Article original
Importance des facteurs édaphiques dans la répartition
des forêts subalpines d’adret sur serpentines, prasinites et gneiss en Val d’Aoste (Italie)
JP Verger
Laboratoire de
biologie végétale,
Faculté des sciences, 87060Limoges
Cedex, France(Reçu
le 20 novembre 1988;accepté
le 27 avril1989)
Résumé — Dans le contexte
bioclimatique intra-alpin
du Val d’Aoste, àl’étage subalpin,
les serpen- tines, rochesultrabasiques,
induisent le mélézin comme forêtclimacique.
Auxexpositions
chaudeson trouve le
Junipero-Arctostaphyletum
laricetosum(nouvelle
sous-associationVerger, 1987),
en milieusemi-mésophile
le Rhodoreto-Vaccinietum vitis-idaea laricetosum(variante
nouvelle des ser-pentines Verger, 1987)
et en milieumésophile
le Rhodoreto-Vaccinietum laricetosum défini par Ozenda(1983)
dans lesAlpes
du Sud. Les sols sont des rankers ou des sols brunifiés faiblement ocreux. Dans le mêmetemps
lesprasinites,
rochesbasiques,
évoluent comme lesgneiss
acides.La forêt
climacique
estreprésentée
par la variante à Vaccinium vitis-idaea du Luzulo-luzulinaepiceetum (Braun-Blanquet,
1936 inBraun-Blanquet
etal, 1939)
surprasinites,
par celle à Vacci- niummyrtillus
surgneiss,
dans le bas del’étage.
Ces 2 variantes se retrouvent au niveau du Rho- doreto-Vaccinietum cembretosumBraun-Blanquet
du haut del’étage.
Les sols sont alors des solspodzoliques
ou despodzols.
Val d’Aoste /
subalpin
/ climax forestier /serpentines
/ sol brunifié et mélézin /prasinites
etgneiss
/podzolisation
/pessière
et cembraieSummary — Importance
and role ofedaphic
determinism in the distribution ofsubalpine
forests
along
warmslopes
onserpentines, prasines
andgneiss
in Val d’Aoste(Italy).
Becau-se of the
variety
of rocks and different local climates in the Val d’Aostesubalpine
zone, there is alarge variety
ofvegetation.
On
serpentine Junipero-Arctostaphyletum
laricetosum(new
associationVerger, 1987)
occurs onwarmer
slopes.
Neutralacidophilous species
grow on ranker and brown soils. On coolerslopes,
Larix decidua reaches its ultimate
stage
ofdevelopment.
Rhodoreto-Vaccinietum laricetosum, withacidophilous species
but withoutbryophytes,
grows on brown soils where humus is a moder-mor.At the lower limits of the
subalpine
zone, Piceetumsubalpinum
occursalong slopes
onprasines
and
gneiss,
while Rhodoreto-Vaccinietum Cembretosum growsalong
on the upper zone limits. Onserpentine,
wherehydroxyferric complexes
andmagnesium prevail,
loweracidity, permeability
andsoil
dryness
are favourable for Larix. Podzolicsoils,
whereacidophilous organic
matter, aluminium andprotons prevail
are favourable for Picea and Pinus cembra.Aosta
valley
/subalpine
zone / forest climax /serpentines
/ Larix decidua forest and brown soils/ prasines
andgneiss / podzolic
soils / Picea and Pinus cembra forestsINTRODUCTION
L’étude
de lavégétation
arborée conduit à la distinction de 6 sériesprincipales
devégétation (Ozenda, 1983)
àl’étage
subal-pin
desAlpes:
- les séries
subalpines
del’épicéa
et dusapin occupent
lesubalpin inférieur.
Trois
séries caractérisent
surtoutles
massifspréalpins,
sans que leurs aires sesuperposent:
- la série du
pin mugo (Pinus mugo
Turra),
bienreprésentée
dansles préalpes
orientales
nord et sud ainsi que dans l’axeintra-alpin,
devientsporadique
dans lesAlpes orientales;
- la série
préalpine
dupin
à crochet(Pinus
uncinataMiller) occupe
lespré- alpes
de Suisseoccidentale,
deSavoie
et duDauphiné;
- une
série altiméditerranéenne, presque
asylvatique, apparaît
enHaute-Provence
et dans lesAlpes ligures.
