comprenant les éléments liés à la succion infantile, le positionnement et la réticence du bébé grincheux.

Au niveau de la composante performance de la théorie des symptômes déplaisants (18), plusieurs auteurs sont d’avis que les principales raisons pour le sevrage au début de l’allaitement sont la fatigue de la mère (9, 10, 11) et le CNOS (1, 9, 12, 13, 14). Ce qui concorde avec les résultats de cette étude. En fait, dans cette étude, 3 mères ont essayé d’allaiter, mais elles ont sevré leurs enfants entre 24 à 48 heures après la naissance. Deux de ces femmes ont arrêté d’allaiter en raison de la fatigue de la mère et du CNOS. Tel que souligné par Michel et al. (1) les couples mères-enfants à risque doivent être discernés et bénéficier d’une attention particulière en postpartum immédiat.

Dans la présente étude, seulement 4,7 % des bébés ont reçu des suppléments de PCN. Les raisons évoquées pour la supplémentation étaient la fatigue de la mère, le CNOS ainsi que la douleur et les gerçures aux seins.

Cependant, dans l’étude de Cloherty et al. (11) ainsi que Gagnon et al. (15) une grande proportion des bébés ont reçu des suppléments pour des raisons autres que la nécessité médicale, soit un quart des bébés dans l’étude de Cloherty et al. (11) et la moitié des nourrissons (47,9 %) dans l’étude de Gagnon et al. (15). La fatigue et les difficultés de l’AM sont les plus importantes raisons qui motivent l’administration des suppléments de préparations commerciales pour les nourrissons dans ces deux études. Les facteurs qui peuvent influencer l’incidence faible de l’administration des suppléments de PCN sont probablement le niveau d’éducation supérieur des mères.

Aussi, le fait que le centre hospitalier universitaire où s’est déroulée l’étude s’efforce de devenir ami des bébés, la tendance est d’offrir la supplémentation des bébés par une ordonnance médicale et un consentement écrit de la mère limitant ainsi l’administration des suppléments de PCN.

Dans la présente étude, la fatigue maternelle était significativement associée à la parité, au niveau d’éducation de la mère, au poids de naissance du bébé, au délai de la première mise au sein et à la fréquence d’allaitement au jour 0. La fatigue maternelle peut être expliquée en partie par une combinaison de plusieurs facteurs indépendants.

Toutefois, dans le cadre de cette étude, le délai de la première mise au sein influence grandement la fatigue. Donc, pour intervenir sur la fatigue maternelle, les professionnels de la santé doivent encourager l’AM dans la première heure de vie.

Les recherches traitant la fatigue maternelle sont difficiles à comparer vu l’utilisation de différentes méthodologies. La fatigue en postpartum est mesurée à des temps différents avec des populations variées et en utilisant une variété d’instruments qui mesurent différents aspects de la fatigue.

z CNOS

Nombreuses sont les recherches qui traitent les raisons de sevrage de l’AM. Cependant, peu de recherche ont étudié l’incidence du CNOS et son association avec d’autres difficultés de l’AM en utilisant une échelle spécifique qui mesure le comportement du bébé au sein telle que l’IBFAT.

Trois recherches utilisant les mêmes critères pour mesurer l’incidence du CNOS ont été répertoriées. Dans notre échantillon de 64 couples mères-enfants, le CNOS est observé chez un peu plus de la moitié des nouveau-nés (57,8 %) à J0. Les résultats de notre étude sont concordants avec l’étude de Matias et al. (14) sur l’incidence du CNOS.

Cette dernière étude utilisait aussi le score de l’IBFAT et a été réalisée auprès de 171 mères primipares à faible revenu et leurs nouveau-nés vivant en milieu urbain à Lima, au Pérou.

Elle retrouve les prévalences du CNOS de 52 % à J0. Les incidences du CNOS dans le cadre de notre étude sont un peu plus élevées que celles rapportées chez les 280 femmes californiennes fortement motivées à allaiter, dans lesquelles 49 % des nouveau-nés avaient un CNOS J0 (8). Cependant, elles sont bien supérieures que celles rapportées chez 118 mères françaises pour lesquelles 33,9 % des nourrissons avaient un CNOS à J0 (1). Dans l’étude de Matias et al. (14), les multipares ont été exclues de l’étude et dans l’étude de Michel et al. (1) les femmes cessant l’AM avant la sortie de la maternité ont été exclues, ce qui a pu probablement influencer l’incidence du CNOS. De plus, les mères qui étaient exclues de l’étude en raison des dossiers incomplets éprouvaient probablement plus de difficultés que le reste de la population étudiée (1).

