Qwr^
^hi
:.K-, -+1^^ >ft%*3
i*A
^-
LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN AGL
publiés sousla direction de marioroques
HUON LE ROI
LE VAIR PALEFROI
VERSIONS Di;
LA MALE HONTE
par
HUON DE CAMBRAI
et parGUILLAUME
::.L.../-.,- ill^
SIÈCLE
ARTUR LÂNGFORS
PARIS
IBKAl!
HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR
LAQUAIS (vr)
I9I2
LES CLASSIQUES FRANÇAIS
MOYEN AGE
COLLECTION DE TEXTES FRANÇAIS ET PROVENÇAUX ANTÉRIEURS A
1500PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE Mario ROQUES
Directeuradjoint à l'Écolepratiquedes Hautes Études.
Pourparaître en 1^12et i(/i^:
Philippe de Novare,
Mémoires
(1218-1243;, ^^^- P'^'' 'KOHLER.
Peire Vidal,
Œuvres,
éd. parJoseph Anglade.Guillaume IX,
comte
de Poitiers, Chansons, Jeanroy.Chrétien de Troies etses continuateurs, PercevalleGalloi
éd.par
Mary Williams
: la continuation de Gerbert deMon-
treuil.
Piramus etTisbé,
poème
du xiie siècle, éd. parC. de Boer.Aucassin et Nicolette, chantefable, éd. par
Mario Roque
^ AsPREMONT, chanson de geste du xiie siècle, éd. '^•"-Brandin.
Gormond
et Isembart, fragment de chanson de xiie siècle,éd. parAlphonse
Bayot.Béroul,
Le Roman
de Tristan, éd. parErnest Muret.
Le
Coronement
Looïs, chanson de geste du xiie siècle, -cErnest
Langlois.LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN AGE
publiés sousla direction demario roques
(huon le roi-'
LE VAIR PALEFROI
AVEC DEUX VERSIONS DE
LA MALE HONTE
par
HUON DE CAMBRAI
et parGUILLAUME FABLIAUX DU
XIII^SIÈCLE
ÉDITÉS PAR
ARTUR L.ÂNGPORS
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR
5, QUAI MALAQUAIS (vi*)
I9I2
PQ
INTRODUCTIOM
Le Vair Palefroi a pour auteur
Huon
le Roi; le fabliau de laMaieHotite estsignéde
Huon
deCambrai. Ces désignations pou- vantserapportertoutesdeuxau poètemoralqui s'appelleLe Roide CambraiouHuon
leRoi de Cambrai, il était utile de réunir en unmême volume
ces deux textes. La Maie Hontea été encore racontée parun
autre poète,nommé
Guillaume; il nous a paru natureldejoindre saversionàcelle deHuon
deCambrai.L — LE VAIR PALEFROI
Bibliographie.
—
Manuscrit : Paris, Bibliothèque nationale, fr. 837, fol. 348 vo-355 ; exécuté, à l'extrême fin duxiiie siècle, parun
copiste ducentre de laFrance.Éditions: Fabliauxet contes, nouvelle éditionaugmentéeet revue par
Méon,
t. I, 1808, p. 164-208; Recueil général des fabliaux, publiés par A. de Montaiglon, t. I, 1872, p. 24-69 (corrections et notes dans let.II, 1877, p. 276-78).Remaniement
enprose, parLegrand d'Aussy, Fabliaux ou contes duXII^etXIII^ siècle,traduitsouextraits,t.III,Paris, 1779,p. 327- 346; imitationenverspar Imbert, Choix de fabliaux misenvers, Paris, 1788, t. II, p. 14.Pourjdiverses traductions ou remaniements, en anglais et en allemand, voyez
Wilhelm
Hertz, Spielmannsbuch, Stuttgart et Berlin, 3e édition, 1905,p. 413;on
peuty
ajouter la traduction deIsabel Butler, TheGrayPalfrey,dans Taies froni the Old French, Boston, 1910,IV LE VAIR PALEFROI
Le
récit.—
Le VairPalefroi, qui figure—
à bon droit, sans doute—
dansle Recueil des fabliaux deMM.
de MontaiglonetRaynaud, est pourtant appelé lay par son auteur,
Huon
le Roi(v. 29). Or, « lesfabliaux, quisontdescontesàrire,s'opposent aux
lais,quisontdes légendes d'amour, souvent d'origine celtique et mêlées desurnaturel.Mais, dansla terminologie des jongleurs, les
deuxmots empiètent souvent l'un sur l'autre, et c'est ici surtout que le départ est délicat entre les genres ». Il est certainsrécits, naiTés avecplusdefinesse, de décence, de souci artistique que ne
lesonten général lesfabliaux, et les jongleurs ne leur donnent pas ce
nom
«parce que lemot
s'étaitsali à force de désigner tant de vileniesgrivoises»; illeur répugnaitdel'appliqueràleurscontes élégants, et lenom
delai, qui avaitprisun sens très vague, mais s'appliquait toujours à des poèmes de bon ton, leur convenaità merveille. Les contes sentimentauxcomme
le Vair Palefroi nous montrentcomment
des transitions insensibles nous mènent du fabliauproprement dit aulai, danslesens primitifdumot
'.Laplusancienne versiondu conte qui forme le fond du Vair Palefroi setrouve dansl'appendice aux fables de Phèdreconservé par un manuscrit de l'humaniste Perotti, mort en 1480
comme
archevêque deManfredonia (Siponto);la question de savoirsi cet appendice estlégitimementattribuéà Phèdrea été discutée jusqu'à ces dernierstempset ilsemble qu'il faille
y
répondre affirmative- ment.Lafable Virgo etprociduo^ a été résumée5 parM.
Ernest Langlois dans son édition des Nouvelles françaises inédites duXV^
sièclex,qu'il a récemment tirées du manuscrit 17 16 du fonds1. Pourcequiprécède, comp.Bédier,LesFabliaux'^,p.34-36, et Hertz, Spiehnannsbucb^,p. 57.
