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Biodiversité, climat et économie

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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BIODIV’2050

Numéro 9 - Mars 2016

Biodiversité, climat et économie

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EDITO

C limat et biodiversité

interagissent en permanence.

Mais l’évolution annoncée du climat va rendre plus aiguës ces interactions. Dans l’hypothèse d’une augmentation des températures limitée à une fourchette de +1,5°C à +2°C, objectif de la COP21, on assisterait selon les scientifiques à un

bouleversement des écosystèmes dès l’horizon 2050.

Après l’objectif prioritaire de réduire les émissions, l’autre grand enjeu est l’adaptation au changement climatique, et plus particulièrement l’adaptation des espaces agricoles, naturels et forestiers. Cela est nécessaire pour maintenir une nature nous prodiguant les services vitaux qui nous sont indispensables, mais aussi pour maintenir la capacité de la biosphère à capter le CO

2

et par conséquent à permettre d’atteindre l’objectif de réduction.

Il convient d’agir, car les systèmes naturels n’accompliront pas spontanément, en cinquante ans, ce qu’ils accomplissent habituellement en cent fois plus longtemps.

Agir maintenant, pour bénéficier le plus tôt possible des bénéfices de l’action, incluant le retour d’expérience, et parce qu’en matière de systèmes vivants, les résultats ne s’obtiennent pas en années, mais en décennies et en siècles.

Agir, en privilégiant les solutions basées sur la nature, en misant sur la résilience et la capacité d’adaptation des écosystèmes et en privilégiant les solutions dites « sans regret », pour

répondre aux différents scénarios d’évolution climatique.

La bonne nouvelle est qu’en écartant les scénarios extrêmes du changement climatique, des solutions réalistes existent et sont financièrement atteignables.

LAURENT PIERMONT

Directeur de la Mission Economie de la Biodiversité

© istock - Peter Zelei

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SOMMAIRE

TRIBUNE 4

Biodiversité et climat - Point de vue de Nicolas Hulot Président de la Fondation pour la Nature et l’Homme

COMPRENDRE 7

Adaptation au changement climatique : le rôle de la biodiversité Intérêt des solutions basées sur la nature

„ Présentation des enjeux

• Les enjeux du point de vue scientifique

• Les enjeux du point de vue économique

„ Les solutions basées sur la nature

• Le contexte institutionnel et scientifique

• Les solutions identifiées et leurs enjeux

• Mobilisation des ressources et financement des solutions basées sur la nature

INVENTER 19

„ Nature 2050 : un financement volontaire des acteurs économiques pour la mise en œuvre de solutions basées sur la nature

INTERNATIONAL 22

„ Retour sur la COP21 :

quelle place pour les solutions basées sur la nature ?

„ Le WBCSD lance la plateforme

« Infrastructures naturelles pour les entreprises »

INITIATIVES 23

„ Sylv’ACCTES® : une association pour mieux prendre en compte les services rendus par la gestion durable des forêts

„ ADAMONT : un projet de recherche-action sur les impacts du changement climatique et l’adaptation des territoires de montagne

„ « Des solutions fondées sur la nature pour lutter contre les changements climatiques » une initiative de l’UICN France

„ « La nature, source de solutions en Ile-de-France » :

une copublication de Natureparif, du GIS Climat-Environnement- Société et de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : LAURENT PIERMONT RÉDACTEUR EN CHEF : PHILIPPE THIÉVENT

COORDINATION-CONCEPTION : LÔRA ROUVIÈRE, VINCENT HULIN ET EMMANUELLE GONZALEZ

RÉDACTION : PASCALE IOOS, JEAN CLINCKEMAILLIE ET LÔRA ROUVIÈRE AVEC L’APPUI DE : ANTOINE VALLIER

EDITION : MISSION ECONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ GRAPHISME : JOSEPH ISIRDI – www.lisajoseph.fr MAQUETTE : PLANET 7 PRODUCTION

CONTACT : meb@cdc-biodiversite.fr

BIODIV’2050 PRÉSENTE LES TRAVAUX EN COURS ET LES AVANCÉES DE LA MISSION ECONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ. LA RUBRIQUE TRIBUNE ET LES ENCARTS « POINTS DE VUE » PERMETTENT AUX ACTEURS CONCERNÉS DE DONNER LEUR POINT DE VUE SUR LES SUJETS TRAITÉS. LES PROPOS QUI Y FIGURENT N’ENGAGENT QUE LA RESPONSABILITÉ DES PERSONNES INTERROGÉES.

PHOTO DE COUVERTURE : © ISTOCK - ONNES

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TRIBUNE

Quelle a été la place de la biodiversité dans les négociations internationales avant et pendant la COP21 et quels sont, selon vous, les grands enjeux de l’interrelation climat/biodiversité ? La place de la biodiversité dans les négociations internationales sur le climat a été très largement insuffisante, tant au niveau de l’accord final que dans sa préparation. C’est d’ailleurs un préjudice inattendu du succès de la COP21 : la biodiversité a été reléguée au second plan.

C’est une double erreur. D’une part parce que la préservation de la biodiversité est tout aussi essentielle à l’avenir de notre humanité que le climat. Pas simplement pour des raisons éthiques, mais pour des raisons humaines. D’autre part, parce que la préservation et la réhabilitation de la biodiversité et des écosystèmes sont des conditions pour pouvoir lutter contre le changement climatique, tout aussi importantes que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Nous n’avons aucune chance de gagner la bataille climatique si nous ne mettons pas la même énergie, la même attention et les mêmes moyens pour réhabiliter les écosystèmes. Nous ne pouvons donc choisir entre l’un ou l’autre, nous devons appréhender les deux.

La protection de la biodiversité correspond à la protection d’un patrimoine naturel que nous avons reçu en héritage et que nous devons transmettre aux générations futures, pour des raisons éthiques et scientifiques, car l’humain ne peut se passer de cette diversité. Il ne s’agit pas seulement de freiner la destruction des écosystèmes mais de la stopper et, au-delà, d’entrer dans une démarche de réparation. Il est impossible d’imaginer que nous allons réussir à réduire nos émissions de GES, comme les objectifs de l’Accord de Paris et les scientifiques nous y invitent, si nous nous accommodons de la destruction de millions d’hectares de forêt, de zones humides, de terres agricoles, de barrières de corail et autres écosystèmes.

En effet, ces destructions ont pour conséquence de restituer brutalement à l’atmosphère des volumes de CO2 ou de méthane considérables. En termes de déforestation, les années 2012-2014 sont les pires que nous n’ayons jamais connus. L’Indonésie a vu un pan entier de ses forêts se consumer dans un incendie incontrôlable, ce qui est probablement l’une des plus grandes catastrophes écologiques de tous les temps, dont personne ne parle.

D’un côté nous essayons enfin de réduire nos émissions de GES, de l’autre nous baissons la garde et restons indifférents face à la restitution de grandes quantités de CO2 et de méthanes dans l’atmosphère qui étaient, depuis la nuit des temps, stockées gratuitement. Nous n’avons pas encore réalisé que, si nous nous accommodons de cette contradiction, les probabilités de rétablir les équilibres climatiques seront réduites à zéro.

Changement climatique et érosion de la biodiversité sont deux phénomènes intimement liés, qui se conditionnent l’un l’autre dans leur résolution comme dans leur aggravation. Les moyens à y consacrer doivent être les mêmes. La COP13 de la Convention sur la Diversité Biologique qui va se dérouler cette année sera justement une occasion de relier le climat aux problématiques de préservation de la biodiversité. Voyons-là un moyen supplémentaire de garantir le succès des objectifs de la COP21.