Dans le cadre de notre recherche, l’évaluation du CNOS a été aussi faite au jour 1. Cependant, les recherches précédentes ont réévalué le CNOS le quatrième jour suivant l’accouchement. Dans notre étude, 25 % des nouveau-nés avaient un CNOS à J1 ce qui est un peu plus élevé que la prévalence retrouvée dans l’étude Dewey et al. (8) qui est de 22 % à J3 et de Matias et al. (14) qui est de 21 % à J3.

Mais, elle est bien supérieure que celle rapportée par l’étude de Michel et al. (1) qui était de 7.6 % à J3. On note que le comportement du nourrisson au sein a été amélioré de J0 à J1 et de J0 à J3. Toutefois, dans la présente étude, il s’est amélioré plus rapidement. La situation dans la maternité où s’est déroulée l’étude est particulière. Les femmes accouchant dans cette maternité reçoivent une assistance personnelle d’une consultante en lactation qui prodigue l’enseignement spécialisé à toutes les femmes en postpartum.

Les résultats de notre étude concernant la corrélation entre le CNOS au jour 0 et le CNOS dans les jours qui suivent sont concordants avec les études de Michel et al. (1), Matias et al.

(14) et Dewey et al. (8). Il existe une corrélation significative entre le CNOS J0 et CNOS J3 (1). Les nouveau-nés avec CNOS J0 ont tendance à être plus susceptibles d’avoir un CNOS J3 (8, 14). Ainsi, il s’avère que la prévention et la

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Étude de deux indicateurs de difficulté de mise en place de l’allaitement maternel : la fatigue maternelle et le comportement non optimal du bébé au sein

détection du CNOS au cours de la première journée de vie est particulièrement importante.

Les études de Dewey et al. (8) ; Michel et al. (1) et Matias et al.

(14) s’accordent pour dire que le CNOS est un indicateur de difficulté de mise en place de l’AM surtout chez les primipares.

La parité était significativement associée au CNOS J1 comme dans l’étude de Dewey et al. (8) où les auteurs ont souligné que le CNOS était significativement associé à la parité au jour 3. Dans notre population, cela est probablement dû au fait que 51,35 % des nouveau-nés des multipares avaient un comportement non optimal aux seins au jour 0. Ces dernières sont en mesure d’améliorer la situation, en raison de leur expérience d’allaitement passé, tandis que les primipares ont besoin d’une assistance particulière de le faire (14).

Comme Dewey et al. (8) ; Michel et al. (1), on note l’existence d’une association significative entre le CNOS et la forme du mamelon inhabituel (plat ou rétracté). Les nouveau-nés peuvent éprouver plus de difficulté à prendre le sein lorsque le mamelon est plat ou rétracté (35). Toutefois, selon la même source, physiologiquement, la prise du sein est optimale lorsque le bébé prend une grande partie de l’aréole et non pas uniquement le mamelon. Un impact psychologique sur l’existence de relation entre les mamelons inhabituels et la difficulté de la prise de sein est à considérer.

Comme l’étude de Matias et al. (14), on a retrouvé une association entre le CNOS et la fréquence d’allaitement inférieure à huit fois dans les premières 24 heures. Dans notre étude, ce dernier facteur a le plus d’effet sur le CNOS à J1. Ce qui suggère que les tétées fréquentes aident les bébés à apprendre à téter efficacement au sein (14) tel que recommandé par l’Académie Américaine de Pédiatrie (36) afin de favoriser et soutenir l’allaitement.

Dans la présente étude, les analgésies ou les anesthésies prises au cours du travail accouchement ont aussi un plus grand effet sur le CNOS à J1. L’effet des analgésies sur le succès de l’initiation à l’allaitement fait l’objet de résultats contradictoires (37). Une étude prospective réalisée auprès de 113 parturientes n’ayant pas retrouvé d’effet inhibiteur de l’épidural sur l’allaitement maternel initial (38). À l’inverse, dans une étude comparant 115 parturientes ayant reçu une analgésie épidurale et 116 parturientes témoins, le taux d’allaitement durant les 24 premières heures postpartum était respectivement de 70 % versus 90 % (39).

Contrairement aux études de Matias et al. (14) de Dewey et al. (8) et de Michel et al. (1), la présente étude a démontré que l’expérience antérieure d’allaitement, le peau à peau à la salle d’accouchement et le délai de la première mise au sein sont des facteurs de risque du CNOS à J1. De nombreuses études documentent le bienfait du peau à peau sur l’allaitement maternel. Le peau à peau entre la mère et le bébé est une bonne manière de l’accueillir dans le monde.

