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Traduire la Bible en 1886 : autour de la traduction d’Eugène Ledrain

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Claire Placial

To cite this version:

Claire Placial. Traduire la Bible en 1886 : autour de la traduction d’Eugène Ledrain . L’appel de l’étranger. Traduire en langue française en 1886, 2015. �hal-01467961�

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Traduire la Bible en français en 1886 : autour de la traduction d’Eugène Ledrain.

Claire Placial, « Traduire la Bible en 1886 : autour de la traduction d’Eugène Ledrain », dans L’appel de l’étranger. Traduire en langue française en 1886, dirigé par Sylvie Humbert- Mougin, Lucile Arnoux-Farnoux et Yves Chevrel, Tours, Presses Universitaires François- Rabelais, 2015.

La convention de Berne ne change pas grand chose dans la pratique de la traduction de la Bible : ce n’est pas du point de vue de l’impact de la législation sur la traduction que le choix de l’année 1886 est susceptible de révéler des tendances nouvelles. L’année 1886 voit cependant paraître le premier tome de la Bible d’Eugène Ledrain, qui est la première Bible intégrale non confessionnelle en français. Par Bible non-confessionnelle, nous entendons Bible dont le traducteur n’est pas religieux, non destinée à une communauté religieuse, et non orientée vers une lecture exégétique du texte1.

Un sondage dans les catalogues de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque Royale de Belgique et du Réseau des bibliothèques genevoises nous apporte les informations suivantes sur les parutions de traductions bibliques en français en 1886 :

- paraissent deux éditions intégrales de la Bible, l’une éditée par la Société Biblique de France2, l’autre par l’imprimeur de Nancy Berger-Levrault3, ce sont toutes deux des révisions de la Bible d’Ostervald, publiée à Neuchâtel en 1744.

- paraissent des éditions du seul Nouveau Testament, là encore dans des rééditions ou révisions : la huitième édition du Nouveau Testament d’Oltramare (première édition : 1872)4, la réédition de la version d’Ostervald, par l’Agence de la société biblique protestante et par la Société biblique de Londres5.

- paraissent plusieurs tomes de la Bible des éditions Lethielleux, avec l’introduction générale par l’abbé Trochon6, l’Exode dans la traduction de l’abbé Bayle7, et le livre de Job dans la traduction de l’abbé Lesêtre8.

- sous le titre prometteur de La petite Bible illustrée de l'enfance concordance des deux Testaments9, on trouve à la BnF un texte en basque.

- par ailleurs, l’année 1886 ne semble pas une année riche pour ce qui est de la traduction de livres bibliques édités séparément. On ne trouve dans le catalogue de la BnF

1 Voir Claire Placial, « Qu’est-ce qu’une traduction confessionnelle ? Réflexions en marge d’une histoire des traductions du Cantique des cantiques. », dans La traduction : philosophie et tradition, édité par Christian Berner et Tatiana Milliaressi, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, Lille, 2011, p. 247-263.

2 La Sainte Bible ou l'Ancien et le Nouveau Testament. Version d'Ostervald révisée, Paris : Société Biblique de France, 1886.

3 La Sainte Bible ou l'Ancien et le Nouveau Testament, d'après la version revue par J. F. Ostervald, Nancy, imp.

de Berger-Levrault, 1886.

4 Le Nouveau Testament de Notre seigneur Jésus-Christ. Version nouvelle par Hugues Oltramare,... 8e édition, Paris, à l'agence de la société, 1886.

5 Le Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus-Christ. Version de J. F. Ostervald. Nouvelle édition, revue.

Londres : Société biblique, 1886.

6 La Sainte Bible : texte de la Vulgate, traduction française en regard, avec commentaires. Introduction générale par M. l’abbé Trochon, Paris, P. Lethielleux, 1886-1887.

7 La Sainte Bible : texte de la Vulgate, traduction française en regard, avec commentaires, L'Exode, introduction critique et commentaires par M. l’abbé H.-J. Crelier ; traduction française par M. l'abbé Bayle, Paris, P.

Lethielleux, 1886.

8 La Sainte Bible : texte de la Vulgate, traduction française en regard, avec commentaires. Le Livre de Job.

Introduction critique, traduction française et commentaires par M. l’abbé H. Lesêtre, Paris, P. Lethielleux, 1886.

9 La petite Bible illustrée de l'enfance concordance des deux Testaments, Paris, librairie Saint-Paul, 1886.

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trace d’aucune traduction nouvelle du Cantique des cantiques et des Psaumes, qui sont les livres les plus fréquemment retraduits (il existe certes des collections de psaumes, mais ce sont des ouvrages de chants et non des traductions du livre biblique). Ce n’est pas forcément représentatif de l’activité traductive de la période, puisqu’en 1885, trois nouvelles traductions du Cantique des cantiques avaient paru10.