2. Hcrvieux, LesFabulistes latins:Phèdre et ses anciens imitateurs, 11'-^, 1894,p. 73 (n°16 del'appendice). Ladernière éditionest celledeL.Havet, PlxvdriAugustilibertiFabulxAisopix, Paris, 1893(n° 119). M. Havet admet l'authenticitédel'attribution(p. 277, note).L'opinioncontraire a étésou- tenue en dernier lieupar M. Robinson Ellis (Tbc Fablesof Pljxdrus,an inaugurallecture, 1895).
3.
On
trouveun résumé unpeuplus librechezBédier, Fabliaux'^,p. 119, et un autre, en allemand, chez Wilhelm Hertz, Spielmannsbucb^,p.412.4.
Tome
VI delaBibliothèqueduXV"siècle, Paris,1908,p.73.LE RECIT
V
de la reine Christine, au Vatican : laquatorzième nouvelle de ce recueil contient eneffet lemême
conte.Cette nouvelleestintitulée:De
Erardde Voysines,qui espousaPhiloniena ;on
se rappelle quele conteuranonyme
aime à introduire dans ses récits desnoms
de famillesconnues del'époque,notamment
de celles qui appartien- nent àlarégionsénonaise^.«Les deux contes françaisprésentent destraits de ressemblance, dontleplusfrappant est le liende parenté qui de part et d'autre unitlesdeuxprétendants(v.405),et le rôle de l'oncle, qui, dans lesdeux versions, s'estchargédesolliciterpourson neveu la
main
d'une jeunefille (v. 476) et lademande
pourlui-même
(v. 558).Mais ilsoffrent aussi des différences nombreuses, dont l'une rap- proche singulièrement le conteen prose du texte latin.
Dans
lepoème
deHuon
(v. 952), c'estdansl'obscuritéde la nuit et de la forêt, etgrâce àl'assoupissement desvieillards (v. 997) que le vair palefroi peut s'écarter ducortège sans qu'on s'en aperçoive^; dans lerécit du xv^siècle et danslafable latine,un
violent orage dis- perse le cortège, Veneris tHtsericordia, dit l'auteur latin, «par le vouloir deDieu»,dit le manuscrit français.»A
cet accordremar- quable, signalé parM.
Langlois,on
pourra peut-être ajouterun
autrerapprochement :la phraseoù il est dit que la fiancée devait
«venir a Senset ylec fiancer, a ce qu'îl:(fussent plus d'amis et de Jjareus,etpourfaire plus
g
raiit festei^, rappelle lesvers latins:villasponsidivitis Eratacceptura virginemematrissinu,
Parum
amplain urbevisaquod
fueratdomus.1. Voisinesest unelocalité du canton de Villeneuve-l'Archevêque, arr.
•deSens. IlexistaitàSensunenotable famillede Voisines (Langlois, /.c, p. 155, hidex).
2. Selon moi,M. Langlois(/.r.,p.75, note) a tort de dire qu'«on ne comprendguère pourquoi lespalefroisqui le suivaient n'ont pas pris la
-même voiequelui ». Ils suivaient legrandchemin, tandis que le palefroi deGuillaumea pris le petit sentier qui n'était familier qu'à lui seul (y. 120).Ilest d'ailleursexpressémentditdanslepoème (v.1050) que le chevalierquidevait suivre de près la jeune fille était resté enarrière et
Q.aeses palefrois arrestoit D'eurcs enautresen lavoie.
VI LE VAIR PALEFROI
«Il seraitcependant peu raisonnable de croire que le prosateur du xve siècle aitutilisésimultanément le récit de
Huon
le Roi et celuidePhèdre;la comparaisonde sontexte aveccelui dupoème
françaisnelaisseapercevoiraucunede ces traces de dérivationque l'on constateen si grand
nombre
lorsqu'on peut rapprocher quel- qu'autre desesrécits avecsasource immédiate.Ilaeupourmodèle unrécit aujourd'huiperdu.«Lanouvelledu xvesièclen'oppose jamaislasituationde fortune du jeune
homme
àcellede son oncle;ellene fait aucune allusion à sapauvreté; maisc'est làprobablement une maladresse du nar- rateur; autrementon ne comprendpascomment
l'oncle,qui avait d'aborddemandé
lajeune fillepourson neveu, a pu l'obtenir pour lui-mêmei.»Wilhelm
Hertz*etM.
K. Vossler3 ontrapproché du fabliau du VairPalefroih
31e des Cent nouvelles nouvelles, dans laquelle un écuyer, voyantunsoiràlaportedeson seigneur une mule sellée, lamonte
et est conduit par elle chez une belle dont il n'avait jamaispuconnaître l'adresse. Mais les données littéraires sur les- quellesrepose cette 31" nouvellesont tout autres, ainsi que l'on peutlevoirpar l'étude deM.
WalterKùchler sur les sources des Centnouvelles nouvelles4, etlaréminiscence du VairPalefroi y est bien vague; il se peutmême, comme
le croitM.
Langlois, qu'iln'yaitentre lesdeuxsituationsqu'une simple coïncidence.L'auteur.
— La
comparaison de la langue du Vair Palefroi s aveccelle desœuvres deHuon
le Roi de Cambrai, dont j'ai anté- rieurementétablile textecritique, donneles résultatssuivants.Ilyadansle VairPalefroide
nombreux
traitsqui se retrouvent1. Langlois, /.c, p.76.
2. Spielmanmbuch^,p.413.
3.
Zu
den Anfiingen der fraiiidsischen N&velle, dans Siiidien :;jiv vcr- gleichendcn Littcraturgescbicbte,année II, 1902, p.16.4. Dans Zeitschriftfilrfraniôsiscbc Sprache und LUeratnr, t.
XXX,
i,.1906, p. 326-28.
