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Scores de précarité en pratique clinique

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Scores de précarité en pratique clinique

Introduction

La précarité ou « santé sociale » est un sujet vaste et multidimensionnel [1]. Le rapport Wresinski constate en 1987 que la précarité conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même dans un avenir prévisible [2]. Ainsi, il est entendu que la précarité est une définition complexe du lien entre une personne et son environnement.

Les personnes concernées ne forment pas une communauté sociale, ni même un groupe statistique reconnaissable par des critères socio- économiques traditionnels. Cette problématique est donc complexe à appréhender.

Comme le décrivait Pierre Larcher dans sa métaphore du Trampoline[3], le patient est soumis à différents déterminants. Ils sont les indicateurs qui déterminent sa santé et ses comorbidités comme par exemple : le logement, l’entourage, la confiance en soi ou encore la présence de maladie chronique.

Ces déterminants sont les ressorts qui tendent la toile du trampoline. Selon les ressorts qui la fragilisent, la toile perd sa capacité de rebond. Ces déterminants sont donc tous à considérer par le clinicien afin d’adapter sa prise en charge à la singularité de la personne et de son environnement comme le propose le modèle de Engel[4].

Acteur de la lutte contre les inégalités sociales de santé, le médecin généraliste (MG) doit identifier les personnes les plus à risque pour renforcer les efforts de prévention et adapter sa prise en charge. Les déterminants de la santé sont médico-sociaux et ne cessent d’évoluer en interagissant les uns avec les autres. La précarité est donc à considérer comme un mouvement perpétuel où un déterminant médico-social peut être à la fois un facteur de risque mais également une ressource pour le patient[5].

En pratique clinique, comment un clinicien peut-il repérer rapidement et efficacement une personne vulnérable à risque de précarité, en consulta- tion ? Des scores ou outils se proposent d’identifier ces personnes selon différentes modalités.

L’objectif principal de cette revue de la littérature est de répertorier les différents scores ou outils permettant de repérer un patient précaire en soins premiers.

Comme objectif secondaire, nous avons comparé ces scores pour identifier les déterminants de la précarité les plus utilisés.

Matériel et méthodes

La revue de la littérature a été effectuée sur PubMed, GoogleScholar, le SUDOC, le Cismef, l’EMC et LISSA.

Les mots clés retenus pour cette étude étaient : tools, assessement, comparison, poverty, deprivation, précarité sociale et scores. Les articles ont été sélectionnés sur les titres et les résumés.

Étude originale

RECHERCHE

ÉDECINE

Benoit V. Tudrej1,2,3, Alexandra Martinière1, Rita Etonno1, Claire Reif1, Sophie Emery4, Christian Hervé2,4, François Birault1,3

1Universite de Poitiers, Departement de medecine generale, Faculte Medecine et pharmacie

dr.tudrej@gmail.com

2Universite Paris-Descartes, Laboratoire d’ethique medicale et de medecine legale, EA 4569

3Maison de Sante Pluriprofessionnelle Universitaire des Couronneries, 86000 Poitiers

4APHP, Hôpital Corentin Celton, Unite de consultations medecine sociale/PASS, Reseau ASDES (Accès aux Soins, aux Droits, Éducation à la Sante)

Correspondance : B.V. Tudrej

Résumé

Les scores de précarité ne sont pas toujours adaptés pour la pratique des Médecins Généralistes (MG). Cette revue de la littérature recherche les scores écologiques et épidémiologi- ques de précarité et défavorisation existants et utilisables en pratique clinique de premiers recours en France.

Cinq scores ont été retenus : EPICES, Pascal, Handicap Social, French EDI, PRECAR. Les déterminants majeurs ressortant des cinq scores analysés sont : le statut professionnel avec notamment le chômage, le logement, puis la famille, le confort sanitaire, l’éducation et enfin la présence ou non de couverture sociale. Le Score PRECAR semble être un score pertinent pour la pratique de médecine générale.

Mots clés

pauvreté ; médecine générale ; précarité ; dépistage ; score.

Abstract. Scores of precariousness in clinical practice

Scores of precariousness are not always adapted for General Practitioners (GP) in their practice. This literature review explored the existing ecological and epidemiological scores of precarious- ness and deprivation in France.