Quels leviers d’action peut-on envisager pour faire face à l’érosion de la biodiversité et aux effets du changement climatique et comment envisagez-vous la résilience à l’échelle des territoires français ? En ce qui concerne la biodiversité, il est nécessaire de changer d’échelle et de vocabulaire, afin de passer d’une vision centrée sur la réduction des impacts à une vision centrée sur la restauration et la réhabilitation avec la volonté d’avoir un impact positif. L’émission d’une tonne de CO2 doit conduire à rétablir ou fixer l’équivalent de 2 tonnes sans quoi nous limitons nos chances de gagner la bataille climatique. Pour cela, il est nécessaire que la réhabilitation des écosystèmes soit valorisée et qu’elle puisse être l’occasion de créer un modèle économique entre le Nord et le Sud, puisqu’une grande partie des écosystèmes menacés se situe dans les pays du Sud. Aujourd’hui, nous nous satisfaisons parfois de la neutralisation de ces émissions. Or nous ne pouvons faire abstraction du passé : pendant des années nous avons détruit sans compenser et nous sommes arrivés à un seuil critique qui nous oblige aujourd’hui à réhabiliter.

Nous savons restaurer des forêts, nous savons restaurer des zones humides, nous savons aussi restaurer les sols ayant perdus toute forme de productivité.

Engager une démarche de réhabilitation et de compensation positive est donc une priorité absolue.

NICOLAS HULOT

Président de la Fondation pour la Nature et l’Homme.

Il a été missionné par le

Président de la République

envoyé spécial pour la

protection de la planète de

2013 à 2015.

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TRIBUNE

La première étape est d’évaluer l’efficacité des projets et de développer un référentiel partagé afin de guider les acteurs économiques (publics et privés) dans le foisonnement d’opportunités de projets.

Il s’agit de pouvoir flécher les projets les plus rentables, tant sur le plan économique qu’écologique. Par exemple, les travaux réalisés dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification ont révélés les potentiels de la réhabilitation des sols, dans des zones sahéliennes, en termes de productivité et de capacité à stocker du carbone. Les co- bénéfices sont multiples. La réhabilitation des sols permet ainsi de nourrir un nombre d’habitants croissant (d’ici 2050 la population mondiale aura augmenté de 1,5 milliard), de donner de l’emploi et de permettre aux sols de retrouver leurs capacités de stockage. Nous aurions donc tout intérêt à mobiliser les moyens et à flécher les investissements vers la réhabilitation des sols désertifiés.

La biodiversité et le climat sont des sujets abordés de manière trop segmentée, verticale, tant au niveau des institutions internationales que des territoires. C’est une aberration. Il est indispensable d’adopter une approche globale. Par exemple, l’artificialisation des sols, qui représente en France l’équivalent d’un département tous les dix ans, a pour conséquence de priver les territoires de leur productivité et de leur capacité de stockage du carbone. De même le choix des modes de production agricole peut avoir un impact à la fois sur les capacités de stockage et sur la biodiversité. Par conséquent, pour identifier les leviers d’action, une vision d’ensemble s’impose.

Plus globalement tant que l’humanité ne se dotera pas d’une organisation mondiale qui prenne en charge la gestion des biens communs (biodiversité, sols, terres agricoles, etc.), nous tarderons et nous peinerons à faire face à ces enjeux.

Nous ne pouvons pas simplement sous- traiter ces sujets à une famille politique ou à un délégué, il faut développer une vision partagée et holistique, à l’échelle des territoires, qui implique des choix en termes d’investissement. La biodiversité reste une grande abstraction au niveau des territoires. Par conséquent, il faut être capable de valoriser au niveau économique ce que la biodiversité et les écosystèmes rendent comme service à la collectivité et surtout les préjudices que cela représente lorsqu’on les détruit. Il faut être capable d’inscrire dans les investissements et les analyses budgétaires cette notion d’externalités négatives. L’analyse par les services écosystémiques nous montre souvent qu’il coûte moins cher de réhabiliter les écosystèmes que de trouver des solutions techniques pour s’y substituer. C’est le cas par exemple en matière de filtration d’eau. Sur un territoire comme la Bretagne, l’évaluation des externalités négatives d’un certain nombre de pratiques agricoles sur la collectivité révèle qu’il serait plus pertinent d’investir en amont sur les pratiques plutôt que sur des solutions curatives en aval. Il faut multiplier les territoires d’expérimentation.

C’est une nouvelle lecture économique, un changement de culture. Cette vision macro-économique, qui prend en compte les investissements, les dépenses et les conséquences sur une échelle plus large et un temps plus long, permet in fine de faire des choix d’investissement beaucoup plus rationnels. Jusqu’à présent, détruire la nature pouvait être rentable, cela ne doit plus être le cas.

Puisque le levier économique est le critère de décision majeur, il est nécessaire de valoriser à la fois les effets positifs et les impacts négatifs. Il faut valoriser ce qu’un écosystème ou, par exemple, la beauté d’un paysage apportent à l’économie d’un territoire. Il est dommage de devoir en arriver là, il aurait été préférable que les Hommes comprennent spontanément que, par éthique, la nature n’a pas de prix et que la biodiversité nous est

indispensable mais face à la rationalité des choix économiques, il est nécessaire de pouvoir mettre une valeur sur les bénéfices et les préjudices.

Croyez-vous en la capacité du modèle économique à trouver les ressources pour inverser la tendance actuelle à l’érosion de la biodiversité et au changement climatique ? Spontanément, je répondrai que non, car le modèle économique actuel ne prend justement pas en compte les externalités négatives. A l’échelle mondiale, nous allouons aujourd’hui 650 milliards d’euros par an aux énergies fossiles, que ce soit en subvention, en exonération ou en défiscalisation. Selon l’OCDE et le FMI, pour ne citer qu’eux, les conséquences sanitaires et environnementales, en termes de coûts pour la société, dépassent les 6 000 milliards de dollars. Nous allouons donc 650 milliards d’euros à un modèle énergétique qui nous en coûte 10 fois plus. C’est une schizophrénie absolue.

En parallèle, nous nous n’arrivons pas à trouver 100 milliards de dollars pour aider les pays du Sud à s’adapter au changement climatique. Ceci souligne notre manque de rationalité.

Le jour où nous serons capables d’appréhender les conséquences sanitaires, environnementales et économiques, nous prendrons très vite conscience de l’intérêt de suivre les lois de la nature. Pour l’instant, nous suivons la loi économique d’un profit immédiat qui ne tient pas compte, encore une fois, des conséquences, dès lors qu’elles sortent d’un cadre temporel de quelques années.

C’est le cas dans beaucoup de domaines.

Un exemple significatif est celui de l’amiante. Dans les années 70/80 l’amiante a été utilisée en Europe de manière généralisée. Or si l’on met aujourd’hui en perspective les conséquences de son utilisation sur le plan sanitaire et économique, on s’aperçoit très vite que les préjudices sont considérables.