5. Je nerépète pas ici lesobservationslinguistiquesfaitesparM. J.Bc- dier (LesFabliaux''^, p.482).
L
AUTEUR
VII dans leRegretNostreDame
i ou dansla Vie de saint Quentin'^.Pour
les voyelles je signale les rimes anciens: sens 141, chevalier:
oublier 533 (comp. Rcgr., p. lu); chevatis:sommaus 1047 (comp.
biaiis: vermaus, Qiient., p. xii); dieiis (*dolus): mietis 13 (Regr., p. Lxvi);sine (verbe) : Hue 1057; cuite: dite 1339, quite: mérite 473 (Regr.,p.Lxviii; Oiient., p. xiii);puisse: anguisse609(Quent,,
p. xiii). La forme/^//5à larime deus(.ij.):feus204 nese retrouve pas dansles
poèmes
précités,maisn'estpas nécessairementencon- tradictionavec les habitudes de certains poètes picards (Regr., p. Lxviii). Pourlamorphologie, Vsdu
cas sujetdes féminins est assuréparsesrecés :laforés 95. Pourlaflexion desadjectifs, notonslesdeuxformes^/^é'Z/t/ri 1277 et quele part 1141. Le
pronom mi
se trouve unefoisàlarime(failli: mi838), de
même
qu'unefois dansla Vie de saint Quentin (p. xiv). L'aphérèse dans le verbe auxiliaire estassurée parlemètre(qiWst 797), demême
que pourleRegretNostre
Dame
(p.li). Lelexiquedu VairPalefroi, demême
quecelui
du
i?(2o-r^/(p. 156et211), ofl'relemot
rare laste3 (pour laste) 1258.Maisilya aussidesdifférences.
Dans
les grandspoèmes
du Roi deCambrai on
nerencontre jamais lepronom
fémininel; dansle Fa/rPa/^/ro/nous en avons deux exemples (v. 163et 1216). Por- tans(: tans} 180sertde casrégime du singulier, cil est employécomme
casrégimeaulieu decelui {acil1262). Ilya donc dans le VairPalefroidesfautesdedéclinaison4; dans le Regret, la Vie de 1. Li Regrés NostreDame, parHuon
le Roi de Cambrai, publiéd'après touslesmanuscritsconnus(Paris, 1907).Ce poèmea été composéquelques années avant la première croisade de saint Louis. Pourplus dedétails, voy. un compte-rendu dans ArchivfurdasStudium der neueren Spracben imd Literaturen,CXXV,
1911,p.449.2.LaVie de saint Quentin, par
Huon
leRoide Cambrai, publiée pourlapremièrefois parA.Lângfors et
W.
Sôderhjelm (dansAda
Societatis scientiarum Fennicx, XXXVIII, Helsingfors, 1909).Ce poème, qui nousa étéconservé parunmanuscrit exécuté en 1275,est dédié par l'auteurau roi Philippele Hardi, qui montasurletrôneen 1270.3. Comp, Romania,
XXXVI
(1907), p.449.4. Malgréceque je viens de dire, je corrige les nombreuses fautes contre la déclinaisonque commetle scribe (v.95,97, 457, 515, 617, 623, 635, 648, 653, 689, 755, 789, 839, 884,927).
VIII LA
MALE HONTE
saintQuentin, ÏAveMaria,etc., iln'y ena jamais, de
même
que dans lespoèmes
précités iln'y a pas d'exemple d'une première personnedu pluriel sans5 (flX';'o« : èfl/ow 731). L'5 adventice à la premièrepersonnedu singulier(r^^z/zm:i'o/^///îm 475) est égale-ment
isolé; maisilestvraiqu'on trouve dans leRegret(p.Lxxviii) unimpératifavecun s adventice {recrois, de recroire)—
ce qui n'estpourtantpas tout àfaitlemême
cas. Enfin, pourcorriger larimeinexactecesse: reverse822, jeseraistentéde remplacerce der- nier mot, quinedonnepas de sensi, ]paratiesse^(seniontet anesse), ce qui nousdonnerait à rangerà côté de îaste, unautre
mot
rare, seretrouvant dansleRegretNostreDame
(p. 151).L'auteurdu VairPalefroise
nomme
au vers 30 Htion le Roi.Dans
leRegretNostreDame
l'auteurne senomme
pas seulement Hues liRois(ccxxxiv,4), maisaussiLi Rois de Cambrai (i, 4);ainsi, si l'on setientàlasignature,l'identitéde
Huon
leRoi,auteur du Vair Palefroi,et deHuon
le Roi deCambrai, auteur du Regret Nostre Dame,dela Vie de saintQuentin,etc., est trèsprobable.Les différences linguistiques ne suffisent pas pour empêcherd'attribuer leVair Palefroiaumême
auteurquelesœuvresprécitées: ilnefaut pas perdre de vue quele VairPalefroi ne nous a étéconservé que parunseulmanuscrit,exécutéparun copistepeu soigneux,et que quelques-unes des anomaliessignaléespourraientêtreduesàlacor- ruptiondu texte. Mais ce qui peut étonner, c'est que lesévère moraliste, auteurdu RegretNostreDame
etdetant d'autres œuvres pieuses, se soit mis à rimer un lai à la mode, aimable et gra- cieux.1. G. Raynaud, au glossaire du Recueil général des Fabliaux, traduit reverserpar«changer les idées à quelqu'un», mais cette interprétation n'estappuyéepar aucun exempledans le dictionnaire de Godefroy, où notre passageestsûrement maltraduit (voy.au Glossaire).
2. Suranesser (anc. haut-allem. àna:;jin « excitare»), voy. A. Jeanroy, Roviania,
XXXVII
(1908), p.296-99, et A. Tobler, Archivfïtr dusStudium derneiierenSprachenund Litcraturen,CXX
(1908),p.218.bibliographie; l
anecdote
ixII.
— LA MALE HONTE
Bibliographie.
—
Il existe de ce fabliau deux versions, dont l'une (selonle témoignage du seul manuscritA)
a été composée parHuon
deCambrai.On
a de cette première version troisma-
nuscrits:
A =
Paris, Bibliothèque nationale, fr. 837, fol. 233 ro-vo (picard; extrêmefin duxiiie siècle).B =
Paris, Bibliothèque nationale, fr. 12603, ^^^- 278-279 (picard; fin duxiiie siècle).C =
Berne, Bibliothèque delaVille, 354,fol.45 vo-47 v»(lorrain;débutdu xiyesiècle).