Five scores were retained : EPICES, Pascal, Handicap Social, French EDI, PRECAR. The major determinants emerging from thefive scores analyzed are : professional status, including

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12 scores selectionnés

6 scores étrangers 1 Score utilisé comme base à EPICES

- Définition socio-administrative de la précarité

EPICES Outil de Pascal Handicap Social EDI PRECAR

- NZiDEP index - DiPCare-Q

- Indice de défavorisation 2001 du Québec - Indices of deprivation 2007

- Scottish index of muultiple deprivation - Score de Townsend

Figure 1.Diagramme deux.

unemployment, housing, then family, health comfort, education andfinally the presence or absence of social security. The PRECAR Score seems to be a relevant score for general practice.

Key words

poverty; general practice; deprivation;

screening; score.

DOI:10.1684/med.2019.424

Afin de ne pas perdre de références, nous avons dû également compléter nos recherches à partir des bibliographies des articles retenus, notamment celles de chaque score repéré.

La précarité est définie par des caractéristiques économiques et politiques locales. Notre travail avait pour but de retrouver des scores éventuellement utilisables en pratique clinique en France. Les critères d’inclusion étaient donc pour chaque score/outil, qu’il soit français et établi avant 2017.

Douze différents scores/outils ont été retrouvés. Six scores étrangers ont été exclus et un outil a été exclu, car il a servi de base à un outil plus abouti, le score EPICES[6](figure 1).

Description des scores

Score EPICES

Le score EPICES (Évaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d’Examens de Santé) a été construit en 1998 par des membres des Centres d’examens de santé (CES), du Cetaf (Centre Technique d’Appui et de Formation des CES) et de l’École de santé publique de Nancy sur un échantillon de 7 208 personnes de 16 à 59 ans dans 18 CES volontaires[7].

Il permet de détecter des personnes en situation de précarité qui échappent aux critères socio-administratifs.

Il permet d’améliorer l’identification des personnes en situation de vulnérabilité matérielle et sociale.

EPICES se compose de 42 questions autour des thèmes : emploi, revenus, niveau d’étude, catégorie socio- professionnelle, logement, composition familiale, liens

sociaux, difficultésfinancières, évènements de vie, santé perçue.

EPICES a été simplifié en 11 questions qui résument à 90 % la situation de précarité d’un sujet selon les auteurs.

Outil de Pascal

Il a été testé sur 222 patients inclus dans l’étude réalisée au service des urgences du Centre Hospitalier Universi- taire (CHU) de Nantes par un groupe pluriprofessionnel hospitalier de Nantes et Saint-Nazaire en 2011[8].

C’est un instrument de repérage de personnes à risque de précarité sociale, répondant par auto-questionnaire à cinq questions binaires.

Les questions sont destinées à être utilisées en milieu hospitalier. Cet outil est à risque de stigmatisation de la population car ne se base pas sur d’autres éléments tels que la notion d’activité professionnelle, d’entourage familial ou encore de présence d’un logement.

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Score Handicap social

Ce score a été développé sur la base des travaux de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) en 2008[9].

Il a été appliqué dans des CHU parisiens. 696 patients ont été recrutés dans l’étude[10]. Ce score cherche à attribuer un score de handicap social aux patients pour allouer des moyens supplémentaires aux services hospitaliers pour financier les séjours hospitaliers.

Cet indice composite se construit à l’aide d’un question- naire rempli par les patients au début de leur admission à partir de 111 items qui permettent d’explorer six domaines (santé, ressources, insertion culturelle, relations avec les autres, logement et patrimoine), déclinés en 11 indicateurs et 22 variables. Pour chacun des 11 indicateurs le score classe l’individu dans une des trois catégories : la classe 1 représente une «absence de handicap social», la classe 2

«un handicap modéré» et la classe 3 «un handicap fort».

Score EDI

L’EDI(European Deprivation Index)est un indice écolo- gique de «défavorisation», composé de variables écologiques associées à un indicateur individuel de défavorisation[11].

La défavorisation est considérée comme un état de désavantage observable et démontrable relatif à la communauté locale ou plus largement à la société à laquelle appartient une personne.

Il a été développé en 2013 par l’Agence Régionale de Santé (ARS) Midi-Pyrénées en partenariat avec l’Assu- rance Maladie dans la région (le Régime général, la Mutualité sociale agricole–MSA–et le Régime social des indépendants–RSI), la plate-forme « Apprendre et agir pour réduire les inégalités sociales de santé » (Aapriss) et l’Observatoire régional de la santé Midi-Pyrénées.