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C’est en ce sens que je soutiens la nécessité d’adopter une lecture différenciée et élargie. Encore faut-il qu’il y ait des indicateurs et que nous soyons capables de donner aux économistes les éléments leur permettant de comprendre quels seront les préjudices. C’est la raison pour laquelle je soutiens l’instauration d’un prix du carbone qui, selon moi, finira par se généraliser. Il permettrait aux investisseurs de prendre en compte le risque carbone. Il pourrait également contribuer au financement de la restauration des écosystèmes, que ce soit en France ou à l’étranger. De même la taxe sur les transactions financières, que je soutiens vigoureusement, pourrait y contribuer. La fiscalité est un levier très important, sous ses deux aspects : incitatif et dissuasif. Si elle permet de pénaliser les impacts négatifs tels que la

pollution ou la destruction de la nature, elle peut aussi, si elle est incitative, favoriser les bonnes pratiques. Elle permet de structurer les modes de production et de consommation.

Les contraintes sociales et environnementales actuelles nous demandent des investissements très importants pour l’avenir. Les Etats n’ont plus les ressources suffisantes, il faut donc trouver des ressources complémentaires, à travers des mécanismes de financement nouveaux, qui intègrent une dimension solidaire, dans un monde économique et financier qui a fait fi de celle-ci. Il faut donc lutter contre l’optimisation et la fraude fiscale et intégrer ce pan entier de l’économie au service de l’action. Encore faut-il que ces recettes soient affectées à ces domaines-là plutôt que pour combler les budgets nationaux.

Il est nécessaire que les acteurs économiques, lorsque leurs profits se font au détriment de la nature sans qu’ils puissent en faire autrement, allouent une partie de leurs bénéfices à la réhabilitation des écosystèmes. Il faut qu’ils aient cette obligation de réhabiliter et non pas seulement de neutraliser. Cela nécessite de changer d’échelle. Nous sommes passés d’une époque d’insouciance durant laquelle la nature était corvéable et servait simplement à produire des richesses, à une époque de prise de conscience exigeant la réduction de nos impacts sur la nature, puis nous sommes arrivés à une époque un peu plus exigeante où nous avons commencé à vouloir neutraliser ces impacts. Désormais, il faut aller au-delà et entrer dans une démarche de résilience.

Les acteurs économiques doivent y contribuer. 

TRIBUNE

Biodiversité, le parent pauvre des questions environnementales ?

Nous sommes dans un monde qui dérape, les crises se multiplient, il est donc difficile de se focaliser sur tous les sujets. Le simple fait d’avoir réussi à tourner en partie l’attention du monde sur le climat nous a probablement simultanément éloignés de la biodiversité. La population s’est reconnue dans l’enjeu climatique avec le sentiment de pouvoir en être bénéficiaire ou victime. Je pense qu’elle n’a pas conscience que l’érosion de la biodiversité peut également avoir un impact considérable sur elle. Par ailleurs, l’effort d’attention de la part des différents acteurs politiques et médiatiques sur les enjeux de biodiversité n’a pas été le même que pour le climat, même si la crise de la biodiversité est largement aussi entamée que celle du climat. C’est peut-être le coup d’après !

Le contexte mondial actuel (précarité, inquiétudes, angoisses, repli sur soi,…) met en avant l’Homme sans que les populations aient conscience que son avenir et l’avenir de la biodiversité sont intrinsèquement liés. Si nous attendons trop, nous risquons de rompre définitivement les équilibres climatiques et naturels, et nous en serons les premières victimes.

Pour inverser la tendance, il faut procéder comme pour le climat, c’est-à-dire sortir ces sujets du ghetto. Ils ne peuvent pas uniquement être portés par le milieu associatif ou écologiste. Le partage de connaissance et le partage d’information sont, sur ce point, très importants. Comme cela a été fait pour le climat, il faut mettre en place des cycles de formation sur la biodiversité à tous les niveaux. Un Secrétariat d’Etat à la biodiversité a été mis en place et j’espère que cela va être une occasion de diffuser cette connaissance. Les pouvoirs publics doivent faire preuve de pédagogie, inscrire la biodiversité dans les programmes de formation et expliquer en quoi la biodiversité nous est indispensable pour notre propre avenir. Pour cela, un travail de valorisation en termes économique est nécessaire.»

- Nicolas Hulot

(7)

COMPRENDRE ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : LE RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ

INTÉRÊT DES SOLUTIONS BASÉES SUR LA NATURE

B

iodiversité et climat sont

intrinsèquement liés. La tendance jusqu’à présent a été de découpler ces deux éléments pour étudier leur complexité séparément. Or, il s’agit d’un système intégré, fonctionnel et autorégulé dont l’Homme et ses activités sont partie prenante. Au cours du troisième Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, trois sujets considérés alors comme d’égale importance ont fait chacun l’objet d’une convention internationale : la lutte contre les changements climatiques, la préservation de la diversité biologique et la lutte contre la désertification. Les questions relatives à lutte contre le changement climatique ont considérablement progressé depuis cette date, avec en particulier la création du GIEC (1) en 1988. La mise en œuvre des actions liées à la Convention sur la biodiversité s’est développée plus lentement : c’est seulement à Nagoya, en 2010, que l’équivalent du GIEC pour la biodiversité est créé sous le nom d’IPBES (2). La convention sur la lutte contre la désertification (UNCCD) reste, quant à elle, peu connue (Holtz, 2003) même si, reconnaissant la poursuite de la détérioration et de la dégradation des terres, l’Assemblée Générale des Nations Unies a décrété en 2008 la décennie 2010 à 2020 des Nations Unies pour les déserts et la lutte contre la désertification.

L’objet est ici de montrer la nécessité et l’intérêt d’une approche plus intégrée du couple biodiversité et climat. Au-delà des mesures indispensables et urgentes de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), développer des solutions basées sur les écosystèmes permet de répondre simultanément aux enjeux de l’érosion de la biodiversité et du

(1) GIEC : Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat auquel contribuent des milliers de scientifiques du monde entier issus de dizaines de disciplines différentes.

(2) IPBES : Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

changement climatique, et d’envisager de façon réaliste aux niveaux technique et économique une adaptation des territoires aux conditions de vie à venir.

Présentation des enjeux

Les enjeux du point de vue scientifique

Biodiversité et climat, une boucle de rétroaction

Les organismes végétaux ou animaux échangent des gaz avec l’atmosphère, via les processus de photosynthèse et de respiration. L’atmosphère actuelle a été créée par le monde vivant, qui a remplacé le CO2 et le méthane ambiants par de l’oxygène et qui maintient aujourd’hui la teneur en oxygène de l’air à 21 %. Par ailleurs, la biodiversité agit sur les grands cycles de l’eau et du carbone puisque les océans, la forêt et les sols stockent des quantités très importantes de carbone. La biodiversité joue donc un rôle majeur dans la régulation du climat mondial.

En retour, les variations du climat ont toujours profondément modifié les zones de vie des espèces et la structure des écosystèmes : l’énergie lumineuse, les températures, la disponibilité en eau et la composition chimique de l’atmosphère ont des impacts directs sur la totalité des espèces et conditionnent leur cycle de vie et leurs déplacements.

Biodiversité et climat agissent donc l’un sur l’autre (figure 1). Le système climatique est un réseau complexe d’interactions entre l’atmosphère, les océans, les sols et la végétation. Chaque modification dans le système peut donc générer des mécanismes de rétroaction (cycle de processus qui agissent en chaîne), certains pouvant s’amplifier et modifier en profondeur tout le système de régulation climatique.