Éditions: Barbazan, Fabliaux et contes des poètes français,t. II,
1756, p. 70-78;
Méon,
Xoiiveau recueil defabliauxet contes, t. III, 1808, p. 204-95 A- ^^ Montaiglon et G. Raynaud, Recueil général des fabliaux, t. V, 1883, p. 95-100 (variantes de B, p. 325-30).Résumé
eu prose parLegrand d'Aussy, Fabliaux ou contes, t. III, 1779,p. 261-2.L'autre version, signéed'un certainGuillaume, existe dans deux manuscrits delafinduxiiie siècle :
D
r=rParis, Bibliothèquenationale,fr. 2173, fol.93 VO-94VO.E= — — — —
i9i52,fol.62 vo-63vo.Éditions :
Méon,
/. c, t.III, p. 210-15 ; A. de Montaiglon etG. Raynaud, /. c,t. IV, 1880, p. 41-6 (variantes deD, p. 233-5).
L'anecdote.
— Dans
lefabliau de la Maie Honte, le jongleur joue sur ledouble sens dumot
maie (adjectiffémininetsubstantif).Réduite à sestraits essentiels, la médiocre anecdote racontée dans ce fabliauest celle-ci:
un
Anglais,nommé
Honte', sentant sa fin prochaine,met
dansunesacoche (maie) ce qui,aprèssondécès, doit revenirau roid'Angleterre, et chargeun
ami de remettre lamaieI. Il faut sansdoute voirlà une plaisanterie sur le mot flamand De Hont « lechien»,encore aujourd'huiemployé
comme nom
propre.X LA
MALE HONTE
entrelesmains duroi. L'exécuteurtestamentaire vientoffrir lamaie Honte auroiqui entre dansuneviolente colèreetle faitbattre. Le messager revient pourtant plusieurs fois, jusqu'à ce qu'enfin on
lui donnel'occasiond'expliquer ce qu'est lavialeHonte.
Les textes,
—
Pourla versiondeHuon,
le manuscritA
donne seullenom
del'auteur:Hues
deCambraiconteet dist,Quidecesteoevrerimefist...
Dans 5
etC
lepoème
estanonyme,
et ces manuscrits offrent des leçons qui diffèrent entreelles et de cellede^
à un tel point que l'onpeut considérer ces trois manuscritscomme
trois rema- niementsdifférents. Pour enfaire mieux ressartir lesdivergences, nousavonsdonné in extenso,auxvariantes,le débutetlafindeB
et de C.On
saitque le manuscrit de Berne(Q
donne tousles fabliauxqu'ilcontient dansune forme qui diffèreconsidérablement de celle qu'ils ont dans d'autres manuscrits. Il en est ainsi pour notre fabliau.
La
Maie Honte est, d'après lesleçons deA
et B, demême
que dans la version deGuillaume, une violente satire politique ;
c'est le roi d'Angleterre' ou les Anglais en général qui doivent avoir la niale Honte, et ils l'ontabondamment. Par contre, dans C, le caractère politique du fabliau a complètement disparu, soit
que lasatirene fûtplusd'actualité, soit que leremaniementait été faitdans
un
paysoùl'intérêt pour lesaffairesdu
roi d'Angleterre n'étaitpas très vif: ce sont ici simplementdes « seigneurs» qui rientaux dépensdu « vilain » battu.Les manuscrits
B
exC
s'accordent poursupprimer lenom
de l'auteurqui se lit au premiervers deA
et pour donner à cette place uneleçonquiest à peu préslamême
danscesdeuxmanus-
crits.
Comme
il estpeu probable quelenom
deHuon
deCambraiaitété introduit aprèscoupdans
un
fabliauoriginairementanonyme.
I.Je crois en effet qu'on obtient l.i leçon originale de la version de Huon en inters-ertissant les quatre derniers vers de A. Voir plus loin,p. XI.
LES
TEXTES
XI celasemble indiquer queB
ciC
remontent àun
modèlecommun
déjàcorrompu. Mais lemanuscrit A,qui diffèrebeaucoupdes deux autres, a aussipusubirdesremaniemeiits. Parmilesdifférences,je note ici le passage curieux, qui ne se retrouve pas ailleurs, où
l'homme
injustementbattu, profère«entreses dents» (v. 204 sq.) desmenacescontreleroi:Quar
ledengié m'avez atort.Étant donnéelagrandediversitédes manuscrits, il estimpossible d'établiruntexte absolument sûr.
Dans
la présenteéditionj'aiprispourbase,
comme
lesancienséditeurs, le manuscritA, le seul où l'auteur soitnommé
; je nem'en
écarte que dans les cas où celaest inévitable.Jene supprime aucun versde cemanuscrit.Par contre,j'en ajoute,àl'aidedes deux autres,un
certainnombre
à desendroits où ily
a lieu de supposer une lacune dansA
: je rétablis ainsi,non
seulementl'épisode raconté auxvers 81-128, quimanquent
dansA
sans doute par suite d'un bourdon, mais aussi lesvers 135-6, 143-4, 175-80 (à cedernier endroit il y aindiscu- tablement unelacunedansA). Pources passages ajoutés,je suis la graphie dumanuscritpicardB
; j'écartetoutefoisquelques graphies picardes (Jaiche, vien, u, hoineyl'article féminin lé), qui ont bienpu setrouver dans l'original, maisqui sont en contradiction avecla graphiedeA
dont le caractère dialectal n'est pas très prononcé.Enfin,j'aiinterverti l'ordre des quatre derniers vers: l'ordre que
j'aiadopté, bienqu'ilne soit
donné
par aucun manuscrit, permet, pour lesvers 215-16, d'adopterlaleçondeA
sans modification. Il esten effet probableque levers 215 San:;^lamaie ot il asse:( honte (notezlesingulier, etdemême,
au verssuivant^ //)se rapporteauroi,dontiln'est pasquestiondans lesvers qui,dans le manuscrit, précèdent immédiatement; sani lamaie faitallusion au fait que le roiavaitfaitcadeauau vilaindelamaieenvoyéeparHonte.
—
L'onnotera quele ms.
