10 ans de lutte
aison
lanche
Médiathèque VS Mediathek
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A MAISON-BLANCHE
L’enseigne est engageante, n ’est-ce pas ? E t la maison porte bien son nom, car elle offre aux regards une grande surface blanche, au m ilieu des arbres et des prés du co teau qui s’élève en pente raide, face à Sion, sur la rive gauche du Rhône. C’était une vieille dem eure cam pagnarde à trois étages, où logeaient trois ou quatre familles. Ayant changé de pro p riétaire au tour de 1940, elle n ’était hab itée depuis lors, que p ar u n couple de locataires, u n ferm ier, sa femme et leu r domestique.
L’irrigation des terres s’y fa it p ar le m oyen des bisses d’arrosa ge, travail des plus délicats, en raison de la grande déclivité du sol. Une petite p artie de la p rop riété reçoit l’eau très abondante d’une fontaine sise en bordure de l’ancien chem in des Mayens. Cette eau vaudrait un trésor, s’il était possible de la capter plus haut.
Le dom aine que nous avons arro n d i p a r achats successifs, mesu re actuellem ent près de quinze hectares. Il touche au sud à la limite des Agettes, à l ’ouest aux confins de Salins, mais est situé to u t en tier sur la commune de Sion.
Qui donc eu! Vidée ?...
Créer une œuvre p our le relèvem ent des victimes de l ’alcoolis me, était l’un des points du program m e du Rd Chanoine Gross, re ligieux du Gd-St-Bernard et des prem iers pionniers de la Croix d’Or (section d’abstinence) en Valais. Mais, que d’obstacles à surm onter, de préjugés à com battre, d’erreurs à redresser ! 11 fallait d’abord dé clencher un m ouvem ent favorable et convaincre le peuple et ses di rigeants que les alcooliques sont des m alades et non des criminels,
(ils peuvent hélas ! le devenir) à tra ite r dans des maisons spéciales et p ar des m éthodes appropriées. Ces maisons ne devraient jam ais être situées dans le rayon des établissements pénitenciaires, ni dans leur voisinage. Nous ne parlons pas, cela va de soi, des cas d’in ter nem ent adm inistratif, tels ceux d’alcooliques vicieux et dangereux. La Croix d’Or a le grand m érite d’avoir déblayé le terrain et posé des jalons.
Un Evêque
A peine installé sur le siège de St-Théodule, M onseigneur Victor B ieler se lança dans la lu tte contre le fléau de l’alcoolisme. Des quê tes fu re n t faites dans to u t le diocèse et, p ro m p t dans ses décisions, l’évêque acheta la ferm e des Mûriers, entre St-Maurice et Bex, pour y recevoir des pensionnaires à g uérir et à convertir. Ce fu t m alheu reusem ent une déconvenue. Il fallut revendre à perte. N ullem ent découragé p ar ce pre m ie r échec, M onseigneur fit u n nouvel achat, non loin de Vouvry. Les pensionnaires ne vin ren t toujours pas. Mais là du moins, l’affaire fut assez bonne, pu isqu’en la liquidant, il fu t possible de couvrir le prem ier déficit. Le capital des quêtes auquel s’a jo u ta it l ’in térê t annuel, atteignit le chiffre de 82.800 francs en 1942.
D ’un cœ ur m agnanim e, M onseigneur B ieler nous p ro m it cette somme, dès qu’il eu t connaissance de nos projets. C’est donc à lui que revient la plus grande p a rt du m érite de l’œ uvre qui, sans sa prévoyance et son généreux appui, n ’a u rait sans doute pas encore vu le jour.
Un C onseiller d'Etat
L’idée d’une maison de cures p o u r victimes de l’alcoolisme fai sait désormais son chem in. Le jeune Chef des finances cantonales : M. Oscar de C hastonay eut, lui aussi, la hardiesse et le courage de lu tte r contre le fléau qui causait la ru in e de ta n t d’hom m es et de leurs familles. Il voyait loin et grand et, avec persévérance il préle va chaque année quelques m illiers de francs sur la dîme de l ’alcool p our le fu tu r projet. Il n ’hésita pas cependant à m ettre toute la som me ainsi recueillie (37.950 fr.) à notre disposition, lors de l ’achat de la Maison-Blanche et des terrains attenants. De plus, et ce fut cela su rtout qui nous décida, M. de Chastonay nous donnait l’assu rance que des subsides pouvant s’élever à 15.000 fr. seraient annuel lem ent alloués à l’œuvre. Il en fut ainsi effectivement les prem ières années, puis, un nouveau m ode de ré p artitio n de la dîm e éta n t in tervenu, avec approbation de Berne, le subside nous fu t ré d u it de près de moitié. Les 8.000 fr. que nous recevons m ain ten an t ne suffi sent de loin pas à payer notre personnel directeur. Mais n ’anticipons pas, car le bilan fera l ’o b jet d ’un autre chapitre. P o u r m ettre l’œ u vre sur pied, il fallu t l ’intervention d’une troisièm e personnalité :
Un P résid en t de com m une
Nul autre que le regretté M. A dalbert Bacher, président de la ville de Sion, décédé en septem bre 1952. C’est lui qui, au cours de l’autom ne 1941, (il était alors commissaire de police sous la prési dence de M. Joseph K untschcn qui fut très favorable à tous nos p ro jets), nous appela dans son b u re a u et nous dem anda de vouer nos forces à la création d’un asile p our victimes de l’alcoolisme. Ce p ro blème le préoccupait beaucoup et il cherchait q uelqu ’un qui fut disposé à ten ter la difficile aventure.
