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Academic year: 2022

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EDITO EDITO EDITO EDITO

Mais qu'est-ce que ce torchon, sans logique aucune, si ce n’est le plaisir de parler musique, et de quelle musique. Le rock, ouais les gars, ce genre de truc que l’on pose soigneusement sur sa platine, et qui nous remue les tripes sous les coups de boutoirs d’une guitare fuzz.

Fuzz… Comme Fuzzine. Un zine’ quoi, en plus fuzz. Petit slogan trouvé par notre ami Venukse. Et qui résume

bien l’esprit qui nous anime. Sans prétention aucune que de disserter sur cette musique qui anime notre quotidien, bien fade en dehors. Le plaisir d’écrire sur cette grande épopée qui de Presley aux Rolling Stones n’a cessé d’allumer la flamme de notre triste conscience. D’un monde qui tourne en rond, sans avenir précis si ce n’est celui de la dégénérescence de la critique et du consensus mou.

L’objectivité. Asséné au lycée comme une vérité générale, vecteur d’un abrutissement massif de sa propre réflexion. Alors bien sûr, Fuzzine peut déconcerter, ou mieux choquer. Voir vous interpeller. Si c’est le cas, on pourra être satisfait. Sinon, autant vous dire qu’on s’en tape.

L’existence même de ce fanzine n’étant qu’un exécutoire de notre passion.

Loin de se prendre au sérieux, et comment pourrait-il en être autrement, on a cherché avec ce numéro 0 à vous faire partager nos

coups de cœur et nos trouvailles indécentes, voulu donner la parole à ceux qui ont fait vivre le rock et qui continuent à le faire subsister, avec toujours cette même flamme.

Le rock n’est pas mort, la subjectivité non plus. Et on n’a encore rien trouvé de mieux que le rock pour expier cette rage de vivre, cette fureur et cette

arrogance qui caractérise les doux utopistes que nous sommes. En toute subjectivité, évidemment. Et de la Fuzz dans les oreilles.

Lou.

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SOMMAIRE :

_ Edito p.2 _ En Vedette : Third World War – Interview de Terry Stamp p.4 _ En Vedette : Vibravoid – Entrevue exclusive et hallucinée p.9 _ Folk : Rencontre avec Marissa Nadler p.14 _ Rock Psychédélique : The Black Angels p.16 _ Rock Français : Ocarinah p.18 _ Labels : Soleil Zeuhl – Entretien avec Alain Lebon p.22 _ Découvertes : Spirit Of The Matter p.27 _ Garage Story : The Belfast Gypsies p.32 _ Encyclopédie Subjective Du Rock Anglais :

Rave Up – 1 (A To Austr – Steve Aldo) p.33 _ La Foire Aux Disques p.42 _ Essais Libres ou Divagations Délirantes p.50

Contact :

_ Forum Rave up

http://raveup60.da-forum.com/

_ Blog Fuzzine

http://fuzzine.over-blog.com/

Avec la participation de :

Laurent, Othall, Grognon, Venukse et Lou.

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Third World War

Retour sur plus de 40 ans de carrière avec Terry Stamp.

Parti se mettre au vert à Los Angeles, la grande gueule de Third Word War vide son sac avec le recul de ses 64 ans. Tout le monde aura sa ration, sans problèmes.

Laurent : Vos débuts, premières influences, et premiers groupes.

Terry Stamp : Les Demons, qui sont ensuite devenus Mike Rabin And The Demons, puis le Mike Rabin Band. J’ai été influencé par Eddie Cochran, Lonnie Donegan, Tommy Steele, Little Richard.

Cliff Richard, Buddy Holly....entre autres.

Je pense qu’à ce moment la, on était trop jeunes pour réaliser. On aimait le rock américain, et c’est devenu une grosse partie de nos vies. Ce truc mod/rocker est venu vers 1964. A ce moment la, je jouais avec le Mike Rabin Band, sans prêter beaucoup d’attention à tout ça.

J’ai du être un rocker de 1955 à 1960, et un mod vers 1964/65. Je me souviens des mods s’agglutinant au Wimbledon Palais.

Quand la baston s’est déclenchée, c’était mods contre mods, pas un rocker en vue.

Ils avaient vite disparu, après 1960.

L : Premier disque acheté.

TS : Un des premiers, sinon LE premier, était le Memorial album d’Eddie Cochran, dont j’étais (et suis toujours) un grand fan.

Quelques années plus tard (en 1964) on ouvrait pour Gene Vincent, et j’étais dans les vestiaires, avant le concert. Vincent, de dehors, a détruit la porte des chiottes à coup de béquilles, et s’est précipité pour pisser. J’avais un million de questions à lui poser, mais je me suis dégonflé. On s’est dévisagé, et il m’a lancé ce méchant regard de Caroline du Nord, que j’ai interprété comme « Fermes ta gueule, gamin ».

L : Comment tout cela a-t-il abouti à Third World War ?

TS : John Fenton, notre futur producteur, m’a présenté Jim Avery qui composait pour les éditions Essex, alors que j’écrivais des paroles pour les éditions Schroeder. Fenton, qui avait des intérêts dans les deux, nous a mis ensemble dans une pièce, en nous disant d’écrire des chansons. Fenton est venu avec ce nom

« Third World War », nous a déniché un contrat avec Essex, et pendant un temps j’ai arrêté d’être routier.

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L : Sur le premier TWW, il a deux musiciens des Rollings Stones. C’est incroyable.

TS : John Fenton avait rencontré Bobby Keyes et Jim Price dans un club de Soho, le Speakeasy. Ils travaillaient vite, tous les deux, à l’oreille, et semblaient communiquer par la pensée. Je me souviens de Keyes me disant qu’ils étaient

« pros ». Ce qui me dégouttait. L’enfoiré a failli prendre un coup de pompe dans le train, mais j’ai laissé passer, il était complètement défoncé. Plus tard, accompagnant Lennon, à New York, Il a mentionné qu’il avait joué sur un morceau intitulé Working Class Man. Etape suivante, Lennon chantait Working Class Hero. Tant que j’y pense, jetez une oreille au Children Of The Revolution de T Rex.

Le riff est piqué sur notre Preaching Violence. Oui, je sais, c’est du passé maintenant.

L : TWW était un groupe qui rockait dur.

Votre opinion sur le Flower Power.

Pouvait-il changer les choses ?

TS : J’ai toujours pensé que nous étions assez diversifiés. Il y avait des morceaux cool, et ma vision est encore « Terry Stamp et Jim Avery écrivent des chansons » plutôt que celle d’un groupe nommé TWW. Mais la encore, c’est injuste pour tous ceux qui ont participé.

Le Flower Power ne m’intéressait pas.

C’était loin, dans un endroit qui s’appelait Californie. Il faut replacer les choses en situation, vous demander comment vous auriez agi alors. Et bien sûr ça dépend de votre âge. Comme disait John Fenton, «La guerre de TWW est une guerre de votre survie personnelle ».

L : À l’époque vous aviez l’image de gars aux cheveux courts. Les pochettes étaient très crues, les paroles féroces. Avez-vous semé les graines du punk anglais ?

TS : Je ne me suis senti confortable avec les cheveux longs. Je me souviens que pendant nos concerts, il y avait toujours un groupe de gamins, plantés la, la bouche ouverte. A capter tout ce qu’ils pouvaient. Je voyais bien arriver la suite.

L : TWW faisait beaucoup de concerts ? TS : Pas assez pour se maintenir à flots, financièrement. On jouait en Angleterre, Allemagne, Finlande, France, toujours plus ou moins fauchés.

L : Mick Farren vous tenait en haute estime, allant jusqu’à vous comparer au MC 5. Mais dans une de vos chansons, vous crucifiez les Pink Fairies.

TS : C’est juste une remarque amusante.

J’en connais peu sur les Pink Fairies, Hawkwind, et tous ces groupes. Ma seule pensée était « Bonne chance les gars, vous en aurez besoin ».