Le climat change

Le constat scientifique est sans

équivoque : la température mondiale (terre et océans) a augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012. La calotte glaciaire perd

Figure 1 : Le changement climatique et la biodiversité dépendent l’un de l’autre par des boucles de rétroaction

(d’après Charline Hue, Ludivine Conte, Anaïs Kermagoret, Marine Kuperminc - AgroParisTech, via www.natureparif.fr)

Déplacement des aires de répartition des espèces

Modifications des conditions physico-

chimiques

Modifications de la phénologie de certaines espèces

Modifications de l’intensité de la fréquence des pressions existantes Régulation de la

qualité des milieux

Atténuation des effets des évènements

climatiques extrêmes Stockage du carbone

Biodiversité Changement

climatique Engrenages climatiques

Résistance, résilience, adaptation

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en volume depuis les années 1990, le niveau des mers s’élève (+ 19 cm sur la période 1901-2010) et ces phénomènes s’accélèrent (IPCC, 2013).

La responsabilité des activités humaines sur l’accroissement des températures observé est de plus en plus certaine selon le GIEC (probable à plus de 95 % selon le cinquième rapport de 2014). La concentration en gaz carbonique mesurée dans l’air augmente chaque année et suit une courbe en très forte croissance depuis 1750, début de l’ère industrielle (figure 2) et de l’utilisation des énergies fossiles.

L’accord de Paris, adopté dans le cadre de la COP21 (CCNUCC) le 12 décembre 2015, stipule dans son article 2 que l’élévation de la température moyenne de la planète devra être contenue

« nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels », que l’action devra être poursuivie « pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C » et qu’il est nécessaire de renforcer

« les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et [de promouvoir] la résilience à ces changements » (cf. INTERNATIONAL p.22).

Même si cet objectif déjà ambitieux est respecté, une profonde modification du

climat est attendue dès 2050 et à l’horizon 2100 : hausse de la température moyenne de la Terre, augmentation des contrastes zones humides/zones sèches, occurrence et gravité croissantes des événements climatiques extrêmes, fonte de la

cryosphère (glaciers, couverture neigeuse, pergélisol) et hausse du niveau des mers.

La biodiversité s’érode

Comme pour le climat, il existe aujourd’hui un consensus scientifique sur la réalité de la perte de biodiversité mondiale et sur son origine anthropique. Les principaux facteurs de perte de biodiversité sont identifiés depuis longtemps : réduction et fragmentation des habitats, liées à l’artificialisation des sols, surexploitation des ressources naturelles renouvelables, prolifération d’espèces invasives, pollution (air, eau, sol) et changement climatique.

Si aujourd’hui le changement climatique n’est pas considéré comme la principale cause de perte de biodiversité, cela sera vraisemblablement le cas dans l’avenir.

Canicules, sécheresses et hausse des températures devraient augmenter les pressions subies par les espèces qu’elles soient marines, d’eau douce ou terrestres, entraînant la modification de leur physiologie. La productivité biologique

devrait augmenter pendant les premières décennies du 21e siècle du fait des taux plus élevés de CO2 dans l’atmosphère, puis diminuer avec les épisodes

caniculaires, les accidents climatiques et le développement de nouveaux parasites.

L’aire de répartition des espèces va aussi s’en trouver modifiée. Le changement climatique devrait conduire les espèces généralistes et mobiles à migrer vers le nord et vers des altitudes plus hautes, ainsi que du littoral vers l’intérieur des terres du fait de la montée des eaux. Les espèces spécialistes ou sédentaires, ainsi que les petites populations, pourraient disparaître localement.

L’augmentation prévue de la température aura, de même, un impact sur la phénologie des espèces. Les dates de débourrement et de floraison des végétaux, les efflorescences de phytoplancton pourraient être significativement avancées dans l’année. La durée de la saison de végétation sera également plus longue.

Chez certaines espèces d’oiseaux, d’insectes et de poissons, les éclosions seront plus précoces et les dates de migration décalées.

Ces décalages, déjà constatés, provoquent des phénomènes de désynchronisation entre espèces interdépendantes, causant une mortalité accrue pour certaines d’entre elles, voire des extinctions en cascade.

Î

Î Un indicateur pour l’estimer Le modèle GLOBIO 3, mis au point par l’Agence néerlandaise de l’environnement, propose une méthode pour évaluer les impacts sur la biodiversité des différentes pressions exercées par l’Homme. Les résultats ont été utilisés dans le rapport « Série technique n°79 » de la Convention sur la Diversité Biologique (3). L’indicateur Mean Species Abundance (MSA) permet de mesurer l’état de « naturalité » des écosystèmes

(3) PBL Netherlands Environmental Assessment Agency (2014), How sectors can contribute to sustainable use and conservation of biodiversity, The Hague. CDB Technical Series No. 79, PBL report number 01448, 230 p.

COMPRENDRE

ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : LE RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ

Figure 2 : Teneurs en CO2 de l’atmosphère au cours du temps

Source : LGGE (Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement), 2011. Disponible sur : http://lgge.osug.fr/article373.html 280

300 320 340 360

CO2 (ppmv)

Temps (années)

1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000 Mesures atmosphériques (Pôle Sud)

Mesures issues des carottes de glace

(9)

Figure 3 : Pressions conduisant à la perte de biodiversité terrestre dans le scénario tendanciel

et de quantifier les différents types de pression (cf. figure 3) responsables de la perte de biodiversité terrestre, comme l’utilisation des terres pour l’agriculture et l’exploitation forestière, l’artificialisation et les infrastructures... La figure 3 présente ainsi l’évolution de la perte de biodiversité exprimée en pourcentage de MSA de 1970 à 2050 selon le scénario tendanciel (business as usual). Le modèle met en évidence une part croissante due au changement climatique.

Un bouleversement des écosystèmes et une probable diminution des services écosystémiques

L’évolution actuelle du climat est caractérisée par sa rapidité, jamais observée par le passé. Le rythme d’adaptation des espèces à ces nouvelles conditions risque de ne pas être suffisant, notamment en raison de la baisse de diversité génétique et de la fragmentation des habitats qui freinent les flux de gènes. Ce sera particulièrement le cas pour les espèces dont le renouvellement des générations est long. Comme l’écrivent Sordello et al. (2014) : « il faut donc s’attendre à une recomposition des communautés d’espèces plus qu’à une translation des écosystèmes que l’on connaît aujourd’hui. Il reste difficile d’anticiper sur le fonctionnement de ces futurs écosystèmes, mais il est probable que cette recomposition, avec des espèces plus généralistes, va

accentuer le processus de simplification et induire une diminution des rendements écosystémiques à long terme ».

Changement climatique et érosion de la biodiversité sont donc deux phénomènes qui se renforcent mutuellement et dont les rythmes propres s’accélèrent. Leur impact sur les activités humaines va croître de manière exponentielle, que ce soit au travers des atteintes directes liées au climat (hausse des températures, sécheresses, intempéries, montée des eaux…), mais aussi de la détérioration des services écosystémiques que les sociétés humaines tirent de la biodiversité.

Les enjeux du point de vue économique

L’évaluation des impacts économiques

Î

ÎCoût du changement climatique En 2006, le rapport Stern (4) évalue pour la première fois le coût des impacts du changement climatique sur l’économie mondiale. Le rapport montre qu’il pourrait représenter entre 5 % et 20 % du PIB mondial par an à l’horizon 2050 (de l’ordre de 1 500 à 6 000 milliards de dollars US).