En 1886 paraissent donc dans l’ensemble davantage de rééditions ou de révisions que de nouvelles traductions. Cela semble représentatif des éditions de Bibles françaises dans la seconde moitié du XIXe siècle, et du travail de diffusion de la Bible par les sociétés bibliques, qui la plupart du temps ne commandent pas de nouvelle traduction mais utilisent celles déjà existantes. Il faut noter toutefois que l’Agence de la société biblique protestante diffuse abondamment la traduction toute récente de Louis Segond11 : en 1885 et 1887 en paraissent ainsi deux éditions successives. Les deux traductions de Bibles intégrales qui sont en cours de parution sont celle de la Bible des éditions Lethielleux (dont les premiers tomes paraissent en 1877), et la traduction qui nous intéresse plus précisément aujourd’hui, celle de Ledrain.

D’après la notice d’autorité personne de la BnF, Eugène Ledrain (1844-1910) est

« Archéologue et orientaliste. - Prêtre de l’Oratoire puis conservateur adjoint du département des Antiquités au Louvre ». Il est spécialiste d’épigraphie hébraïque et assyrienne. Parmi ses œuvres conservées à la BnF, bon nombre sont en effet des études épigraphiques12 ; on y trouve également des ouvrages décrivant les fonds du musée du Louvre et des bibliothèques nationales13 ; des dictionnaires de langues sémitiques anciennes14 ; et également une Histoire d’Israël15. Cet ouvrage, antérieur de sept ans au début de la publication de sa Bible, ne se fonde pas tant sur les documents épigraphiques qu’était pourtant en mesure d’analyser Ledrain, que sur une relecture de l’Ancien Testament, perçu comme une chronique du peuple d’Israël. Le texte biblique est amplement cité, et vient appuyer la chronologie proposée par Ledrain. Cet ouvrage, qui implique une relecture extensive de la Bible, est sans doute à considérer dans la genèse du projet de traduction intégrale de Ledrain.

Jusqu’ici, les traducteurs individuels ayant pris en charge une traduction intégrale de la Bible étaient liés aux Eglises. Les traducteurs catholiques (Antoine-Eugène Genoude, Jean- Baptiste Glaire, Antoine Arnaud ainsi que les auteurs de la Bible Lethielleux…) sont des ecclésiastiques. Chez les protestants, c’est plus complexe. Édouard Reuss est professeur à la faculté de théologie de Strasbourg ; sa préface explicite le fait que sa traduction (1874-1879) s’adresse au « public protestant français16 ». Segond a été pasteur à Genève jusqu’en 1864 ; il a continué à enseigner la théologie pendant les années suivantes lors desquelles il a traduit la Bible.

Ledrain quant à lui n’est pas par métier théologien, et ne semble pas avoir eu de pratique de traduction en dehors de son travail d’épigraphiste, et de sa traduction de la Bible.

10 Le Cantique des cantiques, par Albert Fornelles (Paris, A. Lahure, imprimeur-éditeur, 1885) ; L’Eternel Cantique, par Jean Aicard (Paris, Librairie Fischbacher, 1885) et, chez l’éditeur de Ledrain, Le Cantique des Cantiques, traduction en vers de Jean Lahor d’après la version de M. Reuss (Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 1885).

11 La Sainte Bible. Ancien Testament, version de Louis Segond, Nouveau Testament, version de H. Oltramare.

Paris, agence de la société biblique protestante, 1877. L’Ancien Testament paraît seul à Genève dès 1884.

12 Ainsi « Inscriptions palmyréniennes inédites », en 1888, ou Inscriptions cunéiformes archaïques du musée du Louvre, Paris 1903.

13 Par exemple Les monuments égyptiens de la Bibliothèque nationale (Paris, F. Vieweg, 1879-1881) ou Monuments nouveaux au Musée du Louvre.

14 Dictionnaire des noms propres palmyréniens Paris, E. Leroux, 1886 ; Dictionnaire de la langue de l'ancienne Chaldée, Paris, E. Leroux, 1898.

15 Histoire d’Israël, Paris, Alphonse Lemerre Editeur, 1879.

16 Préface de La Bible traduction nouvelle avec introductions et commentaires, traduction d’Edouard-Guillaume Reuss, Paris, Sandoz et Fischbacher ; Strasbourg, imprimerie de J.-H.-E. Heitz, 1874.

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Il continue au long des années qui voient la publication des différents tomes de sa Bible à publier des articles ou des ouvrages d’épigraphie : on peut supposer qu’il a cumulé le travail de traduction avec sa tâche habituelle de conservateur du Louvre. Si, d’après la notice biographique de la BnF, il a été prêtre, il semble avoir perdu la foi – du moins, il a quitté la prêtrise, et publie une traduction non confessionnelle.

