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Le magazine contre le cancer

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

octobre 2020 N° 387

Le magazine contre

le cancer

Immunologie, l’espoir de la réponse immunitaire mémoire

Outre-mer, trop loin pour en parler ?

La santé, c’est du social ! Vaccins,

pourquoi tant de haine ?

« Nous ne sommes pas Médias et

science : source de cacophonie ?

Santé

sans frontières

« Nous n’avons pas disparu. »

Prévention, il est plus que temps !

Cancer et écologie,

même combat ?

(2)

Nous

n’avons pas

disparu

Patients, soignants, aidants… les oubliés du cancer ont été nombreux pendant la crise sanitaire, tous les moyens médicaux ayant été entièrement mobilisés pour lutter contre le coronavirus. Beaucoup se sont sentis

abandonnés et démunis. Aujourd’hui, dans le monde d’après, ils se battent aux côtés de la Ligue contre le cancer pour faire valoir leurs droits à la continuité des soins et refaire de la lutte contre le cancer la priorité des pouvoirs publics.

Témoignages.

(3)

La crise planétaire a révélé que nous ne savions pas « gérer » une crise de façon coordonnée, en prenant appui sur

l’expérience et les retours d’expérience des autres pays.

Des problématiques de désinformation demeurent, sans parler de la concurrence des multinationales, ou encore de vraies oppositions de valeurs et de principes

entre États de droit et systèmes autoritaires. Quant à la question plus nationale, les médecins ont constaté un

« recul » des autres maladies, comme si la Covid-19 avait effacé les autres pathologies, et notamment les cancers : effets d’autocensure, peur d’être contaminé ou de contaminer, double peine pour accéder aux traitements

à cause des pénuries dues au dysfonctionnement global, défocalisation totale de la part des médias qui ont littéralement

« oublié » toute la part

« autre » du réel du monde qui n’était pas directement liée à la Covid-19. Ainsi, l’important, dans la deuxième vague annoncée, sera précisément la manière dont nous faisons cohabiter la gestion de la

Covid-19 avec le traitement des autres pathologies pour ne pas renforcer les pertes de chances de ces malades, et cela nécessite leur priorisation.

Dès l’annonce du confinement, nous avons été très réactifs en mettant en place une cellule Covid-19, composée de membres de la direction, de responsables de la qualité, de médecins et de cadres de santé. Chaque jour, nous faisions des points pour ajuster nos prises de décision en fonction de l’évolution de la pandémie.

Nous avons participé à l’effort national en mettant notre

service de réanimation à la disposition des patients Covid pour épauler nos CHU. Afin de protéger nos patients les plus fragiles, le plus souvent immunodéprimés, nous avons créé en un temps record un service Covid + dédié aux personnes malades du cancer, ainsi qu’une unité de soins pour assurer une continuité de traitement (chimiothérapie ambulatoire).

Dès que c’était possible,

nous pratiquions la télé consultation et la téléradiologie. Et pour les patients en attente d’opération chirurgicale, les programmations au bloc ont été espacées, mais maintenues. Il a fallu rester intransigeant sur les mesures barrières en interdisant les visites des proches. Ce n’était pas facile à vivre, pour les patients, mais le personnel soignant a été très présent

et s’est mobilisé de façon exemplaire.

Enfin, des infirmières coachs ont été nommées pour assurer un suivi téléphonique régulier avec les malades.

Tout cela nous a permis de maintenir le lien.

Hospitalisé en avril dernier à Bordeaux pour un cancer du pancréas, j’ai pu être accueilli par le personnel soignant dans des conditions excep- tionnellement calmes, confinement oblige. Très vite,

j’ai été suivi par un spécialiste très disponible afin de me préparer à cette inconnue qu’est la chimiothérapie.

Cette prise en charge, au plus près de ma maladie, m’a semblé très adéquate.

Mais l’annonce du déconfine- ment a tout fait basculer.

Les services hospitaliers ont été subitement saturés.

Et je n’ai plus jamais réussi à retrouver ce lien humain

qui nous unissait avec l’équipe médicale. En manque d’orientation, je me suis senti abandonné à mon sort.