En parallèle, les actions conduisant à la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre ne coûteraient que 1 % du PIB mondial par an. En 2009, le rapport Parry

(4) Lord Nicholas Stern (2006) The Economics of Climate Change. Stern Review, Cambridge University Press, 712 p.

et al. annonce des ordres de grandeur similaires. Le dernier rapport du GIEC (IPCC, 2014a) indique quant à lui qu’une augmentation de la température mondiale de 2°C pourrait entraîner une baisse du PIB mondial de 0,2 % à 2 % d’ici 2050 et que les coûts pourraient grimper de manière exponentielle avec la hausse des températures.

L’évaluation monétaire utilisée dans ces études repose sur des hypothèses qui peuvent s’avérer discutables, en particulier celle du taux d’actualisation. En fonction du taux choisi, l’avantage de l’action sur l’inaction peut disparaître en comparant les coûts présents aux bénéfices futurs.

Par ailleurs, cette approche par le PIB n’englobe pas l’ensemble des dommages potentiels (humains, sociaux, écologiques).

Dans un rapport de 2013 (5), la Banque mondiale indique qu’entre 1980 et 2012 le nombre de catastrophes naturelles dans le monde a été multiplié par 2,5 et que 87 % d’entre elles sont d’ordres climatique et météorologique. Les pertes économiques matérielles de l’ensemble des catastrophes naturelles ont été multipliées par 3 à 4 et s’élèvent, en 2012, à 150 milliards de dollars.

Î

ÎCoût de l’érosion de la biodiversité Le rapport TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) fournit des indications chiffrées sur l’impact économique de la perte de biodiversité.

Par exemple, il y est indiqué que la surexploitation des ressources halieutiques a déjà entraîné une perte de revenu annuel de 50 milliards de dollars US pour la pêcherie mondiale. Par ailleurs, l’activité pollinisatrice des insectes a été évaluée à 153 milliards d’euros en 2005, et ce, uniquement pour les principales cultures dont se nourrit l’Homme.

Localement, les effets économiques peuvent être rapides et considérables, notamment pour les productions végétales de long terme. Les pertes à attendre sur une forêt devenue inadaptée au climat (car celui-ci a changé) peuvent être très importantes. Une forêt qui dépérit perdra de sa valeur, qui est principalement liée à la valorisation du stock de bois due à la

(5) World Bank (2013) “Building Resilience: Integrating climate and disaster risk into development. Lessons from World Bank Group experience.” The World Bank, Washington DC, 44 p.

% Mean Species Abundance (MSA) Pressions

Cultures Pâturage Foresterie

Terres agricoles abandonnées Infrastructure

Espace urbain et empiétement Fragmentation

Biocarburants Dépôt d’azote Changement climatique ---

-5

-15

-25

-35

-45

1970 2010 2030 2050

Source : pbl.nl (traduit en français)

(10)

croissance des arbres. Pour donner des ordres de grandeur, 90 % des transactions forestières se négocient entre 650 et 11 500 € par hectare, pour un prix moyen de 3 940 €/ha en France en 2014 (6). Dans le cas d’une vigne proche de la mer et soumise à la remontée de la nappe salée, les pertes peuvent être dix fois supérieures.

Notons enfin que les changements se produisent par des ruptures brutales. Une forêt peut dépérir en moins de trois ans, du fait du succès d’une attaque de ravageurs sur des peuplements affaiblis.

(6) SAFER et Société Forestière (2015) Le marché des forêts en France en 2014, 60 p.

Agir maintenant Î

Î Atténuation et adaptation

Les changements climatiques sont en marche et l’adaptation des écosystèmes au rythme naturel ne pourra pas se faire en quelques années. Il est donc vraisemblablement nécessaire d’agir, et ce, dès à présent.

L’action passe d’abord par l’atténuation des causes du changement climatique et donc par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais il est tout aussi indispensable d’envisager des mesures préventives d’adaptation aux conditions de vie à venir. En effet, même en cas de succès de la politique d’atténuation, la quantité de gaz à effet de serre déjà

stockée dans l’atmosphère pourrait entraîner un accroissement de la fréquence et de la gravité des risques naturels (inondations, sécheresses, canicules, tempêtes) avec des conséquences négatives importantes sur les populations humaines et les systèmes naturels. En particulier, il paraît primordial d’agir dès maintenant pour accompagner l’adaptation nécessaire des espaces agricoles, forestiers et naturels. Outre l’utilité évidente de préserver les services que rendent ces espaces, il convient de noter que le maintien d’une biosphère productive est une des conditions pour atteindre l’objectif de réduction des émissions nettes, du fait du rôle de la biosphère dans le stockage du CO2.

COMPRENDRE

ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : LE RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ

Atténuation et adaptation

L’atténuation est définie comme « l’intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre » (IPCC, 2014b). Un puits de gaz à effet de serre est un réservoir, naturel ou artificiel, qui stocke des gaz à effet de serre. Ces puits sont aujourd’hui principalement les océans, les sols ou certains espaces végétalisés (forêts en formation).

L’adaptation au changement climatique est définie comme un « processus d’ajustement au climat présent ou attendu et à ses effets. Dans les systèmes humains, l’adaptation cherche à modérer ou éviter les nuisances, ou à exploiter les opportunités bénéfiques. Dans certains systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’ajustement au climat attendu et à ses effets. » (IPCC, 2014a)

Plusieurs points différencient fondamentalement l’adaptation de l’atténuation :

ÎÎL’échelle de temps : l’atténuation demande une action immédiate pour stabiliser puis réduire les

émissions de GES à l’horizon 2050. Le bénéfice de ces mesures ne se perçoit néanmoins qu’à plus long terme en limitant le risque. L’adaptation se mène sur un temps plus long, car les conséquences les plus graves du changement climatique devraient être perceptibles surtout après 2050. Le bénéfice des mesures d’adaptation peut cependant être immédiat, en réduisant la vulnérabilité d’un territoire dès leur mise en place.

Î

ÎL’échelle d’espace : l’atténuation est une question globale qui nécessite une gestion au niveau

international. La réduction des émissions de GES à un endroit donné bénéficie à l’ensemble des habitants de la planète en limitant la concentration en GES de l’atmosphère. Au contraire, l’adaptation est une question locale qui concerne un territoire et les impacts climatiques qui lui sont spécifiques. Le bénéfice des mesures d’adaptation est ainsi limité pour l’essentiel aux acteurs de ce territoire.

Î

ÎL’unité de mesure : une unité de mesure universelle est utilisable pour l’atténuation, c’est

l’équivalence de tonnes de carbone émises ou évitées. Le bénéfice des mesures d’adaptation est plus

difficile à évaluer et repose sur des indices encore instables et non consensuels. La valeur économique

de ces mesures est donc difficilement quantifiable. Par contre, leur coût est plus aisément évaluable.

(11)

Atténuation et adaptation peuvent être conduites simultanément : parmi les mesures d’atténuation, certaines sont plus ou moins favorables à l’adaptation et inversement.

Î

ÎLes enjeux particuliers de l’adaptation L’une des difficultés majeures de

l’adaptation est le traitement de l’incertitude qui porte sur l’évolution réelle du climat local, sur ses impacts et risques associés, et sur la vulnérabilité des territoires et des acteurs concernés.

La seconde spécificité de l’adaptation est qu’elle nécessite d’être considérée de façon dynamique puisque le changement climatique est un phénomène continu. Les mesures d’adaptation doivent donc être évolutives et convenir aux modifications du climat aussi bien actuelles que futures.

C’est particulièrement vrai pour les secteurs économiques à temps long, comme le secteur forestier ou les secteurs qui nécessitent des infrastructures lourdes (urbanisme, énergie, transports…).