Cette première dans l’histoire de la traduction de la Bible est passée relativement inaperçue : près d’un siècle plus tard, les éditeurs de la Bible de Pierre de Beaumont (1981) écrivent en effet : « La Bible de Pierre de Beaumont, qui est sans doute le premier laïc à avoir entrepris cette longue tâche (il y a consacré dix-sept années) va permettre aux français la découverte d’un livre essentiel à leur culture17. »

Il faut cependant modérer la nouveauté de cette traduction de la Bible par un laïc.

Existaient déjà en 1886 des traductions de livres bibliques dues à des laïcs, et pouvant être considérées comme des traductions non-confessionnelles. Notons seulement les travaux de Renan, que connaissait bien Ledrain, qui avait d’ailleurs publié un compte-rendu de la traduction de Renan du livre de l’Ecclésiaste18, et qui au moment de la mort de Renan écrira en hommage un article19 sur sa vie et son œuvre. Renan est un des premiers (avec d’autres auteurs moins connus, comme Albert Réville20) à aborder systématiquement les textes bibliques dans une perspective philologique et historique, dégagée des enjeux théologiques, considérant qu’il ne s’agit pas de textes révélés, mais de documents à valeur historique témoignant des mœurs et de la littérature de l’Orient ancien. Ledrain a une formation, une pratique professionnelle qui est proche de celle d’Ernest Renan dans le domaine biblique, ou plus largement des philologues du second XIXe siècle. Là où il se différencie de Renan, dont il partage en partie les convictions et les méthodes, c’est dans le fait qu’il s’attaque à la traduction de l’ensemble de toute la Bible.

La Bible de Ledrain comporte un avertissement d’une dizaine de pages qui explicite la démarche du traducteur. Le projet de traduction de Ledrain se construit dans l’articulation de la conception de la Bible comme corpus littéraire et du refus des dogmes religieux. Dans l’avertissement, Ledrain articule deux positions : les livres bibliques n’ont pas de vérité historique21, mais ils ont une valeur littéraire et morale. Il récuse donc « la vieille apologétique » dont il qualifie la volonté de démontrer « la vérité historique de ces derniers livres juifs » comme « la plus puérile et la plus vide des entreprises. C’est absolument comme si l’on voulait, à tout prix, trouver des personnages réels, portant leur vrai nom, dans certains romans de George Sand et dans La Morte, de M. Octave Feuillet.22 »

Cet exemple montre combien Ledrain considère les textes bibliques comme des créations littéraires, comme des fictions. La comparaison avec les romans contemporains de George Sand et d’Octave Feuillet (plutôt qu’avec les œuvres homériques, par exemple, auxquelles les auteurs convaincus de la nature proprement littéraire de la Bible la comparent

17 La Bible, présentée par Pierre de Beaumont, Lac Beauport, Québec, Editions Anne Sigier, 1981, p. 9. La Bible intégrale poursuit un travail entamé par le traducteur à partir de 1966.

18 « M. Renan et l’Ecclésiaste », extrait de la Philosophie positive, septembre-octobre 1882.

19 « M. Renan, sa vie et son œuvre », extrait de L’Artiste, Paris, novembre 1892.

20 Voir Claire Placial, « La problématique des genres et la traduction de la poésie biblique. Approches comparatistes chez les philologues allemands et les orientalisants français », actes du xxxvie Congrès de la S.F.L.G.C. : « Littérature comparée et Esthétique(s) », Aix-en-Provence, parus en ligne http://ufr-lacs.univ- provence.fr/cielam/node/559 (consulté le 11 avril 2012)

21 C’est là une affirmation curieuse si l’on considère que son Histoire d’Israël se fonde en grande partie sur les récits bibliques.

22 Eugène Ledrain, La Bible, traduction nouvelle d’après les textes Hébreu et Grec, Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 1886, Tome I (Les Juges – II et II Samuel – I Rois), p. ii.

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volontiers) apporte implicitement une précision quant au statut donné aux livres bibliques, sous-entendant qu’à leur époque ils relevaient de la littérature populaire.

Ledrain dans l’avertissement déploie ainsi tout un réseau terminologique précisant la nature littéraire, fictionnelle des livres bibliques. Il emploie les expressions de « charmant récits », de « œuvres purement morales », de « contes gracieux, fruits de l’imagination juive », de « chefs d’œuvre de l’esprit humain ». Cela le conduit à une définition pour le moins peu conventionnelle de l’aggadah (récit rabbinique constituant l’enseignement non- législatif, relevant du mythe ou de l’anecdote, à portée morale) :

Pour rendre une vérité morale, ou pour produire dans l’âme un effet déterminé les Juifs avaient recours à ce qu’ils ont appelé l’aggada, du verbe igguid, annoncer. C’était un procédé très commun en Israël, et qui, du reste, n’est pas étranger à la littérature la plus moderne. Tout roman où l’auteur se propose pour objet de développer ou de prouver, sous la forme vivante du récit, une idée philosophique, rentre dans la même catégorie que Jonas, Job, Ruth et l’histoire de Suzanne23. »

Ledrain considère donc la aggada comme récit fictionnel, comme « roman » même.