C’était très dur psychologi- quement. D’un suivi quasi quotidien, où je pouvais échanger dès que j’avais des effets secondaires ou des complications, je suis passé à un rapide contrôle de routine toutes les trois semaines.

En France, ce ne sont pas les compétences qui manquent, mais les moyens humains.

Je trouverais normal que, demain, on nomme un coordinateur spécialisé qui ferait le lien quotidien avec les patients. Actuellement, c’est censé être le rôle du médecin traitant. Mais dans les faits, ce dernier, souvent très sollicité par ailleurs, ne peut assumer pleinement cette charge !

« Les médecins ont constaté un “recul”

des autres maladies. »

CYNTHIA FLEURY,

professeur titulaire de la chaire humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers

« En pleine crise, nous avons maintenu le lien avec nos malades. »

JASMINE LABATUT-MASSOL,

cadre de santé à l’Oncopole de Toulouse

« En France, on manque cruellement de moyens humains ! »

CYRILLE THEBAUD,

43 ans, patient

(4)

Santé sans frontières

O

n ne peut

pas avoir une vision manichéenne de la mondialisation.

C’est plus complexe que cela. Certes, la forte circulation des personnes a facilité la propagation du coronavirus à l’échelle mondiale. Pour autant, la mondialisation en tant que telle n’est pas la cause de tous les maux en matière de santé. Elle offre notamment la possibilité aux chercheurs et aux gouvernements qui les financent de mettre en commun leurs moyens, de façon à aller vers plus de coopération, de recherche et d’échanges.

En matière de lutte contre le cancer qui, contrairement à la Covid-19, n’est pas une maladie transmissible, la mondialisation peut

avoir des effets pervers, comme un creusement des inégalités de santé si elle est trop fortement pilotée par l’industrie pharmaceutique (qui vend ses traitements à des prix exorbitants) ou par l’industrie du numérique (qui détourne les données de santé à des fins commerciales).

Et inversement, la mondialisation participe aussi à réduire les inégalités de santé dans le monde. C’est l’ambition du Plan européen de lutte contre le cancer, qui sera présenté avant la fin de l’année devant la Commission européenne, et qui mettra en place des actions visant à soutenir, à coordonner ou à compléter les efforts déployés par les États membres à tous les

stades clés de la maladie.

Ce plan comprendra tout un arsenal de mesures législatives et non législatives, même si les États membres continueront de garder la prérogative dans l’organisation de leurs soins et de leur stratégie de prévention.

Si ce plan représente un grand espoir, je fais partie de ceux qui pensent qu’il faudrait pouvoir aussi traiter tous ces sujets à un niveau international, notamment en

partenariat avec l’Afrique, pour réduire les

inégalités en matière de prévention (exposition aux agents environne- mentaux, capacité d’appropriation des mesures individuelles pour éviter les comportements à risque, exposition

professionnelle aux carcinogènes…), de soins (accès aux soins, formation des professionnels de santé, effectifs des soignants dans les établissements…) et de réinsertion des patients (capacité à retrouver une vie sociale, affective et professionnelle normale). En cela, la mondialisation a encore de beaux jours devant elle. Et on ne peut pas lui attribuer tous les torts.

« Avec la

mondialisation, on va vers plus de coopération, de recherche et d’échanges en matière de santé. »

Par Véronique Trillet-Lenoir,

députée européenne et cancérologue

(5)

Médias et science :

source de cacophonie ?

U

ne nouvelle

infection virale est un défi scientifique majeur, et la crise sanitaire associée à la Covid-19 a donné lieu à de multiples controverses (efficacité des masques, efficacité des traitements…).

Le discours médical est en partie à l’origine de cette cacophonie, mais les médias l’ont relayée et amplifiée.

Le discours scientifique n’a pas toujours été cohérent car il fallait assimiler en temps réel de très nombreux résultats techniques dans des domaines variés (virologie, immunologie, thérapeutique, épidé- miologie, modélisation mathématique…).