Une
parenté écologique:
relativexéro- philie, plateaux
etcrêtes calcaires,
unitces
séries.
- Le
subalpin
de l’axe interne estoccupé
par le
pin
cembro(Pinus
cembraL.)
et lemélèze (Larix decidua Miller).
Les
vallées
du versant sud desAlpes Pennines,
en Vald’Aoste (fig. 1)
appar- tiennent à la zoneintra-alpine.
La forêt sedéveloppe
sur dessubstrats variés
allant desroches ultrabasiques
aux rochesacides,
enpassant
par les rochesbasiques. Comme
cesaffleurements
se retrouvent souvent côteà
côte dans cesvallées,
le facteurclimatique agit
defaçon identique
surla
couvertureforestière.
C’est
doncle
facteurédaphique,
et à tra-vers lui la nature de la
roche-mère, qui
influe sur la
composition
dutapis végétal.
Nous
nousproposons
doncde
recher- chercomment,
et dansquelle
mesure, cefacteur
agit.
Laprésence
desserpentines
d’une
part,
desprasinites
d’autrepart, dont
lapédogenèse
estpeu
connue ouinconnue en milieu de
montagne,
consti-tue
également
une motivationimportante
de l’étude.
LES
MÉTHODES
D’ANALYSEPour
chaque
relevé devégétation,
nous avonsétabli une fiche stationnelle
précise regroupant,
outre les données
classiques (altitude, exposi- tion, pente, position topographique,
recouvre-ment
végétal...), les
conditions microstation- nellesspécifiques,
avec une attentionparticulière
pour l’alimentationhydrique.
Méthodes appliquées
à lavégétation
Les relevés
floristiques
sont effectués selon la méthodephytosociologique classique
définiepar
Braun-Blanquet (1964).
Les relevés retenus résultent d’un tri.Après échantillonnage
révé-lant les
principales
variations(topographie, syl- vofaciès, types
desols),
effectué en fonctionaussi des
possibilités
de parcours, nous avons retenu les relevés lesplus représentatifs
desgrands types
forestiers. En cequi
concerne lesserpentines,
nous avons pu suivre la colonisa- tion forestière des éboulis et le cheminementvers la forêt adulte. La construction des tableaux
floristiques
résulte d’uneopération
manuelle. Par contre, la classification des
espèces
en groupesécologiques provient
d’untri
statistique préalable.
Les donnéesbibliogra- phiques
et surtout nos propresanalyses
nousont amené à proposer une classification nouvel- le des
espèces (Verger,
1987 et1989b),
déter-minée à
partir:
- du
rapport
entre l’aciditéd’échange (Ae
= Al3++
H+)
et la somme(S)
des baseséchangeables
d’une
part;
- de l’économie de l’eau d’autre
part (fig. 2).
Méthodes utilisées
surles échan-
tillons de sol(fraction
0-2mm)
La
granulométrie
est réaliséeaprès
destruction de la matièreorganique
parl’hypochlorite
desodium,
mise ensuspension
desargiles
par action des résines Na+échangeuses
d’ions(Rouiller et al, 1981)
etprélèvement
à lapipette
de Robinson des diverses fractions.
La mesure
électrométrique
dupH
est effec-tuée sur un
mélange
sol/solution derapport
2/5.La lecture du
pH
est effectuée sur le surna-geant, après
mise en contact de 4 heures(pH eau),
ouaprès agitation
rotative de 1 h(pH KCI).
Les bases
échangeables
sont extraites parpercolation
à l’acétate d’ammoniumtamponné
à
pH
7 pour K+ etNa + ,
par une solution de KCI normal pourCa 2+ , Mg 2+
et les ions de l’acidité(Al
3+
etH+).
Lesprotons
sont dosés par titrimé-trie,
tous les autres éléments parspectrophoto-
métrie
d’absorption atomique (Spectromètre Atomspek Hilger-Watts
H1170).
La sommation des bases
échangeables
évaluées à
pH
7(T7)
et des acidités(Ae)
donnela
capacité
totaled’échange (T)
aupH
du sol.Les éléments
amorphes (fer
etaluminium)
sont extraits par le réactif de TAMM
(T),
et lesformes
amorphes
etoxydes
par le réactif de Mehra-Jackson(MJ).
Ledosage
se fait parabsorption atomique.