L : Vos combats étaient différents ? TS : J’ai toujours pensé que c’était une bande de rigolos. Simplement, ils sont dans une autre catégorie. Jamais ils n’ont eu le grand plaisir de démarrer un dix tonnes, dans le froid du matin anglais.

Parce que ces enflures étaient bien au chaud dans leurs lits.

L : Qu’est ce qui a causé la fin de TWW ?

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TS : Simplement le manque d’argent.

Mais j’étais content de sortir de là. Sur la fin c’était devenu n’importe quoi. C’est d’ailleurs de là que j’ai eu l’idée de Stage Of Fools, sur Fatsticks, mon premier album solo.

L: Parlons en un peu de ce disque. Il est assez dur à trouver de nos jours. Sera-t-il réédité, un jour ?

TS : Il existe quelque part, en CD. J’en ai trouvé une copie sur Internet. Du très bon travail, d’ailleurs.

L: Le ton y est relax, il y a moins de thèmes politiques, vous souriez même sur la pochette. Et Ollie Halsal (Pattoo) est à la guitare.

TS : Oui, Ollie a fait toutes les guitares, bien qu’on entende la mienne sur Itchy Feet. A&M trouvait celle là trop dure, elle devait disparaître de l’album. Ils donnaient beaucoup d’importance au rôle du producteur, aimaient contrôler ce qui sortait de chez eux. Et pensez à sourire

surtout ! A leur demande, j’ai du adoucir les textes.

L: Vous êtes alors parti pour les USA, et produit un incroyable volume de chansons. Pourquoi a-t-il fallu attendre presque trente ans, pour avoir une distribution en Europe ?

TS : J’étais cramé avec le business anglais, qui nous a tant arnaqué. Mais la fibre de l’écriture était toujours présente,

alors je m’amusais à bricoler des chansons. Comme dans Stardom Road, j’en avais soupé des managers, des producteurs, et des maisons de disques.

Depuis 1978, Jim Avery et moi avons repris le contrôle de notre répertoire. Tous renseignements disponibles à GSLMUSIC@AOL. COM.

L: Parlez nous de ces deux disques distribués en Angleterre, sur Burning Sheds.

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TS : Je ne connais pas les gens de Burning Sheds. C’est Alistair Murphy qui nous a mis en rapport. Il a fait un super travail de production, en emmenant mes démos poussiéreuses, et en leur donnant vie. Avec de supers musiciens. Il a vraiment des doigts en or.

L: Que préparez vous actuellement ? TS : Je complète un coffret de 6 CD, intitulé Terry Stamp’s Stardom Road 1962/2008. Avec 84 chansons. Et je joue toujours, avec un groupe de blues rock nommé US 99. C’est vraiment le pied.

L: Que pensez vous du téléchargement illégal ? Avez-vous des choses à dire sur le business du disque ?

TS : Jim Avery a une formule pour ça.

« Quelle différence pour nous ? Puisque les maisons de disques ne nous ont jamais versé un sou ». Je vais beaucoup sur You Tube, il y a beaucoup de choses qui sont simplement un don d’une personne à une autre. Merci à eux. Ce disque (le premier TWW en pochette française) je l’ai vu pour la première fois sur E Bay, il y a quelques années. On ne nous tenait pas au courant des sorties extérieures à l’Angleterre. Sinon, il aurait fallu nous payer plus. Quand à ce 45 tours (français) c’est une nouveauté pour moi.

On dirait une compilation de deux faces A anglaises. A ce jour, nous n’avons pas touché un centime pour les disques de TWW, ni pour les rééditions (Repertoire, Spalax, Mason) et probablement beaucoup d’autres que j’ignore. Quand Marc Almond a repris Stardom Road en 2007, je suis allé gueuler chez l’éditeur actuel (Universal Allemagne) pour nos royalties. Un an après, ces rats nous ont versé 300 livres chacun.

L : Vous n’échapperez pas à la question sur Obama, et l’état du monde actuel.

TS : Je suis désolé pour Obama, on lui laisse un tel merdier, et tout le monde l’attend au tournant. On verra bien, je lui souhaite bonne chance. Peu de choses m’ont mis en colère ces derniers temps.

Je suis parti d’Angleterre, pour me construire une vie meilleure, et j’ai eu de la chance. Me voila grand père, tout est normal.

Discographie.

Discographie :

Les deux albums de Third World War communiquent façon enclume sur les doigts. Rock très pur, fatigué de ruminer son désespoir. Et décidant de gueuler un bon coup par la fenêtre. Plutôt que de coller des affiches pour la révolution, en regardant sa montre. Fierté prolétarienne affichée, pour faire un doigt à la poisse. En se penchant un peu, on voit néanmoins battre un cœur format cachalot. Qui pompe de la tristesse, avant tout. Et un sang rouge, insolent de bonne santé. Autant que noir. Celui du mauvais côté de la rue.

Stardom Road se déguste la bouche sèche, collé au mur par laforce dégagée. Sa structure rappelant étrangement celle d’un certain Escalier Pour Le Paradis. Nous voici dans un univers de goudron, de flaques d’huile et d’entrepôts. Monstrueux piége à ours, se refermant doucement, pour annihiler toute forme de frivolité. Après la débâcle de TWW, le rare (et fort mal distribué) Fatsticks affichait un ton beaucoup plus relax. Et aurait presque senti bon son pub rock, sans cette production stérile. Incapable de museler la voix, toutefois. Seul l’émouvante et dépouillée chanson titre, relevant vraiment la tête. La, au moins, la stérile brochette de requins de studio (Chris Spedding, Herbie Flowers, and co)

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ne venait pas gâcher la soupe. Un boogie blues pointu comme Stage Of Fools aurait pu faire des dégâts, mieux exploité.

Quadragénaires aux illusions mortes, mes compagnons de voyage, venez comme des gueux affamés. Ce fut un immense plaisir de voir ressurgir notre homme, après trente ans d’oubli. Reconverti en Dylan/Waits/Springsteen, quand ils sont les plus grands. Ses grosses paluches de routier distribuent toujours des baffes, mais aux mots maintenant. Une plume étonnante, pour une musique adulte et grave. Pleine d’histoires tragiques, de héros aussi banals que glorieux. Servis par une écriture supérieure, et un vrai génie des mots. Autant que des trésors de leur agencement. Ballades, rockabilly teigneux, il sait tout faire. Sans s’abriter derrière son ampli. Une forte coloration acoustique, beaucoup d’espace. Rien de plus. La voix accuse son comptant de cernes sous les yeux, et de clopes. Tant mieux pour nous. Cerise sur le pudding, l’énorme anthologie Terry Stamp’s Stardom Road (6 cd) fait le point sur quarante années d’écriture acharnée et précise. Un univers peu connu, mais passionnant à explorer. Peaufinage maniaque d’un idéal libertaire, et profondément humain.

- 1970 : Third World War – Same - 1972 : Third World War - TWW 2

En solo. Fatsticks (1975) Bootlace Johnnie And The Ninety Nines (2004) Howling For The Highway Home (2007).

Merci à Alistair Murphy sans qui tout cela n’aurait pas été possible.

http://www.cromerzone.co.uk/Cromerzone/Alistair_Murphy.html Version intégrale de l’entretien à retrouver sur :

http://goodvibes.canalblog.com/archives/2009/07/25/14504427.html#comments Laurent.

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VIBRAVOID

Turn In, Turn On, Drop Out !!