Certains experts persistent à ne pas recommander l’usage du

masque, en disant que son efficacité n’a pas été démontrée par des études expérimentales, alors que ces études sont infaisables : on ne peut pas diviser en deux par tirage au sort une population en disant à une moitié de porter un masque et à l’autre de ne pas en porter pour voir s’il y a une différence dans le nombre de contaminations. D’autres experts considèrent les essais thérapeutiques comparatifs comme une exigence non éthique devant leur intime conviction de l’efficacité d’un traitement.

Le traitement par les médias des informations scientifiques a aggravé le problème. En effet, les médias sont friands de controverses, sans chercher toujours à comprendre la cause

des désaccords.

Ils s’informent auprès d’experts plus ou moins autoproclamés qui sont sélectionnés sur le fait qu’ils acceptent de parler aux médias mais leur succès médiatique est d’autant meilleur qu’ils sont contestés. Ils sont, par ailleurs, autant écoutés quand leur expertise est en phase avec la question qui leur est posée que quand ils s’expriment sur un sujet qu’ils maîtrisent beaucoup moins : un infectiologue n’est pas forcément compétent dans l’évaluation des traitements, un épidémio- logiste non-médecin n’a aucune compétence en immunologie, etc.

Dans un monde idéal, les chercheurs devraient décider de vouloir être entendus en commu- niquant les résultats de leurs études de façon

compréhensible par tous, car tout le monde n’est pas armé pour décrypter les études scientifiques.

Et même si le contenu d’un article issu d’une prestigieuse revue paraît vraisem blable, il faut toujours attendre la confirmation d’une source indépen dante et ne jamais faire confiance à un résultat spectaculaire isolé.

C’est le conseil que je donnerai au grand public.

« Il ne faut jamais faire confiance à un résultat

spectaculaire isolé. »

Par Catherine Hill,

épidémiologiste à l’Institut Gustave Roussy

(6)

Prévention, il est

plus que temps !

Par Mathieu Guri,

responsable du pôle prévention à la Ligue contre le cancer du Finistère

O

n pourrait

croire que la crise sanitaire a eu un fort impact sur la prise de conscience des Français dans l’importance de la prévention en matière de santé. Mais cela n’est pas si simple. Par exemple, les personnes les plus précaires n’en ont pas forcément les moyens ni les capacités, simplement parce que leur situation socio-économique ne leur permet pas d’envisager les mesures de prévention comme des priorités.

En matière de prévention contre le cancer, c’est la même chose. Ainsi, il appartient aux pouvoirs publics de prendre les décisions politiques qui auront un impact global sur la vie des gens. Il ne faut pas tout miser sur les changements de comportement individuel,

mais bien accompagner les personnes par des mesures collectives.

Si l’on reprend l’exemple des plus précaires, ils ne pourront changer leur comportement que si l’on améliore leur environnement de vie global (accès au logement, à un travail, aux denrées de première nécessité, aux soins…).

Dans ce paysage, le marketing social a un rôle à jouer. Cette technique consiste à faire passer un message à un groupe de personnes dans le but de leur faire changer leurs habitudes ou leur comportement, dans leur intérêt. Elle repose notamment sur la connaissance des publics, le déploiement d’une marque, la mise en œuvre d’actions sur le terrain en lien avec des partenaires. Le but étant de travailler sur

une mobilisation générale de la population (exemple du Moi(s) sans tabac) plutôt que sur des injonctions contre-productives.

Malgré tout, la France est en retard en matière de prévention, par rapport à d’autres pays comme le Canada. Là-bas, les pouvoirs publics financent depuis longtemps des programmes de prévention dans les écoles. Ils mettent l’accent sur le développement des compétences psychosociales des enfants. Et ça marche ! L’évaluation réalisée sur ces programmes le prouve. La problématique de la prévention est que l’on réalise un

investissement à l’aveugle, et que le bénéfice n’est jamais immédiat. L’État français et les politiques

commencent à

appréhender ce concept.

C’est ainsi, par exemple, qu’un programme européen de prévention universelle en milieu scolaire, baptisé Unplugged, arrive en France. Financé

notamment par l’Agence régionale de santé (ARS) Bretagne, il va être déployé, cette année, dans l’Hexagone et en particulier dans le département du Finistère avec notre concours.

