• Aucun résultat trouvé

Géologie du Pays de Genève

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Géologie du Pays de Genève"

Copied!
42
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Géologie du Pays de Genève

SCHROEDER, Jean-William

SCHROEDER, Jean-William. Géologie du Pays de Genève. Le Globe, 1958, vol. 97, no. 1, p.

51-87

DOI : 10.3406/globe.1958.3425

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154750

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE par

Jean William Schroeder

Géologue-conseil, Privat-docent à l'Université de Genève.

HISTOIRE ET STRUCTURE GÉOLOGIQUES DU BASSIN GENEVOIS

Nous évoquerons ici successivement:

1° les temps très anciens (le socle, le Primaire et le Secondaire);

2° les temps tertiaires (Molasse);

3° l'évolution sturcturale au cours du Tertiaire;

4° la structure du Pays genevois;

5° la géologie profonde et les traits structuraux majeurs;

6° la topographie préglaciaire;

7° les temps glaciaires et postglaciaires (Quartenaire) ;

8° les traits physiques du Pays de Genève aux temps préhistoriques et leur influence sur l'histoire.

Les temps très anciens (le socle, le Primaire et le Secondaire) Pour comprendre l'aspect actuel du bassin de Genève, il est nécessaire de remonter très loin dans la nuit des temps. C'est à des événements vieux de centaines de millions d'années qu'il faut s'intéresser pour expliquer les traits structuraux fondamentaux de notre pays. C'est en effet avant et durant les temps carbonifères

que se figèrent les dernières structures du socle continental,

granitique et métamorphique prétriasique. Ce socle se voit de Genève par suite de sa forte élévation: il affleure aux Aiguilles Rouges et au massif du Mont-Blanc. Des Aiguilles Rouges jusqu'à la bordure orientale du Massif Central français, dans le Beaujolais, où ce socle affleure à nouveau, le socle est situé à des profondeurs atteignant au moins 3000 mètres sous les régions molassiques et à des

profondeurs moins élevées dans les régions jurassiennes. Les dépôts

carbonifères débutent au Westphalien supérieur dans les Aiguilles Rouges et au Stéphanien dans la partie orientale du Massif Central 1.

Ils nous révèlent que notre pays était couvert à cette époque d'une 1 Le Carbonifère se subdivise en Dinantien, Westphalien et Stéphanien.

(3)

52 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

I végétation de type chaud et humide, tropicale à équatoriale. Les ! débris fossilisés de cette végétation se trouvent dans les dépôts de ï charbon exploités par exemple à Saint-Etienne. Avant l'époque

stéphanienne, une orogenèse (la phase asturienne) avait provoqué de vastes dépressions orientées SW-NE à SSW-NNE, dépressions qui se remplissaient de grès et de conglomérats dérivant de l'érosion des reliefs créés simultanément. C'est ainsi que tous les synclinaux carbonifères de la bordure orientale du Massif Central et celui qui se poursuit de Vallorcine jusqu'à Dorénaz dans le Massif des Aiguilles Rouges ont cette orientation.

Des événements orogéniques bien plus anciens, certains sans doute précambriens, avaient créé des directions N-S à NW-SE, directions qui se trouvent par exemple dans l'orientation des marbres très anciens observés dans le massif des Aiguilles Rouges au nord de Chamonix.

Des fractures parfois extrêmement importantes traversent, certaines de part en part, le Massif central français. Les fractures sont orientées à NNW-SSE à NW-SE. Les deux parties du socle de part et d'autre d'une de ces grandes fractures peuvent se déplacer l'une par rapport à l'autre verticalement ou horizontalement ou selon une composante, depuis l'époque de la formation de la fracture jusqu'aux temps actuels.

Nous verrons au chapitre traitant de la structure comment certains traits structuraux du bassin genevois s'expliquent par la présence de synclinaux remplis de Carbonifère et enchâssés dans le socle ainsi que par des fractures majeures de celui-ci, synclinaux orientés en général NNE à NE et fractures dirigées NNW à NW, c'est-à-dire obliques ou perpendiculaires aux synclinaux.

Au Trias inférieur (grès bigarrés), comme déjà au Permien supérieur, à la fin du Paléozoïque, le climat avait notablement changé et les dépôts (grès rouges) de ces temps nous révèlent un climat désertique chaud. Au Trias moyen et supérieur, des dépôts importants d' anhydrite et de sel dénoncent un régime de lagunes étendues avec evaporation importante. Ces dépôts, quoique

invisibles dans les environs immédiats de Genève, ont une assez grande importance mécanique. C'est grâce à leur grande plasticité que la série de sédiments mésozoïques de 2000 mètres d'épaisseur environ a pu, durant le Tertiaire, s'adapter en se plissant aux déformations et cassures du socle 1.

1 En effet nous mettons en doute les « poussées » issues du géosynclinal alpin.

(4)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENEVE 53 Toute la série mésozoïque, du Lias au Crétacé moyen, est

représentée principalement par des calcaires, des calcaires marneux et à l'Albien par des grès verts glauconieux.

Le climat, durant tout le Mésozoïque, était chaud ; les faunes de mer froide n'ont jamais envahi les mers qui recouvraient ce qui, des dizaines de millions d'années plus tard, allait devenir notre pays.

Ces mers étaient même assez chaudes pour que des récifs coralliens s'établissent principalement durant le Jurassique supérieur. C'est ainsi que la moitié inférieure des parois qui dominent le Coin, au Salève, est due à des calcaires coralliens.

Les temps tertiaires (Molasse)

Après cette assez longue période de dépôts qui dura environ 150 millions d'années se produisit à la fin du Crétacé la phase orogénique appelée révolution laramienne dans la bordure

orientale des Montagnes Rocheuses. Cette phase, importante en Amérique du Nord, ne créa pas chez nous des reliefs importants;

toutefois, elle fut marquée par une emersion généralisée, et le Crétacé supérieur lui-même n'est conservé que très rarement dans les sillons synclinaux. Durant cette emersion, sur les plis actuels, l'Albien fut entièrement enlevé. Le long de certains plis, l'Urgonien lui-même est complètement éliminé, probablement par érosion chimique. Durant cette emersion se constitua un système karstique, lequel fut envahi progressivement durant le Lutétien et l'Eocène supérieur par des dépôts continentaux appelés « Sidérolithiques » (en général des argiles rouges riches en limonite) dans lesquels on peut découvrir les squelettes de petits mammifères fossiles (chauves- souris). L'étude détaillée de ceux-ci a précisément permis de dater le « Sidérolithique », dont les dépôts s'observent le plus souvent dans l'Urgonien et parfois même dans l'Hauterivien.

Avec VOligocène débutent les dépôts attribués d'une façon générale à la Molasse (voir Profil du Sondage de Peissy, fig. 6).

Dans le canton de Genève, les dépôts datés sûrement sont du Stampien supérieur. Le Stampien moyen est peut-être représenté mais le Stampien inférieur n'a jamais été rencontré, ni le Sannoisien ou Lattorfien. Jusqu'à la découverte tout à fait récente de D. Rigassi (1957 a), on ne connaissait pas de dépôts lattorfiens dans le

Genevois, mais cet auteur en prouva paléontologiquement

l'existence dans la bordure des Chaînes du Genevois, dans la région du Pont de Naves.

(5)

54 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

Déjà à l'Eocène, dans l'aire de ce qui allait devenir les chaînes du Genevois, des dépôts marins s'étaient effectués tandis que la région du Salève et du Jura était émergée. Les traces d'une côte

éocène et lattorfienne doivent du reste se trouver quelque part sous le Plateau des Bornes, entre le Salève et les Chaînes du Genevois.

Le climat de l'Oligocène inférieur de l'Alsace a pu être décelé avec grande précision grâce à une faune d'insectes: il était tempéré, chaud (moyenne annuelle: 18°), non désertique. Celui qui régnait dans notre région devait sûrement être le même, sinon plus chaud.

Les dépôts marins lattorfîens (marnes à foraminifères) sont suivis de dépôts attribués au Stampien inférieur (Rupélien); il s'agit de dépôts de type saumâtre plutôt que marin, où les ostra- codes et les écailles de poissons (écailles de Meletta, poisson

apparenté aux sardines !) sont fréquents dans certains niveaux. La côte de la mer rupélienne devait elle aussi se trouver entre les Chaînes du Genevois et le Salève (voir les biseaux dessinés sur le profil de D. Rigassi, fig. 9). La flore fossile trouvée dans les carrières de Bonneville permet, comparée aux espèces vivantes, de se

représenter le climat d'alors. Il devait être tropical (moyenne: 20 à 25°), c'est-à-dire semblable au climat actuel des Antilles, par exemple.