Malgré ces difficultés, la mise en place de mesures d’adaptation le plus tôt possible doit permettre d’anticiper les effets du changement climatique, de limiter le coût de ses impacts et d’obtenir un retour d’expérience précoce permettant d’adapter les mesures en conséquence (apprentissage par l’expérience).

Le choix des mesures d’adaptation Le plan national d’adaptation au

changement climatique 2011-2015 (PNACC) identifie quatre domaines d’action pour classer ces mesures : la production et la diffusion d’information, l’ajustement des normes et réglementations, l’adaptation des institutions et l’investissement direct.

Les mesures envisagées vont de la mise en place de plans d’urgence à la construction d’infrastructures adaptées pour lutter contre les risques naturels (digues, bassins de rétention, climatisation…).

Les mesures prises doivent éviter l’écueil de la « maladaptation », définie par le GIEC comme des actions qui peuvent conduire

à augmenter le risque d’effets défavorables liés au climat, à augmenter la vulnérabilité au changement climatique ou à diminuer le bien-être, aujourd’hui et dans le futur (IPCC, 2014a). Etant donné le contexte d’incertitude de la prise de décision en matière de changement climatique, le risque est de proposer une solution mal calibrée qui peut s’avérer très coûteuse, en particulier dans le cas de mesures impliquant la construction d’infrastructures grises (coût élevé lié à un éventuel démantèlement, solution faiblement évolutive et donc coûteuse). Ce risque conduit donc à privilégier les stratégies dites « sans regret » qui permettent une efficacité indépendante de l’incertitude sur l’évolution du climat ou les stratégies dites

« flexibles » ou « réversibles » qui peuvent être modifiées au gré des nouvelles informations recueillies (Piermont, 2010).

L’objectif des mesures d’adaptation est aussi de réduire la facture globale du changement climatique. Or, certaines mesures ont des bénéfices significatifs au-delà de la lutte contre le changement climatique (santé, biodiversité, pollution de l’air et de l’eau, sols…). La prise en compte de ces bénéfices peut conduire à favoriser ce type de mesures, même si elles semblent parfois moins bénéfiques de prime abord.

Parmi les solutions proposées, celles basées sur les écosystèmes et la nature, mises en avant par l’UICN (cf. Point de vue p.12), offrent de réelles opportunités.

Les solutions basées sur la nature sont fondées sur l’idée que des espaces dotés d’une grande biodiversité seront plus résilients face au changement climatique.

Selon l’UICN, elles sont « sans regret »,

« flexibles » et représentent une alternative économiquement viable et durable, souvent moins coûteuse à long terme que des investissements technologiques ou la construction et l’entretien d’infrastructures.

Dans son programme 2013-2016, l’UICN considère que « les populations, les communautés, les gouvernements et les acteurs du secteur privé sous- utilisent le pouvoir potentiel de la nature et les solutions qu’elle peut apporter pour relever les défis mondiaux du changement climatique, de la sécurité alimentaire ou du développement économique et social ».

© istock - DavorLovincic

(12)

COMPRENDRE

ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : LE RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ

POINT DE VUE

Des solutions fondées sur la nature pour lutter contre les changements climatiques

Comité français de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature)

Alors que la biodiversité et les écosystèmes sont menacés par les changements climatiques, leur conservation, leur restauration et leur gestion durable génèrent des solutions fondées sur la nature significatives et pratiques pour répondre à ce défi planétaire.

Les changements climatiques provoquent des bouleversements de plus en plus importants dans les milieux naturels de la planète. De nombreuses études scientifiques caractérisent et quantifient ces impacts, comme celle publiée dans la revue Nature qui évalue que 25 % des espèces pourraient disparaître d’ici 2050 à cause des changements climatiques (1). Il est donc urgent de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour préserver les espèces et la résilience des écosystèmes.

Parallèlement, des écosystèmes sains, diversifiés et fonctionnels peuvent aussi apporter des réponses concrètes aux changements climatiques. C’est ce que l’UICN a défini comme étant les

«  solutions fondées sur la nature  ». Elles se basent sur le rôle des écosystèmes dans l’atténuation et l’adaptation aux effets des changements climatiques.

En effet, les écosystèmes terrestres stockent près de trois fois la quantité de carbone présente dans l’atmosphère, tandis que des océans en bonne santé absorbent plus de 25  % des émissions annuelles de dioxyde de carbone. Des écosystèmes préservés permettent également de s’adapter aux risques naturels, dont la fréquence et l’intensité sont accentuées par le changement climatique. Par exemple, selon l’Initiative française pour les récifs coralliens, les récifs et mangroves génèrent entre 115 et 220 millions d’euros d’économies chaque année en Nouvelle-Calédonie, en évitant

(1) Thomas et al. 2004. Extinction risk from climate change. Nature, 247.

des dégâts sur la zone côtière. Egalement, la mise en œuvre d’une gestion durable des forêts, favorisant des stades âgés et la diversité biologique, maximisera sur le long terme les différents stocks de carbone et réservoirs de biodiversité qui sont indispensables pour l’adaptation des forêts aux changements climatiques. Des travaux de recherche sont actuellement menés dans le cadre du programme européen Biodiversa pour apporter de nouveaux résultats et analyses (2).

Ainsi, l’UICN recommande d’investir dans les solutions fondées sur la nature qui contribueront à la lutte contre les chan- gements climatiques tout en apportant des bénéfices pour la préservation de la biodiversité. Les trois types d’actions à mettre en œuvre sont les suivants :

Î

Î la préservation d’écosystèmes intacts et en bon état écologique ;

Î

Î l’amélioration de la gestion durable d’écosystèmes utilisés par les activités humaines ;

Î

Î la restauration d’écosystèmes dégradés ou la création d’écosystèmes.

(2) www.biodiversa.org

De nombreux projets de solutions fondées sur la nature sont déjà en œuvre sur le territoire français, en métropole et en outre-mer, et le Comité français de l’UICN travaille actuellement à mieux les identifier et les promouvoir.

Le rôle des forêts, des océans et des autres écosystèmes naturels pour absorber les émissions de carbone et aider les pays à s’adapter au changement climatique a par ailleurs été clairement reconnu lors de la COP21 dans le nouvel Accord de Paris. Cet accord souligne également l’importance d’assurer l’inté- grité de tous les écosystèmes et la protection de la biodiversité lorsque des actions sont conduites pour lutter contre le changement climatique.

Il est maintenant fondamental que les pays investissent de façon spécifique et ambitieuse dans des solutions fondées sur la nature pour remplir leurs engagements.

Selon une analyse publiée par l’IDDRI (3), ces solutions étaient explicitement citées et détaillées dans les INDC (Intended Nationally Determined Contribution) du quart des pays ayant publié leurs contributions nationales pour lutter contre les changements climatiques. Cependant, ces solutions sont essentiellement portées par des pays du Sud alors qu’elles représentent également de réelles stratégies de lutte conjointe contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité dans des pays du Nord, et particulièrement en Europe et en France.

Pauline Teillac-Deschamps, Chargée de programme « écosystèmes »

Sébastien Moncorps, Directeur

(3) Laurans Y., Ruat R., Barthélémy P. (2015) « La nature, alliée des politiques climatiques ? ». Climat 365, IDDRI, 27 novembre 2015 [en ligne]. Disponible sur : http://www.blog-iddri.

org/2015/11/27/la-nature-alliee-des-politiques-climatiques/

© S.Moncorps

(13)

Les solutions basées sur la nature

Le contexte institutionnel et scientifique

Les dernières résolutions de la Convention sur la Diversité Biologique (COP12) soulignent que « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, et la restauration des écosystèmes peuvent jouer un rôle important dans l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ceux-ci » (CDB, 2014). De même, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques fixe pour objectif dans son article 2 de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique « dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques ».