Pour lui, c’est précisément cette perception du corpus biblique comme collection d’ouvrages à caractère purement littéraire qui permet de sauver la Bible, d’en justifier la valeur, face aux attaques par exemple de Voltaire24. La critique de Voltaire portait en effet tant sur le fond (les récits bibliques sont ridicules et invraisemblables, Jonas n’a pu passer trois jours dans le poisson) que sur la forme (les livres bibliques ne sont pas composés avec goût). Pour Ledrain en revanche,

Considérer comme des œuvres purement morales, comme des contes gracieux, fruits de l’imagination juive, ces sortes d’histoires, c’est en réalité les sauver du ridicule, et leur donner une place distinguée parmi les chefs d’œuvre de l’esprit humain. Quoi de plus délicieux que l’embarquement de Jonas, la tempête, le séjour dans le monstre marin, l’entrée dans Ninive

« la ville grande pour Iahvé lui-même ! »25.

Cet argument de Ledrain n’a rien de nouveau. Dans son étude « sur le plan, l’âge et le caractère du poème » publiée avec sa traduction dramatique du Cantique des cantiques, Ernest Renan écrit ainsi que

Le poème n’est ni mystique, comme le voulaient les théologiens, ni inconvenant, comme le croyait Castalion, ni purement érotique, comme le voulait Herder ; il est moral (…)26.

Cette lecture du corpus biblique comme recueil d’œuvres littéraires n’est possible que dans le cadre d’une position non-confessionnelle, affirmant que les textes bibliques ont des auteurs humains non inspirés. Ledrain, dans son avertissement, précise le contexte religieux dans lequel il écrit : « Et maintenant, qu’on ne me méprenne point sur la pensée qui m’a fait entreprendre ce long travail. Je n’ai voulu ni attaquer ni servir les religions27. » Qu’il ne les attaque pas, c’est discutable ; en tout cas, il critique la notion même de religion pour ce qui est

23 Ibid.

24 Pour Voltaire, par exemple, le Cantique des cantiques est une « rhapsodie inerte » (Dictionnaire philosophique, article « Salomon »).

25 Ouvrage cité, p. iii.

26 Dans Le Cantique des Cantiques, traduit de l’hébreu avec une étude sur le plan, l’âge et le caractère du poème.

Paris, 1860. Nouvelle édition : Paris, Arléa, 1990, p. 157. Sébastien Châteillon, dit Castellion, est l’auteur de traductions latine (1552) puis française (1555) de la Bible, parues à Bâle. Il estimait, d’après ses contradicteurs, que le Cantique était un texte profane. Cela a entraîné sa brouille avec Calvin et son départ de Genève.

27 Ouvrage cité, p. v.

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du judaïsme (« c’est une race plutôt qu’une église28 » et qui ne peut « entrer dans une catégorie dogmatique quelconque29 ») et du protestantisme plongé dans un « état d’illogisme et de perpétuel malaise30 » par la multiplicité de ses « communions » et par le fait que la lecture individuelle de la Bible a pour support « la libre pensée ». Ledrain conclut ainsi :

Restent donc en face l’un de l’autre le catholicisme et la liberté. Mais, dans la question biblique, le premier fléchit déjà. Après avoir enseigné que, dans le texte, les mots eux-mêmes sont inspirés, il en est venu à n’admettre l’inspiration que pour la pensée, non pour les mots31. Ledrain, pourrait-on en conclure, s’intéresse « aux mots », contre une vision catholique de la traduction, qui dans la tradition paulinienne privilégie l’esprit, le « message » à la lettre. Si l’on suit les propos qu’il tient dans l’avertissement, on ne peut cependant pas faire de Ledrain un tenant de la lettre seule. Ledrain écrit ainsi :

Des versions françaises de la Bible ont été tentées depuis Sacy par des savants qui sont entrés en communication directe avec le texte hébreu ; mais, pour faire passer dans notre langue toute l’ardente littérature juive, les connaissances philologiques ne suffisent pas. Qui les possède seules ne peut fournir qu’une traduction pâle et tout à fait infidèle. Comment redire les paroles d’Isaïe et d’Ezéchiel sans avoir eu ses lèvres touchées comme les leurs par les vifs charbons de l’inspiration poétique ?32

