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9 juin 2010actualité, info
: «Le concordat était en danger. En reportant la déci
sion à fin 2013, nous donnons des chances supplémentaires au proces
sus de concentration. D’abord, nous serons plus proches de 2015, date limite à laquelle la Confédération peut forcer les cantons à agir s’ils ne se sont pas mis d’accord entre eux. Mais aussi, ce délai de deux ans offre des
en marge
Ecrire pour, bien sûr, parler de soi.
Ecrire pour faire sourire le lecteur, pour mieux lutter contre la mort.
L’affaire est tout sauf neuve. Mais si le Styx et le sang sont toujours là, l’encre a furieusement tendance à disparaître de notre paysage, du moins quand le «blog» prend la place du livre. Combien sontils parmi les milliers de ceux qui en
«tiennent» un à pouvoir (au débotté) donner la définition de ce mot.
Avec cette immanquable question connexe, combien sontils à imagi
ner que leur «blog» pourrait un jour devenir un «livre» ? Les vertiges de la Toile peuventils donner nais
sance à des pages de papier impri
mé enchâssées entre une couver
ture et une quatrième du même nom ?
Une bien belle et affirmative répon
se nous en est donnée aujourd’hui dans l’espace francophone. Et ce grâce à un ouvrage original, formi
dable, qui vient de paraître en France1 quelques semaines après la mort de son auteur, MarieDomi
nique Arrighi, qui fut journaliste à FranceCulture avant de l’être au quotidien Libération où elle fut, précisément, en charge de l’en
semble des blogs de ce quotidien.
On ne connaît que trop (ou on ima
gine aisément) les vertus et les li
mites du blog, cette entité consti
tuée de la réunion de textes (billets) adressés (postés) à un site web avant d’être agglomérés au fil du temps ; déclinaison moderne et an
téchronologique du journal de bord (du journal intime) avec deux différences de taille : il est immédia
tement accessible à la communauté des internautes et ces derniers peuvent (sinon doivent) en com
menter chaque billet. On sait que la majorité des blogs n’ont d’autres fins qu’une forme d’autoreprésenta
tion qui ne prévient guère contre le
risque d’égocentrisme et ce, qu’il s’agisse de weblogs, des audio
blogs ou des photoblogs. On sait aussi que lecteurs et auteurs entre
tiennent un contrat tacite souvent centré sur le thème de la vérité et des distances que l’on peut ou non prendre avec elle.
Avec le blog devenu livre de Marie
Dominique Arrighi, le contrat fut on ne peut plus clair. L’entreprise com
mence lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’une récidive de can
cer du sein. Nous sommes en juin 2009. Elle s’achèvera le 19 mars dernier dans une unité de soins palliatifs de l’Hôpital des Diaco
nesses à Paris. Près de neuf mois de textes quotidiens ou presque
«postés» depuis la capitale fran
çaise, la Corse ou différents ser
vices de l’Hôpital SaintLouis. On pourrait tout craindre : la surexposi
tion du mal et le voyeurisme, la mise en scène de la souffrance et une forme de perversité sur inter
net. Or voici que nous sommes, précisément, aux antipodes de tout cela. Et grâce aux mots, au ton, à la distance mise entre le corps, le(s) «crabe(s)» et celle qui nous en
parle. Grâce à l’élégance. Jadis, avant internet, on aurait parlé de style ; de style et de littérature. Et une audience, jour après jour, de dizaines de milliers d’internautes.
Ici et aujourd’hui – et précisément grâce au style – on parlera aussi d’un extraordinaire témoignage dont la lecture enrichira tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, consacrent leur vie à dispenser des soins.
«Rebelote, écrit l’auteure en ouver
ture. Un nouveau cancer. Petit. En fait, pas si petit que ça : il y a des métastases dans les os, dans le poumon, dans le foie. Et puis, plus critique, voilà que sont apparues (…) des métastases cérébrales. Ce K2 surgit près de quatre ans après le premier qui m’a valu de tourner amazone puis d’être reconstruite.
Je vais essayer de raconter au jour le jour cette nouvelle expérience (…). Sourire aussi. Ça m’occupera.
Question 1 : estce que mon nou
veau cancer a un sens ? Finale
ment je pense que oui. Question 2 : estce que ce blog sera ludique ? J’essaierai, mais ce n’est pas garanti à cent pour cent. »
« (…), mais je ne suis pas encore morte.»
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A découvrir sur la plateforme
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pour toute information
1 Arrighi MD. K, histoires de crabe. Jour
nal. SaintPourçainsurSioule : Editions Bleu autour, 2010. ISBN : 978235848
0161. Cet ouvrage a été publié avec le soutien du Conseil régional d’Auvergne et le concours du journal Libération.
Quatre cents pages plus tard, le billet daté du 18 février est intitulé
«Des Diaconesses». La journaliste le dicte par téléphone, comme on le faisait jadis, à un sténographe. Il se termine ainsi : « (…) C’est au pre
mier étage d’une unité de soins pal
liatifs, mais je ne suis pas encore morte. Et tenais à vous le dire, haut et fort.» Entre mille et une autres choses, nous avons, entretemps grâce à cette femme, relu Mars de Fritz Zorn et appris que jamais, au grand jamais, les Corses n’ont fa
briqué de saucissons d’âne. Ces farouches insulaires aiment trop (ont trop besoin de) ces bêtes pour les tuer.
JeanYves Nau jeanyves.nau@gmail.com
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