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Tribunal administratif du travail - division des relations du travail

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Academic year: 2022

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(1)

EYB 2020-346958 – Résumé

Tribunal administratif du travail - division des relations du travail Malépart et Thomson, Tremblay inc.

CM-2019-4792 (approx. 0 page(s)) 14 février 2020

Décideur(s) Blanchet, Guy Type d'action

REQUÊTE en fixation d'indemnités. ACCUEILLIE en partie.

Indexation

TRAVAIL; CONTRAT DE TRAVAIL; CONGÉDIEMENT; DOMMAGES MORAUX; DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS (DOMMAGES

EXEMPLAIRES); NORMES DU TRAVAIL; PLAINTE POUR CONGÉDIEMENT SANS CAUSE JUSTE ET SUFFISANTE; RÉPARATION DU PRÉJUDICE; RÉINTÉGRATION DU SALARIÉ; hôtesse; suspension; fin d'emploi; absence de motifs; perte

salariale; intérêts; réintégration impossible; rupture du lien de confiance; mauvaise foi de l'employeur; indemnité pour perte d'emploi; âge de la plaignante; années

d'ancienneté; humiliation; frustration; DROITS ET LIBERTÉS; CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE ; LIBERTÉ D'ASSOCIATION; ATTEINTE ILLICITE ET INTENTIONNELLE; DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS (DOMMAGES

EXEMPLAIRES); atteinte illicite au droit à la liberté d'association; fin d'emploi en raison de démarches de syndicalisation;

Résumé

Le Tribunal a accueilli la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante déposée par la plaignante. Celle-ci demande la fixation des indemnités auxquelles elle a droit à la suite de ce jugement.

L'employeur admet que la perte salariale et pour autres avantages est de 2 522,80 $, plus les intérêts applicables. Cependant, il conteste les autres réclamations de la plaignante.

La plaignante réclame une indemnité pour perte d'emploi équivalent à trois semaines de salaire par année de service, pour un total de 58 semaines. Elle n'a jamais été informée des motifs de sa suspension et de sa fin d'emploi et elle l'ignore toujours en date de l'audition. Il y a eu rupture du lien de confiance et elle a droit à une indemnité pour perte d'emploi. Elle est âgée de 45 ans et a occupé le poste d'hôtesse pour l'employeur pendant plus de 19 ans. Il lui sera pratiquement impossible de trouver un poste

semblable. Une somme forfaitaire de 8 000 $ est juste et raisonnable pour l'indemniser pour la perte de son emploi.

(2)

La plaignante réclame la somme de 5 000 $ à titre de dommages moraux puisqu'elle s'est sentie trahie, frustrée et humiliée par l'employeur. Cette réclamation est

raisonnable, étant donné le fait que l'employeur a refusé de l'informer des motifs de sa suspension et de son congédiement malgré ses demandes.

Enfin, la plaignante a droit à 5 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs en raison de l'atteinte illicite à son droit à la liberté d'association. C'est, en fait, après avoir appris qu'elle discutait de syndicalisation avec ses collègues que l'employeur l'a suspendue et a mis fin à son emploi. Aucun autre motif de suspension ou de congédiement n'a été invoqué par l'employeur.

NDLR

Pour consulter la décision qui conclut à l'absence de cause juste et suffisante de congédiement et dans laquelle le TAT réserve sa compétence sur les mesures de réparation appropriées, voir le dossier EYB 2019-317377.

Décision(s) antérieure(s)

• T.A.T. nos CM-2017-3474, CM-2017-3863 CM-2017-3863 CM-2017-3864, 13 mai 2019, EYB 2019-317377

Jurisprudence citée

1. Beaudoin et Groupe Vézina et Associés ltée, EYB 2019-314030, 2019 QCTAT 3095, 2019EXP-2104, 2019EXPT-1444 (T.A.T.)

2. Comtois et 9127-0587 Québec inc. (École de conduite Contact), EYB 2017-283506, 2017 QCTAT 3508, 2017EXPT-1650 (T.A.T.)