Comment ça, un groupe allemand ? Des nostalgiques de l’Euro Disco, sûrement. Ou des attardés du thrash metal teuton. Voire (on vit une époque formidable) un mélange des deux. Rangez-moi ce sac plastique, vous vomirez plus tard, en écoutant la radio. L’heure est à Vibravoid, nouvelle merveille d’un rock psychédélique fière sur lui, et surtout pas honteux, ou fonctionnant à la nostalgie. Le genre qui connaît toutes les vieilles recettes, et arrive à surprendre encore. Tant on les sent imprégnés, baignés de leur truc jusqu’à l’ADN. Écoutez-les reprendre un vieux hit, et en faire leur chose. Et tous ces sons parfumés qui giclent un peu partout, pour vous ouvrir la conscience. Rien que la batterie, j’en pleure. Toujours sur les bons coups, Fuzzine leur a donné la parole.

Fuzzine : Comment est née l’idée de Vibravoid ?

Vibravoid : Probablement d’une coïncidence cosmique. Nous sommes la matérialisation d’une volonté de résister.

C’est ce qui nous décrit le mieux.

F : C’est facile d’être entendu sur la scène rock allemande ?

V : C’est la merde partout. Les gens ne veulent pas écouter la musique comme une forme d’art ou de communication. Elle est réduite à un bruit de fond, n’importe quoi que ce soit. On collectionne en terme de quantité non de qualité. Très très dur de survivre, pour un groupe comme nous.

Quand on a payé notre loyer, il ne reste rien.

F : Votre discographie est dense, pas facile à se procurer. En plus, vous multipliez les pressages différents.

C’est volontaire ? Dans quel but ?

V : Je suis accro au vinyle, et n’impose à personne d’acheter ces disques. Je fais tout pour que ce soit un disque que j’ai envie d’acheter, moi. C’est destiné à tous

ceux qui aiment les possibilités de faire quelque chose de spécial, d’un album ordinaire. Je pense qu’il est vital pour la musique, de revendiquer l’idée Vibravoid de plusieurs façons. Tout est créé de morceaux, destinés à n’en devenir qu’un seul qui évolue naturellement, avec le groupe au fil du temps. De toute façon, les éditions différentes sont souvent très limitées. Si vous en trouvez une chouette, c’est un trésor à aimer.

F : Vous avez une vraie culture du vinyle ?

V : Ça ne se discute pas. Tant qu’on peut se servir du vinyle, allons-y. Et pas pour en produire des tonnes. Il y a toujours des gens qui préfèrent ce son, et le processus d’écoute. Vous entrez directement dans le vif du sujet. Il faut retourner le disque, ce qui donne plus de liberté artistique, pour créer une certaine dramaturgie dans l’ordre des morceaux. Vous devez toucher le disque, ce qui le rend plus proche, et d’autant plus vrai. Je pense que le vinyle est une culture irremplaçable. Les CD sont ok quand ils remplacent les vieux magnétophones. Les définitions modernes du son et les

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systèmes surround sont vraiment chouettes. Mais incapables de remplacer le bon vieux disque vinyle.

F : Sur le premier album, il y a une chanson intitulée Lovely Lady Deb O Nair, c’est un hommage à Deb O Nair, la claviériste des Fuzztones ?

V : Oh oui, les Fuzztones étaient un des groupes que j’aimais vraiment dans les années 80. Et Deb O Nair faisait flasher tous les mecs. Quelque chose comme un fantasme, pour les branchés garage. Je l’ai rencontré après la sortie de l’album, et elle connaît cette chanson, qui figure aussi sur une compilation des Fuzztones.

Elle est tellement adorable, très bonne aux claviers, et présente toujours aussi bien.

F : Votre dernier EP comprend des reprises de krautrock. Sur Politics Of Extasy, c’est Incense And Peppermint (Strawberry Alarm Clock) qui y passe.

Qu'est-ce qui vous donne l’envie de reprendre ces monuments ? Comment est fait le choix ?

V : Toutes les chansons que nous reprenons sont des mises en évidence de mes morceaux favoris. Je les ai écoutés si souvent que je peux presque les jouer automatiquement. En général, on les essaye d’abord sur scène, et si les gens aiment, on les enregistre. Il faut avouer que c’est marrant de refaire les morceaux d’autres gens. Ça aide parfois à analyser ce que vous aimez, puisque vous comprenez mieux la structure et les intentions. Une autre raison, spécialement en live, nous essayons de faire vivre cette musique et ses monuments. Ce n’est pas de l’envie de jouer ça, c’est un devoir.

F : Sur votre site, sur vos pochettes, il y a un vrai travail esthétique. C’est important pour vous ? Vous en faites autant en concert ?

V : Vibravoid se comporte toujours comme une expérience de multimédia artistique, au-delà des conventions d’un concert ordinaire. Totalement différent de

ce que vous pouvez espérer. Le principal c’est qu’il se passe quelque chose, différent de tout ce que vous avez connu avant. Avec une atmosphère de liberté totale. Au point qu’on puisse penser que tout est possible. Même si le concert est mauvais, mais il y a toujours une bonne raison. Vibravoid catalyse l’instant. On a un gros light show, on joue très fort, c’est plus une expérience psychédélique qu’un concert de rock. Il y a aussi un côté théâtral et satirique. Vous devez le voir pour le croire, c’est totalement délirant.

F : Vous avez participé au festival Yellowstock cet été. Racontez-nous l’atmosphère.

V : C’était vraiment chouette. Un festival charmant limite théâtre de rue. J’espère qu’il sera possible d’y revenir.

L’organisateur est très jeune, et fait un super boulot. On a pu utiliser une partie de nos éclairages, et acheter de la bonne tisane sur le parking. Donc, notre condition était bonne pour le concert.

Malheureusement, je n’ai pas pu voir les autres groupes, comme je dois aussi m’occuper de notre stand, et parler aux gens.

F : Et la France ?

V : Que dire ? Hé, la France, demandez- nous !!! On est juste trois mecs maigrichons, donc on mange peu, et on tient peu de place. Comme on est végétariens, on ne coûte pas cher à nourrir. Donnez-nous des feuilles, ce n’est pas grave. On est faciles à vivre, et on a

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un super look. Je veux jouer à Paris, vous savez qu’on vient de Düsseldorf, qu’on surnomme le petit Paris, car c’est la ville numéro un de la mode, en Allemagne. Et je vous promets de travailler mon français, ce qui j’imagine vous fera beaucoup rire.

Bonjour, voilà les Vibravoid.

F : Même si vos influences sont évidentes, il est difficile de vous caser dans un genre précis.

V : Vibravoid est un paradoxe, un but pour créer un art durable et unique. C’est la musique que j’aime, sonnant comme je pense qu’elle doit le faire. Il y a mes influences, et bizarrement j’ai tendance à aimer la musique des années 60, sans le vouloir. Chaque fois que je découvre quelque chose de nouveau et d’intéressant, c’est toujours de cette période. D’accord, il y a des exceptions, comme les Spacemen 3, Loop ou Dukes Of Stratosphear.

F : Vous enregistrez un album par an, comment réagit votre label ?

V : Ils sont cool avec ça, ils savent que j’écris beaucoup, sans dépendre de personne, puisque je joue de tous les instruments. Je fais tout le temps de la musique, et je l’enregistre. Tant que c’est de bonne qualité, pas de problèmes pour le sortir. Comme les disques s’épuisent vite, les gens doivent aimer ça.

F : En lisant quelques magazines

"inde", "underground" (NOISE pour ne pas les citer, excellent magazine d'ailleurs) , on a un peu l'impression que depuis quelques temps tout le monde se réclame un peu du psychédélisme. Vousqui êtes quand même indubitablement à fond dedans depuis pas mal de temps, j'aimerai savoir ce que vous en pensez?

V : Malheureusement, on vit dans un monde où ce genre de choses n’est pas mis en avant. Vous apprenez seulement de la merde à l’école, et comment obéir à ceux qui vous exploitent. Il est vraiment difficile d’attendre des gens la révolution rock, qu’est basiquement la musique psychédélique. J’ai vraiment du mal avec ce qui porte ce nom aujourd’hui. C’est principalement du mauvais hard rock, sans rien de psyché. Ça fait branché de se réclamer Psyché, ça donne une image underground. Juste un effet mode, reflétant bien notre époque de désorientation. Mais chacun de nous a besoin de musique psychédélique, pour être bien et se trouver. Aucun doute.

