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Quand les mains parlent: le jeu de sable

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L. Frambati K. Pluchart K. Weber

A. Canuto

introduction

Le jeu de sable est une méthode psychothérapeutique qui se réfère à la psychologie analytique de C. G. Jung. Il s’agit d’une forme de thérapie créative qui utilise l’imaginaire et qui s’adresse à tous les âges, les adolescents comme les adultes ou les per- sonnes plus âgées. Dans le cadre du jeu de sable, l’image spi- rituelle intérieure peut être transformée par les mains en une image externe et concrète, qui ne devient pas seulement visible mais aussi tangible.1

Le jeu de sable, comme outil psychothérapeutique, est utilisé aux Espaces de Soins pour les troubles du Comportement ALimentaire (ESCAL) des Hôpitaux universitaires de Genève.

Cette médiation est considérée comme un facilitateur de mots.

En offrant un outil de jeu, les psychothérapeutes permettent aux patients de «faire» plutôt que de «dire», surtout lorsque les mots ne suffisent pas pour exprimer, d’une manière adéquate, sa propre pro- blématique et sa propre souffrance. C.G. Jung nous explique que «l’individuation n’a d’autre but que de libérer le Soi d’une part, des fausses enveloppes de la Per- sona et d’autre part, de la force suggestive des images inconscientes» (pp. 117-8).2 Le fait d’accompagner les mots par des images permet d’aider les mots à cher- cher leur sens. En effet, le sable est une matière modelable qui peut prendre plu- sieurs formes (sec, mouillé, liquide) et qui permet l’accès à la créativité. Pour Dora Kalff, initiatrice de la technique,3,4 le sable permet la création d’images dans un espace libre et protégé par la relation psychothérapeutique et le bac à sable. Le setting est structuré, l’espace physique du bac délimite le temps et l’espace (dimen- sions du bac 72 x 49,5 cm et 7,5 cm de profondeur, permettant ainsi d’être aperçu dans sa totalité par le champ visuel). Les patients peuvent utiliser leur créativité pour s’exprimer, faire l’expérience du plaisir de faire et de jouer avec les mains.

«Souvent les mains trouveront la clé du mystère sur lequel l’intelligence s’est penchée en vain».5,6

settingthérapeutique

La thérapie par le jeu de sable se pratique en individuel ou en groupe. Au centre de la salle, se trouvent deux bacs : un rempli de sable sec, texture douce When hands are speaking : sandplay

therapy

Sandplay therapy is a technique conceived by Dora Kalff and inspired by the analytical psychology of C.G.Jung. This psychotherapeu- tic approach is used in a treatment program for eating disorders (ESCAL) offered by the University Hospitals of Geneva. Sandplay offers patients the possibility to express their emotions by a creative mean and facilitates the verbal expression of their personal life history within a protected setting, individual or in groups. Sandplay gives access to psycho- therapeutic processes by a creative and playful approach. This article describes the technique, illustrated by a clinical case history.

Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 385-8

Le jeu de sable est une technique de médiation conçue par Mme Dora Kalff et inspirée de la théorie analytique jungienne.

Cette technique psychothérapeutique est appliquée aux Espa­

ces de Soins pour les troubles du Comportement ALimentaire (ESCAL) au sein des Hôpitaux universitaires de Genève. Avec un outil à médiation comme le jeu de sable, les patients ont la possibilité d’exprimer leurs émotions et de faciliter la verbali­

sation de leur vécu individuel ou commun dans un «espace libre et protégé». Le jeu de sable permet d’accéder à travers la créativité et le jeu au processus psychothérapeutique. L’article illustre la technique à travers une vignette clinique.

Quand les mains parlent : le jeu de sable

perspective

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12 février 2014 Laura Frambati et Karinne Pluchart

Psychologues Drs Kerstin Weber et Alessandra Canuto

Espaces de Soins pour les troubles du Comportement ALimentaire (ESCAL) Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise (SPLIC) 15 rue des Pitons, 1205 Genève laura.frambati@hcuge.ch karinne.pluchart@hcuge.ch kerstin.weber@hcuge.ch alessandra.canuto@hcuge.ch

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et délicate, l’autre, rempli de sable mouillé, bac défini sou- vent par les patients comme «le bac du chaos». Une armoire avec des figurines qui peuvent devenir vivantes sous le regard des patients, des feuilles de papier, des crayons de couleur et de la pâte à modeler, s’animant dans les mains des patients, en se transformant en un charmant poulpe (fi- gure 1), en un «soi-même» rouge (figure 2) ou encore en un arbre desséché (figure 3).

Dans les séances individuelles, la consigne est la sui- vante : se raconter d’une manière différente. Après la réalisa- tion de son bac, avec l’aide du psychothérapeute, le patient part à l’exploration de sa création. Le partage du contenu psychique est soutenu par l’image et permet le processus psychothérapeutique. «En se formant, l’image déclenche spontanément un processus psychique doué d’un potentiel thérapeutique» (p. 45).7

En groupe, la consigne est différente : être ensemble. Le groupe se rencontre et il se raconte.