Ledrain, qui considère que le corpus biblique est une œuvre uniquement humaine, fait tout de même appel au concept d’inspiration, mais elle est d’ordre littéraire. Partant de là, une traduction philologique ne suffit pas. Le traducteur doit lui-même être inspiré. Voilà ressurgir sous la plume d’un traducteur non-confessionnel des propos que l’on est davantage habitué à trouver chez les traducteurs s’en remettant à l’esprit saint afin de garantir la « fidélité » au message divin. La notion de trahison est également présente dans l’avertissement : « J’ai essayé, pour ma part, de trahir le moins possible les grands écrivains d’Israël33. » La question du respect de l’esprit au delà de la lettre est donc présente chez Ledrain, en dehors de toute perspective religieuse. L’avertissement est très évasif quand aux moyens employés par le traducteur pour rendre « l’ardente littérature juive » : on ne trouve pas chez Ledrain d’exposé des méthodes employées pour rendre en français le style de l’original. Il faut donc se confronter aux textes pour se faire une idée des choix de traduction.

La parution de la Bible de Ledrain se fait en dix tomes, chez l’éditeur Alphonse Lemerre à Paris. Seul le premier tome paraît en 1886. Il contient la traduction de Juges, de I et II Samuel et de I Rois, précédée d’un long avertissement fondamental pour la compréhension de la démarche de Ledrain. La parution des tomes suivants se fait dans l’ordre et aux dates suivants :

Tome deuxième : II Rois – Esdras – Néhémie – I et II Chroniques – I et II Maccabées 1887

Tome III : L’hexateuque. Genèse – Exode 1887

Tome IV : L’hexateuque ii. Lévitique – Nombres – Deutéronome – Josué 1888 Tome V : Les prophètes I. Isaïe – Jérémie – Lamentations 1889

28 Ibid.

29 Ibid.

30 Ibid, p. vi.

31 Ibid, p. vii.

32 Ibid, p. viii.

33 Ibid, p. ix.

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Tome VI : Les prophètes II. Ezéchiel – Les douze petits prophètes – Baruch – Daniel – Epître de Jérémie 1890

Tome VII : Œuvres morales et lyriques I. Cantique des cantiques – Ecclésiaste – Proverbes – Sapience – Ecclésiastique – Ruth – Esther – Tobie – Judith 1891

Tome VIII : Œuvres morales et lyriques II. Psaumes – Job 1893 Tome IX : Evangiles. Epitres de Jean – Apocalypse 1896 Tome X : Actes – Epitres 1899

Est annoncé en quatrième de couverture du premier tome un ordre différent, qui n’aura donc pas été respecté :

- Tomes I et II : Livres historiques

- Tomes III et IV Livres législatifs ou Thora - Tomes V et VI : Œuvres morales et lyriques - Tome VII : Les prophètes

- Tomes VIII et IX : Evangiles, Actes, Apocalypse, Epitres.

- Tome X : Etude critique

L’« Etude critique » annoncée dans le premier tome ne paraîtra jamais. Dans les deux cas l’ordre des livres bibliques est peu canonique. La définition d’un « hexateuque » est sans doute la nouveauté la plus flagrante, dans la mesure où le Pentateuque, appelé dans la Bible hébraïque Tora (la loi), constitue un ensemble cohérent dans les canons juif et chrétiens. Aux cinq livres constituant le Pentateuque traditionnel est ajouté le livre de Josué, car, selon Ledrain, « le livre de Josué est lié aux cinq livres attribués à Moïse34 » ; de fait il s’inscrit dans la continuité narrative du Deutéronome qui se conclut par la mention de la mort de Moïse. Si l’on observe l’annonce des livres à paraître sur le quatrième de couverture du premier tome, on comprend qu’il faut considérer l’hexateuque comme l’ensemble des « livres législatifs ou Thora », encore que la nature législative de Josué soit sujette à caution. Cette définition d’un « hexateuque » semble un cas isolé dans l’histoire de la traduction de la Bible en français au XIXe siècle, mais l’hypothèse d’un hexateuque rassemblant des livres sinon écrits, du moins compilés par un écrivain unique se trouve déjà dans les travaux du philologue néerlandais Abraham Kuenen, professeur à Leyde35.

Ce sont des critères essentiellement génériques qui ordonnent l’ordre de parution des livres bibliques, et qui recomposent ainsi le corpus biblique en « livres historiques » (selon une appellation conforme à la tradition catholique, mais qu’il faut comprendre chez Ledrain comme livres retraçant l’histoire d’Israël, et en proposant le « roman »), « livres législatifs »,

« œuvres morales et poétiques » (que la tradition chrétienne catholique et protestante appelle en général « livres poétiques et sapientiaux »), prophètes, Evangiles. Il ne s’agit donc ni de l’ordre habituel des différents types de Bibles chrétiennes, ni de l’ordre de la Bible hébraïque, qui comporte trois ensembles, la Loi, les Prophètes, les Ecrits. Notons par ailleurs la présence dans la Bible de Ledrain des livres deutérocanoniques, absents de la Bible hébraïque et considérés apocryphes par la plupart des Bibles protestantes : Sapience (Sagesse de Salomon), Ecclésiastique, Judith, Tobie, qui donc ne sont pas traduits de l’hébreu, mais du grec des Septante.

