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Le rôle du pharmacien dans la réduction des risques

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Academic year: 2022

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Le Courrier des addictions (18) – n° 1 – janvier-février-mars 2016 30

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a pharmacie constitue à la fois le lieu d’accès au matériel stérile pour l’injection, et de délivrance des médicaments de substitution aux opiacés. Ainsi, le pharmacien, acteur de terrain en matière de santé publique, est considéré comme un intermédiaire privilégié pour faire progresser la diff usion de matériels d’injection, relayer les actions de prévention de soins auprès des usagers de drogues et accompagner les patients pris en charge par traitements de substitution aux opiacés (TSO). Les points forts de la pharmacie en termes d’accès sont la disponibilité, le maillage important en France, même en zone rurale, et l’amplitude horaire.

Le rôle du pharmacien

dans la réduction des risques

Th e central place of the pharmacist in management of harm reduction

C. Fournier*

FACE À UNE DEMANDE SPONTANÉE

Face à la demande de trousse de prévention de type “Stéribox ® , de seringues à l’unité ou d’auto-tests VIH, le pharmacien est invité à instaurer un dialogue avec la personne pour faire passer des messages de prévention simples, et sensibiliser sur les pratiques à risque (réutilisa- tion des seringues, partage de celles-ci ou du petit matériel destiné à la préparation de la solu- tion à injecter, etc.). Il doit disposer des adresses des centres de dépistage ou des structures d’ac- cueil les plus proches afi n de pouvoir orienter les usagers vers des consultations de prise en charge spécialisées. La qualité de l’accueil, de l’écoute et de l’échange et l’absence de jugement sont essentielles à une bonne prise en charge en

offi cine de ces patients. En eff et, la pharmacie peut être le lieu où naît une volonté de prise en charge médicale.

La prise en charge des patients recevant un traitement de substitution aux opiacés “ Selon une étude récente de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) [1], entre 160 000 et 180 000 patients suivent un TSO en France en 2013, 1/3 à la méthadone et 2/3 à la buprénorphine haut dosage (BHD). Il s’agit, pour cette dernière, à 73 % du princeps, à 24 % des géné- riques et à 3 % de son association avec la naloxone, le Suboxone®. Quatre-vingt pour cent des usagers problématiques d’opiacés, dont le nombre est estimé à 210 000, prennent donc un TSO et la France serait, parmi ses voisins européens, l’un des pays ayant la part la plus importante de personnes ainsi traitées par rapport à sa population”  (2) . Pour environ 150 000 d’entre eux, le TSO a été délivré à l’offi cine. Cela montre l’importance et la nécessité de la qualité de délivrance des traitements à ces patients, c’est-à-dire le rappel de la voie d’administration et de la posologie du médicament. En suivant les patients et en établissant avec eux une relation de confi ance, le pharmacien doit savoir repérer des consom- mations abusives ou des mésusages : dans les cas d’irrégularité dans les prises, d’eff ets indésirables, de surconsommation ou de polyconsommation, il est nécessaire de contacter le médecin en charge du patient. La coopération des acteurs de santé est importante afi n de maintenir le patient dans le parcours de soins. Le pharmacien prend le relais dans la prise en charge du patient après le médecin. Il est aussi important de constituer cette équipe médecin-pharmacien-patient pour intégrer durablement le patient volontaire dans la prise en charge médicale.

ENTRETIENS MOTIVATIONNELS ET RÉSEAUX DE SOINS

L’entretien motivationnel, qui n’est pas unique- ment réservé aux patients toxicomanes, mais s’adresse à tous les patients atteints de maladies chronique, est un outil personnalisé d’accom- pagnement au changement. Du côté du patient, il vise à stimuler la motivation intrinsèque pour aller vers ce changement, et, du côté du professionnel de santé, il permet d’être plus performant dans le soin par des réponses indi- viduelles. L’entretien motivationnel, qui s’arti- cule autour de questions précises, pointe aussi les indécisions et les craintes des patients, qui seront prises en compte pour mieux les aider dans leur démarche de soin. Il demande au phar- macien de faire preuve d’écoute et d’empathie.

Les stratégies de réduction des risques (RdR) se sont progressivement mises en place à la fi n des années 1980 en France, et le pharmacien y était en première ligne, avec la vente libre des seringues, application du décret Barzach, en 1987, qui suspendait l’interdiction de vendre les seringues sans ordonnance. Suivra un ensemble d’actions et de missions que le pharmacien offi cinal a su intégrer à la pratique quotidienne de son exercice.