Nos craintes d’u n échec, après ceux de nos devanciers, échec qui com prom ettrait p o ur de longues années toute nouvelle ten tati ve, n ’éb ran lère n t pas sa conviction. « C’est m aintenant qu’il faut commencer, dit-il, le tem ps presse et, même si vous arriviez à ne sauver q u ’un seul alcoolique et à le réin tégrer dans sa famille et sa profession, il vau d rait la peine de construire u n asile ».
— Oui, mais où le bâtirons-nous ?
— La Ville possède justem ent des terrains incultes non loin de l’Ecole cantonale d’A griculture de C hâteauneuf, au lieu dit «l’Ile des Ecussons», je suis sûr qu’elle vous en céderait quelques hec tares. »
Les paroles de M onsieur B âcher ne nous laissèrent plus de ré pit. Le plan germa et se précisa dans notre esprit et, fort du con sentem ent de nos Supérieurs et des encouragem ents de Mgr Bieler, nous nous mîmes en ra p p o rt avec diverses personnalités, en vue de créer...
Une A ssociation (C.C. art. 60 et 6 1 )
Ce fut chose faite le 1er m ars 1942, jo u r où le Comité de l ’Asile St-François avec l ’appui de la Croix d’Or et de quelques personnes dévouées ap p a rten a n t au Tiers-Ordre de St-François, constituèrent une association charitable, dans le b u t de fonder, de gérer et de di riger une maison de relèvem ent p our alcooliques et un prévento riu m p o u r jeunes gens souffrant de tares en ra p p o rt avec l’alcoolis me. (Statuts : art. 1).
E n ce tem ps là déjà, douloureusem ent ém u p ar la misère et l ’a ban d o n où nous avons souvent trouvé les enfants de parents alcooli ques, nous avions conçu le p ro je t de ce qui devait être deux ans plus ta rd le Hom e St-Rapliaël.
L’œ uvre de la M aison-Blanche ainsi légalem ent établie, le comi té directeur composé de MM. Charles de T orrenté, ingénieur, Jac ques de R iedm atten, avocat, Jean-Louis Roten, médecin, Mlles P a u la W olff et Stéphanie de T orrenté, ainsi que du P. Paul-M arie n ’a vait qu ’à se m ettre au travail.
La maison, après quelques réparations hâtives, s’est ouverte le 2 ju ille t 1942. Deux, puis trois, puis cinq pensionnaires, y furent re çus au cours des prem iers m ois; il y en eu 13 en 1943 et bientôt la m oyenne de 18 à 20 fu t atteinte. Ce ni m bre est généralem ent dépas sé pen d a n t les mois d’hiver, alors que le re to u r du printem ps est pour plusieurs le signal du départ.
La D irection
A l ’occasion d’une visite d ’étude faite à la maison de relèvem ent «Von d er Flue» près de Sarnen, le directeur nous avait d it : «l’œuvre que vous voulez fonder est de toute la plus difficile». Nous n ’avons pas eu de peine à le croire et l’expérience nous en a bien vite fo u r
ni les preuves. Toutefois, la divine Providence nous a aidé en nous envoyant, dès l’autom ne 1942, un excellent directeur : Clarius H enry de D am phreux (J.-B.). C’était u n jeune hom m e de 25 ans, abstinent convaincu, d’une grande m atu rité d’esprit, anim é d’u n vrai zèle d’apôtre. E n plus de la gérance du dom aine et de sa mise en valeur, il eut la responsabilité m orale de l ’œuvre. Les pensionnaires tro u vèrent en lui u n conseiller sûr et un ami fidèle auquel ils s’a tta chèrent très vite. Il fut, pen d a n t ces dix années, n otre bras droit dans la maison.
C h ap e lle dédiée à saint N ico las de Fliie. O e u v re de l ’architecte D u fo u r.