Dans la cuvette genevoise, le Stampien est représenté par les dépôts dits de la Molasse d'eau douce inférieure ou Molasse Rouge.

Des travaux effectués ces dernières années (par J.-W. Schroeder en compagnie de D. Rigassi) ont permis de dater la Molasse avec les seuls fossiles valables, pour des dépôts de ce genre, c'est-à-dire des dents de mammifères. Le Stampien moyen est peut-être

représenté mais le Stampien supérieur l'est sûrement.

On distingue deux formations dans la Molasse genevoise: à la base, la Molasse rouge et, au sommet, les marnes grises gypseuses.

La Molasse rouge ou bigarrée, d'origine lacustre et continentale, est constituée de marnes, de grès mal cimentés micacés, grossiers à fins, dont la couleur est plus souvent gris-verdâtre 1. Les grès s'exfolient facilement, et ils présentent souvent une stratification

entrecroisée dont les pendages induisent parfois les géologues non avertis à imaginer des anticlinaux inexistants ! Les marnes sont le plus souvent grumeleuses, les grumeaux se desquamant en grumeaux toujours plus petits. Les marnes sont généralement micacées, de couleur grise, vert jaunâtre, bariolée, teinte lie de vin ou violette.

1 A la base de la Molasse Rouge on rencontre souvent des calcaires lacustres blancs (= calcaires de Grilly, d'Arbère, du sondage de Peissy, d'Orbre, de Wynau, etc.).

(6)

C5^

^

T3 d

a

474.00 - Orn , 4.73.30 .0.70 Ennui

.10

_20

442.50.31.5C _30

_40

424.00— 50m

_60

.70

_80

.90

374.00-iOOm

\ \ «•i»^ ,v«

& . v "

.a .» a

\u\

374.OO—1WU

_10

— _20

_30

_40

— 324.00.150m

— _60

_70

— _80

- _90

- 274.oo.200m

i

tItItIt:

....

....

• • • 1 12 'I'l'

. . . • ,* * . *.

. . . « »

• • •

— _ _ —

. _._ — ...

— — —

• • #

:7:::::

. . . .

• • . .

""— TJ.TU.T

• * . . * • ...

274.00.200m Ib

.20

_30

_40

224.00.250m

_60

A A A A A A

III I ITT

70

80

— - g T~-

_

■ _— _-

>

.-_

1 1 • a

• , • 1 1 • • *

• m i -7

_90 293.63m 180.37

Terre végétale J Marnes K»~*l Moraine de fond

Grès

— j Grès marneux

1 Marnes gréseuses

^^_ ou sableuses

^H Argile Brèche

Conglomérat (Poudingue) Calcaire

|b ^Bitume

(7)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 55 La base des bancs de grès au contact des marnes, lesquelles montrent parfois des phénomènes de ravinement, est souvent gros- sièrement gréseuse et contient des galets de marnes: ce sont là les niveaux dans lesquels il faut rechercher les restes de mammifères.

Les restes de végétaux trouvés dans la Molasse stampienne démontrent un climat tropical chaud.

La partie supérieure du Stampien supérieur est représentée par les marnes grises à gypse. Ces marnes sont bien stratifiées, en petits lits alternant avec de petits niveaux gréseux (on ne peut parler pour cette subdivision d'un faciès molassique !).

Le passage de la molasse rouge aux marnes gypseuses est souvent souligné par la présence de quelques minces niveaux de calcaires lacustres. Les marnes à gypse contiennent des ostracodes visibles à l'œil nu, et le gypse peut parfois former des niveaux de plusieurs centimètres d'épaisseur, surtout à la base de la formation.

C'est dans la partie inférieure de la Molasse rouge que l'on ren- contre les affleurements de grès bitumineux (Roulavaz, Allondon, Versoix, Pont des Douattes, etc.). Il s'agit de vestiges de grès pétrolifères, lessivés par les eaux de surface et oxydés. Ils dénoncent l'indubitable existence d'hydrocarbures ailleurs dans le bassin genevois. L'origine de ces hydrocarbures est diversement inter- prétée. Pour les uns, PARÉ.JAS et LAGOTALA par exemple, les grès bitumineux seraient primaires, opinion qui paraît difficilement défendable. Pour d'autres, le pétrole provient des niveaux du Stampien inférieur de la zone subalpine, et aurait migré vers l'exté- rieur du bassin molassique.

L' Aquitanien, lui, est surtout constitué par des grès débutant massivement au-dessus des niveaux des marnes grises gypseuses;

on l'observe avec certitude seulement dans la partie située au sud_

du Mont-de-Sion. Dans la cuvette genevoise, son -existence n'est pas encore prouvée. Seul un affleurement à Machamp, au NW de Présilly, pourrait éventuellement être attribué à cet étage. En outre, des constructions géométriques de profils tectoniques nous autorisent à en supposer l'existence en profondeur dans la partie méridionale du canton. ·

Les dépôts du Stampien et de l'Aquitanien de la bordure des Alpes suisses et bavaroises sont des dépôts conglomératiques et gréseux dont le matériel dérive de l'érosion vigoureuse des Alpes naissantes. Ces Alpes étaient alors fort différentes de ce qu'elles sont maintenant, plus éloignées sans doute de notre région. Et, surtout, elles étaient formées de roches dont on ne retrouve guère de couches en place. C'est l'érosion de ces Alpes naissantes qui a

(8)

56 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

Tableau de l'Histoire géologique du pays genevois.

QUATERNAIRE Pleistocene

TERTIAIRE ou Génozoïque

SECONDAIRE

ou Mésozoïque

PRIMAIRE

ou Paléozoïque

Pliocène

Miocène supérieur ou pontien . . . Miocène inférieur

et MOYEN ....

Aquitanien ....

& Stampien supérieur 'S Stampien moyen . o q Stampien inférieur .

Lattorflen »...

Eocène

Paléocène ....

Crétacé supérieur Barrémien

(Urgonien) . .

Crétacé inférieur f Malm.

Jurassique-! Dogger [Lias Trias

Permien Pu'

g Stéphanien .... m (Westphalien) . .

■<

a

dévonien Silurien Cambrien Précambrien

Temps glaciaires (Voir tableau page 70) Erosion ? Ajustements finals

Paroxysme orogénique et mise en place des Préalpes par gravité

(Pénéplaine prépontienne) Absents

Molasse

Jura-Salève : Absents

Dépôts

sidérolithiques Karstiflcation

Chaînes du Genevois : Dépôts marins et

saumâtres Emersion Emersion laramienne

Détruit par l'émersion laramienne Calcaires organogènes karstiflés en

partie par emersion pré-albienne et laramienne

Dépôts marins (calcaires, calcaires coralliens, calcaires marneux, échinodermi-

ques, etc.)

Gypse, Anhydrite, Sel

Dépôts continentaux et schistes bitumineux à poissons

Dépôts houillers (grès, conglomérats, charbon) (dans synclinaux de

direction varisque) Absents

Socle granitique et métamorphique (Massif Central, Vosges, Aiguilles Rouges)

(9)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 57 fourni la majeure partie du matériel constituant la Molasse chat- tienne et aquitanienne.

Les sédiments oligocènes de la région genevoise ne sont surmontés par aucun autre dépôt d'âge tertiaire. Dans le reste de la Suisse, cependant, tous les étages du Miocène sont représentés.

La Molasse burdigalienne (Miocène inférieur) ne se rencontre au NE que dans le Jorat et au S d'une ligne droite Le Vuache-Annecy où elle remplit la dépression synclinale de Rumilly-en-Genevois, entre la Montagne de Lovagny et le Gros Foug. Cette molasse burdigalienne (grès calcaires marins) provoque une topographie particulière en collines nombreuses irrégulières aux flancs parfois assez raides. Nous tenterons plus loin d'expliquer cette distribution particulière.

Evolution structurale au cours du Tertiaire

Entre la Molasse oligocène genevoise et les dépôts glaciaires, aucun dépôt n'est connu actuellement et pourtant une vingtaine de millions d'années se sont écoulées.

