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Cécile Alduy et Stéphane Wahnich, Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste. Paris : Seuil, 2015, 311 p.

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Texte intégral

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15 | 2016

Corpus de français parlé et français parlé des corpus

Cécile ALDUY et Stéphane WAHNICH, Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste. Paris : Seuil, 2015, 311 p.

Camille Bouzereau

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/corpus/3087 ISSN : 1765-3126

Éditeur

Bases ; corpus et langage - UMR 6039 Édition imprimée

Date de publication : 15 octobre 2016 ISSN : 1638-9808

Référence électronique

Camille Bouzereau, « Cécile ALDUY et Stéphane WAHNICH, Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste. Paris : Seuil, 2015, 311 p. », Corpus [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 15 janvier 2017, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/corpus/3087 Ce document a été généré automatiquement le 8 septembre 2020.

© Tous droits réservés

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Cécile ALDUY et Stéphane WAHNICH, Marine Le Pen prise aux mots.

Décryptage du nouveau discours

frontiste. Paris : Seuil, 2015, 311 p.

Camille Bouzereau

1 Marine Le Pen prise aux mots s’ouvre sur le « mot de trop » susceptible de représenter

« l’abîme » séparant le discours de Jean-Marie Le Pen et celui de Marine Le Pen. Prenant comme postulat de départ qu’il y a une stratégie de dédiabolisation dans le discours de Marine Le Pen, Cécile Alduy1 et Stéphane Wahnich2 se posent la question si cette stratégie change pour autant le contenu idéologique. La question ainsi posée sous-tend une réponse négative : L’abîme entre les deux discours est-il si grand ? Si le discours de Jean-Marie Le Pen n’est pas ambigu, celui de la seconde présidente du parti demande un décodage – et il s’agit bien de l’enjeu de l’ouvrage. Les deux auteurs proposent alors une étude lexicale comparative des discours des deux leaders successifs du Front national. Motivés par les scores nationaux croissants du parti ainsi que par le manque d’études concernant le discours de la présidente du parti3, ils se donnent pour double objectif de décrypter la logique interne du discours de Marine Le Pen, ainsi que celui de comprendre la réception de son discours dans la société française actuelle.

2 Cécile Alduy et Stéphane Wahnich ont fait comme premier choix de borner leur corpus à partir de l’élection de Marine Le Pen à la tête du parti (janvier 2011) jusqu’à novembre 2013. Concernant le discours de Jean-Marie Le Pen, les auteurs retiennent les dates 1987-2010. Leur second choix repose sur la nature des discours retenus : leur corpus est fondé sur « les interventions publiques, destinées à être diffusées […] au public » (p. 273). Enfin, en raison des multiples apparitions médiatiques de Marine Le Pen (plus de 2 000 fois entre janvier 2011 et janvier 2014), les auteurs ont fait comme dernier choix de ne retenir que les interventions « qui dépassaient 800 mots, ou environ cinq minutes de parole » (id.). C’est à travers un corpus de 500 textes que Cécile Alduy et

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Stéphane Wahnich se lancent donc dans une analyse comparative des discours des deux présidents du parti.

3 Leur étude lexicale se fait au moyen d’outils statistiques et rhétoriques. La lexicométrie est une méthode assistée par ordinateur visant à prendre la mesure du discours en conjuguant quantitatif et qualitatif. En effet, les logiciels tels Termino, Hyperbase et Voyant-tools leur ont permis d’acquérir de solides bases statistiques (fréquences lexicales, concordances et réseaux sémantiques). C’est ensuite par le biais de la rhétorique, de la sémiotique et de la sociologie qu’ils choisissent d’analyser leurs résultats.

4 Dès lors, l’ouvrage se décompose en trois parties dont les deux premières visent à répondre à la question : que dit réellement Marine Le Pen ? La troisième partie cherche à comprendre les causes d’une aussi grande réception de ce discours.

5 Première partie – Les mots

6 La première partie fait l’œuvre d’une collaboration entre les deux auteurs. L’enjeu est d’analyser les mots que Marine Le Pen choisit pour mettre en discours le réel. Les résultats statistiques sont nombreux et révèlent une recherche précise et pertinente de la part des auteurs. Les analyses, quant à elles, confirment l’hypothèse de départ. Les enjeux du discours visent à normaliser la parole frontiste sans en perdre la radicalité ainsi qu’à faire du parti l’instrument puissant pour briser l’enfermement thématique.

Marine Le Pen modernise en effet son discours en apportant un nouveau champ sémantique (par exemple il y a dans son discours une surexploitation du lexique économique par rapport au discours du père). L’analyse de Stéphane Wahnich sur la démocratisation souligne l’importance du sens donné aux mots : selon lui cette démocratisation est surtout « cosmétique » (p. 51). Néanmoins, si le discours tend vers la démocratisation, la locutrice du Front national n’en oublie pas pour autant la rhétorique de l’extrême droite traditionnelle, à l’œuvre dans les discours de Jean-Marie Le Pen. Et c’est ce que montre Stéphane Wahnich notamment par la répétition des termes « Français », « nation », « peuple » qui créent un discours nationaliste. On appréciera par ailleurs les comparaisons graphiques de Cécile Alduy concernant le double discours de Marine Le Pen qui « ne sert pas les mêmes propos aux militants des congrès et meetings du 1er mai et aux médias grand public » (p. 83). Dans une dernière sous-partie, Cécile Alduy décrypte derrière les mots, le sens effectif et derrière le sens, l’idéologie sous-jacente.