L’EDI a été construit à partir de deux enquêtes réalisées sur la population générale en 2006. Il montre qu’il est possible d’exploiter les bases de données médico-administratives afin de disposer des éléments (socio-économiques, d’offre de soins et de recours aux soins) permettant d’envisager la mesure des inégalités sociales de santé et leurs évolutions à un niveau géographiquefin[12].

L’EDI repose sur 27 indicateurs de recours aux soins qui sont calculés sur 12 mois. Ces indicateurs correspondent à des marqueurs de consommation de soins connus pour être socialement différenciés (antibiotiques, psychotro- pes) et des marqueurs de la qualité de la prise en charge des patients diabétiques par les médecins généralistes.

Le score PRECAR

Ce score individuel de précarité a été établi et validé sur un faible nombre de patients avec l’équipe de recherche spécialisée en épidémiologie sociale (ERES)[13].

La construction du score PRECAR a été pensée pour détecter des patients précaires en médecine générale particulièrement pour la population parisienne. Il a été

élaboré en 2013 à partir de la cohorte Santé, Inégalités et Ruptures sociales (SRIS) menée en 2010. Cette cohorte suivie dans le temps depuis 2005 correspond à un échantillon de milliers de franciliens interrogés tous les 2-3 ans sur leurs conditions de vie et leur santé.

PRECAR a ensuite été validé plus largement sur une population francilienne de 249 patients recrutés en cabinet de médecine générale d’Ile de France en 2014- 2015[14]. Mais la transportabilité en milieu rural n’a pu être validée[15]. Une étude à l’échelle nationale est en cours pour analyser le score sur une population plus large.

Un consensus de chercheur a permis de faire ressortir 14 questions simples, pouvant être posées à tout patient majeur francophone en médecine générale. Il est composé de questions objectives sur la couverture sociale, le niveau socio-économique, l’emploi, l’éducation, le logement, mais aussi de questions subjectives sur la solitude ressentie, la situation affective, et l’évaluation des ressources humai- nes, affectives, matérielles etfinancières en cas de besoin.

Le résultat va de 0 (absence de précarité) à 27 (précarité la plus élevée). Est considéré précaire le patient présentant un score supérieur à 10.

Déterminants communs aux scores

Quatorze grands déterminants sont utilisés dans ces scores(tableau 1).

Le déterminant de « santé » se retrouve uniquement dans le score de Handicap Social recoupant deux diffé- rentes questions : «Quels symptômes et ou maladies ?» pour calculer un indicateur de morbidité et «Êtes-vous fumeur, consommateur de boissons alcoolisées ou les deux ?» pour évaluer un indicateur de risque. La maladie chronique n’est donc pas considérée.

Le déterminant logement est recherché différemment selon les scores. Pour EPICES et PRECAR, l’item s’intéresse uniquement à la propriété du logement. Le score de Handicap Social se penche sur l’environnement du logement avec sa proximité de lieux de vie importants (ex : une pharmacie). L’EDI interroge le nombre d’occu- pants du logement.

Concernant les déterminants autour de la famille, EPICES renseigne si le patient est en couple et PRECAR précise le type de ménage (personne seule, mononucléaire, mono- parentale ou « isolé ») et l’EDI interroge sur le nombre de membres du foyer.

Le déterminant d’éducation pour l’EDI sous-entend un faible niveau d’éducation. PRECAR précise 3 catégories de niveau d’études et le score Handicap Social fait référence à un domaine «insertion culturelle» avec un indicateur de scolarisation.

Le déterminant de confort sanitaire pour le Handicap social inclut un indicateur de confort intérieur, pour l’EDI il est question de l’absence d’accès au chauffage central ou électrique.

Parmi les quatorze déterminants recensés dans ces cinq scores, six déterminants sont plus fréquents pour définir Étude originale|Scores de précarité en pratique clinique

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la précarité : le statut professionnel avec notamment le chômage, en second déterminant le logement, puis la famille, le confort sanitaire, l’éducation et enfin la couverture sociale(tableau 1).

Les déterminants émergeants

Profession, logement et couverture sociale

Il semble donc qu’en priorité rechercher la profession, le type de couverture sociale et le lieu de logement soient des éléments les plus pertinents pour percevoir les risques de précarité. En 2005, la Direction générale de la Santé (DGS) a rappelé que« les inégalités en matière de revenu, d’éducation et d’autres indicateurs sociaux ont toujours une incidence profonde sur l’état de santé et l’accès aux soins»[16]. Dans ce sens, l’OCDE (Organisa- tion de coopération et de développement économi- ques) a mis en évidence que « les taux de dépistage parmi les catégories de la population ayant les revenus les plus faibles en France sont plus bas que parmi les catégories plus aisées» : 59 % contre 81 % pour le cancer du col de l’utérus et 65 % contre 85 % pour le cancer du sein[17].