Entre l'Oligocène et le Pleistocene (Quaternaire) se produisirent les événements orogéniques auxquels les Alpes et le Jura doivent leur existence. Il est difficile, dans le bassin genevois, d'étudier ces événements. On n'en voit que le résultat final, mais il faut dire aussi que leur étude n'a pas progressé aussi facilement qu'elle aurait dû. Il nous faut donc aller ailleurs, spécialement dans le Jura, pour connaître ces importants événements.

Rappelons qu'à la fin du Crétacé supérieur eut lieu une emersion qui semble s'être prolongée chez nous pour le moins jusqu'au Stampien moyen. Des failles avaient déjà découpé notre pays avant l'Eocène, preuves en soient les failles longitudinales du Salève (faille de la Petite Gorge, par exemple), qui sont remplies de Sidéro- lithique (Eocène continental). A l'Eocène et à l'Oligocène inférieur une mer s'étendait à l'est dans le domaine des Chaînes du Genevois;

cette mer bordait notre contrée émergée, laquelle était limitée très au nord par la mer intérieure du fossé rhénan et à l'ouest par une fosse occupant la plaine bressane d'aujourd'hui. Le Jura lui-même est encore émergé au Stampien (Molasse rouge) alors que la molasse lacustre et continentale stampienne se dépose de la première chaîne du Jura, ou plus précisément du faisceau helvétique, aux Chaînes du Genevois. On suppose que, durant l'Aquitanien et à la fin de celui-ci, une des grandes failles orientées NW qui affectent le socle, celle de Vuache-Annecy (décrochement de Sillingy), a réussi à

(10)

58 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

soulever de quelques dizaines de mètres le compartiment septentrional par rapport au pays situé au sud, suffisamment pour

empêcher, par la suite, la mer burdigalienne, peu profonde, de s'étendre au nord de cette faille et de déposer ses grès marins.

A la fin du Miocène moyen (Helvétien et Tortonien), le Jura septentrional formait un glacis émergé qui descendait des Vosges vers le sud jusqu'à la limite de la mer miocène. Le réseau

hydrographique jurassien se déverse dans le bras de mer vindobonien qui occupe ce qui deviendra le Plateau suisse (Glangeaud, 1949).

La coupure d'érosion de Monnetier date peut-être de cette époque.

Le bâti jurassien, auquel nous adjoignons la région genevoise, ne formait sans doute pas alors de relief important par suite de l'érosion à laquelle il avait été soumis durant l'Oligocène et en partie durant le Miocène inférieur et moyen; c'est alors que se constitua la

pénéplaine prépontienne. Rappelons que ce bâti avait été auparavant (à l'Eocène et à l'Oligocène) « faille », et que des blocs surélevés avaient préfiguré l'emplacement des futures structures.

Nous sommes à peine à une dizaine de millions d'années des temps actuels. Nous ne savons pas si les Préalpes avaient déjà pris leur position dans le Chablais, mais d'après ce qu'on sait ailleurs il

est probable qu'elles n'étaient pas encore en place.

Le tout grand événement orogénique qui modèle la région

genevoise devrait s'être produit, comme dans le Jura, à la fin du Pontien (ailleurs, on distingue même deux phases orogéniques mio-pliocènes).

Certes, une fois les plis simples ou les plis-failles formés le long de failles préexistantes, ceux-ci subissent encore plus tard des ajustements locaux; des déformations à large rayon de courbure et des structures collapsées se produisent encore durant le Pliocène, mais l'essentiel du phénomène orogénique semble bien avoir eu lieu

au Pontien. Un renversement du drainage a du reste immédiatement accompagné ce plissement.

Les Préalpes se sont-elles mises en place durant cette phase orogénique ? C'est vraisemblable, quoique difficile à prouver. En Suisse alémanique, en effet, sur le pourtour subalpin, les Alpes sont charriées contre des conglomérats miocènes qui, depuis leur dépôt, avaient été soumis à une érosion (charriage épiglyp tique).

La mise en place des Chaînes du Genevois (massif des Bornes) paraît être postérieure à celle des Préalpes; en effet, tout se passe comme si ce massif semblait avoir été gêné dans son développement par la présence dans le Chablais de la masse inerte des Préalpes.

Si, chez nous, on ne rencontre pas de dépôts d'âge pliocène, c'est sans doute que notre pays était désormais soumis à une

(11)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 59 érosion, tandis qu'ailleurs, en Bresse par exemple, un lac pliocène se comblait. Les sédiments de ce dernier sont encore actuellement rigoureusement horizontaux.

Avant de voir les traces de ces érosions et avant d'arriver aux temps quaternaires avec leurs dépôts glaciaires, c'est le lieu de tenter une esquisse structurale géologique du Pays genevois.

Signalons (Glangeaud, 1949, p. 687) pour les amateurs de chiffres que l'énergie mécanique dissipée dans la formation de tout le Jura correspond, d'après les calculs de Goguel, à 55 . 1059 kgm.

Or, l'énergie calorifique et mécanique dissipée dans la formation d'un volcan comme le Mont-Dore est égale à environ 1020 kgm d'après les calculs de Noetzlin. L'énergie nécessaire à la formation du Jura serait donc de l'ordre de grandeur de celle dissipée par les volcans d'Auvergne.

Structure du Pays genevois

La carte géologique (fig. 7) et le profil géologique (fig. 9) esquissent les grandes lignes de la géologie de notre pays.

De Genève, on distingue à l'ouest la ligne bleue du Jura

prolongée dans la morphologie au sud-ouest par le Vuache et le Mont- de-Sion qui barre notre vue vers le Sud. La paroi du Salève flanque durement vers le SE le bassin de Genève compris entre celui-ci et le Jura. Le Salève plongeant au NE ne gêne plus notre vue vers l'est et, grâce à cette disposition, nous voyons tout d'abord les Chaînes du Genevois: le Brezon et le splendide demi-cylindre oblique de la chaîne du Jallouvre, puis, négligeant des arrière-plans, les Préalpes au sens géologique du terme: le Môle, le Pic Marcelly, les Brasses; enfin, couverts de forêts sombres, les Voirons. Ceux-ci limitent vers l'est le bassin genevois; celui-ci s'ouvre vers le nord

et le lac Léman en remplit la partie la plus profonde.

Les unités structurales géologiques du Pays genevois sont donc les suivantes:

1° le Jura;

2° le Vuache;

3° le Mont-de-Sion ;

4° le Bassin molassique genevois;

5° le Salève;

6° la Molasse subalpine;

7° les Chaînes du Genevois;

8° les Préalpes.

(12)

60 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

La troisième unité a toujours été considérée jusqu'ici comme une accumulation de matériel morainique attribué à une moraine frontale du glacier rhodanien. Le Jura, le Salève, la Molasse

genevoise et subalpine font partie d'une plus grande unité, laquelle se distingue aisément des Chaînes du Genevois. Enfin, les Préalpes du Chablais constituent un complexe géologique bien individualisé.

Dans les lignes qui suivent, nous esquisserons les causes géologiques de la morphologie de ces diverses unités.

Le Jura vu de Genève n'est, géologiquement, que la première chaîne du Jura qui en compte de nombreuses. C'est un gros

anticlinal déversé et chevauchant vers le NW et dont le flanc Est plonge régulièrement sous la Molasse genevoise. La série méso- zoïque y est complète du Lias supérieur à l'Urgonien. Le point culminant, le Reculet, correspond à une culmination axiale du pli (Paré j as et Lagotala, 1923). Une faille transverse importante de direction NW limite le Reculet au sud et est marquée dans la morphologie par une coupure et une combe. Une autre faille de même type limite le Colombier de Gex vers le nord et est la cause de la coupure qu'on distingue bien de Genève et qui raye de haut en bas le flanc de la chaîne au haut de la combe du Journan. Ce premier anticlinal est relativement très peu entamé par l'érosion comme s'il était fraîchement sorti de sa carapace molassique. En outre, dans les détails morphologiques, tout se passe comme si l'anticlinal

avait subi une seconde érection relativement récente.