34 La Bible, tome III : L’hexateuque, p. iii.

35 Nous avons trouvé trace de ce philologue à travers la bibliothèque d’Ernest Renan, qui possédait la traduction allemande de 1887 de l’ouvrage de Kuenen : Historisch-kritische Einleitung in die Bücher des alten Testaments, von A. Kuenen. Autorisierte deutsche Ausgabe von Prof. Dr. Th. Weber. Leipzig, Verlag von Otto Schulze, 1887.

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Les paratextes de la Bible de Ledrain n’ont formellement rien de très original. Chaque ensemble de livres est précédé d’une préface ; une introduction précède certains livres ; des notes de pas de pages relativement rares précisent le sens d’un mot ou la discordance des versions anciennes. Le livre de Josué qui ouvre la Bible de Ledrain ne comporte pas de notice préliminaire, alors que se trouve au début du troisième tome un essai sur la « Composition et date de l’hexateuque » ; dans la même veine, on trouvera une « préface » aux « œuvres morales et lyriques » ; une notice introductive au Cantique des cantiques et aux Psaumes, mais pas à Job ni à l’Ecclésiaste ; aucune introduction pour les Évangiles. Ce qui différencie cette Bible des autres bibles de l’époque, c’est le manque de systématisme dans l’introduction des livres, là où dans les Bibles confessionnelles en général chaque livre comporte une introduction.

La mise en page de la Bible de Ledrain tranche par rapport à la présentation des Bibles de l’époque. Le texte est disposé en pleine page, sans colonnes. Les chapitres sont numérotés, mais pas les versets, et il n’y a pas d’alinéa en début de verset. Ledrain distingue apparemment entre livres en vers et livres en prose. En effet dans les livres historiques et législatifs le texte est disposé en blocs de proses correspondants aux différents chapitres ; les livres considérés poétiques36 ne sont pas rendus en vers réguliers, mais la disposition en lignes rappelant le vers libre les distingue formellement et les identifie comme poétiques.

Cette mise en page se distingue des traductions intégrales de la Bible parues au XIXe

siècle par le fait que les versets ne sont pas numérotés. Ledrain dans les paratextes ne s’exprime pas sur ce choix ; on peut penser qu’il a considéré que les versets, dont la numérotation a été introduite en France par l’édition de la traduction d’Olivétan par Robert Estienne en 1552, ne fait pas partie du texte original. L’absence de numérotation des versets surprend le lecteur, en se démarquant de l’horizon d’attente qui est celui, encore maintenant, d’un lecteur de Bible. Supprimer la numérotation des versets, c’est souligner la littérarité, la continuité du texte, et cela s’accorde bien au projet de traduction de Ledrain.

D’un autre côté, la distinction entre blocs de texte assimilables à de la prose et lignes assimilables au vers libre n’est pas une innovation de Ledrain, même si elle va dans le sens d’une attention à la littérarité, et notamment au genre littéraire des textes bibliques. En effet Segond, une dizaine d’années avant lui, introduit le premier dans une Bible intégrale une traduction en lignes des livres poétiques, tandis que la pratique de la mise en vers de livres séparés (les Psaumes, le Cantique des cantiques notamment), avait toujours existé.

Quant à la traduction elle-même, d’après Christian Cannuyer, « il s’agit surtout d’un essai philologique et littéraire, souvent d’un littéralisme très respectueux du texte hébreux 37 ».

Ce littéralisme s’illustre de façon particulièrement frappante dans la traduction des noms propres de personne et de lieux. Le début du livre des Juges, qui ouvre le premier tome, est rendu ainsi :

Après la mort d’Ioschoua (Josué), les Benê-Israël interrogèrent Iahvé en ces termes : « Qui d’entre nous montera le premier contre le Kenaanite, pour le combattre ? – C’est Iehouda (Juda) qui montera, répondit Iahvé ; je lui ai livré le pays […].

36 Parmi les livres composant les « œuvres morales et lyriques », sont traduits en lignes ou vers libres le Cantique des cantiques, les Proverbes, l’Ecclésiastique, Job et les Psaumes ; sont traduits en prose l’Ecclésiaste, la Sapience, Ruth, Esther, Tobit et Judith.

37 Dans Pierre-Maurice Bogaert (dir.) : Les bibles en français : histoire illustrée du Moyen-Âge à nos jours, Turnhout, Brepols, 1991, p. 207.