3. Gaudette et Commission de la construction du Québec, EYB 2017-286509, 2017 QCTAT 4611, 2017EXP-3022, 2017EXPT-1956 (T.A.T.)

4. Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, EYB 2009-166376, [2009] R.J.Q. 2743, [2009] R.R.A. 961, 2009 QCCA 2201, J.E. 2009-2176 (C.A.)

5. Gutierrez et Fermes Denis Lauzon et Fils inc., EYB 2019-310091, 2019 QCTAT 1578, 2019EXP-1160, 2019EXPT-78 (T.A.T.)

6. Laplante-Bohec c. Publications Quebecor inc., [1979] T.T. 268

7. Lauzon et Aliments O'Sole Mio inc., EYB 2018-302449, 2018 QCTAT 4570, 2018EXP-2662, 2018EXPT-1845 (T.A.T.)

8. Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'Hôpital Saint- Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, REJB 1996-29281, J.E. 96-2256

9. Roy et Municipalité de Lac-des-Plages, EYB 2017-284159, 2017 QCTAT 3262, 2017EXPT-1530 (T.A.T.)

Législation citée

1. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 3, 49 2. Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1621

3. Loi sur l'administration fiscale, RLRQ, c. A-6.002, art. 28 4. Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, art. 128

(3)

Malépart et Thomson, Tremblay inc. 2020 QCTAT 755

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

Région : Montréal

Dossier : CM-2019-4792

Dossier employeur : 100394

Montréal, le 14 février 2020

______________________________________________________________________

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : Guy Blanchet

______________________________________________________________________

Isabelle Malépart

Partie demanderesse c.

Thomson, Tremblay inc.

Partie défenderesse

______________________________________________________________________

DÉCISION

______________________________________________________________________

L’APERÇU

[1] Le 21 août 2019, le Tribunal reçoit une requête en fixation d’indemnité en vertu de l’article 128 de la Loi sur les normes du travail1 (la Loi) d’Isabelle Malépart (la demanderesse).

[2] La présente décision détermine l’indemnité à laquelle elle a droit à la suite de son congédiement sans cause juste et suffisante survenu le 4 février 2017.

1 RLRQ, c. N-1.1.

(4)

LE CONTEXTE

[3] La demanderesse est hôtesse pour Thomson, Tremblay inc. (l’employeur) depuis 1997 au moment de son congédiement. Il s’agit d’une agence de placement qui fournit, entre autres, du personnel pour divers événements organisés au Centre Bell. Elle travaille dans la loge du Réseau des sports (RDS) lors des parties de hockey et des spectacles à raison de deux à trois fois par semaine.

[4] Vers la fin du mois de janvier 2017, la demanderesse discute de la possibilité d’être représentée par un syndicat avec plusieurs hôtesses travaillant au Centre Bell.

[5] Le 3 février suivant, elle reçoit un appel de la responsable des hôtesses du Centre Bell lui annonçant qu’elle est suspendue de ses fonctions, car elle aurait « dit de mauvaises choses sur nous ». Elle doit rencontrer monsieur Frank Bertucci Sr, président de l’employeur (le président).

[6] Le 7 février, le président la rencontre et lui demande à qui elle a « parlé de syndicat ». Elle nomme deux hôtesses et se fait dire, en fin de rencontre, qu’on lui donnera des nouvelles. On l’informe par la suite qu’elle est suspendue aux fins d’enquête.

[7] Le 15 mars 2017, toujours sans réponse de l’employeur quant à sa suspension aux fins d’enquête, la demanderesse dépose une plainte de congédiement en vertu de l’article 124 de la Loi.

[8] Le 13 mai 2019, le Tribunal2 accueille la plainte et réserve sa compétence pour déterminer l’ensemble des mesures de réparation appropriées.

[9] Le 16 janvier 2020, le Tribunal reçoit une requête en fixation d’indemnité amendée. L’employeur est en accord avec le salaire et autres avantages perdus pour la somme de 2 522,80 $, mais conteste les réclamations d’indemnité de perte d’emploi ainsi que les dommages moraux et punitifs.