Dans le Vuache, qui fait suite morphologiquement à la première chaîne du Jura, les couches plongent de même contre le bassin molassique, mais le Vuache n'est pas un anticlinal. Cette montagne est limitée au SW par une faille rectiligne de direction NW, laquelle se suit du Vuache à Annecy. La lèvre orientale de cette faille est surélevée et le Vuache vu de l'ouest présente un escarpement de faille typique (fault-scarp). Cette faille est en réalité, pensons-nous, aussi un décrochement (décrochement de Sillingy) dont le

compartiment septentrional s'est déplacé horizontalement de dix kilomètres vers le NW par rapport au compartiment méridional. C'est ainsi que la Montagne de la Balme serait en fait le prolongement de la Montagne du Semnoz. La Montagne de Lovagny est une

culmination axiale, dans le compartiment méridional, d'un axe anticlinal (anticlinal d'Humilly) situé entre le Vuache et le Salève. Le prolongement de la Montagne de la Balme par la Montagne de Lovagny

n'est donc qu'un trompe-l'œil structural.

Enfin le Mont de Musièges, situé au sud du décrochement, est l'extrémité plongeante (périclinal) vers le sud d'un anticlinal. Il

(13)

fco ,K

EVIAN S*CLAUDE

/ t * , — ^ pep f Colombier de Gex / GEX —A' 1689 m —/

Pointe^de Targaillan Xx|\\f<"77

^ gJWve//

^— Ài621rrT (

\— Fort de l'E

^ • • • • •

~J • • • • • •

ESQUISSE GÉOLOGIQUE GÉNÉRALE DU PAYS DE GENÈVE Echelle

d'après la carte géologique générale de la suisse au 1:200.000, FEUILLE GENÈVE-LAUSANNE Ohm 5 km 10 km

JURA, S ALEVE. SUBALPIN.

(Trias, Jurassique, Crétacé, Tertiaire inférieur) PREALPIN

(Terrains mésozoïques et cénozoïques divers) MOLASSE

(Tertiaire moyen et supérieur) QUATERNAIRE

FAILLES PRINCIPALES CHEVAUCHEMENTS

Fig. 7

(14)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 61 n'a rien à faire avec le Vuache; on peut supposer tout simplement qu'il s'agit de la terminaison périclinale méridionale du premier pli du Jura lui-même.

Le Salève et le Semnoz appartiendraient ainsi au même axe anticlinal, et la Molasse subalpine comprise entre le Salève et les Chaînes du Genevois se prolonge au sud du décrochement par la molasse du synclinal qui flanque à l'est le pli du Semnoz.

Le Salève est un pli « anticlinal», orienté en gros NE, long de 28 kilomètres, au flanc ouest vivement redressé et dont le flanc oriental plonge sous la molasse subalpine du plateau des Bornes.

La paroi sévère et bien sculptée qui regarde Genève est donc due au fait que le flanc vertical n'est conservé que partiellement (parois au-dessus de Veyrier, parties des Varappes au-dessus des Sources, paroi en dessous de la Tuile). En conséquence, les couches du flanc normal apparaissent régulièrement étagées. D'importantes failles transversales ou décrochements découpent l'anticlinal du Salève, comme un tronc est découpé en billes. Les trois décrochements septentrionaux sont celui de Cruseilles, celui de Pomier et celui du Coin. Chacun de ces décrochements décale vers l'ouest le

compartiment septentrional. Le décrochement de Cruseilles se retrouve peut-être dans la faille du Reculet tandis que celui du Coin se prolongerait à travers le bassin molassique genevois jusqu'à la faille

au nord du Colombier de Gex. Ces accidents sont en effet exactement dans le prolongement l'un de l'autre.

Au Salève, les deux décrochements de Pomier et du Coin provoquent la formation, avec le reste de la chaîne, d'un angle rentrant.

Le côté du tronçon septentrional fait face au midi et ce coin est protégé des vents froids du nord. Cette disposition particulière est cause de la présence, dans ces rentrants, de colonies de plantes d'origine méridionale (J. Favre, 1914).

J. Favre (1934, p. 323) a fort bien résumé les rapports de la morphologie avec la structure: «Les détails de la topographie du Grand Salève sont en remarquable harmonie avec les accidents tectoniques. Parmi les ravins très escarpés qui découpent la façade abrupte de cette montagne, les deux plus considérables, la Grande et la Petite Gorge, se sont formés au croisement de la faille longitudinale de la Petite Gorge et de petites failles perpendiculaires à faible rejet. La gorge de la Mule suit aussi le tracé d'une petite dislocation transversale tandis que les ravins moins importants, comme la Grande et la [Petite Varappe, sont dûs à de simples fissures béantes et comblées par un filon de calcite.

(15)

62 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

» Par contre, point de fracture transversale dans l'axe du vallon de Monnetier qui sépare le Petit Salève du Grand. »

L'origine de ce vallon est due à une érosion très ancienne d'un cours d'eau qui n'a pas laissé d'autres traces. Les auteurs pensent qu'il s'agit de l'Arve, malheureusement elle n'y a laissé aucune carte de visite qui permette de lui attribuer incontestablement cette coupure.

Le Salève s'enfonce axialement au NE ; ce plongement est

admirablement visible de Genève dans les parois du Petit Salève. A Etrembières, l'Arve, en l'entourant, longe cette structure

plongeante.

Entre le Salève et le Jura, le Bassin genevois est occupé par l'extrémité méridionale du bassin molassique périalpin; trois alignements SW-NE de collines molassiques l'accidentent: /. Chal- lex - D ardagny - Peissy - Choully - Bourdigny - Prévessin - Ornex - Bossy, //. Colline du Fort de Sainte-Catherine (à l'est de Viry) Bernex- Pregny-Chambésy. Le troisième alignement est indiqué seulement par le coteau de Cologny.

Les auteurs (Heim Arn. und Ad. Hartmann, 1919; Paréjas, 1938, a et b) attribuent le premier alignement à un pli anticlinal.

Cependant, les faits suivants nous engagent à ne pas les suivre:

aucun synclinal n'existe entre le Jura et cet alignement de coteaux;

on ne trouve jamais de marnes grises gypseuses plongeant contre le Jura sur le flanc NW de ces coteaux; et enfin les pendages observés dans la Molasse rouge ne révèlent pas du tout l'existence d'un pli jalonné par ce premier alignement.

Le second alignement, lui, jalonne vraiment un axe anticlinal.

La colline du Fort de Sainte-Catherine est située sur le flanc oriental en marnes grises gypseuses d'un anticlinal, celui d'Humilly, orienté Nord-Sud (et non WSW comme l'indique Paréjas, 1938, a et 6), dont les pendages au secteur E et W sont observables dans les ravins de la région d'Humilly. Cette structure est également repé- rable au nord de la vallée des Usses. La colline de Bernex, en marnes grises gypseuses plongeant au secteur oriental, est l'homologue de la colline de Sainte-Catherine, mais sans doute décalée au NW par le décrochement de Cruseilles qui passe approximativement par la vallée morte Soral/Eau-Morte. Cet axe, que nous appelons axe des

Teppes Duclos, au nord du décrochement, est donc marqué par l'importante structure d'allure monoclinale dont on observe le flanc au coteau de Bernex et qui paraît plonger au nord vers Onex et Loëx. Il est possible que le coteau de Pregny soit pareillement dû à un anticlinal, peut-être faille sur son flanc ouest.

(16)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 63 Enfin le coteau de Cologny est dû lui aussi à une structure anti- clinale plongeant au sud dans la région de Frontenex et dont le flanc oriental est couvert de marnes grises gypseuses mais dont le flanc ouest est probablement accompagné d'un accident (faille longitudinale).

Entre le premier et le second alignement, on observe le synclinal que nous appelons de Valleiry; celui-ci se prolonge vers le NE par le sillon de Montfleury (voir plus bas, sous Topographie

préglaciaire) lequel occupe donc une dépression synclinale ou souligne une dislocation courant sur le flanc ouest de la structure des Teppes Duclos et de Pregny.

Entre Pregny et Cologny, le Petit Lac occupe une dépression synclinale, laquelle est peut-être rejointe au-delà de la Versoix par le synclinal de Valleiry, la structure de Pregny montrant quelques indices d'un plongement axial vers le NE. Le synclinal du Petit Lac se prolonge vers le SW par la plaine de l'Aire et il flanque à l'est le pli des Teppes Duclos (Bernex) ainsi que celui d'Humilly; on le retrouve dans la vallée des Usses. Il est alors séparé du pli du

Salève par un nouvel anticlinal, celui de Gulong, très bien observable dans la vallée des Usses.

L'axe anticlinal du Salève se poursuit en pays molassique par les hauteurs de Jussy; des affleurements de Molasse rouge et de marnes grises dans la région de Presinge nous autorisent à le supposer. Un synclinal existerait donc sous la vallée de la Seymaz.

