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L APEYSSONNIE nous a quittés…

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Bull Soc Pathol Exot, 2001,94, 4, 291-292 291

L

A P E Y S S O N N I E, ainsi qu’il souhaitait qu’on l’appelât, car il n’aimait pas son prénom, a quitté l’Ecole du service de santé militaire de Lyon dans la section coloniale en 1939 pour servir sur le fro n t comme médecin de l’avant dans une com- pagnie du génie ; il est parti en Afrique sub-saharienne en 1942 où s’est déro u- lée la plus grande partie de sa carr i è re . D ’ a b o rd affecté en Afrique occidentale française, dans le service général auto- nome de la maladie du sommeil, il s’est montré, dans la lutte contre la “try p a n o ” , un digne continuateur de JA M O T. Revenu en France en 1947, il a suivi le “Grand cours” de microbiologie et de sérologie de l’Institut Pasteur, puis est re t o u rné en Afrique comme directeur du centre d’études des trypanosomoses humaines africaines et de l’École JA M O Tà Ay o s ( C a m e roun) qui forme des infirmiers spé- cialistes de la “trypano”. Reçu en 1953 au concours de biologiste du service de santé des armées, il a été envoyé en Indo- chine, quelques mois avant la chute de D i e n - B i e n - P h u ; il a dirigé un laboratoire d ’ a rmée à Hanoï puis l’Ecole de méde- cine de Pondichéry. Il est revenu au Pharo en 1959 comme professeur agrégé d’épi- démiologie et hygiène du Service de santé des armées, puis professeur titulaire de la chaire d’hygiène.

Par la suite, il retourne en Afrique tropi- cale et ira dans bien des pays du Ti e r s - Monde, dans tous les continents, sauf l’Océanie. Nous y reviendrons.

Le foisonnement de la personnalité de LA P E Y S S O N N I Ea été tel qu’il serait pré- somptueux de le suivre dans toutes les péripéties de sa carr i è re exceptionnelle et de sa pensée. Cependant, on peut dégager les principaux thèmes qui ont constitué sa vie médicale et scientifique. L’ h o m m a g e rendu par le Médecin général des armées R . LA R O C H E(7) souligne ses qualités :

“l’excellent gestionnaire”, le “ s c i e n t i f i q u e de haute lignée”, “l’enseignant très re c h e r - c h é”, “l’homme de terrain, fabuleux cou - reur de bro u s s e”, l’homme de culture , humaniste passionné, auteur de 7 ouvrages de grand talent.

Non conformiste et volontiers provoca- teur jusqu’à ses dernières années, il avait g a rdé le pouvoir de s’indigner devant l’in- justice et la bêtise et de crier sa révolte – apanage de la jeunesse, dit-on? – devant les situations dramatiques de la santé publique causées par l’impéritie et les négligences des pouvoirs sanitaires. Ainsi en témoigne un récent éditorial polé- m i q u e : y a-t-il vraiment une exception f r a n ç a i s e ? ( 6 ) et la création, en mars 2 0 0 0 , d’une “association de re c h e rche et de lutte c o n t re les try p a n o s o m o s e s”, saluée par J. Y. NAUdans Le Monde du 3 mai 2001.

Nous citerons, pour illustrer notre pro- pos, trois domaines de santé publique dans lesquels il a imprimé sa marq u e : maladie du sommeil, méningite cérébro - s p i n a l e , c h o l é r a .

Dès son premier séjour, “LAPEYSSONNIE

a commencé à lutter contre la maladie du sommeil et ses travaux devaient, par la suite, le faire considérer comme un des meilleurs experts de cette maladie. Il a notamment fait des enquêtes dans le sud du Soudan, à une époque où il était déjà périlleux d’y aller et, à un moment donné, les dangers qu’il courait ont été tels que sa mission a dû être interrompue et qu’il est rentré à Genève” (1).

Il a grandement contribué à réhabiliter Eugène JA M O T, oublié et abandonné, alors que les services généraux mobiles d’hy- giène et de prophylaxie, tant en Afrique

L APEYSSONNIE nous a quittés…

E DITORIAL

par Alain Chippaux, président de la SPE

“C’était un beau métier, prenant, grisant, mais aussi exigeant et, comme on me l’a dit une fois, un métier excessif” Le jardin des mangues, p. 194.