F : Connaissez-vous ces groupes français, qui se revendiquent kraut ou psychédélique ? Particulièrement ceux du label Pan European Recordings (Aqua Nebula Oscilllator, Turzi).

V : Oui, je vais voir Shazulla et Aqua Nebula Oscilllator la semaine prochaine, pas loin d’ici. Comme ils ouvrent pour le Cult, leur musique sera plus resserrée, ils ont seulement trente minutes. J’espère qu’ils vont m’arracher le cerveau.

F : Le téléchargement est maintenant une réalité.

V : Je me fous de tout ça. J’écoute seulement du vinyle, pas de CD, je ne regarde pas la télé, ni ne lis les journaux.

De la musique tout le temps, ce qui est plus important que la politique. Je ne veux pas être gouverné par des idiots.

F : Politics Of Extasy est une référence directe à Tim Leary. Les drogues sont

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importantes pour vous ? Pour votre créativité ?

V : Une part de la culture. Vous en tirez ce que vous voulez en faire. Une seule chose à dire : l’alcool pue, c’est la pire et la plus inefficace des drogues. Tout juste bon à nettoyer les tapis. Pourquoi cette merde est-elle légale ?

F : Un petit scoop pour nous ?

V : Croyez-le où non, je pense à enregistrer des classiques français des années 60. Comme Pierre Henry, France

Gall, Polnareff ou Gainsbourg. J’ai toujours aimé ce côté pop, cette atmosphère. Bien sûr, j’aime ce que ces artistes ont enregistré en allemand. La musique est un tel triomphe de l’art et de la culture !

Entretien mené par Venukse et Lou, traduction et intro réalisées par Laurent.

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FOLK FOLK FOLK FOLK

MARISSA NADLER MARISSA NADLER MARISSA NADLER MARISSA NADLER

Après la rigueur de trois superbes disques acoustiques, Marissa Nadler met le paquet, et tente un exercice difficile. Ou comment négocier un virage radical, sans perdre sa forte identité ni se renier. Autant dire que les vieux fans vont souffrir, et devoir s’accrocher pour extraire la substance de ce Little Hells. Un exercice comme Mary Comes Alive (sonorités froides et ingrates, relent de beat techno) n’aura rien pour les attirer d’entrée. Point vraiment faible d’un album qui cherche, trouve souvent, mais demande beaucoup d’attention. Spécialité maison, les complaintes douloureuses roulent maintenant sur des claviers, en balisant un champ très large pour l’avenir. Des petits bijoux comme Rosary ou River Of Dirt brillent fortement, dans un album riche. Où le spleen nocturne prend des couleurs troublantes, porté par cette voix si spéciale. Et par ces textures qui autorisent les textes à envisager des résonances inédites. Bien que le meilleur se trouve dans les arrangements les plus simple, à mon humble avis. Collection de chansons pour humeurs blessées et hésitantes, ce nouveau disque est construit en trompe l’œil. Jamais en trompe l’âme.

Marissa m’a accordé une interview, merci à elle.

Laurent : Présentation. Comment êtes vous venue à la musique ?

Marissa Nadler : Je viens d’une petite ville, prés de Boston. J’ai découvert la

musique à travers mes parents hippies, et mon frère qui était dans un groupe au lycée. A 14 ans, j’ai appris la guitare, et commencé à écrire des chansons.

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L : Premiers et derniers disques achetés, musiciens favoris.

MN: Throwing Muses, Kristin Hersh, Mazzy Star, Joni Mitchell, Leonard Cohen, les Smiths, les Cure, le Velvet Underground, je pourrais continuer à l’infini. Le dernier CD acheté était Alena Diane, The Pirate Gospel.

L : Comment écrivez vous vos chansons, les paroles d’abord ? MN Les mots, les mélodies, la partie de guitare, tout vient en même temps. Ca sort de moi, parfois comme un fantôme qui prendrait possession de mon corps.

L : Vous avez repris des chansons de Leonard Cohen, Neil Young, adapté Edgar Poe et Pablo Neruda. Il y a-t-il un artiste à qui vous aimeriez dédier un album entier.

MN : Actuellement, Kate Bush. Car elle a enregistré et produit tous ses disques pratiquement toute seule. C’est un bon modèle pour les femmes.

L : Vous n’êtes pas seulement musicienne. Parlez nous de vos activités de peintre et de sculpteur.

MN : Je pratique la sculpture sur bois, la peinture sur cire, et je couds des oreillers pornographiques. J’ai fait six ans de Beaux Arts, qui ont changé ma façon de voir le monde et d’écrire des paroles.

L : Quelques mots sur le dernier album.

MN : Je pense qu’il représente assez bien la solitude que je traversais à ce moment là.

L : Que connaissez vous de la France.

Vous avez déjà joué ici je crois. Un artiste local à retenir comme influence ?

MN : Je ne connais pas grand-chose de la France, excepté que la culture y est belle.

J’ai joué là-bas, sans voir grand-chose, à part des boîtes de nuit. J’adore Edith Piaf, elle avait tant de douleur dans sa voix et dans l’histoire de sa vie. Je pense que je m’identifie à des gens qui sont étroitement liés à la tragédie. J’ai vu le film, c’était superbe, formidablement joué.

J’aimerais reprendre du Piaf, mais je ne parle pas français, et j’essaye de

l’apprendre.

L : Le folk se porte toujours bien.

Qu’est ce qui attire les jeunes gens vers une musique aussi ancienne, alors que le rock est moribond ?

MN : Je pense que le folk est si pur qu’il plait aux gens. C’est brut, émotionnel, et va directement au cœur. Les gens ont besoin d’être émus, dans cette société glaciale.

L : Que pensez vous du téléchargement illégal ?

MN : J’y suis totalement opposé. Le pire préjudice est pour les jeunes artistes, qui ne peuvent pas payer leurs charges, comme moi. Aucune excuse. En plus c’est insultant pour des gens qui donnent tant de leur vie et de leur équilibre, pour tenter de vivre de leur musique. Mes disques ont été concernés, ce qui m’a rendu furieuse.

Propos receuillis par Laurent

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Rock Psych Rock Psych Rock Psych Rock Psyché The Black Angels The Black Angels The Black Angels The Black Angels

Hédonistes à tendance lysergique, les Black Angels sont adeptes d’une forme de relaxation que la morale réprouve. Fuzzine a rencontré leur guitariste.

Laurent : Vous êtes du Texas, qui est un état très conservateur. Et apparemment un bon terreau pour les groupes violement décalés.

Christian Bland : Pas certain que le Texas soit calme, mais nous somme tranquilles à Austin. Protégés de l’ennemi conservateur. C’est l’endroit parfait pour des sauvages comme nous.

L : Vous considérez vous comme un groupe psychédélique ? Qu’est ce qui fait le bon ou le mauvais, dans cette catégorie ?

CB : Je pense que nous le sommes. Les mauvais sonnent mal, et les bons sont simplement incroyables.

L : Quelque part sur le second album, on peut entendre ce qui ressemble à une cruche électrique. C’est un sample ?

CB : C’est une vraie cruche électrique, façon Tommy Hall. On doit seulement en trouver à Austin.

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L : Vos disques sont disponibles en format lp, c’est quelque chose qui compte pour vous ?

CB : Les albums vinyles sont importants parce que la couverture est plus grosse, et plus attractive à l’œil. J’ai moi même une importante collection. Ma pièce la plus rare doit être ce groupe nommé Cold Sun, d’Austin (la vache, NDLR).

L : Que pensez vous du

téléchargement ? Est que l’industrie du disque va à sa perte ?

CB : J’adore télécharger, je suis sans cesse sur I Tunes, mais je préfère un vinyle. Les maisons de disques sont toutes en train de plonger. Donc oui, elles sont en train de se suicider.