L’ANALYSE LE DROIT

[10] L’article 128 de la Loi détermine la compétence du Tribunal. On y lit :

128. Si le Tribunal administratif du travail juge que le salarié a été congédié sans cause juste et suffisante, il peut :

1o ordonner à l’employeur de réintégrer le salarié;

2 2019 QCTAT 2179.

(5)

2o ordonner à l’employeur de payer au salarié une indemnité jusqu’à un maximum équivalant au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

3o rendre toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.

L’APPLICATION DES PRINCIPES Le salaire perdu

[11] La demanderesse établit sa perte salariale et autres avantages à la somme de 2 522,80 $ pour la période du 4 février au 14 mai 2017. Elle avait déjà un emploi à temps partiel d’éducatrice dans une garderie et a décidé de l’occuper à temps plein à compter de cette dernière date.

[12] À l’audience, les parties s’entendent sur le fait que la somme de 2 522,80 $ représente le salaire perdu et autres avantages. La demanderesse avait un salaire de 170 $ par semaine, soit 85 $ par soirée, pour une moyenne hebdomadaire de deux événements. En ce qui concerne les intérêts, le mode de calcul adopté par les tribunaux tient compte de l’accroissement progressif de la perte salariale3. Le taux d’intérêt est divisé par deux pour la période qui s’échelonne de la date du dépôt de la plainte, le 15 mars 2017, à la date où la perte salariale cesse de s’accumuler, en l’occurrence le 14 mai 2017.

[13] Par la suite, à compter du 14 mai 2017 jusqu’à la date de la présente décision, le Tribunal applique le taux d’intérêt en vigueur en entier comme déterminé par l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale. Ce taux était de 6 % en 2017 et 2018, et est passé à 7 % à compter du 1er octobre 2018 :

Taux d’intérêt divisé par deux

Période 1

Somme visée 2 522,80 $

Début de la période 15 mars 2017

Fin de la période 14 mai 2017

Nombre de jours durant cette période 60 jours Taux légal durant cette période 6 %

Taux d’intérêt/2 3 % 12,43 $

Taux d’intérêt non divisé par deux

3 Ce mode de calcul est tiré de la décision Laplante-Bohec c. Publications Quebecor inc., [1979] T.T. 268.

(6)

Période 2

Somme visée 2 535,23 $

Début de la période 15 mai 2017

Fin de la période 30 septembre 2018

Nombre de jours durant cette période 503 jours

Taux légal durant cette période 6 % 209,48 $

Période 3

Somme visée 2 744,71 $

Début de la période 1er octobre 2018

Fin de la période 14 février 2020

Nombre de jours durant cette période 501 jours

Taux légal durant cette période 7 % 263,54 $

Total des intérêts 485,45 $

[14] La demanderesse a droit à un montant de 485,45 $ à titre d’intérêts. La somme de 3 008,25 $ représente le salaire perdu à ce jour, incluant les avantages sociaux ainsi que les intérêts.

Indemnité pour perte d’emploi

[15] La demanderesse réclame une indemnité pour perte d’emploi équivalant à trois semaines par année de service. Étant donné que cette dernière avait 19 ans et 5 mois de service auprès de l’employeur, cela représente un total de 58 semaines.

L’employeur conteste ce chef de réclamation en invoquant tout d’abord que la réintégration n’est pas impossible et que si cela était le cas, une indemnité équivalant à deux semaines par année de service est raisonnable.

[16] La demanderesse ne désire pas être réintégrée puisque le lien de confiance est brisé avec l’employeur. À ce jour, elle ignore toujours quel est le motif de sa suspension et de sa fin d’emploi.

[17] Comme le soulignait le Tribunal dans sa décision sur la plainte de congédiement :

[23] La version du conseiller n’a guère été éclairante. Celui-ci a témoigné de manière vague et évasive. Il ignore pourquoi la demanderesse est suspendue, il ignore le sujet de l’enquête et il n’a effectué aucune démarche d’enquête. Il confirme cependant que lors

(7)

de la rencontre du 7 mars en compagnie de monsieur Bertucci, il n’a nullement été question du service à la clientèle ou de plaintes de clients contre la demanderesse.