C
a été utilisépour lapremière fois dans cette édition.Pourlaversionde Guillaume les éditeurs précédents ont suivi lems.
E
; j'ai préféréprendre pourbase le ms.D
dont les leçons sontsouvent meilleures.XII LA
MALE HONTE
Les
deux
versions.—
L'une desdeuxversionsdela Maie Honte provient de l'autre, àen juger parlefait qu'elles ont encommun un
certainnombre
devers»; maisilserait assez malaisé de dire de<iuel côtéest l'imitation.
La comparaisondes deuxtextesnedonnepas sous cerapportde résultat biensûr.Notons d'abordque l'envoide Honteestexpliqué différemment danslesdeuxversions: suivant lefabliaudeGuillaume
(v. 6-8), c'était la coutume en Angleterre que, quand quelqu'un mouraitsanshéritier, l'héritage revînt de droit au roi; suivant la
versionde
Huon
deCambrai(v.8-10), encasdedécès,le roiavait droità unepart de l'héritage. Selon les Bénédictins continuateurs de Ducange,qui citent^ les vers 5-8 du fabliau de Guillaume, ce passage faitallusion à unusage d'après lequel, à la mortd'un père defamille, son seigneur avait droitau meilleur desanimaux domes- tiqueslaissés parle défunt (ou à l'équivalent en argent), usage attesté aussi bienen Franceeten Allemagne qu'en Angleterre. Je -nesaurais dire laquelledesdeux explications, de Guillaume ou de Huon, doitêtreconsidéréecomme
primitive.Destrois mss. de laversiondeHuon,
B
seul donneà la findeux vers, reproduits plus loinen variante à 209, quise retrouvent àla findelaversiondeGuillaume(v. 157-58):Parmavésseignor etpar lâche Lesalahonteprisen tache.
Lefaitque cesdeux vers se trouventàla fois dans les deux manuscrits delaversiondeGuillaumeet dansle manuscrit
B
dela versionde Huon, maisnon
dansA
et C,amène
à conclureou bien quelaversiondeGuillaume provientdelaversiondeHuon
parun manuscritanalogueàJ9,oubienqueB
résulte d'une contamination avec la versiondeGuillaume. Iln'estpas possible dechoisird'une manièrecertaineentre cesdeuxconclusions, maislapremièreserait1.
Huon
120=
Guillaume97;H. 171-2=
G. 109-10; H. 209-121=G. 15 1-4;H. 215-16:=G. 155-6 (H. 19-20
=
G.157-8).2.Lexiconviedixet infivix latinitatis, s. v. Heriotum. Comp. Grimm,
Deutsche Rechtsaliertinnery vierte Ausgabe,besorgt durch A. Heusler und R. Hûbner,Leipzig, 1899,p. 517 (tnelius captif, catallum, en anglo-saxon heregeatve').
LES
DEUX
VERSIONS XIII la plus simple. Lerécit deGuillaumeest d'ailleursd'une allureplus rapide etle débutnotamment
donne l'impression d'un résumé derécitplusdéveloppé.
LeprésidentFauchetavaitdéjà vu,et tousleséruditsqui sesont occupés delaMaTe Honte ont répété,que ce fabliau fait allusion aux mésaventures de Henri III, l'un des rois les plus incapables que l'Angleterreaitjamaiseus.
Dans
la versiondeHuon
deCam-
brai (manuscrits
A
et B) deux vers(v. 213-14)paraissentindiquer quelasatirea été composéeà l'occasiond'unévénement historique précis:Mes
ainz quelianzfustpassezOt
li rois delahonteassez...Quel est cet événement? Selon
M.
Sôderhjelm, c'est la paix conclue en 1259entrelaFrance et l'Angleterre. SelonM.
Grôber, c'estl'emprisonnementdeHenriIIIparsesbaronsanglais,en 1264.C'est le fabliau de Guillaume qui a servi de modèle à l'autre, dit
M.
Sôderhjelm; selonM.
Grôber, l'imitation est du côté de Guillaume.Avant de discuter ces questions, il serautile d'en poser une autre:
Huon
deCambraiest-illemême
queHuon
le Roi deCam-
brai,auteurduRegretNostre
Dame,
dela Vie de saintQuentin, etc.?Une
comparaison au pointde vuede la langue nous laisse dansl'incertitude. Iln'ya dans la Maie Honte qu'une seule rime qui semble s'opposer à l'identification: cops
(colapos)
: os (65,187) n'est pas, eueffet, une rime picardeproprement dite, mais plutôt unerimenormande
i ou champenoise.On
né la rencontre jamais dansle RegretNostreDame,
nidans les autresœuvres authentiques du Roi deCambrai. Maisontrouveune rime analogue, gros : inox (mollis), dans la pièce des Deus hordeors ribans (v. 154)^ qui pourrait être d'origine picarde.M.
Sôderhjelm3 afait observer justement quel'auteurdu Regret NostreDame,
etc., s'appelleleplussouvent Roi de Cambrai,Huon
I. H. Suchier, Voyellesioniques, p.178, § 55' {cous:05,dans leRoman de Troie,éd. Constans,t.III, v.20141).
3. Comp.E, Faral,Mimesfrançaisdu XIII^siècle, p. 88,note.
3. Hugues leRoideCambrai, dans Romania,
XXV
(1896), p.454.XIV LA
MALE HONTE
leRoi, uneseule fois
Huon
le Roi de Cambrai, mais jamais, ail- leursque dans laMaJeHonte,Huon
de Cambrai toutsimplement.«
Nous
pouvonssupposer, continueM.
Sôderhjelm, quecefabliau...aété écritàune époque où le poète n'étaitpas encore arrivé au grade de roi. » Mais nous savons que déjà dans le Regret Nostre Dame, composé vers 1243-1248, le poète se donne deux fois ce titre. Parsuite, sionveutattacher de l'importanceà robser\'ation de
M.