C’est dans le travail de construction des scores tels qu’EPICES(figure 2) et PRECAR(figure 3)que l’on peut comprendre pourquoi le statut professionnel et le logement sont des déterminants importants de précarité.

En effet, ces scores ont été réalisés pour prendre en compte des dimensions matérielles et sociales de la précarité. De plus pour PRECAR, c’est par un consensus de chercheurs (épidémiologistes, sociologues, etc.) de l’équipe DS3 (Déterminants sociaux de la santé et du recours aux soins) de l’INSERM (Institut national de la

santé et de la recherche médicale) que les déterminants ont été choisis afin de prendre en compte l’aspect multidimensionnel de la précarité. Ces travaux ont permis de faire émerger le statut professionnel et le logement comme déterminants importants.

Ces déterminants permettent d’identifier des popula- tions socialement et/ou médicalement fragilisées qui ne sont pas repérées par les critères socio-administratifs habituels.A contrario,l’outil de Pascal permet de mettre en évidence plus distinctement des aspects matériels plus évidents comme déterminant de la précarité en s’inté- ressant particulièrement à la présence ou l’absence de couverture sociale.

L ’ éducation

L’éducation semble un élément déterminant en France pour dépister un risque de précarité. En effet, un patient selon ses origines culturelles et son histoire de vie ne sera pas armé de la même façon pour appréhender la complexité des intervenants médico-sociaux sur le territoire et des codes sociaux culturellement ancrés dans le mode de fonctionnement de nos institutions sanitaires et sociales[5]. Dès lors, les informations délivrées par les professionnels devront tenir compte de cette inégalité d’accès au soin.

Des recherches ont été menées pour analyser la place et le statut de la parole et de la communication à l’hôpital dans l’accueil de la détresse somatique, psychique et psycho- sociale [18]. Bien qu’il existe, un bon maillage des structures de secours social, il a été mis en évidence que le recours massif aux services d’urgences des patients en situation de précarité relève d’une discordance entre les besoins ressentis par les personnes et l’offre de soins organisée par les structures d’accueil. Le soin doit pouvoir être envisagé dans la multiplicité de ses dimensions et tenir compte notamment de la dimension relationnelle.

Tableau 1.Fréquence des déterminants de la précarité présents dans les cinq scores français.

Déterminants de précarité EPICES Pascal Handicap social EDI PRECAR Total

Couverture sociale Oui Oui Non Non Oui 3

Profession/chômage Non Oui Oui Oui Oui 4

Santé Non Non Oui Non Non 1

Loisirs Oui Non Oui Non Non 2

Autoévaluation de qualité de vie Non Non Non Non Oui 1

Logement Oui Non Oui Oui Oui 4

Aidesfinancières Non Oui Oui Non Non 2

Famille Oui Non Non Oui Oui 3

Nationalité Non Non Non Oui Oui 2

Éducation Non Non Oui Oui Oui 3

Personnes ressources Oui Non Non Non Oui 2

Difficultésfinancières Oui Non Non Non Oui 2

Confort sanitaire Non Non Oui Oui Oui 3

Possession d’une voiture Non Non Oui Oui Non 2

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Le prérequis à la relation avec l’autre est d’abord sa reconnaissance comme un être humain. L’accueil des patients en situation de précarité est avant tout un acte de

«ré-humanisation» face à des parcours de santé parfois complexes et pouvant être vécus comme violents[5].

L’éducation comme les trois déterminants sus-cités, a également été mise en valeur dans d’autres travaux qui préconisent d’enregistrer la situation sociale des patients dans les dossiers médicaux [19]. Les chercheurs retrou- vaient alors des indicateurs indispensables, notamment les capacités de compréhension du langage écrit, ce qui ne recoupe pas tout à fait la notion de niveau d’éducation notamment chez les patients migrants. En effet, une littératie en santé limitée peut affecter la santé en conduisant, par exemple, à une moins bonne gestion des maladies chroniques, à davantage d’hospitalisations et de décès prématurés[20]. C’est pourquoi, la mise en place de partenariats entre les milieux socio-éducatifs et de la santé est nécessaire pour diminuer les inégalités d’accès à la santé.