[18] Le Tribunal4 précisait récemment que :

[29] La réintégration au travail constitue la mesure de réparation applicable lorsqu’une plainte en vertu de l’article 124 de la loi est accueillie. Il peut cependant arriver qu’elle ne soit pas appropriée. Denis Lauzon s’est dit très frustré de la plainte déposée par le demandeur étant donné qu’il déclare prendre soin des travailleurs. En ce qui concerne le demandeur, il déclare être très en colère d’avoir été congédiée après neuf ans de loyaux services sans problème simplement parce qu’il s’est blessé au travail.

[19] La demanderesse s’est sentie trahie et humiliée de son congédiement. Après 19 ans de loyaux services sans aucun reproche quant à la qualité de son travail, elle est suspendue aux fins d’enquête à la suite de ses démarches auprès de certaines hôtesses quant à une éventuelle syndicalisation. On ne lui fournit aucun motif quant à sa suspension et ce n’est qu’à l’audience sur sa plainte de congédiement qu’elle apprend que le client (le Centre Bell) ne veut plus de ses services. Aucun représentant du client ne vient expliquer pourquoi les services de la demanderesse ne sont plus requis. De plus, elle n’a jamais été rappelée pour agir à titre d’hôtesse chez d’autres clients de l’employeur.

[20] L’employeur est bien mal venu de contester le bien-fondé de la volonté de la demanderesse de ne pas être réintégrée dans son emploi. Comment peut-il prétendre que la réintégration est possible alors qu’il affirme que le client ne veut plus des services de la demanderesse? Poser la question, c’est y répondre.

[21] La rupture du lien de confiance est démontrée par le contexte du congédiement.

Le Tribunal substitue à la réintégration une indemnité de perte d’emploi.

[22] Les critères élaborés par la jurisprudence afin de permettre l’évaluation de l’indemnité de perte d’emploi appropriée sont : la disponibilité d’emplois semblables sur le marché, l’âge, l’expérience, la scolarité, la polyvalence et les chances de se trouver un autre emploi.

[23] La demanderesse est âgée de 45 ans et occupait le poste d’hôtesse au Centre Bell depuis plus de 19 ans. Elle envisageait d’occuper cet emploi pour encore 10 ans. Il est pratiquement impossible de se trouver un poste semblable. Elle a décidé de travailler à temps plein le jour et a travaillé à quelques occasions le soir pour un traiteur, sans plus.

[24] La demanderesse a perdu 19 ans d’ancienneté qu’elle pourra difficilement récupérer chez son employeur actuel ou chez tout nouvel employeur. Compte tenu de toutes ces circonstances, le Tribunal évalue qu’une somme forfaitaire de 8 000 $ est juste et raisonnable pour indemniser la demanderesse pour la perte de son emploi.

4 Gutierrez c. Fermes Denis Lauzon et Fils inc., 2019 QCTAT 1578.

(8)

Dommages moraux

[25] La demanderesse réclame la somme de 5 000 $ à titre de dommages moraux.

Elle s’est sentie trahie, frustrée et désespérée. Le Tribunal, dans la décision sur la plainte de congédiement, précise vis-à-vis un courriel transmis par la demanderesse à l’employeur pendant sa suspension :

[15] Le même jour, la demanderesse lui envoie un second courriel lui indiquant que :

Cela fait bientôt un mois et vous ne pouvez toujours pas me dire pourquoi je suis suspendu à cause de cette investigation, à quel propos? Et quand je reviens dans la loge de RDS? Je vous promets que je ne veux pas faire partie d’un syndicat quelqu’onque promis ! Je peux même signer quelque chose si vous voulez…»

[Retranscrit textuellement]

[16] La réponse laconique du conseiller mentionne que l’enquête suit son cours et qu’elle sera avisée dès que celle-ci sera terminée.