Celui-ci se confond au sud, par plongement axial sud de l'anticlinal de Cologny, avec celui du Petit Lac (voir fig. 8).

Vers le nord-est, on aperçoit de Genève les hauteurs molassiques du coteau de Boisy ou de Ballaison, la dislocation profonde à laquelle est dû le Salève est sans doute aussi responsable de cette importante eminence.

Cette revue des structures du bassin genevois nous a montré que le sous-sol rocheux de notre canton est constitué par de la molasse et que les coteaux genevois les plus marquants sont des éminences molassiques dont le flanc oriental est couvert de marnes grises gypsifères plongeant au secteur est. Ces coteaux sont dus à des anticlinaux sauf pour le premier alignement cité plus haut, qui serait dû simplement à une «cuesta»1 de molasse dont les couches plongent au secteur est et dont la tranche est tournée vers le Jura.

Le Petit Lac, la plaine de l'Aire, la vallée de la Seymaz sont dues à des dépressions tectoniques. Le Journan, le cours supérieur

1 Guesta = Crête marquée par un banc rocheux résistant.

(17)

64 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

«■^1 _ Pierre duNiton: 376,86 ( ancienne valeur )

Fig. 8.

Esquisse bathymétrique du Petit Lac

d'après la «Carte du lac Léman» de J. Hôrnlimann et A. Delebecque (1886-1889), au 1: 50.000. '

(18)

•S? 5 I

I 1

11 Les Annes '*

•I 5

-1200m

0 1 10 Km

D'après

Cristallin Houiller?

735I-57

^rrrr-r^ Trias Jurassique

Crétacé

Priabonien-Rupélien

Molasse rouge inf.

H Chattier» sup.

Aquitanien Burdigalien

Fig. 9.

Profil géologique au travers du Pays de Genève d'après Danilo Rigassi.

(19)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 65 de la Versoix, celui de FAllondon coulent dans la gouttière entre la cuesta molassique et le flanc calcaire dur du Jura. Les autres rivières et ruisseaux, le Rhône lui-même ont leur cours en général dicté par la morphologie des dépôts quaternaires abandonnés par le dernier glacier qui occupa le bassin genevois.

La structure de la zone molassique subalpine n'est pas encore bien élucidée; des dépôts glaciaires abondants jouent un rôle morphologique majeur dans le plateau des Bornes. Un vaste synclinal semble la parcourir. En outre, son bord oriental est probablement affecté par un chevauchement majeur.

Les Chaînes du Genevois ont une stratigraphie différente de celle du Salève et du Jura; les séries y sont plus épaisses, et certains étages ou groupes d'étages (Malm, Urgo-Aptien) constituent

des parois massives, importantes, qui confèrent leur cachet à ces montagnes, lesquelles se rattachent géologiquement aux Hautes Alpes calcaires.

Enfin les Préalpes du Chablais sont formées de nappes de

recouvrement — Nappe des Préalpes médianes (le Môle et les Brasses), Nappe de la Brèche (Pic Marcelly, Roc d'Enfer) — dont les

sédiments ne se sont pas déposés dans l'aire chablaisienne mais proviennent du « géosynclinal » alpin qui les a déversés ensuite sur l'avant-pays lors du paroxysme orogénique mio-pliocène. Dans ces nappes, la lithologie des divers étages stratigraphiques est toute différente de celle du Jura, du Salève ou des Chaînes du Genevois.

C'est pourquoi leur aspect est si particulier.

La masse supérieure des Voirons et le Vouan sont constitués par des grès et des conglomérats dont les couches plongent à l'est et dont la tranche domine la zone molassique.

La géologie profonde et les traits structuraux majeurs

Nous avons parlé plus haut de la présence probable dans le socle pré-triasique sous-jacent de synclinaux carbonifères orientés SW-NE et de failles qui leur sont obliques ou perpendiculaires.

Si l'influence de tels accidents ne peut être décelée dès maintenant dans les Chaînes du Genevois, lesquelles affrontent probablement la zone molassique subalpine par un important

chevauchement, il est toutefois probable qu'un tel chevauchement, s'il existe, est dû à un important accident du socle.

Les Préalpes du Chablais ne peuvent refléter des structures profondes puisqu'elles reposent mécaniquement sur la zone molas-

(20)

DO JEAN-WILLIAM SCHROEDER

sique subalpine et qu'elles sont de ce fait indépendantes de leur soubassement actuel.

Le Jura, la cuvette genevoise et le Salève présentent en revanche d'importants traits structuraux qui, dans notre opinion, reflètent une structure profonde. Le bassin molassique entre le Jura et le

Fig. 10.

Carte du séisme de Haute-Savoie du 17 avril 1936 d'après J.-P. Rothé in E. Rothé, 1942.

Ch = Chaumont Sa = Savigny

Mi = Minzier Va = Vanzy

Salève peut fort bien être l'image en surface d'un synclinal de Houiller enchâssé dans le socle, analogue à celui de Saint-Etienne dont le côté sud-est est limité par une faille qui fait buter

brutalement le socle pré-houiller granitique et métamorphique contre les couches carbonifères. Le Salève est dans une position semblable, par rapport au bassin molassique, à la faille limite du bassin de Saint-Etienne par rapport au Houiller, et l'accident auquel il serait dû serait une « faille limite » avec surélévation du socle dans le

(21)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 67 compartiment oriental. Cette opinion est bien exprimée

graphiquement sur le profil dressé par notre ancien collaborateur D. Rigassi (fîg. 9) avec qui nous avons longuement débattu ces problèmes.

Deux décrochements importants recoupent le Pays de Genève:

celui de Sillingy déjà étudié à propos du Vuache et celui de Saint- Cergue-Morez auquel est due la dépression du col de Saint-Cergue.

Les auteurs s'accordent maintenant (Falconnier, Aubert, Glan- geaud) pour reconnaître dans ces accidents transverses des

accidents très anciens. Gomme les Aiguilles Rouges, les Vosges et le Massif central, où le socle est à nu et facile à étudier, sont parcourus de failles et de décrochements de première grandeur, nous ne voyons pas pourquoi de telles failles seraient confinées aux parties mises à nu du socle continental seulement. Il est donc tout à fait

raisonnable d'admettre que de telles failles accidentent le socle sous- jacent à nos pays jurassiens et molassiques. C'est pourquoi nous pensons que les grandes structures de surface sont dues à des fractures du socle, fractures qui se font sentir faiblement au cours du Mésozoïque, plus fortement à l'Oligocène et enfin de nouveau lors du paroxysme orogénique mio-pliocène. Il est probable que les décrochements du Salève sont dus pareillement à des cassures NW-SE du socle.

Ces grandes failles jouent un rôle aussi important que les

directions varisques (SW-NE) du socle et on leur doit des mouvements récents. C'est ainsi que le tremblement de terre (fîg. n° 10) qui a affecté en 1936 la région de Seyssel-Le Vuache est probablement dû à une réactivation du décrochement de Sillingy (voir p. 60).

Topographie préglaciaire

Avant les temps glaciaires du Pleistocene, la Molasse a été profondément érodée. C'est à la suite du creusement de puits et de sondages que ce fait a pu être mis en évidence. Nous verrons plus loin l'importance économique de ce phénomène. L'époque exacte de cette érosion est impossible à préciser dans notre région; elle est en tout cas post-burdigalienne et pré-rissienne, c'est tout ce qu'on peut dire avec certitude. Toutefois, on peut supposer sans risque de se tromper que cette érosion est très récente, de la fin du Tertiaire (Pliocène) ou du début du Quaternaire.

Pour Joukowsky, la vie des cours d'eau préglaciaires à lit molassique a dû avoir une durée énorme. Les vallées préglaciaires ont naturellement été remplies de fortes épaisseurs de dépôts quaternaires, elles ne se trouvent pas nécessairement sur la même verti-

(22)

68 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

cale que les cours actuels et peuvent même s'en écarter beaucoup (Joukowsky, 1941, p. 27). Des sillons comme celui de Montfleury existent sous une topographie qui n'en révèle pas du tout

l'existence (Poldini, 1957). Les anciens sillons ou anciennes vallées suivants ont été reconnus jusqu'à présent: celui de Montfleury, qui, partant de Peney et passant par Montfleury, se dirige en

direction NE entre Meyrin et Cointrin jusqu'à Richelien sur la Versoix.