L : Prochaine étape dans votre carrière ?

CB : Nous étions à Los Angeles en Mai et Avril, pour enregistrer un troisième album.

On devrait le finir en Septembre, pour une sortie début 2010. En Août 2009, nous jouerons aussi dans une paire de festival, en Europe.

L : Que connaissez vous de la France ? CB : Le débarquement en Normandie. Jim Morisson à Paris. La révolution et la guillotine. Et aussi qu’une fois la tête est coupée, elle voit encore pendant 30 secondes.

L : Votre Ile déserte, un livre, un disque, une personne, un film.

CB : Disque, Piper At The Gates Of Dawn.

Livre, Alice Au Pays Des Merveilles.

Film, Les Dents De La Mer.

Personne, le fantôme de John Lennon.

Propos receuilli par Laurent

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1 8 EN VEDETTE :

Rock Français Rock Français Rock Français Rock Français Ocarinah

Ocarinah Ocarinah

Ocarinah – – – – Entretien avec Jean Entretien avec Jean Entretien avec Jean Entretien avec Jean----Michel Valette Michel Valette Michel Valette Michel Valette

La révolution des cerveaux est un long chemin de croix. Guy Lux, et Gros Léon, voilà ce que beaucoup retiennent des années 70. Vous savez, celles qu’on compile à qui mieux mieux, comme pour venger ce système, que les babas méprisaient tant. Jean Michel Valette a vécu les choses de l’intérieur, en tant qu’ancien membre d’Ocarinah. Il nous confirme qu’à vouloir apporter sa pierre à l’édifice d’une autre musique, on se heurtait à un mur. Celui des Sheila/Ringo/Cloclo de sinistre mémoire. Que les mélodies complexes, la couleur torturée, les ambiances sentant autre chose que la buvette, laissaient de marbre.

Fuzzine a voulu en savoir un peu plus sur ces combattants de l’ombre.

Laurent : Présentation du groupe, influences, ambitions.

Jean Michel Valette : Le groupe a existé pendant 7 ou 8 ans, avec des formules

variables allant du trio au quintet. Mais la meilleure reste à mon avis celle des trois barjots qui ont enregistré Première vision de l’étrange : Charles Bevand, Marc Perdrix et moi même. Nos influences

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tournaient autour de ce que la musique inventait à cette époque, ZAO, Art Zoid III, les groupes de Canterbury (Soft Machine, Hatfield and the North) Mahavishnu Orchestra, certains groupes californiens, j'en oublie. Il y avait surtout et principalement Magma comme point de référence commun. Magma avait ouvert une voie vers des possibilités de création et une manière d'écrire et de jouer absolument intransigeante qui nous fascinaient (et qui me fascinent toujours aujourd'hui). Nos ambitions étaient bien modestes : nous allions réinventer la musique. Si je dis modeste c'est parce que de très nombreux groupes cherchaient de nouvelles voies, en combinant des influences tous azimuts (le théâtre, les musiques ethniques, les méthodes d'écriture ou de non-écriture).

En fait, tout le monde avait cette même ambition ! (enfin, presque tout le monde).

Nous souhaitions juste faire des concerts et proposer une musique dans laquelle nous pouvions croire, et tant mieux si ça pouvait déboucher sur quelque chose.

L : Racontez-nous l’enregistrement, les problèmes de distribution. Tout ce qui faisait le quotidien d’un groupe luttant seul dans la France de Giscard.

JMV : Nous n'avions aucun relai dans le show-biz, et pas très envie de dépendre d'un directeur artistique quelconque. Ceci explique la dynamique du disque. Nous avons enregistré dans un studio en démarrage, d'une façon très artisanale.

Pas de 16 pistes et de mixage avec des effets sophistiqués, tout ça était hors de

prix. Tout a été pris live sur trois jours sur un Revox en stéréo. Il n'y a eu pratiquement aucun overdub, nous n'avions pas imaginé de maquillage pour nos morceaux. Ceci explique le son un peu particulier du disque qui fait très brut de décoffrage, mais qui avait le mérite de rendre à peu de choses près ce que le groupe donnait sur scène. Financé avec nos deniers en autoproduction, il a été vendu lors des concerts, mais n'a jamais été officiellement distribué.

Commercialement, c'est une pure hérésie, mais au moins, nous conservions la maîtrise de ce qui se passait. D'ailleurs, nous n'avons jamais pu tourner suffisamment pour en vivre. Toute la lutte, s'il y avait lutte, se résumait à l'exigence dans la création des morceaux, au travail de répétitions et au désir de réaliser ce que nous avions dans la tête et de le voir reconnu. Nous n'étions assurément pas très militants, ou alors il y a un lien étroit entre la naïveté de notre jusqu'au- boutisme et militantisme. Les choses n'étaient pas faciles, les dates étaient rares et le matériel cher. Il fallait donc aussi aller bosser pour assurer le casse- croûte. En définitive, Ocarinah était un groupe en marge, une espèce d'OVNI qui n'est jamais rentré dans le système et qui payait le prix de son indépendance.

L : Les années 70 étaient merveilleuses nous dit-on. Votre meilleur et pire souvenir de musicien. Aucune nostalgie ?

JMV : Je n'ai pas vraiment de mauvais souvenirs, c'est l'apanage du vieillissement. De là à dire que les années 70 étaient merveilleuses, c'est une autre histoire. Il y avait bien sûr un vent très dynamique et créatif qui faisait pousser les concepts et les expériences comme des champignons après la pluie. Mais il y avait aussi le système qui avait bien compris qu'il lui fallait changer de masque pour profiter de cette créativité qui émergeait. L'industrie du disque n'a jamais vraiment eu d'options philanthropiques. Il fallait d'ailleurs pactiser un minimum avec elle pour pouvoir réaliser quelque chose. On ne

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pouvait pas, techniquement, enregistrer dans son garage comme on le fait aujourd'hui. Je ne garde d'ailleurs pas vraiment de nostalgie de cette époque, les choses sont beaucoup plus faciles pour moi aujourd'hui. La technologie me permet de faire exactement ce qui me passe par la tête si je m'en donne la peine. Un des meilleurs souvenirs reste la première partie de Magma dans une salle évidemment pleine comme un œuf, et le public qui accroche à notre set. Grand moment.

L : Avez-vous eu l’occasion de tourner, de vous montrer à un public potentiel.

Dans quelles conditions ?

JMV : Les concerts restaient notre objectif principal. Ils étaient généralement organisés par de vrais militants associatifs à qui nous devons une sacrée chandelle.

Ils se débrouillaient pour que quelque chose de leur amour de la musique vive, organisaient des concerts avec quatre bouts de ficelle. Les choses se passaient plutôt bien, si on n'était pas trop exigeants, et nous ne l'étions pas. Il fallait donner beaucoup de soi avant de pouvoir jouer la première note, et après avoir joué la dernière. Mais je vivais tout ça comme la règle du jeu. Je n'ai pas le souvenir du nombre exact de concerts que nous avons pu faire, mais je sais que nous jouions plutôt pas mal pour un groupe qui ne se proposait pas des reprises de baluche.

L : Avez-vous trouvé un quelconque soutien (presse/média) ?

JMV : Un soutien de la presse ? Mis à part des entrefilets assez réguliers dans Rock'n'Folk (ce n'était pas rien), il me semble qu'il a plutôt fallu qu'on se débrouille. Avec du recul, je crois que c'est inhérent à notre positionnement. Les médias doivent d'abord se vendre et restent dans les courants porteurs sans prendre trop de risques (et c'était déjà vrai en 1977, même s'il existait des tentatives).

Nous avions choisi de ne pas être dans ces courants, et de plus nous ne savions pas les utiliser à fond. Une stratégie de

communication plus agressive et tenace aurait sans doute changé le cours des choses, mais nous n'étions pas compétents et sans doute pas très intéressés.