Sôderhjelm,la datede 1259 ^^'^^propose devient impossible(il est d'ailleurs fort discutable que la paix de 1259ait pu vrai-
ment
êtreconsidéréecomme
une humiliation pourle roid'Angle- terre). Leseul événement de quelque importance qui puisse dès lors être pris en considération serait la défaite de Henri III,le22juillet 1242, souslesmursdeSaintes; maison peut sedemander encoresi cette bataillepeusanglante eut
un
assez grand retentisse-ment
pour susciterla satired'un poèteseptentrional.Jen'entre pas icidans les détailsde ladissertationdeM. Sôder- hjelm qui aboutit àaccorder l'antérioritéau fabliau deGuillaume:
M. Sôderhjelmpart del'hypothèse, qu'il accepte sans discuter, que ce Guillaumeserait le
même
que Guillaume leNormand,
auteur dufabliauDu
Prestreetd'AHson; «pourtant onaccorderaque deuxhommes
puissent s'appeler Guillaume, sans que tous deux s'ap- pellentGuillaumeleNormand
»i.Selon
M.
Grôber, la date dela première Maie Honte, qui est celledeHuon
deCambrai, est1264, date de l'emprisonnement de HenriIII, et lapostérioritédu fabliau de Guillaume résulteraitdufaitque
Huon
viseun événementprécis,tandisque Guillaume parle d'unemanière générale del'étatd'humiliation où se trouvaitl'An- gleterre2. Maissionacceptepour la Maie Honte une date aussi avancée que 1264, iln'estpas admissible queHuon
deCambrai soit lemême
queHuon
leRoi deCambrai: on ne voit guère l'austère auteurdu RegretNostreDame,
dela Fie de saintQuentin et de tant1. J.Bédier,LesFabliaux-,p.481.
2. «... Guillaume... der spiiter schrieb, da von dauernder Schande Englands, durch eineu schlechtcu Regentenherbeigefûhrt,dieRedeist... »
(GrmidrissderromanischenPhilologie,II,i,p. 837).
LES
DEUX
VERSIONSXV
d'autrescompositionspieuses, se mettant à rimer, à
un
âge déjà avancé,un
fabliau d'assezmauvaisgoût.Ilfautsans doute se contenterde dire, en conclusion,que les
deux fabliaux de la Maie Honte font allusion aux misères de Henri III,roid'Angleterre, qui « fut toujours-
un
pauvrehomme,
maladroit, faible, brutal et méprisé»i. La version de
Huon
de Cambraiestpeut-êtrelaplus ancienne.Quant
à l'identificationde ceconteurplaisantaveclemoralisteHuon
le Roi de Cambrai, ilfaut segarderde trop affirmer.
I. Ch,-V. Langlois, Saint Louis, Plnlippe le Bel {Histoire de France^
publiée par E. Lavisse,t.III, 2),p. 6.
LE VAIR PALEFROI
PAR
HuoN
LE RoiPor remembrer
etpor
retrereLes
biens c'oiipuet
defamé
trcre Etladouçor
et lafranchise,Est icesteoevre
en
escritmise
;4
Quar
l'endoit bienramentevoir Les
biens c'eni puet percevoir.Trop
sui dolenz etmolt m'en
poiseQue
tozlimons
nés loe et proise 8Au
fuerqu'eles estre deùssent.Ha, Dieus
! s'eles les cuerseussent Entiersetsains,verais etfors,Ne
fustelmont
si granztrésors. 12 C'estgranzdomages
etgranz
dieusQuant
elesne
segardentmieus
:A
poid'aoite sontchangiesEttost
muées
etplessies ; 16Lor
cuersamblent
cochetau
vent,Quar
avenirvoiton souvent Qu'en
poi d'euresontleurcoragesMuez
plustostque
liorages. 20 Puis qu'ensemonsse m'a
l'enmis
De
cedont me
sui entremis, Ja ne leraipor
les cuivers.Qui
les coragesont
divers24
Hnon leRoi. i.
(KO
LE VAIR PALEFROI Et qui sonteiivieussor ceus
Qui
les cuers ontvaillanz etpreus,Que ne
parfornissemon
poindrePor moi
aloser et espoindre. 28En
ce laydu
VairPalefroiOrrez
le sensHuon
leRoi Auques regnablement
descendre ;Por
ceque
reson sot entendre,*
32
Ilveut de ses disdesploier,
Que molt
bien lescuide emploier.Or
reditc'uns chevaliers preus,Cortois et bien chevalereus, 36 Richesdecuer, povresd'avoir,
Issi
com vous
porrez savoir,Mest en
laterredeChampaingne
;Droizest
que
sabontéempaingne 40
Etla valeurdont
fu espris ;En
tantmains
leus fu de grantpris,Quar
sensethonor
ethauteceAvoit, et cuerde grant proece. 44 S'autretantfustd'avoir seurpris
Comme
il estoitde bienespris,Por
qu'iln'empirastpor
l'avoir,L'en ne peûst
son
persavoir,48 Son compaignon
neson pareil;Et au recorderm'apareil,
Por
ceque
l'uevred'unpreudomme
Doit
on
conter jusqu'enlasomme
52Por
prendreexample
beletgent.Cil estoitloezdelagent
Tout
laou
ilestoitvenuz
;Siestoitsonpris
conneùz
56V. 25
—
88 3Que
-cilqui ne leconnoissoientPot
les biensquide lui nessoientEn amoient
larenommée.