Un second sillon important part de la Jonction pour s'étendre jusqu'à la Plaine. Une troisième vallée pré-rissienne est celle de Vessy-Soral-Chancy. Celle-ci est très vaste et de grande importance économique.

Un sillon pré-rissien a été reconnu en outre dans le bassin de la Versoix, orienté ESE, un autre serait jalonné par le cours inférieur de l'Allondon. Enfin une cuvette a également existé sur

l'emplacement du Petit Lac avant les temps rissiens (Meyer de Stadel- hofen, Gagnebin, Jayet, 1937). Un autre sillon est également probable à Divonne entre le Jura et le coteau de Bossy ainsi qu'à Corsier-Hermance.

Les bords de telles vallées ou canons ont été reconnus dans le Vengeron puis dans la Versoix, au Martinet de la Bâtie et enfin en creusant les fondations pour la pile ouest du Pont Butin, et sur la rive gauche de la Roulavaz.

C'est donc un paysage modelé dans de la Molasse que les glaciers ont empâté avec leurs divers dépôts morainiques et

fluvioglaciaires, masquant tout un réseau de vallées à pente douce proche de la maturité ou parfois même de gorges, c'est-à-dire une

topographie bien différente de l'actuelle. Nous sommes à l'aube des Temps quaternaires ; ailleurs, nos ancêtres armés de « coups de poing » chelléens avaient fait leur apparition.

Cette morphologie pré-rissienne devait fort ressembler à la morphologie actuelle des vallées de l'Aar et de la Sarine dans les segments de leur cours où ces rivières se sont creusé des canons dans la Molasse du Plateau.

Temps glaciaires et postglaciaires (Quaternaire)

La période glaciaire qui précède le xxe siècle de quelques dizaines de milliers d'années seulement est extrêmement importante, non seulement parce que les hommes de la Préhistoire en subirent les conséquences, mais aussi parce qu'on lui doit, en tant qu'avant- dernier phénomène géologique, l'avant-dernière touche à laquelle le paysage actuel doit son aspect.

(23)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 69 En outre, on est redevable au phénomène glaciaire des nappes de graviers, dans lesquels nous allons rechercher des nappes

phréatiques pour notre alimentation en eau potable.

Les dépôts glaciaires reposent sur la Molasse qui fut érodée, comme nous venons de le voir, antérieurement à leur dépôt.

Des savants, venus d'ailleurs, n'ont pas hésité à admettre plusieurs glaciations dans le bassin lémanique. Des traces d'au moins quatre glaciations (Giïnz, Mindel, Riss et Wiirm) ont été reconnues par ces auteurs. Pour certains, des terrasses d'érosion datent du Giinz. Beaucoup de bévues semblent avoir été commises dans ce domaine. Heureusement, on doit à deux auteurs genevois, Et. Joukowsky surtout puis Ad. Jayet, des observations et des déductions tout à fait pertinentes, qui mettent en pièce les théories d'autres savants.

Joukowsky, dans: Sur quelques postulats de la glaciologie quaternaire, met en doute l'existence des quatre glaciations de Penk et Bruckner. « II est regrettable que ce petit écrit, quelque peu

révolutionnaire, n'ait pas été lu davantage, médité même, car il incite à reconsidérer les faits avec plus de liberté d'esprit et il pourrait heureusement contribuer à sortir de cette phase de confusion fâcheuse dans laquelle se trouvent actuellement les études glaciologiques du Quaternaire.» (Favre, J., Biographie de Et. Joukowsky, 1948).

Le profil simplifié (fig. 11) du puits de Montfleury, dont la coupe originale est encore inédite, donne une bonne idée des dépôts quaternaires genevois.

Jayet, comme Joukowsky, admet, avec raison pensons-nous, l'existence de deux glaciations seulement : celle de Riss et de Wiïrm.

Ces deux auteurs sont arrivés à la certitude de l'absence des deux premières glaciations.

Le tableau synoptique des dépôts pleistocenes genevois et des périodes préhistoriques peut être dressé comme suit (voir p. 70).

Cette succession est en repos sur un relief en molasse oligocène, antérieurement plissé et érodé.

Un glacier a donc envahi par deux fois la région genevoise.

D'après le matériel qu'il déposa, on sait qu'il ne peut s'agir que du glacier du Rhône, auquel se joignait celui de l'Arve.

Ce glacier remplissait toute la cuvette genevoise. Pour se

représenter la contrée aux temps où y stationnait le glacier wurmien, il suffit d'avoir vu une fois la mer de brouillard remplir celle-ci jusqu'à la cote supérieure à 700 mètres. L'extension à certains moments, toutefois, a dû être encore plus considérable, puisqu'on retrouve des blocs erratiques jusque sur le Salève.

(24)

70 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

Tableau synoptique du Quaternaire genevois.

Restes préhistoriques

Bronze, Hall- statt, Tène Néolithique Magdalénien

Manque

Moustérien

Manque

Subdivisions géologiques

Postglaciaire

Glaciation de Wiirm Interglaciaire Riss-

Wiïrm

Glaciation de Riss Quaternaire ancien

Nature des terrains Terre arable moderne

Stations préhistoriques de l'âge des métaux

Terres rouges (rubéfaction) Creusement des vallées actuelles,

terrasses

Graviers, sables, limons, glaises stratifiées; craie lacustre Moraine de fond (sous-glaciaire),

glaise massive à blocs alpins,

« Alluvion ancienne »

Sables et limons, glaises rubanées à lignites et mollusques terrestres

Moraine de fond (sous-glaciaire) à gros blocs alpins

Manque

Glacier rissien.

A l'époque du glacier de Riss (à dessein, nous disons glacier plutôt que glaciation), les surfaces molassiques découvertes étaient plus grandes qu'au Wtirm. La moraine rissienne n'est en général pas visible en surface; en revanche, on la rencontre en couches assez épaisses dans les anciennes vallées pré-rissiennes creusées dans la molasse. L'extension du glacier rissien est limitée;

les dépôts rissiens s'arrêtent aux portes de Bellegarde (Jayet, 1938 et 1945 c).

On peut se poser la question de savoir si, durant la présence du glacier de Riss, un refroidissement général important du climat a eu lieu, ou si ce glacier, qui devait se cantonner dans le fond des

(25)

0.00m 432.61

►H H

1.80m , 430.81 5_

17.90m 20.

25_

35_

45_

50_

54.20m t_ * 378.4V 55_

60

MM X»X»X'.X*

v ° o eOj-.u'

àlC*:**?.*

Terre végétale Glaise massive à galets

striés sableux consolidés glaiseux et et graviers parfois fortement

2 o

2! o =

o. a, i> i-. S •

Q. c: ^ I- I. 3 m

— ^ i> a. 3 2. "o oo «W o -i 3 i:

!•»•.*■• /■/Vl-*..'.-.-,'.

y. 'rjll' 75.

77.00m i fc 355.5/

Graviers sableux exceptionnellement glaiseux, parfois très

fortement cimentés, sables et

limons à 18.60 à 21.25 à 25,85 à 4 Venues d'eau

4, 10 l 50, et surtout

50 [382,11 ) 80_

85_

90- 92,50m

• 340,; ; 95_~

104.36m "

328,25

^N O y

/ N

0 / O

\ iVo o _ ==

:= . = o

ST w 5*

Glaise massive

fine galets, blocs à rares presque sans

o -1 a> 3*

a. o 3 Q.

Gravier g

laiseux sableux très peu

Nj O

matériel consolidé ccc «matériel fortement cimenté

""' trous

"soufflants "

Sables et

sablons des glaises rubanées contenant à certains alternant avec fines parfois

niveaux phosphate defer, du de mollusques bivalent (Vïvianite), du sulfure de fer des débris

et des même du et fluviatiles, entre 67,50 végétaux et mollusques lacustres des débris lignite compact

et 68,10

(26)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 71 vallées, n'est pas resté entouré d'un pays encore couvert de

végétation.

Actuellement, aux Himalayas, les glaciers peuvent atteindre 70 kilomètres de long et descendre jusqu'à 2100 mètres d'altitude.

Des moraines frontales anciennes se rencontrent même aux environs de 1500 à 1800 mètres. On voit qu'un enneigement considérable, provoquant le développement de glaciers, peut se faire même sous un climat subtropical. En conséquence, il est possible que le glacier de Riss ait avancé dans notre région sans que le climat de la cuvette ait été considérablement modifié auparavant. Jayet, à ce sujet, expose clairement une conclusion de ses nombreuses et

approfondies investigations sur le Quaternaire genevois: «Si l'on étudie les faunes mammologiques du Quaternaire, on voit qu'il n'y a eu qu'une faune glaciaire. C'est celle du Wiïrm. » (Jayet, 1943, p. 66).

