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Cartographie du taux de sédimentation dans la partie orientale du Léman (Suisse-France)
LOIZEAU, Jean-Luc, et al.
LOIZEAU, Jean-Luc, et al . Cartographie du taux de sédimentation dans la partie orientale du Léman (Suisse-France). In: Vernet, Jean-Pierre. Hommage à F.-A. Forel: troisième
Conférence internationale des limnologues d'expression française . Morges : J.-P.
Vernet, 1991. p. 92-95
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:152500
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CARTOGRAPHIE DU TAUX DE SEDIMENT A TION DANS LA PARTIE ORIENT ALE DU LEMAN (SUISSE - FRANCE)
J.-L. Loizeau, T. Luzzi, J. Dominik et J.-P. Vernet
INTRODUCTION
La partie orientale du Léman, nommée Haut-lac, est soumise à l'influence prépondérante du Rhône, principal affluent du Léman tant des points de vue des apports liquides que solides (ref 1 ).
L'étude des processus sédimentaires s'y déroulant nécessite une connaissance du taux d'accumulation des sédiments dans cette région.
La mesure du taux de sédimentation récent ( < 1 OO ans) peut être effectuée par des méthodes radio-isotopiques (210Pb, 137Cs). Ces méthodes impliquent un travail relativement considérable si l'on tient compte du temps nécessaire à l'ouverture de la carotte, l'échantillonnage du sédiment et la mesure des radio-isotopes. Seul un nombre restreint de carottes peut être daté de cette manière, ce qui est pénalisant dans une région présentant de grandes variations spatiales des apports sédimentaires. Un moyen de détourner ce problème est l'utilisation d'un marqueur stratigraphique synchrone, daté et corrélable sur l'ensemble de la zone étudiée. Ce marqueur peut être de nature lithologique, géochimique ou physique. Dans ce travail nous avons utilisé la susceptibilité magnétique volumique (SMV) comme marqueur des sédiments du Haut-lac.
SITUATION et METHODES
Entre 1985 et 1990, 82 carottes de type Benthos ( 100-150 cm de long pour 6,8 cm de diamètre) ont été prélevées dans le Haut-lac (fig 1 ).
Le Léman Lausanne SUISSE
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0 0 0 0 0Susceptibilité magnétique volumique Position des carottes mesurées
profil SMV corrélé
QJ24 carotte datée par 137Cs profil SMV non-corrélable
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figure 1: Carte de situation des carottes prélevées dans le Haut-lac (Léman), pour les corrélations de SMV et les datations radio-isotopiques.
Institut F.-A. Forel, Université de Genève, 10 route de Suisse, CH-1290 Versoix
La susceptibilité magnétique volumique (SMV) des sédiments a été mesurée sur l'ensemble de ces carottes, directement à travers le tube PVC servant au carottage. Il n'y a donc pas de traitement entre le carottage et la mesure de la SMV. On peut rappeler ici que la SMV est un paramètre physique de la matière qui indique son degré de "magnétisabilité", et qui dépend dans le cas des sédiments de la nature et de la quantité de minéraux para- et ferromagnétiques (ref 2).
Les carottes ont été mesurées chaque centimètre et les profils corrélés automatiquement suivant le principe de la corrélation croisée (ref 3).
Sept de ces carottes ont été datées par 137Cs, dont les deux maximums d'activité, 1964 et 1986, correspondent respectivement aux maximums des retombées des essais nucléaires dans l'atmosphère et à l'accident de Tchernobyl. Dans cette étude, le taux de sédimentation est déterminé par la profondeur de l'horizon datant de 1964 divisé par le temps écoulé entre son dépôt et le prélèvement de la carotte.
RESULTATS
La susceptibilité magnétique du Haut-lac doit principalement son origine à la magnétite détritique provenant du bassin versant du Rhône (ref 4). Les variations de SMV (fig 2) sont liées à des différences de teneurs en ce minéral, reflètant probablement des fluctuations dans les apports détritiques du Rhône. Le synchronisme des variations de la SMV est démontré par la concordance des datations d'un pic de SMV (pic 2).
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Figure 2: Profils de SMV et d'activité du 137Cs de la carotte T49.
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1964
Datation du pic 2 de SMV
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Carottes
Figure 3: Datation par 137Cs du pic 2 de susceptibilité magnétique volumique dans 7 carottes.
En effèt les sept carottes datées (fig 3) indiquent une déposition située entre 1960 et 1963, l'incertitude variant avec le pas d'échantillonnage et le taux de sédimentation. La valeur moyenne est 1961 ±1 an. Il est à remarquer que cet accord entre les différentes datations existe malgré des taux de sédimentation variant d'un facteur 5, soit entre 0,37 et 1,85 cm an-1 pour T26 et J 12 respectivement. On peut donc être assurer du synchronisme des variations de la SMV et l'utiliser comme marqueur, avec le pic 2 datant de 1961.
La corrélation des profils de SMV est effectuée de proche en proche, à partir de l'est en direction de l'ouest, c'est-à-dire suivant un taux de sédimentation de plus en plus faible.