Côté scientifique, la FRB (7) (Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité) note, dans le dossier « Réponses et adaptations aux changements globaux » publié en octobre 2015, que « les acteurs de la biodiversité s’intéressent de plus en plus à la façon dont les écosystèmes eux-mêmes, de par leur aptitude à répondre au changement global, peuvent être mobilisés pour renforcer les capacités d’adaptation des sociétés, notamment face au changement climatique » (FRB, 2015).

Les solutions identifiées et leurs enjeux

Les stratégies favorables à la conservation et au renforcement de la biodiversité permettent de remplir deux objectifs : (i) atténuation par création ou protection de puits de carbone et (ii) adaptation aux conséquences du changement climatique. Ces stratégies se structurent autour de trois types d’actions : protéger, connecter, restaurer.

(7) La FRB fait partie du réseau européen de programmation et de financement sur la recherche sur la biodiversité et les services écosystémiques en Europe : le réseau BiodivERsA. Il étudie notamment la façon dont le concept de solutions fondées sur la nature peut aider à créer des liens entre recherche et innovation dans le domaine de la biodiversité et des services écosystémiques.

La restauration des zones humides Les « milieux humides » représentent 6 % des terres émergées et figurent parmi les écosystèmes les plus riches et les plus diversifiés de notre planète (Skinner et Zalewski, 1995). Ce sont les portions de territoire, naturelles ou artificielles, qui sont ou ont été en eau (ou couvertes d’eau), inondées ou gorgées d’eau de façon permanente ou temporaire, qu’il s’agisse d’eau stagnante ou courante, douce, salée ou saumâtre (Sandre, 2014).

Les zones humides fournissent des biens précieux et rendent de nombreux services.

Elles jouent un rôle d’éponge en cas de crues, de réservoir lors des périodes de sécheresse et de filtre en épurant les eaux polluées. Elles peuvent donc être d’une très grande utilité dans le cadre de l’adaptation face aux risques accrus d’inondation et de sécheresse (cf. encart ci-dessus). Elles sont par ailleurs de réels puits de carbone en stockant un cinquième du carbone mondial et en atténuant les canicules estivales.

Au cours du siècle dernier, plus de la moitié des zones humides en Europe et dans le monde a disparu (8). Ces milieux sont encore aujourd’hui menacés en raison de l’urbanisation, de l’intensification de l’agriculture, des pollutions, de l’arrivée d’espèces invasives, etc. La France s’est engagée à préserver les zones humides sur son territoire en ratifiant la

(8) CEE, 1995, cité dans : Eaufrance, les zones humides, mis à jour le 22/09/2015, disponible en ligne : http://www.zones- humides.eaufrance.fr/milieux-en-danger/etat-des-lieux

Convention internationale de Ramsar en 1986 et a désigné dans ce cadre 43 sites d’importance nationale. Les solutions de restauration des zones humides consistent à rétablir la continuité écologique des cours d’eau en supprimant les nombreux ouvrages aujourd’hui inutilisés, à restaurer les méandres des rivières ou les zones d’expansion des crues et à restaurer les estuaires et les zones côtières en favorisant les habitats à végétation marine.

La transition des systèmes forestiers et agricoles

Î

ÎLe rôle du secteur des terres dans l’atténuation du changement climatique Le « secteur des terres » (9) représente, selon le GIEC, environ 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre

anthropiques. Sont principalement en cause la fertilisation azotée, l’élevage, la riziculture, la déforestation, le retournement des prairies et l’artificialisation des sols (étalement urbain et infrastructures). La spécificité du secteur des terres est la part du méthane et du protoxyde d’azote dans les émissions : deux gaz à puissant effet de serre émis essentiellement par l’agriculture.

Mais, les secteurs de l’agriculture et de la forêt sont aussi de véritables puits de carbone grâce à la photosynthèse.

Le stockage annuel de CO2 dans les sols et dans la biomasse terrestre est

(9) Dans le dernier rapport du GIEC de 2014, les secteurs de l’agriculture et de la forêt sont désormais analysés dans un cadre global élargi : agriculture, forêt, usage des terres et ses changements.

Zone humide

L’opération de restauration du ruisseau de Nécuidet dans le massif des Bauges par le Conservatoire d’espaces naturels de Savoie illustre l’intérêt des solutions basées sur la nature. Après avoir été profondément remanié en 1975 par la réalisation d’un réseau de drainage et le recalibrage du cours d’eau, le marais a perdu 50 % de sa surface et son fonctionnement hydrologique a été fortement altéré.

Le chantier de réhabilitation du cours d’eau, réalisé en 2014 et portant sur un linéaire de 700 mètres, a permis de restaurer cette zone humide, qui joue désormais un rôle de bassin de rétention dans la gestion des crues et des étiages pour Chambéry. Le coût total des travaux est de 117 993 € HT, à comparer avec le coût d’un bassin de rétention artificiel (500 000 à 1 000 000 €). La solution choisie permet d’engendrer de nombreux cobénéfices comme l’impact positif sur la biodiversité, la qualité du paysage, l’attrait touristique…

Source : Conservatoire d’espaces naturels de Savoie. Pour plus d’informations : http://cen-savoie.wix.com/necuidet

EXEMPLE

(14)

COMPRENDRE

ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : LE RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ

de 9,5 Gt/an. L’agriculture et la forêt de production jouent donc un rôle notable de régulateur et d’amortisseur du changement climatique. En particulier, les arbres et les forêts en bonne santé et en croissance constituent de vrais puits de carbone (1 m3 de bois permet le stockage d’environ 1 tonne de CO2). Cette capacité d’absorption est cependant variable selon les essences, l’âge des peuplements et le mode d’exploitation forestière.

Le secteur des terres peut par ailleurs permettre de réduire significativement les émissions globales de GES d’autres secteurs économiques, comme l’énergie, les transports ou la construction, en fournissant des matériaux de substitution (bioproduits, bioénergies, chimie végétale).

Les produits-bois tirés de la forêt permettent ainsi de prolonger le stockage initial de carbone en forêt pendant toute la durée de vie du produit. Le bois énergie, substitué aux hydrocarbures fossiles (fioul ou gaz), permet aussi une réduction nette des émissions.

Î

ÎImpact du changement climatique Le secteur des terres a donc une importance stratégique pour l’atténuation.

Cependant, l’agriculture et la forêt seront fortement impactées par le changement climatique, ce qui pourrait réduire leur capacité à capter du carbone atmosphérique. Les stratégies possibles d’atténuation par l’agriculture et la forêt sont donc étroitement liées aux capacités d’adaptation et de résilience des systèmes agricoles et forestiers. Or, pour ne citer que les espaces forestiers, le rythme d’évolution du climat risque d’être plus rapide que la capacité d’adaptation de la plupart des espèces d’arbres. Certaines forêts pourraient donc dépérir brutalement et ainsi passer de « puits de carbone » à

« sources de carbone ».