Destiné à prévenir les conduites à risque liées à l’usage de substances psychoactives, il adopte une stratégie

d’intervention fondée sur le développement des compétences psychosociales, la correction des croyances normatives, l’amélioration des connaissances sur les produits et leurs effets.

On avance…

(7)

Vaccins, pourquoi

tant de haine ?

P

our la première fois dans l’histoire, le sanitaire l’a emporté sur toute autre considération (économique, sociale…).

Mais l’interférence des politiques dans le débat des chercheurs et des médecins, notamment à propos du vaccin anti-Covid-19, est venue parasiter un certain nombre de raisonne- ments scientifiques.

Et instiller un peu plus de doutes dans l’esprit des gens.

Pour autant, cette méfiance des Français pour tout ce qui relève de la santé publique, et en particulier de la vaccination, ne date pas d’hier. Depuis la naissance du premier vaccin contre la variole à la fin du XVIIIe siècle, l’idée même de la vaccination transporte

avec elle tout un imaginaire collectif autour de la transmission de la maladie. Cela montre à quel point un certain nombre de personnes n’ont pas compris le principe même de la vaccination qui, je le rappelle, consiste à inoculer une version atténuée d’un virus ou d’une bactérie pour que le système immunitaire puisse développer des anticorps capables de combattre ces agents infectieux.

Plus récemment, dans les années 90, les polémiques autour du vaccin contre l’hépatite B, accusé de déclencher des cas de sclérose en plaques, ont laissé des traces profondes, encore aujourd’hui, chez certains médecins et dans l’opinion. Et le vaccin contre le virus HPV, apparu dans les

années 2000, qui a pourtant montré les preuves de son efficacité contre le cancer du col de l’utérus, n’attire toujours pas les masses.

Quand je vois tous les efforts de recherche qui sont fournis pour mettre au point un vaccin anti-Covid-19, je me dis qu’il faudrait faire autant d’efforts dans la

recherche en sciences humaines et sociales, notamment pour travailler sur l’accepta- bilité du vaccin lui- même par la population.

Car tant que l’on n’aura pas identifié les freins qui empêchent une adhésion complète à la vaccination, alors on ne pourra véritablement agir dessus. Et cela doit inévitablement passer par une meilleure éducation à la santé dans les écoles. C’est là que se constitue le socle

culturel qui permet ensuite aux individus d’adopter des comportements favorables à la santé.

« Tant que l’on n’aura pas identifié les freins qui

empêchent une adhésion complète à la vaccination, alors on ne pourra véritablement agir dessus. »

Par Franck Chauvin,

professeur de santé publique

et président du Haut conseil

de la santé publique (HCSP)

(8)

l’espoir de la réponse immunitaire

mémoire

L

’émergence de la Covid-19 dans la population a ravivé l’intérêt de l’immunologie, c’est-à- dire l’étude du système immunitaire, dans le milieu de la recherche médicale. Et pour cause : le système immunitaire joue un rôle essentiel de « sentinelle » dans notre organisme afin de nous protéger des agents pathogènes responsables des maladies infectieuses.

En tant que chercheurs en biophysique

théorique, nous utilisons les principes de la physique statistique pour comprendre comment un très grand ensemble de cellules du système immunitaire se

comporte globalement pour répondre à une

infection de type SARS-CoV-2, l’autre nom de la Covid-19.

Cela nous amène à nous intéresser, en particulier, au fonctionnement de l’immunité adaptative.

Cette dernière est un peu la seconde ligne de défense de l’organisme.

Elle se met en place lorsque l’immunité innée ne parvient pas à endiguer l’infection.

Elle s’appuie sur des lymphocytes B, qui produisent les anticorps spécifiques aux agents pathogènes, ainsi que sur des lymphocytes T, capables de reconnaître et de détruire les cellules infectieuses. Ces dernières disparaissent à l’issue de l’infection, mais un groupe de lymphocytes B et T

« mémoires » persistent

dans l’organisme. Ainsi, en cas de nouvelle infection, ces lymphocytes

« mémoires » sont immédiatement

réactivés et conduisent à une réponse spécifique, rapide et efficace.

