NUMÉRO BEST OF BIBLIO
MYCOLOGIE
28 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXIII - n° 1 - janvier-février 2018
Contexte
Depuis le premier cas d’infection à Candida auris diagnostiqué en 2009, au Japon (levure isolée à partir d’un conduit auditif au cours d’une otite), on assiste à l’émergence de cette nouvelle espèce de Candida sur tous les continents. Elle a été isolée dans des hémocultures de différents pays d’Asie (Corée, Inde, Pakistan), d’Amérique (Venezuela, Colombie, Brésil, États- Unis), d’Afrique (Kenya, Afrique du Sud), du Moyen-Orient (Koweït, Oman, Israël) et, dernièrement, en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Norvège) [diapositive 1]. En raison de sa résistance aux antifongiques, de sa persistance dans l’environnement hospitalier et de sa capacité à être responsable d’infections nosocomiales, des alertes européennes (http://ecdc.
europ.eu/en/publications/Publications/Candida-in-healthcare-settings19- Dec2016.pdf) et américaines (http://www.cdc.gov/fungal/diseases/candi- diasis/candida-auris-alert.html) ont été déclenchées en 2016. Dans cet article, les auteurs, sous forme de questions/réponses, font un point très complet de la situation internationale.
Épidémiologie
Les facteurs de risque de candidoses invasives à C. auris sont similaires à ceux des autres espèces : chirurgie abdominale (25-77 %), antibiothérapie à large spectre (25-100 %), séjour en réanimation (58 %), cancer, hémo- pathies (11-43 %). La diffi culté diagnostique repose sur le fait que C. auris n’est pas identifi ée par les méthodes biochimiques conventionnelles (gale- ries, automates) car celles-ci ne possèdent pas cette espèce dans leurs bases
de données. Elle est confondue avec Candida haemulonii, Candida famata, voire avec Candida lusitaniae ou Rhodotorula glutinis. Seule la spectrométrie de masse MALDI-TOF (systèmes Bruker, BioMérieux) ou la biologie molécu- laire (PCR et séquençage) peuvent permettre son indentifi cation. C. auris a une virulence comparable à celle de C. albicans. Les hémocultures à C. auris se caractérisent par une persistance prolongée (de 10 à 31 jours) et une mortalité élevée (40 à 60 %). Le typage moléculaire des souches isolées d’infections nosocomiales a démontré une origine clonale, non observée avec les autres espèces de Candida. À Londres, une épidémie de 50 cas a été observée d’avril à juillet 2016 dans un service de chirurgie cardiothora- cique. C. auris peut persister dans l’environnement ; il a été isolé au sein de matelas, tables de chevet, chaises, bords de fenêtre. L’analyse des publica- tions met en évidence une résistance au fl uconazole pour plus de 90 % des souches, au voriconazole pour 50 %, à l’amphotéricine B pour 15 à 30 % (CMI > 2 µg/ml) et aux échinocandines pour 2 à 8 % (diapositive 2).
Prise en charge
En cas d’hémocultures à C. auris, les échinocandines doivent être prescrites en première intention. Les cathéters doivent être impérativement changés (la caspofungine, effi cace sur les biofi lms de C. albicans, ne semble pas active sur ceux de C. auris). Le traitement doit être adapté à l’antifongigramme.
Pour les rares isolats résistant aux échinocandines, aux azolés et à l’ampho- téricine B, un traitement par terbinafi ne pourra être proposé. Le patient devrait être isolé pour prévenir tout risque de transmission intrahospitalière.
Référence bibliographique
Chowdhary A, Sharma C, Meis JF. Candida auris: a rapidly emerging cause of hospital-acquired multidrug-resistant fungal infections globally. PLoS Pathog 2017;13(5):e1006290.
Pour aller plus loin
• Sarma S, Upadhyay S. Current perspective on emergence, diagnosis and drug resistance in Candida auris. Infect Drug Resist 2017;10:155-65.
• Sears D, Schwartz BS. Candida auris: an emerging multidrug-resistant pathogen. Int J Infect Dis 2017;63:95-8.
Jusqu’à présent, aucun cas d’infection n’a été signalé en France, mais ceux-ci ont pu passer inaperçus en raison de l’absence d’identifi cation de cette espèce par les méthodes conventionnelles de laboratoire.
En cas d’isolement d’espèce de Candida non albicans résis- tant au fl uconazole (en dehors de C. krusei), une recherche systématique de C. auris (spectrométrie, PCR) devrait être effectuée.
Commentaire
Candida auris : émergence d’une nouvelle espèce de Candida responsable d’infections nosocomiales
résistantes aux antifongiques
André Paugam
Service de parasitologie-mycologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris
0028_LIF 28 02/03/2018 12:31
NUMÉRO
BEST OF BIBLIO À retrouver sur le site www.edimark.fr
La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXIII - n° 1 - janvier-février 2018 | 29
A. Paugam déclare avoir des liens d’intérêts avec MSD et Pfi zer.
0029_LIF 29 02/03/2018 12:31