[26] La preuve de mauvaise foi n’est pas nécessaire afin d’octroyer des dommages moraux.5 Cependant, le Tribunal s’est déjà prononcé sur la mauvaise foi de l’employeur dans le présent dossier :

[26] L’employeur n’a pas démontré le caractère juste et raisonnable de sa décision de suspendre la demanderesse. Il n’a pas agi de bonne foi et équitablement comme le précise la Cour suprême. La durée de la suspension est nettement déraisonnable et l’absence de décision quant au sort de la demanderesse démontre sa mauvaise foi.

[27] L’employeur se cache derrière le fait que le client ne désire plus les services de la demanderesse. Aucun témoin n’a été entendu à ce sujet et aucune preuve n’a été administrée. La mesure doit être justifiée par une cause juste et suffisante. Comme le soulignait fort à propos le juge Brière, permettre qu’une telle décision soit prise sans aucun motif par l’employeur ferait en sorte de faire régner l’iniquité, l’arbitraire et l’injustice.

[27] La demanderesse explique qu’elle a eu de nombreux étourdissements à la suite de sa fin d’emploi. Elle ne dormait plus. De plus, elle vivait une séparation avec son conjoint et devait s’occuper de ses deux enfants. Elle a toujours des étourdissements à l’occasion et est très émotive lorsqu’elle parle de sa fin d’emploi.

[28] Il est vrai qu’une fin d’emploi est un événement traumatisant. Que dire cependant quand l’employeur ne vous donne pas les motifs de votre congédiement? Quand vous vous doutez des motifs, mais que l’employeur ne veut pas les confirmer? Quand il invoque une insatisfaction du client sans même en faire la preuve? En tenant compte de la preuve présentée, le Tribunal estime que la demanderesse a droit à 5 000 $ à titre de dommages moraux.

5 Comtois c. 9127-0587 Québec inc. (École de conduite Contact), 2017 QCTAT 3508.

(9)

[29] Dans la décision Gaudette6, le Tribunal précise que les dommages moraux accordés peuvent être majorés de l’intérêt à compter du dépôt de la plainte, soit le 15 mars 2017 dans le présent cas :

[114] La plaignante a droit à des intérêts sur le montant de 15 000 $, et ce, à compter du dépôt de sa plainte puisque les dommages débutent quelques semaines auparavant.

C’est dans ce sens que le Tribunal écrivait dans Roy :

[90] Quant aux dommages moraux, la jurisprudence prévoit en général qu’ils ne portent intérêt qu’à partir de la date de la décision qui les fixe. Cependant, ils sont subis dès l’imposition de la sanction et sont compensatoires du préjudice subi. Même s’ils ne sont quantifiés qu’au moment de la présente décision, ils existent néanmoins dès la destitution.

[91] Le Tribunal juge donc raisonnable de leur appliquer l’intérêt légal, calculé à partie du dépôt de la plainte jusqu’à la présente décision. C’est la démarche adoptée à plusieurs reprises par les tribunaux judiciaires et confirmée par la Cour d’appel. Ainsi, dans l’arrêt Genex communications inc., la Cour d’appel distingue les dommages punitifs qui ne portent intérêt qu’à partir de la décision qui les établit, des dommages compensatoires, dont les dommages moraux, qui, eux, portent intérêts à partir de l’introduction des procédures.

[30] Le calcul des intérêts est le suivant :

• 2017 = 5 000,00 $ X 6 % X 9.5/12 (pour 9 mois et demi) = 237,50 $

• 2018 = 5 237,50 $ X 6 % X 9/12 (pour 9 mois) = 235,69 $

• 2018 = 5 473,19 $ X 7 % X 3/12 (pour 3 mois) = 91,66 $

• 2019 = 5 564,85 $ X 7 % = 389,54 $

• 2020 = 5 954,39 $ X 7 % X 1.5/12 (pour 1 mois et demi) = 48,69 $

Montant total des intérêts : 237,50 $ + 235,69 $ + 91,66 $ + 389,54 $ + 48,69 $ = 1 003,08 $

Dommages punitifs

[31] La demanderesse réclame 5 000 $ à titre de dommages punitifs. Elle déclare qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (la Charte)7 qui prévoit que toute personne est titulaire de la liberté d’association. La demanderesse a consulté des hôtesses sur la possibilité d’une syndicalisation et est suspendue aux fins d’enquête dans les jours qui suivent.