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Plusieurs remarques sur ce bref extrait. Les noms propres dont la graphie habituelle est

« Josué » et « Juda » sont rendus par une transcription très proche de la prononciation du texte hébreu massorétique, par les mots « Ioschoua » et « Iehouda ». Il s’agit davantage d’une transcription phonétique que d’une véritable translittération. Pour rendre le texte intelligible au lecteur accoutumé à lire « Josué » et « Juda », ces noms figurent entre parenthèses.

L’expression « Benê-Israël » est une transcription de l’hébreu qui est surprenante : elle opacifie un texte hébreu tout à fait intelligible, l’expression signifiant en effet « fils d’Israël », d’où le terme « Israélite ». Le nom de Dieu est rendu de manière particulière, sans parenthèse explicative. Ledrain écrit en effet Iahvé, une graphie qui correspond à la transcription du tétragramme (les quatres lettres yod – hé – waw – hé formant le nom imprononçable de Dieu) à laquelle s’ajoute une des vocalisations possibles lors de la lecture à haute voix du texte : celle qui consiste à prononcer, devant le tétragramme, le mot ha-schem (« le nom »). Ledrain n’utilise pas la vocalisation fondée sur les voyelles du mot Adonaï, qui sont présentes sous le tétragramme dans le texte massorétique, au contraire des traducteurs et exégètes qui écrivent alors « Jehovah ». La traduction du nom de Dieu est assez systématique : on trouvera ainsi Iahvé pour le tétragramme, tandis qu’Elohim est simplement transcrit, les deux étant à l’occasion combinés pour donner « Iahvé-Elohim ».

Pour le reste, qu’en est-il du « littéralisme », réel ou supposé, de la Bible de Ledrain ? Il semble qu’il faille tout de même mesurer cette dimension de sa traduction. Prenons par exemple les premiers versets de la Genèse dans la traduction de Ledrain :

Au commencement, quand Elohim fit les cieux et la terre, celle-ci était sans forme et un chaos, les ténèbres étaient sur l’abîme, et l’esprit d’Elohim planait sur les eaux. Elohim dit : « Que soit la lumière », et fut la lumière38.

Certes la transcription « Elohim » peut être comprise comme signe de littéralisme.

Pour le reste, quand bien même Ledrain s’appuie sur le texte hébreu, le choix du vocabulaire porte l’influence de la Vulgate, que les traducteurs, même de l’hébreu, même protestants, ont toujours à l’oreille. Voici en effet comment les mêmes versets sont rendus dans la Vulgate :

1 1 In principio creavit Deus cælum et terram. 2 Terra autem erat inanis et vacua, et tenebræ erant super faciem abyssi : et spiritus Dei ferebatur super aquas. 3 Dixitque Deus : Fiat lux. Et facta est lux.

Traduire bereshit par « commencement », hoshek par « ténèbres » et ruah par

« esprit », c’est se conformer à une forme d’horizon d’attente lexical du lecteur habitué aux

« tenebrae » et « spiritus » qui, au delà de la traduction de Gn dans la Vulgate, ont infusé le vocabulaire théologique chrétien et, au delà, la civilisation chrétienne (que l’on pense aux expressions « Esprit Saint » ou « Prince des ténèbres », par exemple). Le lexique choisi par Ledrain dans ce verset est, somme toute, celui de la tradition chrétienne. Il faudrait à ce sujet faire des études plus extensives à partir d’un nombre de termes clé plus importants. En tout cas, dans l’exemple envisagé, on voit que le traducteur n’a pas spécifiquement cherché à rendre les mots hébreux par des mots français qui échappent à la connotation chrétienne, là où par exemple un siècle plus tard André Chouraqui, qui donne une version délibérément calquée par moment sur l’hébreu, traduit Gn 1,2 ainsi :

ENTÊTE Elohîms créait les ciels et la terre, 2. la terre était tohu-et-bohu,

38 Gn, 1, 1-3.

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une ténèbre sur les faces de l’abîme,

mais le souffle d’Elohîms planait sur les faces des eaux.

3. Elohîms dit: « Une lumière sera. » Et c’est une lumière.

L’usage du terme « souffle » pour traduire ruah est de fait plus proche de la signification du mot hébreu, puisque ruah c’est effectivement le souffle vital qui émane de la respiration, sans la connotation abstraite qu’à le mot « esprit » en français moderne. Pour ce qui est de la syntaxe, là aussi, Ledrain ne s’éloigne guère des normes du français : les waw hébreux (les « et » qui scandent la narration du texte hébreu au début de chaque proposition) ne sont pas systématiquement reproduits, le pronom démonstratif « celle-ci » évite la répétition de « la terre », des guillemets sont introduits pour mettre formellement en relief la parole de Dieu…

D’un autre côté, l’usage que fait Ledrain de la syntaxe dans sa traduction des premiers versets de la Genèse est révélateur d’une volonté de rompre avec les habitudes, qui est peut- être également un indice de la méfiance de Ledrain vis-à-vis de la théologie. La mention de la création est en effet doublement mise à distance : parce que Ledrain n’utilise pas le verbe

« créer » mais le verbe « faire » (qui est tout à fait acceptable pour traduire ארב), et parce que, alors que dans le texte hébreu les premiers mots sont clairement la proposition principale, Ledrain mentionne la création dans une subordonnée temporelle qui est absente du texte hébreu, et qui aurait pu facilement être évitée sans pour autant tomber dans la redondance (par une phrase du type « au commencement, Elohim fit le ciel et la terre ; cette dernière était sans forme », etc.)