Le carbone
organique
est dosé au Carmo-graph 8,
par combustion de la matière orga-nique
à 950°C dans un courantd’oxygène
enexcès et mesure des variations de conductivité
électrique
d’une solution de soude N/25 par leCO 2 dégagé.
Pour le
dosage
de l’azote, les échantillons sont minéralisés à 900°C(Buchi 425)
en milieusulfurique
concentré enprésence
decatalyseur.
Le
dosage
final est réalisé selon la méthode deKjeldahl.
LE
CLIMAT
Les vallées de
Gressoney,
Vald’Ayas
et Val-tournanche font
partie
du secteurintra-alpin,
àsécheresse relative. L’indice de continentalité
hydrique
de Gams(1950), qui exprime
la valeurde la
cotangente
del’angle
de continentalité mesuré par lerapport
desprécipitations
et del’altitude
(P
en mm/A enm),
estcompris
entre50 et 70
(Fig. 3).
L’examen des courbes
ombro-thermiques (Fig. 1)
des stations situées à la base(Brusson, d’Ejola, Gressoney Saint-Jean)
ou en limitesupérieure
del’étage subalpin (Gabiet)
nemontre aucune
période
de sécheresse(P=2T)
ou de subsécheresse
(P=3T) (Rey, 1960).
Laxéricité de la basse vallée
(Saint-Vincent)
n’atteint pas le
subalpin,
comme c’est le cas enBriançonnais (Cadel, 1980).
D’unefaçon globa-
le, la faiblesse des
précipitations
ne favoriserapas les processus de
podzolisation.
LES ROCHES
MÈRES
Leur
composition chimique
moyenne est rappe- lée dans le tableau I. Lesgneiss
acidesrepré-
sentent le
pôle
siliceux(70%)
riche en alumine(14% d’Al 2 O 3 ),
mais pauvre enfer,
calcium etmagnésium
dont le rôle estprimordial
dans lesprocessus de
podzolisation.
Lesprasinites basiques, appauvries
en silice(50%)
consti-tuent un
pôle alumino-calcique (16% d’Al 2 O 3
et9% de
CaO),
riche en fer(9%), qui
fournit à lapédogenèse
des minérauxphylliteux (type 2-1)
chloriteux. Les
serpentines, particulièrement
pauvres en silice
(40%), représentent
lepôle ultra-basique ferro-magnésien, dépourvu
d’alu-minium
(cation
essentiel del’argilogenèse)
etcalcium,
avecl’antigorite
commephyllite.
Laproportion
très variable defer,
aluminium et cal-cium,
les énormes différences enmagnésium
constituent autant de différences fondamen- tales dans l’orientation de la
pédogenèse.
LES ESSENCES
FORESTIÈRES
DUSUBALPIN D’ADRET
Les
caractères
del’étage
en Vald’Aoste
La limite inférieure du
subalpin
d’adret s’établit à 1 550 m surgneiss
etprasinites,
mais s’élève à 1 700 m surserpentinites
en raison de la tein- te foncée de la roche et des solsqui captent
etemmagasinent
mieux la chaleur solaire. La limi- tesupérieure
de la forêtdépasse
de 200 mcelle
observée,
à la mêmelatitude,
dans leszones externes des
Alpes (Richard
et Tonnel,1987).
Cette limite(autour
de 2 100m) plus homogène
traduitl’égalisation climatique,
ycompris pédoclimatique,
que l’on observe en serapprochant
del’étage alpin
de ces vallées. Les landinessubalpines
du Cetrario-Loiseleurietumatteignent
2 500 m.Sur les fortes
pentes
desserpentines,
lemélézin
joue
un rôleprotecteur
depremier
ordre et l’essence constitue l’arbre clé de la forêt. Partant de la rhodoraie
asylvatique
et/oudu
Junipero-Arctostaphyletum,
le mélèzecouvre tout le
subalpin
pour venir se mêler à Pinussylvestris
au sommet del’étage
monta-gnard.
L’influenceanthropique apparaît
faible(pas
ou peu de souchescoupées).
Sur
prasinites
et surgneiss,
le mélèze se cantonne dans lapartie supérieure
de la forêt et ne constitueplus qu’une
essence de transition.Sur ces
pentes
moinsfortes,
la forêt résulte souvent d’une reforestation souvent liée à ladéprise agricole (Lyabel, 1962).