La famille

La présence d’une famille, d’un entourage semble préventive d’un risque de précarisation. L’isolement

est en effet un déterminant de précarité important, connu déjà depuis plusieurs années. Il a été par exemple démontré un lien intrinsèque entre le statut familial et la précarité [16] chez les familles monopa- rentales où la précarité familiale entrainait une précarité professionnelle.

Le confort sanitaire

La notion de confort sanitaire (l’accès à l’électricité, au gaz, etc.) est un déterminant objectif rattaché à la pauvreté. L’ensemble des scores a été pris en compte pour définir la précarité sociale comme terme incluant des éléments de pauvreté subjective mais également objective ; la notion de confort semble donc inhérente comme élément déterminant de la précarité. De surcroît, lors de l’étude de la concordance entre le score EPICES et l’évaluation spontanée de la précarité par les médecins généralistes [17], il a été retrouvé une concordance entre la profession du patient, sa situation matrimoniale, le fait de bénéficier de la CMU, le niveau d’études et l’aspect vestimentaire. Ce dernier élément peut lui-même découler du confort sanitaire au domicile du patient. Il semble donc intéressant à retenir(figure 2).

EPICES

Questions Oui Non

Rencontrez-vous parfois un travaille social ?

Bénéficiez-vous d'une assurance maladie complémentaire ? 1

2

Vivez-vous en couple ? 3

Êtes-vous proprétaire de votre logement ? 4

Y a-t-il des périodes dans le mois où vous rencontrez de réelles difficultés financières à faire face à vos besoins (alimentation, loyer, EDF…) ?

5

Vous est-il arrivé de faire du sport au cours des 12 derniers mois ? 6

Êtes-vous allé au spectacle au cours des 12 derniers mois ? 7

Êtes-vous parti en vacances au cours des 12 derniers mois ? 8

Au cours des 6 derniers mois, avez-vous eu des contacts avec des membres de votre famille autres que vos parents ou vos enfants ? 9

En cas de difficultés, y-a-t-il dans votre entourage des personnes sur qui vous puissiez compter pour vous héberger quelques jours en cas de besoin ?

10

En cas de difficultés, y-a-t-il dans votre entourage des personnes sur qui vous puissiez compter pour vous apporter une aide matérielle ? Constante

11

0 10,06

0 0 – 11,83 – 8,28

0 0

0 0 0

0 – 8,28

– 6,51 – 7,10 – 7,10

– 9,47

0 – 9,47

0 – 7,10

75,14 14,80

Figure 2.Le score EPICES.

Étude originale|Scores de précarité en pratique clinique

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PRECAR

Bénéficier de la sécurité sociale et d’une complémentaire santé

Bénéficier de la CMU complémentaire, ou de l'Aide Médicale d'État

Assurance Maladie 1

Niveau d'études 2

Catégories

socioprofessionnelles 3

Statut professionnel 4

Sentiment de solitude 5

Situation affective 6

Type de ménage 7

0 1

2 3 Bénéficier de la sécurité sociale seule, ou de la CMU seule

N'avoir aucune couverture maladie

N'avoir jamais été à l'école ou la dernière classe fréquentée était pendant l'enseignement primaire

Enseignement secondaire 1er cycle ou 2e cycle (6ème à la terminale)

Avoir fait des études supérieures

Fait ou avoir fait partie des cadres et professions intellectuelles supérieures

Fait ou avoir fait partie des professions intermédiaires, artisans, commerçants et chefs d'entreprise

Être ou avoir été employé ou ouvrier Être étudiant, sans activité professionnelle Être actif occupé

Être étudiant Être chômeur Être retraité Être inactif Très seul Plutôt seul Plutôt entouré Très entouré

Ne pas avoir de relation amoureuse importante

Être en couple mais ne pas vivre avec son conjoint Être en couple et vivre avec son conjoint

Une seule personne Mononucléaire Monoparentale

« Isolés »

Avoir une relation amoureuse ou sentimentale importante pour le sujet interrogé, sans pour autant qu'il se sente en couple

2 1

0 0

1

2 1 0 0 2 1 1 3 2 1 0 3 2

1 0 1 0 2 1

Figure 3.Le score PRECAR.