Mais dans le cas du SARS-CoV-2, comment savoir si ces cellules mémoires survivent dans le temps ? Combien de temps les patients atteints sont-ils immunisés après la disparition de la maladie ? Comment expliquer le fait que des patients présentent des formes sévères de la maladie et d’autres, des formes asymptomatiques ? Y a-t-il une immunité préexistante chez les personnes asymptomatiques ? Quelle est la source

Par Aleksandra Walczak et Thierry Mora, directeurs de recherche au Laboratoire de physique de l’École normale supérieure (ENS)

Immunologie,

(9)

d’une telle diversité de réponses immunitaires dans la population ? Toutes ces probléma- tiques font l’objet de nos recherches par l’analyse statistique des données du séquençage à haut débit des récepteurs immunitaires que sont les lymphocytes B et T.

Avec ce travail, nous découvrirons si les réponses mémoires sont hétérogènes ou homogènes selon les individus, si la quantité des cellules mémoires diminue au cours du temps ou non et, si oui, à quelle vitesse. Nous glanerons ainsi des indices sur la nature de l’immunité acquise.

Des questions similaires sur l’origine de

l’hétérogénéité de la réponse dans la

population se posent dans le contexte du cancer, à la fois en termes de contrôle tumoral et de réponse au traitement. La croissance tumorale est un autre cas où le système immunitaire adaptatif joue un rôle important, et de nouvelles données quantitatives peuvent faire la lumière sur l’interaction entre les lymphocytes et les cellules tumorales.

D’une manière générale, nous pensons que c’est la pluralité des approches scientifiques qui fera progresser la connaissance des maladies infectieuses.

À ce titre, nous regrettons le manque d’échanges d’infor- mations scientifiques au niveau national.

« L’analyse du séquençage à haut débit des récepteurs immunitaires va nous aider à mieux comprendre comment la réponse

immunitaire mémoire répond au SARS-CoV-2. »

En effet, chaque équipe de chercheurs travaille un peu dans son coin.

L’idéal serait de mettre à contribution des chercheurs de tout bord, qu’ils soient immunolo- gistes, épidémiologistes ou encore virologues, pour mieux comprendre les mécanismes de la Covid-19. Et au vu de l’hétérogénéité des réponses immunitaires, il faut absolument activer la recherche médicale tous azimuts.

(10)

Cancer

et écologie, même

combat ?

L

e cancer, première maladie environnemen- tale ? Difficile à dire. Simplement parce qu’on n’a pas suffisamment de données épidémiolo- giques sur un grand nombre de maladies (respiratoires, neuro- logiques…) qui pourraient l’attester, contrairement aux maladies cardio- vasculaires qui, elles, sont très documentées en termes d’effet des modes de vie (95 % sont liées à la malbouffe, au tabagisme ou encore au défaut d’activité physique).

Après, tout dépend ce que l’on entend par

« environnemental » : est-ce que l’on parle ici de modes de vie ou de pollution des milieux, ou bien, encore, de tout ce qui n’est pas héréditaire ? Mais là aussi, difficile

de savoir si le cancer est la première maladie environnementale.

Si les facteurs de risque liés aux expositions professionnelles sont plus étudiés pour les cancers, on a peu de données équivalentes pour les maladies cardiovasculaires ou neurodégénératives.

Ce qui peut donner l’impression que le cancer est la seule maladie concernée.

Pour autant, le lien entre cancer et écologie est évident. Si je prends l’exemple de l’agriculture, ce qui prime dans notre modèle, notamment parce qu’il est exporta- teur, c’est la quantité, pas la qualité. Et pour assurer la quantité, notre agriculture dépend des intrants produits dans des pays comme la Chine, qui sont peu portés sur

l’écologie. Ces intrants, notamment les pesticides, ont des conséquences sur la qualité intrinsèque de nos sols, et donc des denrées alimentaires que nous produisons.

Avec la mondialisation, on produit et on exporte des produits de mauvaise qualité. Et avec nos élevages industriels, on crée des besoins alimentaires chez des populations qui n’en avaient pas la consommation (je pense notamment à l’exportation de produits européens vers le continent africain et, plus récemment, de notre lait de vache en poudre en Chine).