Par souci decomparaison,
nous avons délaissé ces bois et retenu dans notre étude les forêts lesplus âgées, développées
surpentes plus
fortes.L’influence humaine
passée
estpartout présen-
te
(souches,
charbons debois).
Au contact dela lande à rhododendrons, la cembraie
peut remplacer
tout oupartie
dumélézin,
alors que, vers lebas,
lapessière
couvre lesubalpin
moyen et inférieur.
La
végétation
forestière dusubalpin
Sur roche
mère ultrabasique (tableau II)
Le mélèze succède soit à la lande à
genévrier
nain des
adrets,
soit au rhododendron desexpositions
fraîches. Le sous-boispermet d’y
reconnaître
plusieurs
stades d’évolution. Dans lespremiers
stades de colonisation deséboulis,
où la strate herbacée laisse de nombreuxvides,
larégénération
est active. Lesespèces
neutro-philes (Thymus praecox,
Carlineacaulis,
Ses- leriaalbicans, Thlaspi alpinum, Laserpitium latifolium) partagent
le recouvrement avec les acidoclines(Festuca luedii,
Lotuscorniculatus, Dactylorhiza sambucina)
et lesacidophiles (Festuca
gr.ovina,
Hieracium murorum, Des-champsia flexuosa).
Lesmyrtilles
sont absentes ou rares en sous-bois. En l’absence totale dupin
cembro et dupin
àcrochet,
cetype
de forêtnous
paraît
devoirs’intégrer
dans une sous-association nouvelle à mélèze du
Juniperion
nanae que nous proposons
d’appeler Junipe- ro-Arctostaphyletum
laricetosum.Le mélézin du haut de
l’étage
montre unedominance presque totale des
espèces
de lalande. Les
espèces neutrophiles
et legenévrier
nain sont
sporadiques,
les acidoclines rares. Le sous-boiscomporte
untapis d’espèces
acido-philes mésophiles (Rhododendron ferrugi-
neum, Vaccinium
uliginosum,
Vaccinium myr- tillus, Vacciniumvitis-idaea)
etmésohygrophiles (Homogyne alpina).
Cette rhodoraiesylvatique
sur
serpentines
s’individualise par l’absence ou la rareté del’épicéa,
dupin
cembroqui n’appa-
raissent que sous la forme de
plantules
tor-tueuses dès le
quatrième
oucinquième
verticil-le de branches. Cette forêt constitue un
ensemble stable,
climacique,
où Carex fimbria- tasingularise
le substratserpentinique (Verger,
1983 et Richard
J.L., 1985).
Selon ledegré d’humidité,
on ydistingue
un Rhodoreto-Vacci- nietum vitis-idaea laricetosum(par analogie
avec les
pessières) semi-mésophile
et un Rho-doreto-Vaccinietum laricetosum
mésophile
récemment défini
par Ozenda (1981).
La pessière des prasinites
et desgneiss (tableau III)
Les 2
types
de rochesportent,
dans le bas del’étage,
une forêt dominée parl’épicéa.
Lemélèze est rare et sa
présence
transitoire. Avec ladéprise agricole,
on assiste à une recolonisa- tionrapide
parl’épicéa
des mélézins existants.Les
pessières
observées se caractérisent par laprésence
presque exclusive desespèces acidophiles.
L’abondance et la dominance desvacciniées,
laprésence d’espèces
différen-tielles comme Orthilia secunda,
Deschampsia flexuosa,
Hieracium murorum,Melampyrum sylvaticum,
Luzulasylvatica
et L.luzulina, Saxifraga cuneifolia, Homogyne alpina,
Gera-nium
sylvaticum,
Loniceranigra,
Cetraria islan- dica,apparentent
cespessières
augroupement
du Luzulo-luzulinae Piceetum(ou
Piceetumsubalpinum) Braun-Blanquet,
1936. L’homolo-gie
n’estcependant
pasparfaite
entre les forêtsrecouvrant les 2 roches.
La
quasi-totalité
des relevés de lapessière développée
surprasinites,
par la forteprésence
de Vaccinium
vitis-idaea, Deschampsia
flexuo-sa, Anthoxantum
odoratum, s’apparente
à lavariante vaccinietosum vitis-idaea décrite par
Braun-Blanquet
et al, enEngadine (1954).
L’abondance de Vaccinium
myrtillus
et dePinus cembra notamment
l’éloigne
des pes- sièresxérophiles
d’adret de Maurienne(Bartoli,
1966)
etplus
encore de celles de mode sec de Tarentaise(Gensac, 1964).