Les actions préconisées par le groupe d’experts réunis par le CGAAER (10) pour le secteur des terres, dans le cadre de

(10) Rapport n°14056 de février 2015 : « Les contributions possibles de l’agriculture et de la forêt à la lutte contre le changement climatique »

la recherche de mesures d’atténuation du changement climatique, portent en priorité sur la préservation des terres agricoles et des prairies, le développement de nouvelles pratiques agronomiques de type « agro-écologique », comme l’agroforesterie (cf. encart ci-dessus), le développement de l’élevage à l’herbe, le développement des haies et la relance des boisements et reboisements en forêt.

La plupart de ces mesures favorables à l’atténuation sont par ailleurs favorables à la biodiversité et peuvent participer à son adaptation au changement climatique. Dès lors qu’elles sont considérées comme des cobénéfices, des mesures additionnelles peuvent être engagées. En effet, le plan national d’adaptation au changement climatique (11) préconise de remettre de la diversité dans les peuplements forestiers, au-delà d’un simple reboisement, de favoriser les espèces les plus résistantes, de modifier les interventions (éclaircies, espacement des arbres) afin de valoriser au mieux les ressources en eau qui pourraient devenir un facteur limitant et d’introduire des essences plus méridionales.

(11) Plan National d’Adaptation au Changement Climatique 2011-2015 (PNACC) En ligne : http://www.developpement- durable.gouv.fr/-Plan-national-d-adaptation-2011-.html

La restauration des continuités écologiques : la Trame Verte et Bleue

La France contribue à la mise en place du Réseau Ecologique Paneuropéen (REP) sur son territoire au travers du dispositif de la Trame Verte et Bleue (TVB), mesure phare du Grenelle Environnement. La TVB est constituée des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques qui les relient. L’objectif est de constituer un réseau écologique fonctionnel et cohérent, à l’échelle du territoire national, pour permettre à la faune et à la flore sauvage de circuler, migrer, se répandre et se mélanger d’un espace à l’autre. Sa mise en œuvre doit permettre de diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels grâce au renforcement des échanges (notamment génétiques), de prendre en compte et de faciliter le déplacement des espèces et de leur aire de répartition vers des milieux plus favorables, et de contribuer à l’atténuation des émissions. Le dispositif Trame Verte et Bleue est considéré comme « une solution d’adaptation efficace et peu coûteuse par rapport à d’autres » (Bonduelle et Jouzel, 2014).

Agroforesterie

Christian Dupraz, chercheur de l’INRA, cultive dans l’Hérault depuis 15 ans du blé à l’ombre de noyers plantés à raison de 100 arbres à l’hectare. La production associée du noyer et du blé est supérieure de 40 % à celle des mêmes cultures séparées (Dupraz, 2011). La présence de l’arbre permet une meilleure résistance à la sécheresse et à la chaleur pour le blé et assure un meilleur contrôle des ravageurs en abritant des insectes auxiliaires. Enfin, ce système permet de stocker du carbone et de favoriser la biodiversité.

Forêt

La Société Forestière de la Caisse des Dépôts a été le premier opérateur forestier important à décider, dès 2003, d’engager une modification de ses pratiques de gestion pour adapter sa sylviculture au changement climatique, ceci sur 250 000 ha situés en France. L’action a été concrètement engagée en 2006 et il est notable qu’elle s’est révélée faisable techniquement et financièrement, sans altérer le revenu, la production, ni les services rendus par les forêts concernées.

EXEMPLE

(15)

La biodiversité en ville

Les zones urbaines représentent en moyenne entre 53 et 87 % des émissions mondiales de CO2 (IPCC, 2014b). Les villes subissent par ailleurs les conséquences du changement climatique (canicules, mauvaise qualité de l’air, inondations…).

Elles sont donc des territoires où l’on peut mener à la fois des actions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

Arbres d’alignement, pelouses et parcs, forêts, terres cultivées, zones humides, lacs ou mers, rivières, ruisseaux ou fleuves : les écosystèmes potentiellement présents en ville sont variés. La nature

en ville est source de nombreux services écologiques qui peuvent s’avérer précieux dans le contexte de l’adaptation au changement climatique. Par exemple, la végétalisation de l’espace public et du bâti permet de réduire les effets d’îlots de chaleur et contribue à assainir l’air. La désimperméabilisation des sols (cours d’école, cours d’immeubles, voiries…) et leur végétalisation favorisent l’infiltration naturelle de l’eau et réduisent le risque de ruissellement et d’inondation.

Au-delà, la restauration de la nature en ville est aussi favorable à la biodiversité, en constituant un refuge pour de nombreuses espèces animales et végétales. Cette

restauration, si elle permet de mettre en réseau les zones naturelles de la ville en les connectant à des corridors écologiques et à l’extérieur de la ville, peut participer à la constitution d’une Trame Verte et Bleue nécessaire au déplacement des individus et donc à l’adaptation des espèces aux changements climatiques à venir. Les initiatives d’agriculture urbaine participent aussi au développement de la biodiversité, tout en apportant un service d’approvisionnement en nourriture.

Pour résumer, le tableau 1 synthétise les liens entre changement climatique et trame verte urbaine ou végétalisation, à différentes échelles.

Tableau 1 : Synthèse des croisements entre changement climatique et trame verte urbaine/végétalisation à différentes échelles.

Échelle

Région urbaine /

méga-région Ville Ilots

Rue Bâtiment

Agglomération Quartier

«Outils» Corridor écologique,

trame verte urbaine Maillage /

réseau écologique Arbres, jardins, massifs Toits, murs et balcons végétalisés

Discipline planification aménagement urbanisme architecture

Adaptation

+

Î

fAmélioration du confort thermique (lumière et humidité) (variable suivant les formes végétales)

Î

fBiodiversité et fragmentation : adaptation des espèces (circulation et évolution des aires de répartition)

Î

fStabilisation du sol et maitrise des ruissellements, lutte contre l’imperméabilisation et l’érosion

-

Î

fEspèces mal adaptées aux conditions climatiques ; déplacement de maladies végétales et de parasites ;

santé publique : vecteurs d’agents pathogènes et/ou d’agents allergènes (asthmes) ; participation à la formation d’ozone (émission d’isopropènes) par certaines essences d’arbres.

Î

fRisques miés à la coexistence d’arbres et de réseaux techniques en cas d’évènements extrêmes (tempêtes, incendies,...)

Atténuation

+

Î

fStockage : participe à la fixation temporaire de GES

Î

fSatisfaire localement les «besoins» de nature fÎClimatisation naturelle (- de GES)

-

Î

fDiminution des flux de lumière (+ de GES)

Î

fCoût d’entretien (si taille, ramassage, ...) (+ de GES)

Transition (énergétique) +

Î

fAmélioration des capacités alimentaires et/ou énergétiques locales

Î

fProduction d’énergie renouvelable locale (biomasse / méthanisation)

Î

fArbres fruitiers, murs vivriers, jardins collectifs, «massifs à manger»

Î

fAugmentation des surfaces pour productions agricoles (- coûts de dépollution des sols) et/ou énergétiques

- fÎConcurrence sur especes rares pour production locale (rendement photosynthèse beaucoup plus faible que chaleur ou énergie) et concurrence pour capter le flux lumineux (entre arbre/ombre et production d’énergie renouvelable par exemple)

Crédit : François Bertrand, 2010 in Bertrand F. et Simonet G., « Les trames vertes urbaines et l’adaptation au changement climatique : perspectives pour l’aménagement du territoire », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-série 12 | mai 2012. URL : http://vertigo.revues.org/11869 ; DOI : 10.4000/vertigo.11869

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