7 Deuxième partie – Mythologies

8 L’enjeu est ici de décrypter les signifiants profonds de ces discours, au niveau des mythes, des figures de style, et du système anthropologique. Cécile Alduy examine l’imaginaire lepéniste dans une perspective diachronique (puisqu’elle observe les continuités et les évolutions qu’il y a entre les discours des deux leaders politiques).

Elle note que le mondialisme, formé à partir du suffixe « isme » est décrit comme

« monstre idéologique » afin de se présenter comme la solution unique (p. 149). Par ailleurs, père et fille utilisent le « leitmotive d’avoir “prévu” tel ou tel aspect de la situation contemporaine » (p. 160). L’auteure s’attache également aux répétitions essentielles dans les discours des deux locuteurs qui permettent de « marteler […] les mêmes idées, les mêmes exemples, exprimés dans les mêmes formules, preuves de la cohérence et de la permanence d’une vision du monde imperméable aux événements » (p. 178). Elle note bien sûr la convocation de l’Histoire à l’œuvre dans les deux corpus et

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(p. 182) en ce qu’ils refusent le changement – on regrettera ici une comparaison précise avec un corpus d’extrême droite. Enfin, Cécile Alduy conclut sur le paradoxe du discours mariniste : d’une part, Marine Le Pen manie « une novlangue technocratique pour des discussions de politique économique parfois absconses » (p. 184) et d’autre part, elle se nourrit « d’un récit mythologique et hyperbolique dans la lignée de celui de son père » (id.).

9 Troisième partie – Les conditions d’une réception favorable

10 Dans cette dernière partie, Stéphane Wahnich essaye de comprendre les motivations des électeurs votant Front national. Selon lui, Marine Le Pen a récupéré l’électorat de son père, puis l’a fait évoluer et prospérer (p. 187). Refusant un lien de causalité trop simpliste entre la situation socio-économique et la montée du Front national (p. 188), il préfère expliquer cette progression par les cinq causes suivantes : la logique géographique (soit par l’opposition des centres-villes aux périphéries urbaines et par la logique régionale qui montre une « réaction préventive des électeurs à l’égard de ce que les médias leur rapportent » (p. 194)), l’impuissance des politiques d’autres partis (impossibilité de formuler un discours d’explication, nombreux dérapages), le changement sociétal amené par la mondialisation, l’accueil des médias (le Front national offre une « garantie d’une belle audience » (p. 228)), et enfin la force de l’idéologie du discours de Marine Le Pen qui propose un schéma explicatif du monde.

11 Conclusion – Le double discours de Marine Le Pen

12 En conclusion, Cécile Alduy récapitule et répond de façon nuancée à l’interrogation de départ « Que dit Marine Le Pen ? ». La locutrice du Front national dit la même chose que Jean-Marie Le Pen « mais souvent autrement […] car elle ajoute de nouvelles thématiques » (p. 245). Néanmoins, elle s’éloigne de ce qu’il dit « car elle passe sous silence certaines obsessions paternelles (l’antisémitisme, le racisme biologique) » (id.).

Par ailleurs, à la question concernant la réception du discours de Marine Le Pen, l’auteure répond que la locutrice conjugue « mots » et « maux » (p. 256) pour donner une forme aux peurs des citoyens. L’ouvrage se termine par une demande adressée aux autres partis politiques reposant sur la nécessité d’une redéfinition de certains concepts (p. 271).

13 Les recherches statistiques, nombreuses et pertinentes, permettent de répondre quasiment entièrement aux questions posées. Néanmoins, les analyses auraient gagné à être étoffées par une argumentation plus détaillée. Les auteurs le disent eux-mêmes, l’ouvrage a été réalisé à partir d’une situation d’urgence (p. 23). Ils pourraient ainsi développer leur première partie, en ne s’attachant pas uniquement au lexique, mais en étudiant par exemple les stratégies discursives en général. Cet ouvrage destiné à un large public provoquera, toutefois, l’envie de poursuivre leur démarche. L’analyse du discours pourra en effet prendre exemple pour étudier les faits de langue caractéristiques du discours du Front national.

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NOTES

1. Professeure de littérature française à l’Université de Stanford.

2. Professeur-associé de communication politique et publique à l’Université de Paris-Est-Créteil.

3. Il y a en revanche un ouvrage sur le discours de Jean-Marie Le Pen : Le Pen, les mots, analyse d’un discours d’extrême droite, M. Souchard, S. Wahnich, I. Cuminal et V. Wathier (éd.), Paris, Le Monde Éditions, 1997.

AUTEUR

CAMILLE BOUZEREAU BCL, UMR 7320

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