Inter glaciaire Riss-Wurm.

Après le retrait du glacier de Riss, des dépôts dits interglaciaires, parce qu'ils seront recouverts à leur tour par des dépôts glaciaires, se déposent au-dessus des dépôts morainiques rissiens. Il s'agit surtout d'argiles à lignites, dans lesquelles des feuilles de chêne ont été trouvées, à la base des falaises de Cartigny par exemple.

Dans un sondage à la Petite Boissiere, cet interglaciaire a livré une faunule de mollusques terrestres indiquant une prairie humide.

Le retrait du glacier rissien a dû être d'assez longue durée, pour qu'une flore (lignites) et une faune puissent s'établir.

Dans le Genevois, la Préhistoire commence avec l' Interglaciaire Riss-Wurm: En effet, les quelques stations moustériennes suisses, celles de Sézuet (près Thoiry, Ain) et Onnion (Haute-Savoie), sont datées géologiquement de cette époque. Mais l'histoire de

l'Humanité avait déjà commencé comme on le sait. L'Acheuléen et le Chelléen sont donc, géologiquement parlant, rissien et antérissien.

Les tribus néanderthaliennes profitèrent de l' Interglaciaire Riss- Wurm pour venir s'établir dans le Jura et dans les Préalpes (Spahni

et Rigassi, 1951).

Glaciation wiirmienne.

La grande glaciation du Wiïrm chassera toute occupation humaine de notre région. Le glacier du Rhône, auquel se joint celui de l'Arve, acteur d'une véritable glaciation cette fois, s'avance jusqu'à Lyon: c'est le maximum glaciaire. Les dépôts wiïrmiens sont, par leur extension et leur rôle morphologique, d'une très grande importance.

(27)

72 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

Pour Jayet, l'idée de Paréjas selon laquelle 1' alluvion ancienne est un dépôt interglaciaire formé pendant le retrait du glacier de Riss et aux dépens des moraines abandonnées par ce glacier paraît difficile à retenir.

Gagnebin considère l'alluvion ancienne comme une alluvion interglaciaire de progression du glacier de Wiirm.

Joukowsky est moins affirmatif; pour cet auteur, l'alluvion ancienne se serait formée d'abord à la périphérie d'un glacier rissien mourant, cantonné dans la vallée de l'Arve, puis à celle d'un glacier wurmien en voie de croissance.

Jayet propose de désigner ce niveau de notre Quaternaire par les termes d'alluvion de « transgression wiirmienne ». A première vue, sa définition paraît semblable à celle de Gagnebin. Toutefois, cet auteur fait ressortir dans ses diverses notes un lien beaucoup plus étroit entre le glacier wurmien et l'alluvion ancienne que sa définition ou celle de Gagnebin ne le laisserait supposer. Il semble plutôt envisager une origine glaciaire ou plus exactement sous- glaciaire pour notre alluvion ancienne.

Pour lui, en effet, l'alluvion ancienne a beaucoup d'analogie avec la moraine wiirmienne. Enfin, ce même auteur donne nombre d'arguments contre une origine purement fluviatile, dont les plus pertinents sont sans aucun doute l'absence de laisses à dépôts malacologiques et d'un ancien sol à la limite avec la moraine wurmienne. Pour nous, toutefois, et cela ne paraît pas ressortir clairement des notes publiées par Ad. Jayet, l'alluvion ancienne doit participer d'un phénomène un peu différent de celui qui a engendré la moraine de fond wurmienne puisqu'elle diffère litholo- giquement de celle-ci. Sa formation devait être intimement liée à la présence d'un glacier et de ses eaux, ainsi que l'admet Jayet lui-

même : « Nous devons considérer le glacier wurmien comme un inlandsis, car une masse de glace épaisse de plus de 1000 mètres, et s'étendant des Alpes au Jura, offrait plutôt les caractères d'une calotte glaciaire que ceux d'un glacier de type alpin. Les observations sur l'inlandsis quaternaire nord-européen et les résultats des

expéditions polaires ont montré qu'il peut exister sous une calotte un réseau hydrographique. L'existence d'alluvions fluviatiles

sous-glaciaires a été maintes fois reconnue dans les pays à inlandsis; dès lors il n'y a qu'un pas à faire pour y voir l'origine de l'alluvion

ancienne des environs de Genève. » (Jayet, 1945 a).

L'alluvion ancienne n'est pas répartie uniformément; elle est absente sur les coteaux molassiques de Bernex, Chouilly, Pregny et Cologny, où c'est la moraine de fond wurmienne qui repose

(28)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 73 directement sur la Molasse. L'alluvion ancienne est donc localisée dans les dépressions du relief molassique; toutefois elle est

singulièrement absente entre Pinchat et le Grand-Lancy et entre les Pâquis et Plan-les-Ouates et aussi dans la région de Moillesullaz.

Nous avons suivi les auteurs pour raccorder les glaciations du territoire genevois au Riss et au Wiirm. Toutefois, aucune

datation-corrélation rigoureuse n'est vraiment possible entre les glaciations de Riss et Wiirm et celles observées en territoire genevois.

La glaciation de Wiirm, soit la deuxième et dernière, a été le grand événement glaciaire de notre région. C'est le glacier wurmien qui déposera cette moraine de fond qui existe presque partout dans le territoire genevois et c'est au glacier wurmien que l'on doit des ébauches de moraines, des drumlins ainsi que les diverses alluvions (alluvions dites des plateaux) du retrait wurmien qui tapissent le sol

genevois.

La moraine de fond wiirmienne est en général une argile gris- jaune en surface et d'une teinte gris bleuâtre à gris acier en profondeur, pouvant contenir des galets striés de matériel alpin et passer à des moraines sableuses ou graveleuses.

Le glacier wurmien a déposé nombre de blocs erratiques dans tout le pays genevois. Ceux de granite ont été largement exploités, et ce qui en reste ne donne qu'une idée très approximative de leur nombre. La population, pauvre en pierre de taille, a dû faire grand usage, au cours des siècles, des blocs erratiques abandonnés par les glaciers. Ces blocs erratiques proviennent principalement du Valais, des Hautes Alpes calcaires et du massif du Mont-Blanc.

Parmi les plus importants, citons, à Mies, la Pierre-à-Pény (gneiss), de plus de 200 mètres cubes, et, dans la rade, les fameuses Pierres du Niton (granite).

La moraine uniformément répartie surmonte l'alluvion ancienne dans les aires où celle-ci a été déposée; ailleurs, elle repose

directement sur la Molasse des coteaux.

Comme nous le verrons plus loin, l'alluvion ancienne étant aquifère, la moraine de fond argileuse constitue une protection efficace contre une pollution éventuelle par les eaux usées de surface.

Retrait wurmien et postglaciaire.

Le retrait du glacier wurmien est marqué par des dépôts très variés: moraines frontales et latérales, drumlins, glaises rubanées (glaciolacustres) et nappes de graviers et de sables (cônes alluviaux).

Après ces événements intervient, par stades, le creusement des

(29)

74 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

vallées, puis une rubéfaction se produit, et on entre alors dans la période protohistorique et enfin historique.

La plus grande partie des traits morphologiques mineurs de notre région sont dûs aux dépôts du retrait wiïrmien et à l'érosion qui se poursuit encore actuellement.

Le glacier de Wûrm, en se retirant, a parfois stationné. Ces stationnements sont une des causes de dépôts de moraines frontales et latérales. L'appareil morainique le plus considérable semble être celui du Mont-de-Sion qui ferme notre horizon vers le SW. Il repose d'ailleurs sur de la Molasse qui atteint une altitude d'au moins 700 mètres. Des blocs erratiques abondants marquent sans doute un cordon morainique latéral accroché aux flancs du Jura aux environs de 700 mètres entre Thoiry et Saint-Jean-de-Gonville.

Une autre moraine latérale est marquée par la colline parallèle au Rhône, située entre celui-ci et la Groise, au SSW de Ghallex.

Jayet a reconnu en outre des moraines latérales à Gorsier, Veyrier et de Saint-Genis à Grilly.