Suivant cette direction, on remarque le rapprochement du pic 2 de la surface et l'apparition de nouveaux pics en profondeur, attestant de la di.minution du taux de sédimentation avec l'éloigne- ment de l'embouchure du Rhône (fig 4). Sur les 82 carottes mesurées, 46 ont pu être corrélées de manière certaine (fig 1) et ainsi une carte du taux de sédimentation de la période entre 1961 et actuellement peut être dressée (fig 5). Les courbes d'équivaleurs s'agencent de manière concentrique au droit de l'embouchure du Rhône, avec un gradient plus prononcé en direction du Grand-lac (ouest) que celui dirigé vers la baie de Villeneuve (est). En direction du Grand-lac le taux de sédimentation passe rapidement de plus de 1,6 cm/an à moins de 0,8 cm an-1 alors qu'en direction de l'est, il reste au-dessus de 0,8 cm an-1_
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figure 4: Corrélation de la susceptibilité magnétique voh..mique d'llle sélection de carottes, suivant un profil SE- N#. Le numéro de certains pics de SMV est indiqué.
DISCUSSION
La répartition géographique des carottes corrélables et du taux de sédimentation sont les reflets des processus sédimentaires se déroulant dans le Haut-lac. Les carottes corrélables se situent dans une zone dans laquelle les courants de densité ont une importance réduite. Seule la sédimentation des suspensions du panache turbide du Rhône et, dans une moindre mesure, celle des particules autochtones (calcite, diatomées) est importante dans cette zone. Par contre la région des carottes non-corrélables est soumise à l'influence prépondérante des courants de densité se développant dans le ravin prlnclpal et débordant parfois sur les levées. Ces courants déposent leurs sédiments sur des zones plus localisées, rompant ainsi la continuité de la sédimentation et empêchant par la même la corrélation à plus grande échelle.
La forme des courbes d'équivaleurs du taux de sédimentation est le reflet de la direction du panache turbide du Rhône dans le Léman. Les apports solides du Rhône, très abondants en été, forme au niveau de la thermocline un interflow dont la direction, par rapport à l'axe du Rhône, est déviée vers la droite probablement par les effets conjugués de la force de Coriolis et des vents locaux (ref 5). Une partie de cette masse de sédiment est piégée dans la baie de Villeneuve, ce qui est reflété par une taux de sédimentation plus élevé.
4 km
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Taux de sédime~~:.~~n (cm/an)- 1,s - 2 fo: ... :·:·:·:·:·:-1 o,4 - o,a 1,2 - 1,e
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< o,4figure 5: Carte du taux de sédimentation de la zone septentrionale du Haut-lac, entre 1961 et actuellement.
Les taux de sédimentation obtenus dans ce travail sont comparables à ceux trouvés antérieure- ment par des mesures de 137Cs également (ref 6) et des mesures d'épaisseurs de "varves" (ref 7).
L'inconvénient majeur de cette méthode est l'utilisation d'une échelle de longueur pour déterminer le taux de sédimentation, ce qui ne tient pas compte des variations de porosité. Une échelle pondérale (g cm-2 an-1) est généralement préférable pour mesurer un taux de sédimentation, car celle-ci n'est pas influencée par des différences de compactions. Selon cette échelle, les carottes T40 (0,87 cm an-1) et J24 (0,65 cm an-1) ont respectivement des taux de 0,61 et 0,39 g cm-2 an-1. Cependant une telle échelle nécessite un travail important d'échantillonnage et de pesée qui va à l'encontre du but recherché. Si toutefois une étude exige l'emploi de cette échelle (p. ex. l'estimation du stock d'un contaminant dans les sédiments), la corrélation du marqueur évite la mesure des radio-isotopes.
CONCLUSION
La mesure du taux de sédimentation dans le Haut-lac (Léman) implique la détermination d'un nombre important de carottes car les variations spatiales de celui-ci sont considérables. Cette mesure peut être réalisée de manière satisfaisante grâce à l'application de deux méthodes complémentaires: la datation radio-isotopique et la mesure de la susceptibilité magnétique volumique. La première indique de manière "absolue" l'âge des sédiments alors que la seconde permet de corréler sur une relativement grande distance fes carottes entre elles. L'établissement d'une carte du taux de sédimentation peut être dessinée d'après une densité de mesures élevée.
Pour le moment un seul pic de SMV a été daté, mais cette étude se poursuit par des mesures de 21opb afin de dater des pics de SMV plus anciens et de construire des cartes de variations temporelles du taux de sédimentation.
Références
1. Burrùs D, 1984, thèse No 2135, Université de Genève, 1 OO p.
2. Thompson R et F Oldfield, 1986. Environmental magnetism. Allen & Unwin, Londres, 227 p.
3. Davis J C, 1986. Statistics and data analysis in geology. Wiley & Sons, New York, 646 p.
4. Luzzi, T, 1989, Cah. Fac. Sei. Genève, 69-73.
5. Dominik J, D Burrus et J-P Vernet, 1984, J. Sed. Petrol., 53/ 1, 159-163.
6. Vernet, J-P, J Dominik et P-Y Favarger, 1984, Environm. Geai., 5/3, 143-149.
7. Paré jas, E, 1929, 3ème Congrès du Rhône, Genève, v. 1, 207-211