Quant
il avoitlatestearmée, éo Quant
il ertau
tornoiement,N'avoit soingde
dosnoiement,
Ne
de joueralaforclose:La ou
lapresseert plus enclose64 Se
feroit toutde
plain eslais.Il n'estoit
mie
ausarmes
Liis,Quant
sorson
cheval ertcouvers
;Ne
fustjasi pleniersy\CTs68
Que
iln'eûst robe envqisie, S'en estoitauques
achoisie L'envoiseùre deson
cuer;Mes
terre avoit a petitfuer, '72
Etmolt
estoit biaus ses confors.Plusde
deus
cenz livresde
forsNe
valoit pas paran
sa terre ;Par tout aloit
por son
prisquerre.76 Adonc
estoicnt liboschage
Dedenz Champaingne
plus sauvage, Etli pais,que
orne
soit.Li chevaliers
adonc
penssoit80
A une amor
vaillant et bêleD'une
très haute damoisele, Fille ertaun
princevaillant;Richece
n'aloit pasfaillant84 En
lui, ainzertd'avoirmolt
riches,Etsiavoit
dedenz
ses liches.Mil livresvaloit bien sa terre
Chascun
an,etsovent requerrc88
LE VAIR PALEFROI Livenoit
on
safillegente, Qiiar a tout lemont
atalenteLa
grant biauté qu'enli avoit.Li princes plus d'enfanz n'avoit,
92
Et (iefamé
n'avoit ilmie
;Usée
estoitauques
savie.En un
boisestoit ses recés;Environ
fugranzla forés.96
L'autre chevaliersdont
je diA
ladamoisele entendiQui
fille au chevalier estoit ;Mes
lipères licontrestoit,100
Si n'avoit cureque
l'amastNe que
de lui lerenommast.
LiJoneschevaliers ot
non
Messire
Guillaume
adroitnon. 104En
laforestertarestanzLa ou
li anciensmananz
AvoitlaseuefortereceDe
grantterre etde grant richece.108 Deus
liues otde l'unmanoir
Jusqu'à l'autre;
mes remanoir Ne
pot l'amord'ambesdeus
pars ;Lor
penssé n'erentmie
espars 1 12
En
autre chose maintenir;Et
quant
li chevaliersvenir Voloita celé qu'ilamoit,Por
ceque on
l'enrenommoit,
116 Avoit enlaforestparfonde,Qui
granz estoit alaroonde,Un
sentierfet, qui n'estoitmie
Hantez d'omme
qui fusten
vie 120
Se de luinon
tantseulement.V.
89 — 154
", Parla aloitcelecment
Entre luiet
son
palefroi,Sanz démener
noise n'esfroi,124
A
lapucele maintes foiz.Mes molt
estoit granzlidefoiz,Quar
n'i pooit parler deprès.Si
en
estoitforment
engrés,128
Que
lacort estoitmolt
fort close.La
pucelen'ertpassi ose Qu'ele dela porte issistfors;Mes
detantertbons
ses confors 132 Qii'a lui parloit parmainte
foizPar
une planche
d'undefoiz.Li fossezertgrânz pardefors,
Liespinois espés etfors;
136 Ne
se pooient aprochier:La meson
ertsorun
rochier.Qui richement
estoitfermée,Pont
leveïs ota l'entrée;140
Etli chevaliersanciens.
Qui engingneus
ertde
toz sens Et qui lesiècleusé avoit.De son
ostelpou
semouvoit, 144
Qjaar
ne
pooitchevauchier
mais,Ainz
sejornoitleenzen
pais.Sa
fille fesoitprèsgaitier,Et devant lui
por
rehaitier148
Seoit sovent, cepoise li,Quar
au déduitavoitfailliOu son
cuerertenracinez.Li chevaliers preusetsenez
152
N'oublioit pas ali lavoie;Ne demande mes
qu'il la voie,/
LE VAIR PALEFROI
Quant
ilvoitqu'autrene
puetestre;Molt
revidoitsoventson estre,156 Mes ne
pooitdedenz
entrer.Celé c'on fesoitenserrer
Ne
veoitmie
de si prèsComme
son cuerenert engrés.160 Sovent
lavenoitrevider,Nel
pooit gueres resgarder; Elnesepuetencel lieu traireQue
li chevaliers sonviaire 16.4 Peùst veoirtoutenapert:Chascuns
ditbienque
son cuerpert.Li chevaliers, qui tant devoit
Celi
amer
qui tantavoit168
En
lide
bien agrant merveilleQue on ne
savoit sapareille, Avoitun
palefroimolt
riche,Ainsi
con
licontes afiche:172
Vairs ert etde riche color;La samblance
de nuleflorNe
color c'on seùstdescrireNe
savroitpasnus hom
eslire 176 Qui
si fust propreen
grantbiauté;Sachiezqu'en nulerëauté
N'en
avoitnus
aiceltansSi bon, ne sisouefportans.
180
Li chevaliers l'amoitforment,Etsi
vous
diveraiement Qu'il nel donastpor
nul avoir.Longuement
li virentavoir184
Cildu
paisetdela terre.Desus
lepalefroi requerreV. 155
— 219 7
Aloit soventladamoisele
Parlaforest soutaine etbêle, i88
Ou
lesentierbatuavoitQiie
nus
elmonde ne
savoit Forsque
lui etson
palefroi.Ne menoit
pas trop grantesfroi,192 Quant
s'amie aloit revider:Molt
prèslicouvenoit
garderQue
perceiisne
fustdu
père,Quar molt
li fustla voieamere.
196Toz
jorsmenoient
celévieQue
l'uns de l'autre avoitenvie:Ne
se pooientaaisierNe
d'acolerne de
baisier.200
Je
vous
di bien, se l'unebouche Touchast
a l'autre,molt
fustdouce De
l'acointance de cesdeus
;Par
estoitmolt
ardanzli feus,204
Qu'il
ne
pooitpor
riens estaindre;Quar,
s'ilse peùssent estraindreEt
acoleretembrachier,Etl'uns l'autresesbraz lacier
208 Entor
lescols sidoucement
Com
volentezetpenssement
Avoient
et grantdesirrier,Nus hom ne
lespeûstirier,212
Etfust lorjoieauques
parfete.Mes
de ce ont trop grantsoufFrete Qu'ilne
sepueent
solacier.Ne
liuns
vers l'autre touchier.216
Petit sepueent
conjoïrFors
que de
parler etd'oïr; Liuns
voit l'autre escharsement.LE VAIR PALEFROI
Quar
trop crueldeveement 220
Avoit
entre cesdeus amanz.
Eleestoit son père
cremanz, Quar,
s'il lorcouvine
seùst,Plustost
mariée
l'eust ;224
Etli chevaliersne
volt fereChose
par c'on peûst desfereL'amor
qui entr'ausdeus estoit,Quar
l'ancienforment
doutoit,228 Qui
riches ert adesmesure
;N'i voloitquerre entrepresure.