Dans leur ensemble les relevés de la pes- sière sur
gneiss acides,
par la dominance de Vacciniummyrtillus,
l’abondance de Luzulasylvatica, Melampyrum sylvaticum,
la constan-ce de Sorbus
aucuparia
et l’absence du mélèzese
rapportent
à la variantemyrtilletosum Mayer,
1958 du Piceetum. Ils en diffèrent surtout par l’absence de Listera cordata.
La
cembraie
surprasinites
etgneiss (tableau III)
Comme la
pessière,
la cembraie se rencontresur les 2
types
de roches. Elle constitue dans tous les cas une évolution de mélézin ancienvers le climax à
pin
cembro. Le mélèze sepré-
sente sous la forme de très gros arbres
épars,
à nombreux rameaux morts, et/ou de rares arbustes
grêles.
Lepin cembro,
rarement adul- te, sauf surgneiss,
seprésente
alors sous laforme de
sujets vigoureux,
très droits et de belle venue.Dans les 2 cas, on retrouve,
parmi
lesstrates basses des landes et des
herbacées,
la dominancequasi
absolue desespèces
acido-philes.
Lesespèces mésophiles
caractéris-tiques
de l’association du Rhodoreto-Vaccinie- tum(Braun-Blanquet
etal, 1954)
sous-association Cembretosum: Pinus cem-
bra,
Rhododendronferrugineum,
Vacciniummyrtillus
etvitis-idaea, Calamagrostis
villosasont constantes et/ou dominantes. Les
mousses sont
largement représentées
sur pra- sinites: Pleuroziumschreberi,
Dicranum scopa- rium,Hylocomium splendens
dans lesparties
les
plus fraîches,
alors queRhytidiadelphus
tri-queter
se limite auxplages
un peuplus
enso-leillées.
Comme pour la
pessière,
des nuancesséparent
lesgroupements
surprasinites
et surgneiss.
Lespremiers
sont àrapprocher
d’unevariante à Vaccinium
vitis-idaea,
en raison de l’abondance del’espèce.
Sur lesgneiss plus frais,
et dans le haut del’étage
surprasinites,
c’est la variante
myrtilletosum qui
sedéveloppe.
LES SOLS
FORESTIERS
DU SUBALPINLa
profondeur
très voisine desprofils
ne consti-tue pas un critère
discriminant,
de même que lapierrosité.
Au sein de la terre fine, la microdivi- sion affecterapidement
etplus
fortement les rochesultrabasiques
que l’ensembleprasinites- gneiss (tableau IV).
Il en résulte un milieu enri- chi en éléments lesplus
fins surserpentines
etune mise à
disposition plus importante
pour lavégétation
des cations des minérauxprimaires
de la roche.
C’est ainsi
(tableau V)
que le taux de satura- tion resteélevé,
même àpH
7, sur ces der- nièresroches,
alorsqu’il
est très faible sur lesgneiss.
AupH
dusol,
les milieux sonteutrophes
ou faiblementmésotrophes (selon
laterminologie
dePenel, 1979)
surultrabasites,
alorsqu’une
désaturationprogressive
deshumus gagne la base des
profils
et s’accentue desprasinites (milieux mésotrophes
àoligomé- sotrophes)
auxgneiss (seulement mésotrophes
au niveau de
l’humus).
Ces valeurs dupH
KCImettent en valeur un
aspect
fondamental de lapédogénèse
sur ultrabasites enmontagne.
Lesprotons, exceptionnels, l’aluminium, discret,
n’induisent
qu’une
acidification réduitequi
vajouer
un rôle discriminant dans larépartition
des
espèces végétales
en favorisant les neutro-philes
et les acidoclines auxdépens
des acido-philes.
Ces résultats sont aussi laconséquence
de la richesse des sols
serpentiniques
enmagnésium
d’unepart (ce qui
estclassique
surce
type
deroche),
et de la richesse en calcium d’autrepart,
élément normalement très déficitai-re dans la roche et très intensément concentré
au sein de l’horizon humifère par le
jeu
ducycle biogéochimique.