Il est difficile de déterminer a priori quelle a été la réception de la Bible de Ledrain par les milieux religieux. Notons que la Bible de Ledrain ne semble pas mise à l’Index, dans lequel figure parmi ses œuvres pourtant son Histoire d’Israël. On imagine cependant mal un accueil chaleureux de la part du public et des autorités catholiques. Néanmoins, le milieu philologique fait un accueil semble-t-il favorable à cette Bible. Jean Berge écrit dans « Les livres du mois » une recension du troisième tome de la Bible de Ledrain. Il loue le fait que selon lui « le seul but poursuivi par Ledrain, a été le triomphe de la vérité qui existe en soi, non dans telle ou telle tradition admise depuis plus ou moins longtemps.39 » Ernest Renan lui- même avait porté un certain intérêt à cette Bible, puisque l’on sait qu’il en possédait les deux premiers volumes, conservés dans le fond Renan de la BnF sous la cote Z RENAN 8817.

Ledrain a par ailleurs été le premier à écrire une nécrologie à la mort de Renan en 189240. Il faut dire que, quand bien même Ledrain critique certains aspects de la démarche de Renan, leurs travaux vont globalement dans la même direction, et la Bible de Ledrain est dans une certaine mesure une application de la méthode philologique à l’intégralité du corpus biblique.

La traduction de Ledrain n’aurait peut-être pas été possible si elle n’avait été précédée par les travaux de Renan.

La part réservée à la Bible de Ledrain dans les ouvrages analysant les traductions françaises de la Bible est extrêmement congrue. On lit ainsi dans l’ouvrage dirigé par Pierre- Maurice Bogaert ces simples mots :

Entre 1886 et 1889, parurent aussi dans cette même veine, chez A. Lemerre, à Paris, les dix volumes de La Bible. Traduction nouvelle d’après les textes Hébreux et Grecs, par Eugène

39 Jean Berge, « Livres du mois », extrait d’une publication dont le titre manque, conservée à la BnF sous la cote 8 Z 12701, p. 993.

40 « M. Renan, sa vie et son œuvre », dans la revue L’Artiste, Paris, novembre 1892.

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Ledrain ; il s’agit surtout d’un essai philologique et littéraire, souvent d’un littéralisme très respectueux du texte hébreux [sic]41.

Frédéric Delforge, dans son ouvrage de synthèse La Bible en France et dans la francophonie : Histoire, traduction, diffusion, consacre presque une page à Ledrain. Il constate que « Ledrain se veut hors des chemins traditionnels suivis, selon lui, par le judaïsme et le christianisme », et note que « Ledrain, qui connaît bien les problèmes historiques, critiques, exégétiques, relatifs à la Bible, relègue “dans un volume spécial ce qui concerne l’âge et la composition des livres juifs” »42.Pour les deux critiques, la démarche de Ledrain est caractérisée par son orientation non-confessionnelle et critique. Delforge n’a manifestement pas consulté la Bible de Ledrain, puisqu’il ne se rend pas compte que le « volume spécial » n’a finalement jamais paru. On peut par ailleurs remettre en cause l’analyse de ces critiques qui font de Ledrain un littéraliste : le littéralisme de Ledrain est à peu près limité à la question des noms propres.

Cela dit, quand bien même la traduction de Ledrain n’a eu qu’un écho limité lors de sa parution, et qu’elle semble bien mal lue par les critiques actuels, il faut noter l’importance de certaines innovations de Ledrain. Il semble le premier traducteur d’une Bible intégrale à transcrire le tétragramme par le mot « Iahvé », et à systématiquement transcrire phonétiquement les noms propres depuis l’hébreu. Il faudrait tenter de déterminer s’il est absolument le premier à faire ainsi dans les traductions françaises de textes bibliques, où si il a emprunté ces méthodes à des essais philologiques ou des traductions de livres séparés. Ce sont, quoi qu’il en soit, des choix de traduction qui connaîtront une certaine fortune au XXe

siècle.

41 Ouvrage cité, p. 207.

42 La Bible en France et dans la francophonie : Histoire, traduction, diffusion, Publisud/ Société Biblique de France, 1991, p. 231.

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