Tout cela est incompatible avec le bon développement de notre planète, mais aussi avec la santé.

Si j’ajoute à cela les freins

imposés par le lobby de l’agroalimentaire pour réduire l’exposition professionnelle aux pesticides, ou encore le défaut de politiques publiques autour de l’alimentation et de l’activité physique, on peut dire que les facteurs de risque de développer un jour un cancer dépendent souvent de décisions politiques et sociétales. C’est aux politiques de remettre la question de la santé au centre du débat public.

« Les facteurs de risque de développer un cancer découlent de décisions

politiques et sociétales. »

Par Pierre Lebailly,

chercheur et maître de conférences

en santé publique, coordinateur de l’étude

Agriculture et cancer (Agrican)

(11)

Outre-mer, trop loin

pour en parler ?

A

ux inégalités sociales et territoriales de santé s’ajoutent de graves difficultés d’offre et d’accès aux soins Outre-mer. Et la crise sanitaire n’a fait que les accentuer.

D’abord, nous appelons à une restructuration complète de nos établissements de santé.

Car il est inconcevable que nous n’arrivions pas à prendre en charge nos malades sur nos propres territoires.

Trop nombreux sont les patients envoyés en métropole pour bénéficier des installations de pointe dans les services spécialisés et du savoir- faire des meilleurs médecins. Nous l’avons vu avec la Covid-19.

Mais aux difficultés financières, inhérentes

au voyage lui-même, s’ajoute la douleur morale liée à

l’éloignement familial et amical. Pour ne pas laisser nos malades sur le bord du chemin, nous avons besoin sur place de plateaux médicaux performants et d’une meilleure formation de nos soignants.

Ensuite, la lutte contre le cancer doit impérati- vement passer par une vaste politique de transformation agroalimentaire. En effet, nos populations, prises dans une dynamique de mondialisation et donc de consommation à outrance, souffrent de la malbouffe. Notre priorité doit alors être axée sur la sensibilisation à l’hygiène alimentaire.

Pour cela, nous devons mener une véritable éducation à la santé

et à l’alimentation, notamment dans les écoles, afin de faire de la prévention dès le plus jeune âge.

Enfin, nous devons lutter plus efficacement contre la pollution au mercure en Guyane, à la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, ou encore contre les retombées radioactives des essais nucléaires en Polynésie française. Ces causes environnementales empoisonnent toujours la santé de nos

concitoyens : nous recensons localement de nombreux cas de cancer de l’estomac, de la thyroïde, de la prostate ou encore du col de l’utérus Outre-mer.

Pour y remédier, les dépistages doivent être systématisés chez les populations à risque.

Nous avons les moyens de gommer les disparités territoriales en matière d’accès aux soins, de prévention et de dépistage. Alors, ensemble, agissons pour nos malades !

« Nous devons

mener une véritable éducation à la santé et à l’alimentation, notamment dans les écoles. »

Par Gabriel Serville,

député de Guyane (1

re

circonscription),

membre de la commission du développement

durable et de l’aménagement du territoire

(12)

La santé, c’est

du social !

R

isque d’exposition au virus,

vulnérabilité face à la maladie, différences de prise en charge, disparités matérielles…

si la crise sanitaire actuelle est inédite, elle ne fait que mettre en lumière l’importance et le caractère

multidimensionnel des inégalités sociales qui traversent notre pays depuis longtemps.

Et souligne les risques spécifiques auxquels font face les populations les plus fragiles.

La pandémie a révélé, en premier lieu, des disparités dans l’exposition au virus.

En effet, le risque de contamination est plus élevé dans certains emplois exposés au contact avec les malades (personnel soignant) ou

avec le public (secteurs de la santé et de l’action sociale, de l’agroali- mentaire, du commerce et de l’industrie). Cette inégalité face au télétravail se cumule souvent avec le fait de devoir se déplacer en transports en commun plutôt qu’en voiture ou à vélo. En outre, les conditions de vie et la promiscuité peuvent accentuer le risque de contamination.