Nous reviendrons sur cetaspect, conséquence
de la mise enplace
de laroche au cours de
l’orogenèse alpine (Boillot, 1987),
dans uneprochaine
note.La redistribution
(tableau IV) précoce
del’aluminium
(Souchier, 1971),
dès les stades acides de la brunification(Jeanroy, 1983),
montre un double
aspect:
-
quantitatif,
avec des taux très bas(<1‰
sur
serpentines), beaucoup plus
élevés sur pra- sinites(jusqu’à 12‰)
etgneiss (jusqu’à 7‰);
-
qualitatif,
avec une redistribution nulle oumodérée sur ultrabasites
(K Al
=1,4),
trèsimpor-
tante sur les 2 autres roches
(K A l >2),
le maxi-mum se situant en Bh sur
prasinites,
en Bs surgneiss. (K A l
= teneur en Al de B/teneur moyen-ne
proportionnelle
entre A1 etC).
En
fait,
les horizons Bstypes
se caractéri-sent surtout par une accumulation d’aluminium
amorphe (Jeanroy, 1983).
C’est ce que mon- trent les sols surgneiss (et prasinites),
nette-ment
marqués
par lapodzolisation.
Les serpen- tines ont, par contre, uncomportement
de solbrunifié,
tant est discrètel’augmentation
del’aluminium
amorphe
en Bh et Bs.Le fer
(tableau IV)
montre aussi une redistri- bution différenciée selon les roches.L’appau-
vrissement des horizons de surface et l’accu- mulation au sein des horizons
spodiques (Bs)
sont nets sur
prasinites
etgneiss
alorsqu’ils
sont
plus
mesurés surserpentines.
La libération de cetélément, qui s’oppose
à lapodzolisation (Souchier,
1971;Robin, 1979),
estplus
élevéedans l’ensemble des
profils
surultrabasites,
sous l’effet d’une altération
biosphérique (en
milieu
aéré)
des minérauxferro-magnésiens synchrone
d’uneargilisation
accrue(Jeanroy, 1983).
Au
total,
ladynamique
du fer et de l’alumi- nium traduit des processus nets de redistribu- tion et donc depodzolisation,
surprasinites
etgneiss
acides, alorsqu’ils
sont limités etlarge-
ment liés à l’altération sur
serpentines.
La
biodégradation
des humus est très ralen- tie etcomparable
dans les 3 cas. Au sein des horizonsorgano-minéraux
la richesse encations
(bases
etfer)
accélère par contrel’humification sur
serpentines.
La désaturationprofonde
sur les autres roches nepermet
pasune évolution aussi favorable sur celles-ci
(tableau V).
Au total les sols
brunifiés,
faiblement ocreux et à humus acide desserpentines s’opposent
aux sols
podzoliques plus
ou moins humifères et auxpodzols développés
surprasinites
etgneiss
acides(fig. 4).
DISCUSSION
ETCONCLUSION
La
forêt subalpine
de ces 3vallées
du ver-sant
sud
desAlpes pennines,
enVallée d’Aoste, s’articule
autour de 3 essencesforestières:
lemélèze, l’épicéa,
lepin
cem-bro.
Ces
essences serépartissent
defaçon
très diverse selon la roche mère
qui
modu-le la
composition
et l’évolution de la forêt:-
1 )
lesrapports
desions
de l’acidité(Ae)
par
rapport
aux cations ducomplexe
adsorbant
(S)
sont favorables auxespèces neutrophiles
et surtout acido- clines surserpentines (tableaux
II etV).
Tant sur
prasinites
que surgneiss,
leshumus
sontimmédiatement
favorablesaux seules
plantes acidophiles (tableaux
III et
V). L’acidification profonde limitée
des
ultrabasites
nepermet pas
une domi- nation massive de cesespèces
sur cesubstrat, à
l’inverse des autresroches;
-
2)
lemélèze
trouve surles fortes pentes
des
serpentines
unepersistance
desconditions
pédobiologiques primaires favorables
à soninstallation
et à sonmaintien
grâce
à unevégétation ouverte,
un sous-sol
caillouteux, toujours bien
aéré.
L’humidité
estsuffisante
etl’acidité jamais élevée
enprofondeur (pH > 5),
cette valeur
constituant,
selonFourchy (1952),
un seuil en dessousduquel,
avecla
podzolisation, le mélèze perd du
terraindevant
l’épicéa
et lecembro.