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Utilisation des scores de précarité en médecine générale

Les scores anglo-saxons permettant de dépister des patients précaires sont majoritairement des indices écologiques comme l’EDI. Des études ont déjà été publiées comme en Suisse, où pour limiter le renonce- ment aux soins des patients à risque de précarité, la réalisation du DiPcareQ semble avoir montré ses preuves.

Cette approche populationnelle de la santé est particu- lièrement intéressante dans la perspective des Commu- nautés Professionnelles de Territoire Santé (CPTS).

L’identification des bassins de population par ces scores écologiques sera d’autant plus pertinente pour créer les projets de soins. Les professionnels de santé, mais également les institutions et partenaires du territoire devront travailler ensemble pour identifier en amont les déterminants médico-sociaux spécifiques de ces zones de soins. Identifier les personnes les plus à risque de précarité par ces scores écologiques relève de la responsabilité sociale de tous les partenaires sanitaires pour réduire les inégalités sociales de santé dans une visée éthique d’une

plus grande justice sociale. Pour cela les autorités devraient passer outre les limites de ces indices qui avaient déjà été évoquées fortement en 2013 par l’HCSP [18].

Le score EPICESest le score le plus répandu et considéré comme la référence actuelle. En 2006, l’étude de JJ.

Moulin met en évidence une relation entre les éléments d’EPICES et les facteurs de risque : tabac, alcool, sédentarité, obésité, dosages des gamma-GT et du volume globulaire moyen, non-suivi gynécologique et non-suivi médical.

Il est pertinent, car il mesure des dimensions matérielles et sociales, non présentes dans d’autres scores. Il est très sensible, mais peu spécifique. Il semble intéressant à utiliser en recherche et à explorer en milieu ambulatoire, car celui-ci a été uniquement testé sur une population provenant des CES. Cependant, il semble tout de même pouvoir faire partie des scores applicables en pratique clinique, puisqu’il existe une concordance entre l’évaluation des médecins généralistes et le score EPICES concernant le repérage de la précarité chez leurs patients[17].

L’outil de Pascals’intéresse à cinq données. Sa rapidité de réalisation est son point fort, mais également son point

0

> 910 euros

0 Vous êtes à l'aise

Ça va

C'est juste, il faut faire attention Vous y arrivez difficilement Oui

Non

Non Oui

Oui Non

Être propriétaire, ou en lien avec ce dernier Être locataire ou attaché à ce dernier Être hébergé

Être français né de deux parents français Être français né d'au moins un parent étranger Être étranger

0 Financièrement

Aide vie quotidienne 9

0 1 2 0 10

Soutien

matériel/financier 11

Soutien affectif/moral 12

Situation dans le logement 13

Origine migratoire 14

1 0 1 0

0

0 1

1

1 2

2 Revenu

8 < 910 euros 1

Figure 3. (Suite)

Étude originale|Scores de précarité en pratique clinique

(8)

faible, car il ne s’intéresse qu’à certains aspects « maté- riels » objectifs de la précarité. Or, comme dit précé- demment, la notion de précarité est vaste et multidimensionnelle. Les variables étudiées semblent restreintes dans ce score ; il semble minorer la notion de précarité subjective. De surcroît, établi à partir d’une population hospitalière, il n’a jamais été étudié en premier recours ambulatoire.

Le score Handicap social a été construit uniquement autour d’une population de patients hospitalisés. Il ne semble donc pas applicable à une patientèle de soins primaires. De plus, la faisabilité de celui-ci au cours d’une consultation de seize minutes en moyenne semble difficilement envisageable étant donné le nombre de questions. Il existe peu de publications concernant sa construction, et l’obtention de ce score en catégories de précarité semble complexe.

Il existe déjà des comparaisons entre ces trois scores.

Sur une population sélectionnée auprès des consultants d’une Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS), la somme des catégories 2 et 3 de Handicap Social indique une prévalence estimée de la précarité proche du résultat obtenu avec le score EPICES ; l’outil de Pascal semble montrer le plus de différences.

Ce dernier semble là encore bien plus réducteur et donc moins pertinent et peu applicable en pratique quotidienne.

L’EDIest un score écologique. Il n’est donc pas utilisable de la même manière en ambulatoire. Bien que la définition de défavorisation ne soit pas superposable à celle de la précarité, elles semblent voisines. Mais on peut imaginer que s’il était testé dans les régions d’exercice de chaque praticien de médecine générale et que ce dernier en avait la connaissance en amont, il pourrait être inclus dans l’identification de patient précaire.