La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), publiée au Journal offi ciel le 22 juillet 2009, la nouvelle convention pharmaceutique signée en 2012 et le code de la déontologie concordent à placer le pharmacien comme acteur de santé à part entière auprès de la population et des usagers de drogues, jouant ainsi un rôle dans les actions de RdR.

Harm reduction strategies aim to reduce harmful behaviors and consequences for drug users, and more specifi cally for injecting drug users. All the devices concerning this public health policy were considerably diversifi ed since its beginnings in France, at the end of the 80’s.

The strategies of harm reduction include both material devices and medical, social and psychological support of the concerned population.

As health professional, the pharmacist has a privileged place, while he delivers syringes, kits for a sterile injection, or other tools for drug users, and also opiate substitution treatments for people supported medically. Thus, he has to inform drug users by giving them advices to improve their practices, and he has also to supervise the patients’ compliance to their treatments. He also needs to establish a relying relation with his patients to ensure they go on being treated for their addiction.

To help the pharmacist in these tasks, it exists different practical tools like pharmaceutical folder and pharmaceutical interviews. The pharmacist can also choose to integrate a specifi cally medical network to improve the support of his patients.

* Pharmacien d’offi cine (Paris,15 e arrondissement).

Mots-clés : Pharmacien, réduction des risques, seringues, kits pour injections stériles, conseils, soutien médical, soutien social, soutien psychologique, traitements de substitution aux opiacés

Keywords: Pharmacist, harm reduction, syringes, kits for sterile injections, advices, medical support, social support, psycho- logical support, opioid substitution therapy

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Le Courrier des addictions (18) – n° 1 – janvier-février-mars 2016

31 Il faut compter au total 5 à 6 séances de 20

à 30 minutes par patient pour atteindre les objectifs attendus. Pour cela, les pharmaciens ont la possibilité de se former aux entretiens motivationnels au travers de sessions d’une quinzaine d’heures proposées par l’Association francophone de diff usion de l’entretien motiva- tionnel (AFDEM).

Le travail en réseau est une démarche volon- taire du pharmacien, lui permettant de réaliser des actions de prévention effi caces auprès de personnes ciblées et de prendre en charge les patients sous traitements , dans un contexte de coordination entre les diff érents profession- nels. Il peut ainsi être pleinement intégré dans le parcours de soin des usagers de drogues.

Les réseaux permettent aussi d’améliorer les capacités d’accompagnement des patients ou usagers de drogues non pris en charge (adhésion aux traitements, entretien motivationnel, etc.), de coordonner les actions entre les diff érents professionnels, de savoir orienter les usagers vers les structures adaptées à leur besoin, en lien avec le réseau.

LES OBSTACLES RENCONTRÉS À L’OFFICINE

En pratique, il n’est pas toujours aisé d’échanger avec des usagers de drogues se présentant à l’of- fi cine, de donner des informations, des conseils, surtout quand il s’agit d’une simple demande d’une personne “de passage”, et non d’une visite régulière d’usager, plus propice à l’instauration d’un dialogue. L’échange avec les usagers de drogues peut s’avérer diffi cile : le pharmacien, peu habitué voire inexpérimenté, peut craindre de se montrer stigmatisant ou maladroit.

D’une façon générale, toutes les pharma- cies disposent dans leur stock de seringues à l’unité, et de kits de type Stéribox ®, mais le plus souvent en quantité insuffi sante pour répondre complètement à la demande des usagers. Chez certains, il s’agit même d’une volonté de ne pas détenir de Stéribox® pour ne pas être

“confrontés” aux usagers de drogues, population ne répondant pas à l’image que veut donner le pharmacien de son offi cine, choix qui va à l’encontre des missions du pharmacien offi - cinal. L’engagement des pharmaciens dans la prise en charge des patients toxicomanes peut varier, chaque pharmacien se trouvant là face à ses convictions personnelles : pour certains il est évident de s’investir, d’être compétent dans le domaine de la toxicomanie et de faire de la prévention. Pour d’autres, non sensibilisés à ces problématiques, cela crée des problèmes de réponse vis-à-vis des usagers de drogues ou des patients sous TSO. L’absence d’implica- tion de certains pharmaciens peut s’expliquer par un manque de formation dans le domaine de l’addiction et de sa prise en charge, par la

persistance des préjugés envers les usagers de drogues, par la peur ou par les mauvaises expériences.