L : Qu’avez-vous retiré de l’aventure ? JMV : J'ai aujourd'hui un regard assez positif sur ce parcours : nous avons été au bout de notre idée et je n'en regrette pas une seule seconde. C'est dans ce creuset-là qu'a commencé ma démarche artistique et je n'y ai jamais renoncé. J'ai continué à faire de la musique, pour des films, pour le théâtre, j'ai écrit pour des instrumentistes (quatuor de percussions, claviers, quatuor à cordes, clavecin, contrebasse) et tenté des expériences plus personnelles dans la même intransigeance qui ont fait leur petit bout de chemin.

L : Avez-vous totalement renoncé à la musique ? Êtes-vous toujours en contact avec les deux autres membres.

JMV : Vous pourriez renoncer à respirer, vous ? Je vois Marc de temps en temps, avec toujours le même plaisir, il joue aujourd'hui dans un groupe de jazz extrêmement inventif après avoir fait une longue parenthèse. Charles a changé plusieurs fois de région et je n'ai pas repris contact à ce jour.

L : Qu’écoutez-vous aujourd’hui ? Que pensez-vous de toute cette génération de musiciens jetables de la télé- réalité ?

JMV : Pas grand-chose de bien nouveau, j'ai l'impression de souvent entendre ce que j'ai déjà entendu mille fois, et je ne suis pas très souvent surpris. Mais j'écoute énormément de musique dans tous les styles. La musique de télé-réalité n'a pas grand intérêt, sinon celui de rapporter de l'argent aux chaînes de télé.

À mon avis, s'y intéresser est une vraie perte de temps. Mais c'est aussi la preuve que le système a bien survécu.

L : Pour ou contre le téléchargement ?

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JMV : Pour, sans restriction. Les majors ne défendent que leurs profits, et ça n'a rien à voir avec la musique. La création n'a pas grand rapport avec l'argent, mis à part le fait de permettre aux créateurs de pouvoir se consacrer à plein temps à leur travail. Le reste n'est que marchandisation. J'aime bien la logique du logiciel libre ou du shareware, par exemple. Qu'une contrepartie soit donnée au créateur pour son travail me paraît honnête et légitime, il y a un lien direct entre le créateur et celui qui profite de cette création. Par contre, qu'une major fasse fonctionner tout ça selon les règles du commerce et de la fabrication artificielle de besoins me fait gerber.

L : Le disque est introuvable aujourd’hui, se vend très cher. Ça vous amuse ou vous attriste ?

JMV : Ça ne m'amuse ni ne m'attriste. Je trouve même tout ça assez curieux. Mais bon, il est rare (il n'y a eu que 1000 exemplaires fabriqués), alors les collectionneurs spéculent. Mais attention, ne vous faites pas avoir, ce n'est qu'un vieux vinyle, après tout.

L : Si c’était à refaire………..

JMV : D'abord, je ne suis pas très sûr que ce soit fini. Ensuite, où est-ce qu'on signe

?

Entretien mené par Laurent.

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2 2 Labels :

Dans ce monde normalisé et uniformisé, où la mondialisation grandissante de la toute-puissance capitaliste en revient à la dictature la plus informelle de la pensée unique, existent et existeront toujours quelques ermites des Temps modernes cherchant de nouvelles voies d’évasion et de diffusion de la culture underground. Les multinationales de l’industrie du disque se meurent, dans une lente agonie perpétrée par le fléau du téléchargement, pourries par le fric et ses actionnaires boulimiques au rendement. Les ventes de disques s’effondrent, politiques et artistes s’unissant dans un combat illusoire, brandissant leur arme ultime, Hadopi, contre la menace de ce peuple sans scrupule.

Loin de tout ce bazar ambiant puant la naphtaline. Mélomanes de leur état, amoureux de la galette noire, et des digressions électriques. À la recherche d’un ailleurs. Qu’ils soient artistes, producteurs, ou encore simples passionnés, des structures s’organisent, se développent dans des cercles fermés, trouvant refuge dans la gigantesque toile encore liberticide du net. Pour combien de temps encore …

Soleil Zeuhl. Référence évidente à la zeuhl music, balafrée par Vander et les siens au sein de Magma. Que l’on pourrait décrire succinctement comme une musique totale, brassant les courants pour en ressortir la moelle vitale. Destiné non pas à divertir le bon peuple, mais à le faire réfléchir, à l’interpeller sur sa condition consciente et inconsciente.

Soleil Zeuhl donc. Association créée en 1998, sur la base 1901, par Alain Lebon. Une éthique, une image façonnée par amour de la musique. Loin des réseaux de distributions mercantiles actuelles, casant la dernière réédition beatlesienne entre les couches-culottes et les serviettes hygiéniques. Une production minimaliste, mais au combien précieuse, tant par ses qualités intrinsèques que par son catalogue.

Étonnant choix allant du coup de cœur musical, en passant par certains chefs- d'œuvre oubliés par l’Histoire du rock. Que cette bonne vieille industrie du disque se contrefout.

On ne peut que remercier Alain pour le travail abattu, et ces dizaines de productions ressorties de l’ombre. Tout en l’encourageant à continuer son défrichage de la musique zeuhl pour le plus pur bonheur de nos ouïes !

Alain revient sur la création de son label, ses motivations, ses projets et plus globalement sur l'avenir du disque.

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Lou : Peux-tu nous présenter ton label ?

Alain Lebon : J'ai créé le label fin 1998, avec pour première réalisation la réédition de l'unique album de Archaia. Au départ, le projet était ambitieux : créer un label psyché et un autre progressif/zeuhl. J'ai rapidement compris que les réseaux de distribution n'étaient pas les mêmes et qu'il y avait peu d'interpénétration entre les deux. À partir de là, étant seul et ne disposant que d'un temps limité à consacrer au label (soirs, week-ends), le label psyché n'aura connu qu'une seule et unique réalisation, l'album (vinyle) de Murder In The Cathedral en 1999 (ma seconde production).

Sur un plan général, le label est une association 1901, dans le sens le plus simple : aucun permanent, aucuns frais autres que ceux strictement liés à la production des disques, aux royalties des artistes et occasionnellement à la promotion.

De l'autre côté (recettes), uniquement les ventes des disques, pas de subventions.

Lou : Comment t'est venue l'idée de te lancer dans une pareille aventure ?

A.L : Au départ, l'idée et l'envie sont parties d'un constat simple : en tant qu'auditeur/consommateur j'étais frustré de ne pas voir des rééditions qui m'auraient interessé, aucun label n'y prêtant attention. J'ai commencé à chercher combien tout ça pouvait coûter, comment faire techniquement, recenser les idées, etc. Et puis en toile de fond, l'envie narcissique de tout fondue de musique depuis l'adolescence : avoir son nom sur une pochette de disque ! Ayant constaté que la réalisation d'un disque était économiquement faisable, je me suis lancé, sans bien savoir où j'allais et en me disant que peut être (probablement ?) la 1re réalisation serait la dernière, mais au moins j'aurais essayé. Et puis, le miracle s'est produit : ça a marché. Pas pour gagner de l'argent (dans le domaine des distributions confidentielles ce n'est pas possible d'en gagner), mais suffisamment

pour équilibrer les comptes et se retrouver avec le budget de départ reconstitué, augmenté d'un stock résiduel de CDs à faire vivre. Après ça a été un roulement comme ça pendant 10 ans, avec des hauts et des bas selon les projets et pas mal de déceptions intermédiaires, dont une quasi-cessation d'activité entre 2004 et 2007.

Avant que le moral et l'envie soient relancés lors du festival RIO à Carmaux en 2007.

Lou : Quel est ton éthique dans le choix des artistes ? Et quel mode de fonctionnement pratiques-tu avec eux ?