Remise de la médaille d’or à l’Académie nationale de Médecine par Jacques CHIRAC, Président de la République, sous la présidence de Mar c GENTILINI.

(Bul soc pathol exot, 1996,89)

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équatoriale française qu’en Afrique occi- dentale française, créés après sa mise à la retraite, étaient très largement inspirés par la doctrine et l’expérience du médecin colo- nel JA M O T( 4 ). Un film, La nuit africaine (1990), dont LA P E Y S S O N N I Ea écrit le scé- nario, d’une grande authenticité et parf a i- tement interprété, relate cette épopée, mais n’est malheureusement qu’exceptionnel- lement programmé. LA P E Y S S O N N I Ea été aussi le premier à suspecter l’existence d’un r é s e rvoir animal pour T. gambiense ( 2 ).

C’est dire avec quelle amertume et quelle c o l è re il s’est révolté, au cours de ces der- n i è res années, contre la dramatique re c ru- descence de la trypanosomose humaine africaine dans 36 pays d’Afrique inter- t ropicale, réclamant la “ r é i n v e n t i o n”

d ’“équipes mobiles”dotées de moyens m o d e rnes, sachant “voir tout le monde et p a rt o u t” (6) “tout au bout de la piste, sur - tout là où c’est impossible”( 7 ) .

Il s’est aussi attaqué à la méningite céré- b rospinale épidémique (MCS) en Afrique sahélienne, précisant sa répartition tem- p o ro-spatiale selon une ceinture allant de l’Atlantique à la mer Rouge et que l’on dénomme encore “ceinture méningitique de LA P E Y S S O N N I E”. Au début des années 60, il a mis au point un traitement

“minute” contre la MCS. “On disposait c e rtes d’un médicament efficace, les sul - famidés, peu onéreux et administrables par la bouche. Mais il était très difficile, sur le terrain, de faire prendre toutes les huit h e u res les comprimés à des milliers de malades, parfois comateux, répartis sur des distances plus ou moins grandes. À ce moment, venait d’apparaître une prépa - ration injectable d’un nouveau sulfamidé : le Sultirène®. Le mérite de LA P E Y S S O N N I E

a été de mettre au point ce traitement qui consistait en une injection intra-muscu - l a i re quotidienne pendant 4 ou 5 jours.

C’était un grand progrès sur le plan thé - rapeutique, par la facilité et l’eff i c a c i t é;

ces principes restent toujours valables, alors que le Sultirène®a été remplacé ensuite par un antibiotique, le chloramphénicol”

(1). Il contribua aussi à la mise au point du vaccin. D’une grande habileté manuelle, il inventa un nouvel injecteur sans aiguille, instrument incontournable dans les vac- cinations de masse, l’Imojet®.

Après son départ du Service de santé des a rmées en 1973, directeur de la division d’épidémiologie de l’Institut Mérieux auprès du DrCharles MÉRIEUX, il orga- nisa, avec enthousiasme et efficacité, la vaccination contre les méningocoques A

et C de 120 millions de Brésiliens en dix mois, dont 11 millions en quatre jours à São Paulo. Cet épisode spectaculaire pré- figure la Bioforce.

A u t re domaine où il s’est illustré : la 7e pandémie de choléra, apparue en 1970, s’implanta pour la pre m i è re fois en Afrique francophone, en Guinée plus pré- c i s é m e n t . “Les autorités de ce pays avaient constaté l’apparition d’une épidémie de d i a rrhées souvent mortelles et ont alors a l e rté l’OMS qui a désigné LA P E Y S S O N-

N I Epour diriger une commission d’expert s . […] LA P E Y S S O N N I Ea montré que c’était le choléra qui venait d’apparaître en Gui - née, […] importé par des étudiants qui venaient d’une région du sud de l’Euro p e de l’Est. Cette maladie a très vite diffusé en suivant d’abord le Niger, puis s’est plus ou moins établie dans les estuaires” (1) et est maintenant endémo-épidémique dans ces régions.

“ Ayant identifié l’introduction du vibrion cholérique comme cause de cette épidémie de diarrhées, il mit tout de suite au point des méthodes de diagnostic pouvant être appliquées sur le terrain et des moyens de traitement d’urgence” (1, 3).