Développer un module d’addictologie davantage tourné sur la pratique au comptoir permettrait à l’ensemble des futurs pharmaciens d’être sensi- bilisés et formés, et inviterait les plus réticents à avoir une autre approche dans la prise en charge des problèmes de toxicomanies et dans la RdR.

CONCLUSION

Les actions de RdR sont un succès, malgré l’appréhension de certains acteurs, l’accom- pagnement des usagers de drogues en amont de la prise en charge thérapeutique étant une évidence pour la majorité d’entre eux. Le contact quotidien avec les usagers de drogues et leur proximité éventuelle avec les structures spécia- lisées d’addictologie invitent les pharmaciens d’offi cine à continuer de développer un intérêt et une réelle compétence dans la prise en charge de ces patients.

C. Fournier déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

1. Les traitements de substitution aux opiacés en France : données récentes. Tendances 2014(94).

2. Projet de loi de fi nances pour 2015 : Direction de l’action du Gouvernement : Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), Mieux encadrer les TSO pour mettre un terme à leur détournement. www.senat.fr

7 et 8 avril, première audition publique sur la réduction des risques

La Fédération française d’addictologie (FFA) procédera à une audition publique, les 7 et 8 avril prochains, sur le thème de “la réduction des risques et des dommages (RdRD) liés aux conduites addictives”, au ministère de la Santé. L’organisation de cette manifestation est soutenue par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) et la Direction générale de la Santé (DGS), avec l’accompagnement de la Haute Autorité de santé (HAS).

L’objectif en est d’élaborer et de promouvoir en France un consensus tant sur le concept que sur les pratiques professionnelles et la recon- naissance de la place des usagers pour que l’ensemble de la communauté sociale française s’approprie et soutienne une politique envers les conduites addictives axée sur la RdRD.

Le programme est téléchargeable sur le lien : www.addictologie.org/dist/telecharges/FFA2016_

Audition-programme.pdf

L’OPÉRATION OMEGA POUR SOUTENIR LES BLESSÉS PSYCHIQUES

Comment accompagner le syndrome post-traumatique de guerre, à l’origine de nombreux troubles du comportement, notamment d’addictions1, et réadapter socia- lement et professionnellement un blessé psychique de ce type ? La Cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT), créée le 1er septembre 1993, composée d’un certain nombre d’experts agissant sur tous les volets, social, juridique, sportif et de réinsertion professionnelle, vient de créer un centre de ressources spécifi ques pour aider les blessés à se réinsérer. Au printemps 2015, la CABAT s’est engagée avec les fi rmes Renault Trucks Defense, Nexter, Michelin, Losberger et le groupe Mulliez dans 10 premières immersions de blessés psychiques au sein du monde de l’entreprise. Ce programme de réinsertion innovant porte le nom d’“opération Oméga”. Ainsi, l’immersion du brigadier Alex, 26 ans, blessé psychique du Liban et du Mali, dans “la brigade… de cuisine” du chef étoilé Guy Martin, au Grand Véfour, ajoute aujourd’hui une nouvelle dimension à ce “relais” vers le monde civil extérieur à la Défense. “Elle inaugure un accès direct à l’univers de l’excellence et de l’artisanat français.”

On compte actuellement 250 blessés physiques lourds et 502 blessés psychiques identi- fi és (1 500, dans les 3 armées, auraient, par ailleurs, mentionné des symptômes de syndrome post-traumatique) “dont le parcours est plus compliqué”, expliquait le colonel Th ierry Malou du Service de santé des armées, à la fi n de l’année dernière en présentant Oméga, une

“opération coup de poing”, disait-il, destinée à tisser un réseau très large d’entreprises correspondantes dans toute la France.

1 Arnold-Richez F. Premier séminaire “Actualités sur les traumatismes psychiques dans les armées”, hôpital du Val-de-Grâce, Paris, le 3 décembre 2012. Le Courrier des addictions 2013;15(1):29 ; “Des séances d’infos sur les addictions pour les militaires”. Le Courrier des addictions 2015;17(1):14 .

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Références

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