Lemagné-
sium et le
fer, toujours abondants, s’oppo-
sent à la
podzolisation,
de sorte que lesconditions édaphiques
restentfavorables
au
maintien
dumélèze;
-
3)
surprasinites
etgneiss,
l’évolutionbiochimique
dessols
est celle de lapod-
zolisation: matière organique abondante, acide, profondément incorporée
et à faiblevitesse
de décomposition,
basses valeurs dupH liées
à ladominance
des ions del’acidité,
forteredistribution
du fer et del’aluminium.
Cesphénomènes conjugués
d’acidification
etpodzolisation
croissantefont
que
lapessière,
vers le bas del’étage,
lacembraie
vers lehaut, supplan-
tent
progressivement le mélèze
sur cesroches.
L’humus brut n’estpas favorable
à cetteespèce
etfavorise
surtoutla germi-
nation de
l’épicéa
etdu cembro
audétri-
ment
du mélèze, aussi défavorisé par
ladensification végétale
desurface;
-
4)
l’absence de lapessière
surserpenti-
nites
peut s’expliquer
par au moins 2caractères: la faible
acidité
dessols,
sou-vent
limitée
àl’humus, acidité qui disparaît
en
profondeur
avec lasaturation
des solspar
lemagnésium;
la sécheresse éda-phique de surface trop forte, défavorable,
en
raison de
lagrande perméabilité
dessols;
-
5)
lepin cembro
secomporte,
dans lehaut de
l’étage,
commel’épicéa
dans lebas. Les
mêmes
facteursqui s’opposent
au
développement de
cetteespèce
surserpentines jouent également
contrel’arol-
le. Le
tapis
des moussesacidophiles qui
recouvre le
sous-bois
surprasinites
etgneiss
est absent. Le rôletampon
desbryophytes, «particulièrement
vis-à-vis del’évaporation
etde
latranspiration (Lecoin-
te, 1985)»
est bien connu. Leur absenceconstitue
un facteuraggravant
de lasécheresse
édaphique
et crée des condi- tionsdéfavorables à
lagermination
del’arolle.
Laréalisation d’écogramme du type
de celuiproposé par Auliztky (1963,
dans
Contini
etLavarello, 1982)
faitappa- raître la sécheresse
commeagent de dégâts
sur lescembraies
où se rencon- trent desespèces
commeCalluna vulga- ris, Vaccinium vitis-idaea, Jupinerus
nana, très
fréquentes
surserpentines.
LespH supérieurs
à5,5
sontdéfavorables
à lamycorhization,
saufpour quelques espèces liées
au mélèze sur sols cal-caires. Cette
association
intervient «dansl’adaptation des espèces
auxconditions
d’altitude (Contini
etLavarello, 1982)».
Cette limite est vite
dépassée,
dès -10 à-15 cm sous la
rhodoraie
surserpentines.
C’est sans doute à la
conjonction
de cescaractères, qui s’opposent
auxconditions favorables
aumélèze, qu’il
faut attribuer l’absence del’arolle;
-
6)
onremarque aussi
surserpentinites
l’absence
dupin à crochets.
Cette essen- ce estcapable de supporter
unegrande
sécheresse édaphique,
comme en Brian-çonnais (Cadel, 1980)
ou envallée de Ponton,
ausud
du Vald’Aoste (Vaccari, 1903).
L’altération etl’argilisation
accruedes sols
serpentiniques (Verger,
1987 et1989a) entretiennent à la
fois unecertaine humidité édaphique
et une richessecatio- nique.
Ce double effet favorise les essencesmoins frugales que
lepin
à cro-chets et
principalement le mélèze.
En
conclusion,
dans le contexte clima-tique
desvallées d’Aoste,
lesserpentines induisent, par
leurscaractéristiques parti- culières,
larépartition des
essences fores-tières. Agissent-elles
directementpar
leur forte teneur enmagnésium ?
Nousn’avons aucun élément
permettant
del’affirmer. Par
contre,
defaçon indirecte,
en saturant le
complexe adsorbant,
lemagnésium,
mais aussi lefer,
limitent ouempêchent l’acidification
dessols, s’oppo-
sent au
développement
des mousses aci-dophiles
etcontribuent
à laxéricité
du milieu.Ces éléments
vont à l’encontre del’installation
del’épicéa
et/oudu pin
cem-bro.
REMERCIEMENTS
Je remercie MM. Cadel et Souchier, de l’univer- sité de Grenoble, pour leur aide et leurs conseils.
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