Seuls, en duo ou à plusieurs, les patients utilisent les fi- gurines et le sable pour mettre en scène à l’intérieur des bacs une émotion, une angoisse, un désir, un rêve, un projet, un ressenti…, simplement un vécu personnel. Chaque scène se lie à celle des autres et l’histoire naît. La création rend possible la verbalisation et ensemble, psychothérapeutes et patients explorent les bacs, devenus une histoire com- mune où chacun peut exprimer son vécu et expérimenter ses ressentis en résonance avec le groupe. Cette histoire commune peut parler à chacun et permet ainsi de s’inter- roger sur soi, sur son parcours de vie, ses choix. La dynami-

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Figure 1. Poulpe Figure 2. Personnage Figure 3. Arbre

Figure 4. Production initiale de la patiente Figure 5. Coconstruction par le groupe

que de groupe engendre souvent des questionnements sur les relations interpersonnelles : vais-je donner mon avis ? Vais-je imposer mon avis ? Vais-je pouvoir faire entendre ma voix ? Quel espace pourrais-je occuper dans le bac ? Quel espace vais-je laisser aux autres ? Parmi les membres du groupe, il y a les «motivés», les «hésitants» et les «oppo- sants». Plusieurs patients prennent les choses en main, d’autres ne créent pas mais pourront être très actifs verba- lement lors de l’exploration. C’est alors qu’ils se rencontrent.

Puis, c’est au tour de leurs créations de se rencontrer. Une jeune femme se représente sous la forme d’un bébé enfermé avec de la nourriture (figure 4). Pendant la séance de groupe, les autres patients pensent que si elle accepte de l’aide, elle pourra ouvrir les barrières et se sentir moins seule. A plusieurs, ils l’aident à démonter les étagères et ainsi dimi- nuer le pouvoir que semble exercer la nourriture (figure 5).

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histoire demmez

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Mme Z. a 30 ans et travaille comme employée de bu- reau, mais est actuellement en arrêt de travail. Elle est célibataire et sans enfant. De nature discrète et intro- vertie, elle souffre d’un trouble alimentaire depuis cinq ans. Elle pèse 34 kg et prend dix-sept pilules de laxatif par jour. Pendant les premières séances, Mme Z. trouve difficile la proposition de pouvoir exprimer ses ressen- tis à l’aide du sable. Puis, lors d’une séance de groupe, Mme Z. dépose spontanément un masque dans le bac (figure 6). En regardant sa création, elle dit avoir repré- senté la manière dont elle se perçoit, dont elle perçoit sa vie masquée, ainsi que le poids de ce masque. A l’aide du grou pe, Mme Z. arrive à verbaliser son ressenti, à dé- crire son masque et à comprendre les différentes for mes qu’il peut prendre : elle se considère à la fois comme une adolescente et une adulte (figure 7). Elle rajoute alors des figurines dans sa création, comme des éléments s’ajoutant dans la prise de conscience. En fin de séance, Mme Z. dit se sentir soulagée et remercie le groupe.

La technique de médiation du jeu de sable offre la pos- sibilité aux patients de faire vivre et de déposer dans les bacs ce qui est trop lourd à porter personnellement, et ainsi exprimer des choses qu’ils ne peuvent pas dire.8,9 Une

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Ensuite, la maladie prend la forme de «guerre et de paix» : des soldats qui luttent contre la nourriture. La guerre est représentée par Mme Z. dans le sable mouillé, sable qui re- présente pour elle le chaos et la tourmente. Dans le sable sec, elle dépose des éléments de calme et de paix (figure 9).

Après avoir déposé sa maladie dans le sable, il devient possible pour la patiente de mettre l’image de soi au pre- mier plan. Le jeu de sable permet de «voir le parallèle entre les étapes du processus alchimique et le processus psy- chique de transformation, spécialement d’individuation»

(p. 119).1 Après plusieurs mois de suivi, Mme Z. représente son ressenti lorsqu’elle se voit dans le miroir, les cœurs en- foncés dans le sable pour montrer le désamour qu’elle a envers elle-même (figure 10). Enfin, elle peut se représenter comme une femme et se regarder dans le miroir (figure 11).

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12 février 2014 figu rine qui représente l’adolescente peut être dépositaire d’un vécu trop lourd à verbaliser. La symbolisation du res- senti aide à verbaliser et à décrire le vécu de la personne, à donner une voix et un espace à l’adolescente et à l’adulte, voir les deux facettes de soi-même et pouvoir les mettre en communication. La patiente nous dit que c’est plus sim- ple de traduire une émotion, un ressenti, un état intérieur à l’aide des objets qui racontent son histoire.

expressiond

unesouffrance

Souvent, les patients décrivent leur souffrance par le biais de symptômes, inscrits dans des catégories diagnostiques et universelles. Au travers des créations expressives, nous proposons aux patients un autre langage pour nous parler de leurs souffrances. Cette expression est personnalisée et unique. Elle tient compte de la signification et de la fonc- tion du symptôme, du sens que prend la souffrance dans l’histoire et la vie de l’individu. Simultanément, l’intimité de sa création rejoint l’universalité de la souffrance, et per- met aux membres du groupe de se sentir moins seuls.