6 Gaudette c. Commission de la construction du Québec, 2017 QCTAT 4611. Voir aussi : Genex communications inc. c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201; Roy c. Municipalité de Lac-des-Plages, 2017 QCTAT 3262; Lauzon c. Aliments O’Sole Mio inc., 2018 QCTAT 4570; Beaudoin c. Groupe Vézina & Associés ltée, 2019 QCTAT 3095.

7 RLRQ, c. C-12.

(10)

[32] La Charte prévoit également que :

49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[33] La Cour suprême, dans l’arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand8, définit ce que constitue une atteinte illicite et intentionnelle :

121. En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’art. 49 de la Charte lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.

[34] Afin d’évaluer le montant des dommages, le Tribunal utilise les critères de l’article 1621 du Code civil du Québec9, soit la gravité de la faute, la situation patrimoniale de l’employeur et la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le demandeur.

[35] La preuve non contredite veut que les seules questions posées à la demanderesse lors de sa rencontre avec le président portent sur le fait qu’elle avait parlé de syndicat avec d’autres hôtesses travaillant au Centre Bell. On lui a demandé de nommer les hôtesses avec qui elle en a discuté. En aucun temps, on ne lui parle de sa prestation de travail.

[36] De plus, lorsque la demanderesse écrit un courriel à l’employeur lui demandant si sa suspension « est en rapport avec certaines conversations que j’ai eu avec quelques collègues concernant un maraudage syndical possible au Centre Bell », l’employeur ne juge pas utile de répondre à cette interrogation. Il ne répondra d’ailleurs à aucune interrogation de la demanderesse.

[37] Que conclure du comportement de l’employeur?

[38] Le Tribunal ne peut conclure qu’une chose : la fin d’emploi de la demanderesse est en lien direct avec ses conversations avec des collègues hôtesses au sujet d‘une possible syndicalisation. Aucun autre motif sérieux n’a été mis de l’avant par l’employeur.

8 [1996] 3 R.C.S. 211.

9 CCQ-1991.

(11)

[39] L’employeur n’était pas sans savoir les effets qu’aurait un congédiement sur la demanderesse à la suite des conversations reprochées. On ne peut parler ici de négligence ou de simple insouciance. En la présente instance, il y a effectivement eu atteinte au droit à la liberté d’association de la demanderesse protégé par la Charte.

[40] En conséquence, le Tribunal accorde la somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

DÉCIDE qu’il n’y a pas lieu de réintégrer Isabelle Malépart dans son emploi;

FIXE à 3 008,25 $ la somme due à Isabelle Malépart pour l’indemnité de perte de salaire incluant les intérêts à la date de la présente décision;

FIXE à 8 000,00 $ la somme due à Isabelle Malépart pour l’indemnité de perte d’emploi;

FIXE à 5 000,00 $ l’indemnité due à Isabelle Malépart pour dommages moraux;

FIXE à 1 003,08 $ le montant des intérêts dus à Isabelle Malépart quant aux dommages moraux, en date de la présente décision;

FIXE à 5 000,00 $ l’indemnité due à Isabelle Malépart pour dommages punitifs;

ORDONNE à Thomson, Tremblay inc. de verser à Isabelle Malépart dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision la somme de 22 011,33 $;

DÉCLARE qu’à défaut d’être indemnisée dans le délai prescrit, Isabelle Malépart sera en droit d’exiger de Thomson Tremblay inc., pour chaque journée de retard, un intérêt sur la somme due en vertu de la présente décision, au taux fixé suivant l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale.

__________________________________

Guy Blanchet

(12)

Me Sara Poisson PAQUET TELLIER

Pour la partie demanderesse Me Jean Denis Boucher

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO S.E.N.C.R.L. - L.L.P.

Pour la partie défenderesse

Date de l’audience : 16 janvier 2020 /sz

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