En plus, le contact corporel avec sa mère déclenche la lactation et le réflexe de téter chez le bébé ce qui favorise la production rapide du lait maternel. Le peau à peau doit être maintenu jusqu’après un allaitement réussi. Dans le cas d’une césarienne, la mère ou le père peuvent garder le bébé en contact peau à peau jusqu’à ce que le bébé puisse jouir de sa première tétée. Dans la première heure suivant la naissance, les nouveau-nés sont souvent plus éveillés et ont plus d’intérêt à boire (40, 41). En fait, les bébés qui sont placés immédiatement peau à peau avec leurs mères pendant au moins une heure, pourront éventuellement bien prendre le sein (40).

Contrairement à ce qui a été rapporté dans l’étude de Matias et al. (14), nous n’avons pas retrouvé d’association entre le CNOS J0 et le sexe masculin du nouveau-né. Nous n’avons pas non plus retrouvé d’association entre le CNOS J0 et la césarienne ou entre le CNOS et l’administration des suppléments tel que rapporté par l’étude de Dewey et al. (14). Dans le cadre de notre étude, trois nouveau-nés ont reçu des suppléments de préparation commerciale par tube au sein ou par tasse afin d’éviter les inconvénients engendrés par l’utilisation de la tétine pendant la mise en place de l’allaitement maternel. Les raisons évoquées pour la supplémentation sont le CNOS, la fatigue de la mère et la douleur et les gerçures aux seins. Ce qui concorde avec le constat de Cloherty et al. (11), Gagnon et al. (15) ainsi que Bigot, Lionnet, Perrotin et Saliba (42) qui sont d’avis qu’une grande proportion des bébés reçoivent des suppléments pour des raisons autres que la nécessité médicale. La fatigue et les difficultés de l’AM sont les plus importantes raisons pour la supplémentation rapportées par les études Cloherty et al.

(11) Gagnon et al. (15). Les difficultés de l’AM sont parmi les principales indications des suppléments des nouveau-nés.

LIMITES DE L’ÉTUDE

Cette étude comporte certaines limites. La première limite est la nature de l’échantillonnage de convenance retenue.

La deuxième limite est la taille de l’échantillon qui n’est pas représentatif de la population choisie. La traduction d’un instrument de mesure engendre une troisième limite. Toutes les composantes de la théorie des symptômes déplaisants n’ont pas été mesurées dans cette étude ce qui occasionne une quatrième limite. Dans la sélection des participantes, les femmes qui ont refusé de participer à l’étude peuvent être plus fatiguées ou être plus prédisposées à avoir des problèmes de l’AM. La prévalence réelle des problèmes en début de l’AM est donc possiblement sous-estimée. Dans cette étude, le niveau d’éducation de la population est plus élevé que la moyenne d’éducation de la population du Nouveau-Brunswick, les résultats de cette étude doivent être interprétés avec précaution. Finalement, les résultats de cette étude ne peuvent pas s’appliquer à des populations à haut risque ou des patients malades.

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(14)

CONCLUSION

Les difficultés de mise en place de l’allaitement maternel ne sont pas rares, même chez les femmes qui sont très motivées à allaiter exclusivement (8), malgré un démarrage dans un milieu qui cherche à respecter les recommandations de l’OMS et l’Unicef (1), même dans un hôpital ami des bébés (14) et même chez une population de femmes allaitantes ayant accouché dans un Centre hospitalier universitaire qui s’efforce pour obtenir la désignation « Ami des bébés ».

De ce fait, Dewey et al. (8) recommandent que les mères- enfants qui allaitent doivent être évaluées au postpartum de 72 à 96 heures. Michel et al. (1) suggèrent qu’une surveillance particulière des couples mères-enfants à risque est nécessaire afin de bénéficier d’une attention particulière durant leur séjour à l’hôpital ainsi qu’un suivi après la sortie de l’hôpital. Matias et al. (14) préconisent la nécessité de fournir un soutien approprié aux couples mères-enfants au cours de la première semaine postpartum. En fait, toutes les femmes devraient bénéficier d’une aide au cours de l’initiation de l’AM afin d’aboutir à un meilleur taux de succès prolongé.

Cette étude avait pour but de mettre en évidence les deux indicateurs de difficulté de l’AM qui sont le CNOS et la fatigue maternelle et la relation entre les deux, ce qu’on a tendance à déconsidérer ou mésestimer. Ce travail a été réalisé avec l’objectif d’encourager les professionnels de la santé à mettre l’accent sur ces deux concepts qui s’avèrent être des éléments fondamentaux de la pratique des infirmières dans une unité de maternité. Il serait intéressant de poursuivre la recherche dans le but d’amener des solutions aux professionnels de la santé en ce qui a trait aux difficultés rencontrées afin de mieux soutenir les couples mères-enfants. Il serait également intéressant de poursuivre cette étude avec une taille d’échantillon plus importante et avec un devis longitudinal afin de vérifier la performance à long terme de la fatigue et du CNOS sur l’AM.

CONFLITS D’INTÉRêTS

L’auteure ne déclare aucun conflit d’intérêt.

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