Lors de la séance de groupe suivante, Mme Z. nous ra- conte le début de sa maladie comme une rencontre avec une personne : «elle est arrivée sournoise et a pris de plus en plus de place dans ma vie». Elle nous la décrit comme étant devenue sa «meilleure amie». Madame Z. vit la mala- die comme un squelette qui prend le dessus sur sa partie définie comme saine (figure 8).

Figure 6. Masque de Mme Z.

Figure 7. Adolescente et adulte à la fois

Figure 8. La partie maladie affronte la partie saine

Figure 9. La guerre et la paix

Figure 10. Ressenti face au miroir Figure 11. Femme Figure 12. Amour-propre

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Son personnage devient plus neutre mais le miroir a disparu, comme si elle «pouvait s’aimer au-delà de son apparence»

(figure 12).

Puis, Mme Z. dessine et dépose sa balance dans le sable (figure 13). Elle nomme l’envie de vouloir s’en séparer et intitule sa création «je suis venue te dire que je m’en vais».

Au cours de son processus psychothérapeutique, Madame Z.

écrit une lettre d’adieu à son poids (figure 14). Elle souhaite s’éloigner de lui, ne plus apprécier le fait qu’il dirige sa vie, mais qu’il reste un élément important dans son histoire de vie. Elle choisit de déposer cette lettre dans le bac. L’his- toire de Mme Z. illustre comment chaque image représente des étapes du patient dans son parcours thérapeutique et d’individuation.10

conclusion

Le choix d’inclure le jeu de sable comme partie intégrante du programme de soins d’ESCAL permet aux patients de faciliter l’accès à la verbalisation et à la prise de conscience du contenu psychique, en leur offrant l’expérience d’une expression créative, partie fondamentale dans un processus psychothérapeutique. Le jeu de sable permet le processus

interne en donnant accès aux images intérieures chargées d’émotions et de sentiments. Comme les patients le disent, le jeu de sable «donne une image claire de ce qui se passe à l’intérieur de nous», il permet de «visualiser son problè- me», «d’exprimer une idée qui ne peut pas être dite», «une histoire muette qui se raconte dans le sable», «il permet d’utiliser autre chose que des mots et être en lien avec son inconscient». A travers l’explication de la technique du jeu de sable, nous voulons souligner la richesse du matériel clinique apportée par cette technique. Le jeu de sable permet d’élargir et de développer d’autres formes d’ex- pression, d’appréhender l’individu de manière holistique, et d’accompagner le patient dans la verbalisation et la prise de conscience du contenu psychique dans un cadre psy- cho thérapeutique. De façon à ce que, à travers la prise de conscience, le symptôme puisse avoir un sens.

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Figure 13. Balance Figure 14. Lettre d’adieu

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

Le jeu de sable est une technique psychothérapeutique à mé- diation

Le jeu de sable est une proposition de prise en soins pour des patients avec des problèmes d’alexithymie car il facilite l’accompagnement du patient dans le processus de verbalisa- tion des émotions

La technique du jeu de sable est inscrite dans le cadre d’une formation psychothérapeutique d’orientation analytique La technique du jeu de sable prévoit un setting structuré avec les outils nécessaires pour la mise en pratique (les bacs, le sable, les figurines…)

Le jeu de sable est un outil psychothérapeutique qui peut être utilisé avec les patients de tous les âges

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1 ** Ammann R. Sandplay : immagini che curano e trasformano. Milano: La biblioteca di Vivarium, 2000.

2 Jung CG. Dialectique du Moi et de l’inconscient.

Paris : Gallimard, 1964 (Original publié 1933).

3 * Montecchi F. Il cibo-mondo, persecutore minac- cioso. I disturbi del comportamento alimentare dell’in- fanzia e dell’adolescenza. Per comprendere, valutare, curare. Milano : Franco Angeli, 2009.

4 www.catherinefarzat.com/jeudesable/La- therapie-

par-le-jeu-de-sable_a1.html

5 ** Tarantini L. Le quelconque. Cahiers jungiens de psychanalyse, 1992;74:41-9.

6 Mitchell RR, Friedmann HS. Sandplay : Past, present

& future. London : Routledge, 1996.

7 * Garzonio M. Origines et développement du jeu de sable. Cahiers jungiens de psychanalyse 1992;74:50-3.

8 ** Weinrib EL. Immagini del Se’ – Il processo della terapia del Gioco della Sabbia. Trento : Edizioni del faro,

2012.

9 * Rocco P, Sampaolo A. L’analisi con il Gioco della Sabbia. Dall’incontro con Dora Kalff allo svilppo teorico della Sandplay Therapy. Milano : Franco Angeli, 2012.

10 ** Pattis Zoja E. Sandplay Therapy. Treatment of psychopathologies. Einsiedeln : Daimon Verlag, 2004.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

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