A.L : Il y a eu une période optimiste du label, lors de la phase de croissance, période durant laquelle j'ai essayé de diversifier le son et l'image du label (en produisant du pur progressif avec Olive Mess, de l'acid-jazz avec MIX CITY, un CD plus rock avec Thollot). Pendant cette période, je misais sur la diversité, l'originalité, en me disant que ces qualités associées avec le début de reconnaissance du label permettraient cette diversification.

Il n'en a rien été, j'ai appris que le public underground est un public principalement de chapelle, de niches bien identifiées. J'ai toutefois eu la chance que ces semi-échecs interviennent durant une période encore favorable pour les ventes de CD, de sorte que la casse a été limitée. La même chose aujourd'hui, dans un marché en crise, provoquerait la mort du label. Donc, depuis un seul mot d'ordre : recentrage sur le coeur d'identité du label, c'est-à-dire la Zeuhl.

À noter toutefois que la définition de ce mot est ambiguë et autorise tout de même une assez large palette de productions. Pour faire simple, on dira que le label se situe entre les musiques que l'on appelait autrefois nouvelles, un jazz-rock musclé et des inclassables qui ont beaucoup écouté Magma.

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L'idée est de se recentrer sur un son, une esthétique précise. Toutes proportions gardées, c'est la démarche initiée dans un autre domaine par Manfred Eicher au début de ECM.

Quand on est tout petit, il faut pouvoir être identifiable, fut-ce sur un créneau très pointu.

Quant au mode de fonctionnement, c'est simple : le label paie tous les frais liés au disque et aux droits de reproduction (SDRM) et les artistes font leur affaire de l'enregistrement, car malheureusement les ventes ne permettraient pas d'amortir ce coût. Ceci étant, enregistrer était une difficulté il y a 20 ans, mais aujourd'hui il est techniquement possible d'enregistrer avec une qualité professionnelle sans aller dans des studios hors de prix.

L'époque a au moins ceci de favorable : la baisse des coûts du matériel et de l'électronique.

Après, quand le disque est remboursé, le label paie des royalties aux musiciens. Pas beaucoup, car les ventes sont faibles, mais un peu, symboliquement c'est important à défaut de représenter des sommes significatives.

Lou : N'est-il pas trop dur de subsister dans une industrie monopolistique ? Je veux dire par là que l'industrie du disque se résume aujourd'hui à deux/trois multinationales

qui gère l'ensemble des labels ?

A.L : Non pas du tout, on ne boxe pas dans la même cour, on ne se connaît pas, on ne se rencontre pas et je produis des choses qui ne les intéresseraient nullement. Je ne leur prends rien. En fait, c'est même cette totale indifférence des majors envers les artistes underground qui fait que le label peut exister. Pendant ce que l'on peut appeler rétrospectivement "l'âge d'or" du rock (disons 1965-1980), quand les majors faisaient leur boulot en signant des groupes intéressants (même s'ils ne les promotionnaient guère ensuite) jamais je n'aurai pu créer Soleil Zeuhl, il n'y aurait pas eu de place. C'est leur absence qui crée un vide et comme la nature a horreur du vide, cela permet à de toutes petites unités d'oeuvrer chacune sur son terrain d'élection.

Par contre, ce qui est dur c'est d'être visible, là c'est vraiment vraiment très dur : il n'y a plus de presse indépendante, les journaux musicaux sont trustés par les attachés de presse, ils sont liés à la publicité, bref ils n'ont plus beaucoup d'autonomie. Il ne reste aujourd'hui que les fanzines, c'est mieux que rien, mais le problème c'est que l'on reste en milieu captif, sans espoir d'être entendu/capté par quelqu'un qui n'est pas lui même déjà dans le réseau des gens informés. C'est ça qui m'embête vraiment : l'impossibilité de faire connaître. Faire un label avec cette impossibilité de communiquer transforme progressivement toute initiative en fan-club plus ou moins fermé.

L'époque permet tout sauf... la diffusion, c'est là qu'est aujourd'hui le véritable point d'étranglement : on peut faire, mais on ne peut plus faire savoir. À cet égard, internet

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n'apporte que peu de choses, contrairement à ce que l'on dit, car la problématique est la même : faire un site est possible pour n'importe qui, sans frais, mais faire en sorte que les gens y viennent nous ramène au point de départ : pas de relais presse, pas de soutiens radio et seuls les déjà convaincus s'y connectent .

Lou : Parlons rééditions. Actuellement, on assiste à une multitude de rééditions, de toutes sortes, légales et illégales. Difficile pour le mélomane de s'y retrouver. Que penses-tu de ce marché ? Des projets en l'état ?

A.L : Je ne suis pas d'accord : le mélomane est armé pour s'y retrouver, parce qu'il est intéressé par le fond de la chose, et qu'il cherchera l'info avec passion. Et avec internet, l'info il la trouvera facilement. Par contre, le néophyte, lui, est noyé : il ne cherchera pas et il n'a généralement pas les clés pour comprendre seul. Et il faut dire qu'au fil des années, l'industrie du disque a noyé les gens en faisant tout et n'importe quoi, des choses bien comme des pratiques désastreuses.

Regardez avec vos yeux d'aujourd'hui vos rééditions CDs achetées entre 1985 et 2000 : rien n'est remastérisé, pas de livret, pas de notes, pas de photos, pas de bonus et souvent moins d'infos ou de photos que sur les vinyles d'origine, un comble. Le tout vendu à l'époque plus de 100 francs — 15 euros. Et ça s'applique à tout, y compris aux artistes connus et gros vendeurs.

Un exemple concret : j'ai récemment ressorti de mes étagères quelques CDs de Éric Clapton de cette époque, une horreur !! Et pourtant, on ne peut pas dire qu'en rééditant Clapton, on prend un gros risque, on peut tout de même investir un minimum !! Les majors ont réagi (plutôt bien), mais beaucoup trop tard, ils se sont moqués du monde pendant presque 20 ans. Ils ont tué la notion d'objet.

Sinon, sur le fond, je trouve que rééditer c'est bien, c'est la culture, l'histoire, la mise en perspective. Mais il ne faut pas perdre de vue que c'est aussi le passé. J'ai des amis qui ne jurent que par le passé musical, la vie c'est aussi le présent, l'actualité ; les rééditions de demain se produisent aujourd'hui. Avec Soleil Zeuhl j'essaie de faire un mix : des rééditions qui me font plaisir et des productions nouvelles qui représentent (j'espère) le potentiel d'avenir de cette musique, je ne voudrais pas que Soleil Zeuhl soit seulement un musée dédié au passé. J'ai horreur des musées.

Lou : Le téléchargement est constamment visé par l'industrie du disque pour expliquer sa crise. Ton point de vue ? Te sens-tu menacer par ce phénomène ?

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A.L : Franchement, je ne sais pas. Je sais que la plupart des productions du label sont en téléchargement gratuit (illégal) ici et là, mais quel est l'impact sur les ventes ? Est-ce une perte ou bien au contraire une vitrine qui permet aux gens d'écouter gratuitement et ensuite d'acheter à coup sûr sans se tromper ? Autour de moi, il y a quelques personnes qui téléchargent à fond, mais tellement qu'ils n'ont pas le temps de tout écouter. Dès lors, jamais ils n'auraient acheté les CDs en question. Alors quel est l'impact ? Je ne sais vraiment pas. Et puis ça me rappelle fâcheusement le discours des maisons de disques quand j'avais 18/20 ans qui fustigeaient la cassette parce que ça faisait diminuer les ventes de vinyles. Personnellement, j'enregistrais alors beaucoup, car jamais je n'aurai pu tout acheter.

Et puis quand j'adorais vraiment un truc, j'économisais et après quelques semaines/mois je l'achetais. En fait, le téléchargement.... je ne sais pas, je suis dans l'expectative....

Lou : Le rock d'aujourd'hui te passionne'-il encore ? N'aurait pas tu envie de t'y investir, en donnant la chance à des groupes qui n'entrent dans aucun moule préfabriqué ?