Li chevaliers seporpenssa,
Un
jor et autremoh
penssa232
A
lavie qu'ildemenoit,
Quar molt
sovent l'ensouvenoit.Venu
liesten son
corage,Ou
tort ajoieou
tort arage,236
Qu'a
l'ancien parleriraEt
safilleli requerraA
moillier,que que
ilaviegne,Quar
ilne
setque
ildeviengne 240 Por
lavieque
ildemaine
:Trestozlesjors de la
semaine Ne
puetavoir cequ'ilconvoite,Quar
tropliest lavoieestroite.244
Un
jor s'apresta del'aler;A
l'ancien ala parlerAu
leu tout droitou
ilmanoit,La ou
ladamoiseleestoit.248
Assezifubienreceûs,Quar molt
estoitbienconneûs
De
l'ancien etde sesgenz
;V.
220 284 9
Etcil, quiert etpreusetgenz 252
Etempariez comme
vaillanzEn
quinus
biens n'estoitfaillanz, Li a dit: «Sire, jesuiciVenuz
parla vostre merci,256 Or
entendez ama
reson.Je sui en lavostre
meson Venuz
requerretel afereDont Dieus vous
lestversmoi don
fere. »260
Lianciens le regarda,Et puis après li
demanda
:«
Que
estcedonc?
diteslemoi
;Je
vous en
aiderai parfoi,264
Se, sauvem'onor,
lepuisfere,—
Oïl, sire,de
vostre afere Saitantque
ferelepoez
;Or
doinstDieus que vous
leloez.268
—
Si ferai je, se ilme
siet; Et, se riensnuleme
messiet.Bien
i savrai contreditmètre
;Ne du doner
nedu prometre 272
Ne vous
savroielosengier,Se
bienne
levueil otroier.—
Sire, dist il, jevous
diraiQuel don
jevous demanderai. 276 Vous
savezauques de mon
estre;Bien
conneustesmon
ancestre Etmon
recetetma meson.
Et bien savez
en
quel seson280
Eten
quel pointjeme
déduis;En guerredon,
sire,vous
ruisVostre
fille, se ilvous
plest.Dieus
doinstque
pensserne vous
lest284
lO LE VAIR PALEFROI Destorber le vostrecorage
Que vous
cestdon, parmon
outrage,Que
j'airequis, neme
faciez;Etsivueil bien
que vous
sachiez288 Conques
ne fuijor ses acointes ;Quar molt en
fusse bausetcointesSe
jealiparlé eiisseEtl'esgranzbiensaperceûsse
292 De
qoieleagrantrenommée.
Molt
esten
cestpaisamee Por
les granz biens quien lisont;Il n'a sonpareil
en
cestmont. 296 Ce me
contenttuitsi acointe,Mes
apetitdegenz
s'acointe,Por
ce qu'eleestceenzenclose.La
penssee ai eu trop ose300 Quant demander
lavous
osai,Et, se jede
vous
le losaiQue m'en
daingniezfere ledon
En
service eten
guerredon,304
Baus
etjoianzforment
eniere.Or vous
ai ditema
proiere.Responez m'en
vostreplesir. »Li anciens, sansnulloisir
308
Et sanzconseil qu'envousistprendre, Lirespondi : « Bien saientendre
Ce que m'avez
conté etdit.Il n'i a
mie
grantmesdit;^ ^iz
Ma
filleest bêle etjoneetsage Et pucele de grant lingnage, Etje sui riches vavassors,Estrais de nobles ancissors,
316
V. 285 -
348
II Si vaut bienma
terremil livresChascun an
;ne
suipas si yvrcsQue
jema
filledoner
doieA
chevalier quivitdeproie, 32,0Ouar
je n'ai plus d'enfanzque
li;Si n'a pas a
m'amor
failli,Et après
moi
seratout sien.Je lavoudrai marier bien:
324 Ne
saiprincededenz
cest raine.Ne
de cijusqu'en Loheraine,Qui
tantsoitpreudom
etsenezNe
fusten
libienassenez ;328
Tels leme
requistavant ier.N'a
pasencore un mois
entier,Qui de
terreacinc cenz livrées.Qui
orme
fussent délivrées332 Se
je ace vousisse entendre.Mes ma
fille puet bien atendre,Que
jesui tant d'avoir seurpris,Qu'ele ne
puet perdreson
pris336 Ne
lefuerde son mariage
:Le
plus hauthomme
de lingnageQui en
trestoutces paismaingne.
Ne
deci jusqu'enAlemaingne, 340 Puet
bien avoir, fors roiou
conte. »Lichevaliers ot
molt
granthonte De
ceque
il otentendu
:Iln'i a lorsplus atendu,
344
Ainz
pristcongié, si s'en repère;Mes
il nesetqu'ilpuisse fere, QiiarAmors
lemàine
etdestraint,De
qoimolt durement
se plaint.34S
12 LE VAIR PALEFROI
La
pucele sot l'escondit Et ceque
ses pères otdit; Dolenteen
fuen son
corage.S'amor
n'estoitmie
volage, 352Ainz
ertenverscelui entireAssez plus c'onnesavroitdire.
Ainz que
cil s'en fustrepériez,Oui
de grant duelestoit iriez,356
Parlèrentpardeforsensamble
;Chascuns
a ditcequ'il li samble.Li chevaliers li aconté
La no
vêlequ'il atrové360
A
son père et ladescordance:«
Damoisele
gentilet franche, Distlichevaliers,que
ferai?La
terre, ce cuit, vuiderai,364
Si
m'en
iraitoz estraiers,Quar
alez estmes
desirriers;Ne
porrai avous
avenir,Ne
saique
puissedevenir :368
Mar
acointai lagrantrichoiseDont
vostrepères si seproise ;Mieus vous
amaisse amains de
pris,Quar
vostrepèreeùstbien pris 372En
gré ceque
jepuis avoir.S'ilne fust si riches d'avoir.
—
Certes,fetele, je voudroieAvoir
assezmains que ne
doie,376
S'ilfust selonc
ma
volenté ; Sire, s'a lavostre bontéVousist