La pandémie a aussi mis en évidence des disparités dans la vulnérabilité des personnes face au virus.

Au-delà du facteur lié à l’âge, les comorbidités (obésité, hypertension artérielle, diabète, maladies coronariennes, pathologies pulmonaires chroniques) sont des facteurs aggravants de la pathologie et

affectent davantage les populations les plus précaires.

Concernant la prise en charge et l’accès aux soins durant le confinement, on a pu observer des retards de prise en charge de soins urgents pour des pathologies à risque vital (cardiopathies, accidents vasculaires cérébraux), de même que des dépistages tardifs de cancers qui constituent une perte de chance pour les patients. La prise en charge des

pathologies chroniques et la vaccination des enfants ont également largement diminué en ville pendant le confinement. Et les pathologies nécessitant des soins réguliers étant elles-mêmes traversées par des inégalités sociales, certaines

Par Patrick Castel,

chercheur en sciences politiques

au Centre de sociologie des organisations

(13)

populations moins favorisées ont pu pâtir plus que d’autres des difficultés de recours aux soins. Il s’agira de tirer un bilan sanitaire global du confinement afin de mieux préparer l’avenir et d’éventuelles autres crises à venir.

À tout cela s’ajoutent les conséquences économiques de la crise qui risquent d’accroître les inégalités matérielles.

Certaines populations ont subi une baisse de leur revenu d’activité, d’aides et d’activités informelles (proches aidants) particulièrement importantes, associée à une hausse des dépenses, notamment alimentaires, seulement partiellement compen- sée par les aides publiques.

Le problème, et la crise l’a rappelé, c’est qu’en

France, la santé a tendance à être abordée essentiellement sous l’angle du cure, c’est-à-dire le soin aigu, en anglais (par exemple, retirer une tumeur, prescrire une chimiothérapie ou encore inclure des patients dans un essai clinique), reléguant au second plan la santé publique (la prévention et la promotion de la santé) et le care, c’est-à-dire le sens que l’on donne aux soins (le fait d’écouter les patients, de réfléchir aux conséquences psychosociales de leur maladie). Certes, les pouvoirs publics tentent de renforcer la prise en charge globale des patients. C’est d’ailleurs l’un des grands acquis des Plans cancer avec la création de la

« La crise sanitaire ne fait que mettre en lumière les inégalités sociales

qui traversent notre pays depuis

longtemps. »

consultation d’annonce.

Réalisée par un médecin acteur du traitement oncologique, elle représente un moment fort de la relation de confiance entre soignant et patient. Mais il reste du chemin à parcourir.

Il est vrai que des réformes publiques ou de nouvelles pratiques comme l’oncogériatrie poussent de plus en plus vers une prise en charge à la fois médicale et sociale (auxiliaire de vie à domicile, droit à l’oubli, réinsertion sociale…) et, donc, vers une réflexion pluridisciplinaire autour de l’après. Preuve que la prise en charge d’un patient doit sortir de la maladie elle-même.

Le rôle des associations de patients sera la clé, demain, pour développer ce lien médico-social.

(14)

« Nous ne

sommes pas en guerre,

mais… »

Par Axel Kahn,

président de la Ligue nationale contre le cancer

L

e 16 mars, dans son message aux Français, le chef de l’État affirmait

« nous sommes en guerre ». Je ne partage pas cette idée, car la pandémie est loin d’être une situation inusitée.

Si la modernité accélère la diffusion des virus, leur existence n’a, en revanche, rien de nouveau. Même si la mémoire des pandémies semble s’en être perdue, le monde a connu, dans ces cent dernières années, la grippe espagnole en 1918-2019 (vingt à cinquante millions de morts, dont 400 000 en France), la grippe asiatique en 1957-1958 (quatre millions de morts, dont jusqu’à 100 000 en France), la grippe de Hong Kong en 1968-1969 (un million de morts, dont 30 000

en France) et, plus récemment, le sida (trente-trois millions de morts).