Plus souvent en brousse que dans un labo- r a t o i re, LA P E Y S S O N N I Eétait un épidémio- logiste de terrain, ce qui l’aidait à voir souvent juste, bien avant les autres. C’était aussi un grand pédagogue, sachant trans- m e t t re son savoir et son enthousiasme, a u t re signe de jeunesse qu’il conserva toute sa vie, formant des générations de méde- cins, d’infirmiers, de laborantins, dans des c a d res et des conditions très variées, à l’école JA M O Td ’ Ayos, dans la forêt came- rounaise, à l’école de médecine de Pondi- c h é ry dont il aimait rappeler que c’était la plus vieille école de médecine occidentale en pays tropical (1823) et qui est toujours en activité, transformée en “Medical col- l e g e” par Nehru après l’indépendance de l’Inde, dans les facultés de médecine de Tunis, de Kaboul et, bien sûr, à l’Ecole du P h a ro, aujourd’hui Institut de médecine t ropicale du service de santé des arm é e s , dont il fut sous-directeur de 1968 à 1971.

Homme de grande culture, passionné et original, écrivain de talent, il nous laisse un témoignage précieux et profondément ori- ginal, souvent autobiographique, empre i n t d’une réelle pro f o n d e u r, caractérisé par un humour décapant, des formules à l’em- p o rte-pièce qui marquaient son sincère amour de l’homme et des populations déshéritées.

Ses dernières années, il les a passées dans son moulin de Kerveno où - le maire de Plouray le rappelait lors de son inhuma- tion le 4 mai 2001 - “il avait réalisé lui- même une turbine qui produisait de l ’ é n e rgie électrique et qui suscitait une grande curiosité”. C’est là qu’il écrivit ses dernières œuvres, si émouvantes par les souvenirs qu’elles égrènent, c’est là qu’il recevait ses élèves, devenus ses amis. “La m é m o i re, c’est comme l’eau de mon mou - lin. Vous ouvrez une vanne, un peu, un petit peu seulement, et voilà que la roue se met à tourner et plus elle tourne, plus elle vit, mieux elle chante sous la caresse de l’eau. Mes souvenirs aussi se mettent à chatoyer lorsque la roue de la vie les ramène à la surface. Toutes ces images qui reviennent, fidèles, dès qu’on leur ouvre la vanne”. (Le jardin des mangues, p. 201).

Avec tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer, la SPE présente un hommage très solennel et très respectueux au Méde- cin général LAPEYSSONNIE, médaille d’or 1995 de notre Société et, individuellement, beaucoup d’entre nous conserv e ront le souvenir d’un humaniste passionné auquel l’Afrique doit beaucoup.

Remerciements

Nous exprimons toute notre reconnaissance à nos collègues et camarades qui nous ont aidés à réunir les éléments de cet éditorial et à raviver nos souvenirs, H .M . AN T O I N E, R. AU D R A N, E. BE RT R A N D, G. CH A R M O T, C. CH I P PA U X- HY P P O L I T E& R. LA R O C H E.

Références

bibliographiques

1. CHARMOT G - Nécrologie de LA P E Y S S O N N I E. Acad sc Outre-mer, séance du 18 m a i 2001.

2. L A P E Y S S O N N I E L - Existence possible d’un réservoir de virus animal dans la trypa- nosomiase humaine africaine à T. gam - b i e n s e : réflexions épidémiologiques et conséquences pratiques. Bull soc pathol exot, 1969, 62,335-343.

3. LAPEYSSONNIE L - Acquisitions récentes en matière d’épidémiologie et de pro- phylaxie du choléra en Afrique. Bull soc pathol exot, 1971, 64,644-652.

4. LAPEYSSONNIE L - Moi, Jamot. Le vain - queur de la maladie du sommeil. Presse de l’INAM, 1987, 224 pages.

5. L A P E Y S S O N N I E L - Le jardin des mangues.

Presse de l’INAM, 1987, 202 pages.

6. L A P E Y S S O N I E L - Y a-t-il vraiment une exception française ? Méd trop, 1998, 5 8 , 135-136.

7. L A R O C H E R - La dernière feuille de l’arbre.

Méd trop, 2001, 61,7-8.

Editorial 292

Références

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