A.L : Le rock, au sens large, est toujours vivant et constitue l'ossature de ma culture et de ma façon de penser. Il va de soi que le son du label ne représente pas l'exclusivité de ce que j'aime et que j'écoute, ce serait trop monolithitique.

Par contre, comme je l'ai dit à l'instant, depuis les déboires d'il y a quelques années, je ne diversifierai plus la tonalité ou l'orientation du label. Avec un peu de regrets, mais c'est clairement la seule voie pour que Soleil Zeuhl ait une chance de continuer sa route.

Lou : Pour nous, une petite exclusivité niveau sorti ?

A.L : La réédition de "4 visions" de Eskaton, généralement considéré comme leur chef d'oeuvre et indisponible depuis longtemps. Et puis, rayon nouveauté (accueil toujours plus incertain, par définition), le 1er CD de XING-SA qui est un groupe de Rouen, une formation parallèle à Setna dont j'avais produit le 1er CD en 2008.

Pour la suite, je ne sais pas du tout, le label se construit pas à pas, en fonction des opportunités, des rencontres, des coups de coeur et aussi de l'envie du moment ou pas.

C'est de l'artisanat, un mix passion/contrôle : 50 % de gestion rigoureuse (fabrication, finances, suivi) et 50 % d'affectif.

Entretien réalisé par Lou, avec l’aide d’Othall

Vous pouvez consulter le catalogue complet du label à cette adresse : http://alain.lebon4.free.fr/soleil/debut.html.

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2 7 La Découverte :

Spirit Of The Matter

L’industrie du disque, nous dit-on, est malade.

Faute à une génération inconsciente pillant ces œuvres, et sa substance primaire, le fric. En attendant, loin de toute cette agitation stérile, des musiciens se rencontrent, parlent musique (et non rendement), improvisent, échangent. Que ce soit dans une chambre d’étudiant, dans le garage de parents conciliants, ou en fréquentant des arrières salles de bars paumés. De ces expériences surgies souvent la créativité, de celle qui manque tant à l’industrie du disque d’aujourd’hui.

Ces projets restent finalement bien trop souvent dans l’ombre, sombrant dans l’oubli faute de structure adéquate. Combien de perles, de musicos extraordinaires, avons-nous loupées ces dernières années ? Sans aucun doute trop, beaucoup trop. Et il m’en aurait fallu de peu pour que je passe à côté des Spirit Of The Matter, un groupe de potes comme il en existe tant d’autres, perdus dans la masse d’une architecture comme Myspace (merci Pascal pour la découverte).

Dès les premiers morceaux de leur dernière autoproduction, mis en téléchargement gratuit, on se sent pris dans un magma d’influence apocalyptique, piochant allègrement dans le rock underground des sixties (on pense irrémédiablement au rock allemand, aux excentricités psychédéliques anglaises). L'album est construit autour d'un beat électronique envoutant sombrement l’auditeur, que de rares mélodies fragiles viennent éblouir. La production est très noire, impitoyable dans sa rythmique, agressant l’auditeur de stridences électriques, technoïde, et enveloppant ces atmosphères de nappes d’harmonium qui rend d’autant plus sacralisant le message porté par ce Miroir A Trois Faces.

Ça va mal… Trois mots qui reviennent comme une grande claque dans la gueule de l’auditeur. Pour le moment, le groupe est à la recherche d’une maison de disque, et cela paraît incroyable tant l’impact musical est réel à l’écoute de cette autoproduction. Rencontre avec Ian Marek, guitariste et violoniste, qui nous a accordé avec bonheur cette petite entrevue ! Merci Ian, merci Pascal !

Fuzzine : Tout d’abord, faisons un peu connaissance. Au départ, c’est quoi les Spirit of the Matter ? Nature du projet, rencontre, choix du nom du groupe… ?

Ian : Le groupe se compose, depuis sa formation en 2007, de El Jibi à l'harmonium et aux instruments électroniques, de Rémi à la batterie et de moi-même, Ian Marek, à la guitare et au violon. Nous nous connaissons tous depuis le lycée, mais ne nous étions pas vus

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pendant une vingtaine d'années avant de créer ce groupe. Lors des retrouvailles, nous nous sommes aperçus très vite que nos aspirations musicales et nos influences étaient si proche que nous parvenions de façon naturelle et évidente à produire une musique totalement improvisée, ce qui était assez étonnant après 20 ans sans se voir. Nous avons donc commencé à enregistrer ces sessions d'impro, sans imaginer au départ que cela deviendrait le premier album de Spirit of the matter. C'est en travaillant en studio, sur les rushs de ces enregistrements, qu'il est devenu clair que cette musique donnait matière à être finalisée sous la forme d'un album, en utilisant l'overdub ainsi que les facilités de production actuelles.

Le nom du groupe "Spirit of the matter" est sans doute venu de toutes les circonstances heureuses qui ont entouré nos sessions d'enregistrement, car c'était comme si les lieux où nous avions joué, les instruments utilisés, la "matière" avaient été habités par des ondes positives qui nous tiraient vers le haut. Nous croyons beaucoup à cet imperceptible qui nous entoure et à la destiné aussi qui fait que nous ne contrôlons qu'une part infime de notre existence. Ne pas totalement calculer ce qui va se produire lorsque l'on joue ensemble est peut-être aussi ce que nous aimons le plus et c'est finalement ce qui nous caractérise. Nous essayons de mettre en valeur nos défauts. Le fait d'utiliser un harmonium d'église dans presque tous les morceaux signe aussi monstrueusement le son Spirit of the matter.

Fuzzine : Votre musique brasse large. On ressent indéniablement l’influence du Floyd, mais aussi du rock allemand, tout en usant de beat résolument moderne. Vous la définiriez comment ?

Ian : Nous sommes définitivement marqués par le psychédélisme, le rock et le blues anglo- saxon de la fin des années 60 et du début des années 70, que ce soit par les grands groupes ou par des groupes plus obscurs. Il y a tellement à puiser dans cette période qui est comme une mine de joyaux intarissable. Bien sûr nous ne sommes pas passés à côté du krautrock et de groupes issus de pays moins connus pour leur musique psychédélique et qui ont vraiment une identité qui leur est propre. El Jibi apporte également au groupe ses influences en musique électronique, expérimentale et concrète, ce qui donne des événements sonores inhabituels, même si le monde de la musique psychédélique et celui de la musique expérimentale ont toujours communiqué étroitement. En fait lorsque nous avons commencé à jouer ensemble et dans les projets qui ont suivi, à aucun moment nous ne nous étions dit, nous allons produire une musique psychédélique. Notre musique s'inscrivait d'elle-même dans cette mouvance.

De même, nous ne sommes jamais fixés de limites et voulions rester libres de jouer des notes ou des sonorités de tout style. Le fait que parfois notre musique parte dans des beats ou des sonorités qui paraissent plus actuelles est sans doute dû à cette absence de barrière. Mais nous savons aussi qu'il y a des directions où nous n'avons aucune envie d'aller et par chance nous avons en horreur les mêmes "catastrophes musicales ", ce qui est idéal. Partager les mêmes points de vu sur les sonorités, la musique que l'on écoute ou que l'on produit est confortable et gagne du temps. C'est sans doute pour cette raison que les vibrations sont bonnes au sein du groupe, car sans se concerter, on regarde dans la même direction. Nous ne ressentons pas non plus le besoin de faire évoluer notre musique vers autre chose, et d'ailleurs la plupart des groupes qui essaient de changer pour le changement ne font que se perdre. En ce qui concerne le Floyd (celui de Barrett), j'ai écouté à 6 ou 7 ans The piper at the gates of dawn et cet album m'a sans doute marqué très jeune pour le reste de ma vie.

Fuzzine : Vous en êtes à votre 3e album, autoproduit comme les deux précédents.

C’est un choix, ou une contrainte ?

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