L’humanité figée face à une maladie Faute d’avoir conservé cette mémoire collective, nous n’étions pas prêts lorsque la pandémie s’est répandue. En revanche, nous étions prêts à mettre tous les moyens pour lutter contre elle, « quoi qu’il en coûte ». Pour la première fois dans son histoire, l’humanité s’est figée pour faire face à une maladie. Mais cette ivresse de puissance, cette réaction sociétale mondiale exceptionnelle a eu son revers : le SARS-CoV-2 a résisté à ce déploiement de moyens… Cela dit, il est clair dès à présent que les conséquences écono - mi ques seront, elles aussi, exceptionnelles.

Beaucoup ont cru voir dans la prise en charge de la pandémie le retour d’une médecine de guerre. Particulièrement en réanimation, face au risque de saturation des lits et des moyens.

Pourtant, la question du choix est au cœur de la médecine, y compris hors contexte de guerre militaire ou « sanitaire ».

De tout temps – et je l’ai vécu comme praticien – la question s’est posée de savoir qui on intubait, à qui on faisait une trachéotomie… Il faut y voir avant tout le refus d’un acharnement déraisonnable. Mais il est vrai que le protocole de protection des résidents des Ehpad s’est révélé insuffisant, au moins dans un premier temps. Les Chinois avaient pourtant averti très tôt de l’impact du SARS-CoV-2 sur les personnes âgées. Mais

la mobilisation n’a pas été suffisamment rapide sur les tests dans les Ehpad et sur les moyens de protec- tion des personnels.

Quel impact sur le cancer ?

Dans les premiers temps de la pandémie, on s’est également inquiété d’un éventuel impact direct du virus sur les malades du cancer. Là aussi, une publication chinoise indiquait que la mortalité chez les personnes malades du cancer pouvait être cinq fois supérieure à la moyenne.

Mais ces craintes n’ont heureusement pas été confirmées, sauf dans quelques cas très rares d’immunodépression. Par contre, les conséquences négatives ont été bien réelles en termes de retard au dépistage, de report d’interventions, d’actions de prévention…

(15)

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20BP0063-B0068

En un mot, il y a eu clairement des pertes de chances pour les personnes malades du cancer, comme pour celles atteintes d’autres maladies graves. Et pour la Ligue, le défi a été de taille, notamment dans la période de confinement.

Comme je l’ai déjà dit : si on baisse la garde, alors le cancer en profite pour avancer. Nous avons martelé ce message durant toute la crise sanitaire, avec une efficacité certaine.

Et toutes celles et ceux qui soutiennent la Ligue nous ont suivis. Certes, les dons sont en berne, mais c’est en raison de la suppression de nombreux événements, du fait du confinement, puis des règles de distanciation

sociale. Mais, parce que la Ligue a été incroyablement présente, les autres formes de don se sont maintenues.

Parler, expliquer, mobiliser

Aujourd’hui, il faut continuer d’expliquer et de mobiliser. Pour cela, il faut parler à la population, comme j’ai tenu à le faire dans les médias durant la phase aiguë de la pandémie. En 2020, la Covid-19 a provoqué le décès d’environ 35 000 personnes en France. Même si la pandémie n’est pas terminée, on a de bonnes raisons de croire en un traite ment efficace et un vaccin dès l’an prochain. Mais en 2020, 2021, 2022… environ

156 000 personnes continueront de mourir du cancer chaque année en France, y compris des enfants. Tout en continuant de lutter contre la pandémie de Covid-19, il faut maintenant sortir de l’état de sidération qui s’est instauré au printemps dernier et agir rapidement. L’urgence et la priorité, ce sont les retards dans les différents dépistages du cancer. Ces retards se sont accumulés au fil des mois – pour le cancer comme pour d’autres maladies – et il y a désormais un vrai risque d’« embouteillage », facteur supplémentaire de perte de chances. Plus que jamais, la Ligue se mobilise pour contribuer à relever ce nouveau défi.

Éditeur : Ligue nationale contre le cancer

14 rue Corvisart – 75013 Paris – Tél. : 01 53 55 24 00 – Site : www.ligue-cancer.net – E-mail : vivre@ligue- cancer.net – Directeur de la publication : Professeur Axel Kahn > Directeur de la rédaction : Christophe Leroux

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