Le score PRECARest le plus récent, et a été construit sur l’idée de réactualisation du score EPICES pour une pratique de médecine générale ambulatoire. Il est court, et prend en compte l’aspect multidimensionnel de la précarité en intégrant des critères objectifs et des critères subjectifs de ressentis. Cette approche permet de relier la notion de précarité à celle de vulnérabilité qui est celle qui est en premier lieu perçue par les professionnels de premiers recours [5]. De plus, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une calculatrice.

Il semble donc le plus applicable en médecine générale actuellement. Cependant cet indice est récent et il n’a pas été validé sur l’ensemble de la population générale française. En effet, l’extrapolation de celui-ci notam- ment dans des études épidémiologiques, à la place et/

ou en alternative du score EPICES couramment utilisé, sera prochainement possible.

Les études ont permis une première validation externe du score PRECAR sur une population francilienne de patients consultant en cabinet de médecine générale, mais des travaux de recherche sont encore en cours pour l’obtention d’une validité en dehors du territoire francilien[12].

Choisir un score : une démarche éthique

Les médecins généralistes se doivent de repérer les patients en situation de précarité car cette démarche populationnelle est nécessaire pour lutter contre les inégalités sociales en santé. On sait par exemple que la précarité éloigne les patients des campagnes de préven- tion comme la vaccination ou le dépistage du cancer du col de l’utérus. Le score EPICES est donc pertinent et facile d’utilisation pour ce dépistage populationnel en pratique clinique.

Le médecin généraliste est un clinicien confronté à des enjeux de santé publique mais qui doit également prendre en charge de façon pertinente les déterminants médico-sociaux induits par la précarité, et notamment la souffrance qu’elle génère. Dans cette démarche particu- lière de santé publique clinique[5], les scores utilisés ne doivent donc pas être simplement des scores de dépistages mais des scores pour repérer de façon individuelle les besoins des patients. Or le prérequis à la relation avec l’autre est d’abord sa reconnaissance comme un être humain. L’accueil des patients en situation de précarité est avant tout un acte de « ré- humanisation » face à des parcours de santé parfois complexes et pouvant être vécus comme violents[5]. C’est pourquoi, PRECAR est particulièrement intéressant pour les médecins généralistes ; parce que les questions sont également subjectives sur le vécu de la précarité, son intérêt en pratique clinique va au-delà de celui d’EPICES.

PRECAR permet de rappeler que l’exercice médical dans une visée éthique devient aussi une pratique sociale. Il s’agit de soulager les souffrances des hommes dans une visée de justice collective et individuelle [19], pour atteindre «une vie bonne, avec et pour les autres dans des institutions justes»[20].

~

Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

Pour la pratique

Il est important que les cliniciens explorent des déterminants médico-sociaux de la précarité car ils ont un impact décisif sur la santé des personnes qu’ils ambitionnent de soigner.

Identifier ces déterminants permet de réduire les inégalités sociales de santé, et l’utilisation des scores en soins premiers peuvent être des outils à utiliser.

Le Score PRECAR semble être un score pertinent pour la pratique de médecine générale et pourrait à terme remplacer l’utilisation d’EPICES, le score de référence actuel.

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RÉFÉRENCES

(À LA DEMANDE DES LECTEURS PAR COURRIEL, LAUTEUR CORRESPONDANT SENGAGE À COMMUNIQUER LA BIBLIO- GRAPHIE COMPLÈTE DE LARTICLE).

1. Labbe E, Moulin JJ, Gueguen R, Sass C, Chatain C, Gerbaud L. Un indicateur de mesure de la précarité et de la « santé sociale » : le score EPICES : Lexpérience des Centres dexamens de santé de lAssurance maladie.Rev Ires 2007 ; 53 (1) : 3.

2. Tudrej B. Précarité Analyse d’un concept. [Mémoire de Master, Recherche en Éthique Médicale].Paris : Université René Descartes Paris V, 2006. Disponible sur : http://www.ethique.sorbonne-paris-cite.fr/sites/default/files/m1_tudrej.pdf.

[Consulté le 17 octobre 2018].

3. Wresinski J. Grande pauvreté et précarité économique et sociale : séances des 10 et 11 février 1987. Direction des journaux officiels 1987.

4. Siksou M. Georges Libman Engel (1913-1999) : Le modèle biopsychosocial et la critique du réductionnisme biomédical.J Psychol2008 ; 260 (7) : 52.

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Étude originale|Scores de précarité en pratique clinique

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