Paréjas (1938 a) suppose la formation, peu après le

stationnement du Mont-de-Sion/Saint-Jean-de-Gonville, et alors que la cluse du Fort de l'Ecluse aurait été bouchée par du matériel morainique, d'un lac en partie sous-glaciaire, dont le niveau minimum aurait été de 428 mètres. A certains endroits, le glacier aminci y flottait et au fond de ce lac se déposaient les marnes glaciolacustres que l'on observe presque toujours surmontant la moraine de fond wiirmienne.

Toutefois, tous les géologues ne sont pas d'accord avec cette

interprétation. En effet, on ne signale aucune faune dans ces marnes, et pourtant une faune s'installe immédiatement dans le moindre marigot, même tout proche d'un glacier.

La Plaine aux Rocailles serait le vestige d'une moraine frontale laquelle semble se rattacher à une moraine latérale gauche passant par La Roche. Evidemment, le glacier responsable de ces moraines était celui de l'Arve, séparé alors de celui du Rhône. L'Arve, qui s'échappait de son glacier en stationnement à Reignier, devait sans doute venir buter contre le glacier du Rhône qui, lui, occupait encore la cuvette genevoise. Le bassin d'alimentation du premier de ces glaciers étant plus petit que celui du Rhône, il apparaît logique de supposer qu'il s'était retiré de la cuvette genevoise avant ce dernier. L'Arve était alors repoussée par le glacier

rhodanien et, longeant celui-ci, passait au pied du Salève. On pense retrouver son ancien cours de Collonges-sous-Salève à Saint- Julien- Soral-Laconnex et Eaux-Mortes, dans la vaste vallée morte actuellement parcourue par l'Arande, ruisseau qui est incapable

(30)

GÉOLOGIE DU PAYS DE GENÈVE 75 d'avoir creusé son importante vallée. De Soral jusqu'à Cartigny et Avully, cette Arve a étalé un joli cône alluvial peu épais (alluvions dites des plateaux).

Paréjas (1938 a) suivant E. Chaix (1910) a admis l'existence d'un demi-amphithéâtre morainique marqué par les hauteurs de Bardonnex-Saint-Julien-Thairy-La Feuillée et Laconnex. Il admet en outre l'existence de l'autre moitié de l'amphithéâtre sur la rive gauche de l'Allondon entre Moulin Fabry et un point à environ deux kilomètres au nord de Russin.

L'existence de cet amphithéâtre morainique est contestée par Lagotala (1953 a) pour qui ces auteurs ont été trompés par l'aspect morphologique de la région. Lagotala a présenté en outre de nombreux faits d'observation qui lui ont permis de ne plus considérer la crête topographique Laconnex-Thairy comme une moraine frontale.

Les croupes attribuées à des drumlins sont nombreuses et Paréjas en a cartographie un grand nombre (F. 12, Atlas géologique de la Suisse). L'origine de ces croupes peut être attribuée au dépôt de ces accumulations de matériel morainique se trouvant avant la fonte dans ou sur le glacier. Ces accumulations peuvent, à l'origine, avoir été des moraines médianes.

Pendant quelque temps encore, le glacier wiirmien occupe une petite partie de la cuvette genevoise, puis, celui-ci s'étant retiré définitivement du bassin de Genève, un lac se forme rapidement et se remplit jusqu'à la cote de 408 mètres. La coupure entre le Bois de la Bâtie et Saint-Jean n'étant pas encore creusée, ce lac de 408 mètres occupe la région entre Pinchat et le Grand-Lancy et son extrémité méridionale se trouve à mi-chemin en dessous et entre les villages de Lully et de Gonfignon. Dans ce lac se déverse désormais l'Arve qui construit un delta important couvert

actuellement par la vieille ville de Genève et par le quartier des Tranchées.

Ce niveau de 408 mètres environ, 33 mètres plus élevé que celui d'aujourd'hui, est marqué par des terrasses lacustres sur de

nombreux cônes torrentiels anciens. Le niveau de ces terrasses a été en général choisi pour y placer la ligne de chemin de fer Genève- Lausanne. Ce lac va s'abaisser en trois stades: un premier a formé la terrasse de 10 mètres (385 m.), puis un second abaissement a formé la terrasse de 3 mètres (378 m.), et enfin le troisième abaissement nous amène au niveau actuel du lac de Genève.

Ces trois terrasses se retrouvent sur les flancs de la vallée du Rhône, à l'aval de Genève (terrasses supérieure, moyenne et inférieure).

(31)

76 JEAN-WILLIAM SCHROEDER

L'émissaire du lac de 408 mètres, un ancien Rhône, est obligé de suivre, à sa sortie entre le Bois de la Bâtie et Saint- Jean, les

inégalités de la surface abandonnée par le glacier wiïrmien, inégalités qui l'obligent à dessiner des méandres (Paréjas, 1938 a et b, 1944).

Quant l'abaissement du niveau de base surviendra, le Rhône s'encaissera dans ses méandres et se creusera des cours épigéniques dans l'inégal soubassement molassique (Chèvres). Peu avant le village de La Plaine, il se faufile entre l'ancien cône alluvial de l'Arve et celui opposé de PAllondon, puis, à Epeisses, un nouvel obstacle molassique enfoui sous les dépôts glaciaires sera, comme celui de Chèvres, scié sans difficulté par le fleuve. Le cordon morainique de la Groise (SW de Challex) guide ensuite le Rhône en ligne droite vers Chancy-Pougny.

Par suite de l'abaissement successif du niveau de base, les méandres s'encaissent, et les trois terrasses successives se forment:

la supérieure se raccorde à l'amont avec le niveau du lac de 408 m.

(Paréjas, 1938 a et 6), tandis que la terrasse moyenne doit correspondre à la terrasse de 10 mètres du pourtour du lac Léman.

Cette dernière est antérieure au Magdalénien de la Préhistoire, comme le montrent les restes préhistoriques trouvés sur le sol de la grotte de Scé, près de Villeneuve (Jeannet, 1916).

Nous aboutissons ainsi insensiblement à l'aspect actuel du paysage genevois. Quand le lac Léman se sera encore abaissé de trois mètres, nous quitterons le Paléolithique pour entrer dans le Mésolithique et le Néolithique puis dans l'Age des Métaux et les temps modernes. Si la terrasse de 30 mètres ne contient aucun reste de mollusques, en revanche, ceux-ci sont abondants dès celle de 10 mètres et, d'après J. Favre, appartiennent encore au

Paléolithique.

Si le Magdalénien est postérieur à la terrasse de 10 mètres, il va de soi que les grands artistes qui décorèrent la grotte de Lascaux devaient être des contemporains de notre glaciation wiirmienne et l'absence chez nous de l'Aurignacien et du Solutréen s'explique donc aisément. (La station de la Colombière [Ain] permet de dater le début du retrait glaciaire de la fin de l'Aurignacien.)

Jayet (1945 b), dans une note importante, a attiré notre

attention sur une rubéfaction des dépôts quaternaires dans la région genevoise, rubéfaction marquée par des terres de teinte rouge à rouge brun, rouge carotte, brun à chamois, terres dont l'épaisseur varie de 0 à 1 mètre environ, toujours sous-jacentes à la terre arable moderne et superposées aux dépôts quaternaires les plus récents ou parfois à des tufs. Il s'agit pour Jayet d'une formation apparue

Références

Documents relatifs

Le premier objectif de cette communication est de présenter les résultats de l'estimation du volume total des vides miniers résiduels et de leur répartition en fonction

Le SNES appelle tous les collègues en collège à ne pas s’impliquer dans cette réforme et à systématiquement accorder l’ensemble des compétences à tous les

Ces programmes sont construits autour de compétences artistiques spécifiques à la discipline se déclinant en plusieurs composantes : composante pratique, composante culturelle,

Aucune des 7 grandes Compétences du socle commun n’est dédiée spécifiquement aux enseignements artistiques, aux pratiques, à la création. Ces disciplines sont ainsi

du terrain diluvien, forme des plateaux dont la surface supé- rieure est un plan horizontal percé , comme nous I'avons dit, , d'espace en espace par des collines

Peu d'auteurs ont fait du mont Salève une étude spéciale. Quelques-uns l'ont mentionné dans des travaux qui avaient pour but la description géologique des

FAVRE, Alphonse. Considérations géologiques sur le mont Salève et sur les terrains des environs de Genève. Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève ,

Dans les vastes lacs qui recouvraient alors notre région pullulaient deux espèces de poissons téléostéens qui, pour l’es­. sentiel, se partageaient deux