Nous eûmes beaucoup plus de difficultés à o b tenir le personnel féminin. Les révérendes Sœurs d’Ingenbolil firent u n tim ide essai et se retirèrent. Nous essayâmes avec des laïques qui ne p u re n t don ner satisfaction. E nfin, depuis bientôt cinq ans, nous avons trois Sœurs italiennes, m issionnaires franciscaines. La tâche ardue à la quelle elles se dévouent semble décupler leur courage. Là aussi, nous nous sentons m erveilleusem ent appuyé p ar la Providence.
Les p en sion naires
Il est assez m alaisé d ’en p a rle r car, ou nous restons dans les gé néralités qui n ’intéressent guère le public, ou nous donnons des détails et des précisions qui risq u en t fort de dévoiler la personnalité de certains de nos malades, et de froisser ainsi leu r am our-propre. Or, dès le début de l’Oeuvre, nous nous sommes imposé comme une rè gle absolue, de garder la plus entière discrétion, si bien que m ême les m em bres du com ité-directeur ignorent l ’état civil de nos pen sionnaires, à m oins qu ’ils ne soient mis personnellem ent en ra p p o rt avec eux.
U n bon nom bre de ceux qui nous arrivent sont dans une situa tion presque désespérée, su rto u t s’ils ont dépassé les soixante ans. A cet âge, u n alcoolique laissé à lui-même est incurable, sauf s’il accepte de se faire tra ite r à l ’apom orpliine ou à l ’antabus. (Nous
parlerons plus loin de ces cures). Il s’agit donc de lim iter les dé gâts. U n séjour prolongé à la Maison-Blanche attein t parfaitem en t ce but, et, à ce point de vue déjà, suffit à ju stifie r l ’existence de cette Oeuvre. Que d’ennuis, de misères, la ruin e peut-être ont été p a r là épargnés à des femmes et à des enfants, p o u r qui la présence d’u n m ari ou d’u n p ère alcoolique éta it u n su jet de lionte, une cause de dissensions continuelles ! Tandis que, retirés à la M aison-Blan che, ils peuvent d’o rdinaire s’y re n d re utiles et ré ap p re n d re à s’y
conduire en hom m es qui se respectent e t en honnêtes chrétiens. Q uant aux plus jeunes ils arrivent, en p e tit nom bre il est vrai, à se sauver du naufrage, pourvu q u ’ils aien t au moins conservé le sentim ent de leurs responsabilités. Tel jeune hom m e p a r exemple, soutien de famille, tel p ère qui aime ses enfants, re p ren d ro n t cou rage en constatant que le besoin physique de l’alcool dim inue au fu r et à m esure que se prolonge la cure de désintoxication. Ils sen tiro n t grandir en eux le goût de vivre et de travailler et, rentrés dans leurs foyers, seront capables d ’y re m p lir leurs devoirs, sans rechute grave.
Nous comptons une quinzaine de ces cas heureux, où il est p er mis de p arle r de guérison. Des am éliorations de plus ou moins lon gue durée sont fréquentes, mais les échecs complets sont aussi nom breux. Q u’on veuille bien ne pas tro p s’en étonner. De com bien de défauts avons-nous réussi à nous corriger nous-mêmes ? Or, il ne s’agit pas ici de simples faiblesses ou déficiences légères, mais à la fois d ’une m aladie organique aux profondes répercussions psychi ques.
R em èd es e t m éth od es d e g u ériso n
Quels remèdes employez-vous ? C’est la question que l’on nous pose très souvent. Y répondre est chose difficile, car ce qui est bon dans un cas ne l’est pas dans l’autre. De plus, p o u r avoir une chance de réussir, il faut que les m alades consentent à suivre les traitem ents appropriés à leu r état.
1) Nous avons appliqué le traitem e n t à Vapomorphine (p a r p i qûres) dans plus de 80 cas, mais il s’agissait, p our la plu p art, de personnes encore jeunes et qui ne voulaient pas faire un séjour de longue durée à la Maison-Blanche. Ce traitem e n t se pra tiq u e m ain tenant, de façon courante, dans les cliniques et les hôpitaux. Nous y envoyons les m alades qui désirent s’y soum ettre. Il oblige à gar der le lit p en d a n t une dizaine de jours, ou même plus longtemps.
Ces piqûres, faites après absorption de boissons alcooliques doivent, en agissant sur les glandes nauséeuses, provoquer le dégoût de ces mêmes boissons. L eur efficacité varie suivant les sujets, elle dure en moyenne 7 à 8 mois. Le m alade, libéré du besoin de s’enivrer peut, s’il est suivi et bien encadré, se corriger parfaitem ent. Il est possible d ’ailleurs de renouveler le traitem ent.
2) La cure d ’A b stin yl ou d'Antabus a l ’avantage de pouvoir se faire à domicile, mais exige néanm oins un contrôle m édical attentif et régulier, car elle n ’est pas sans danger. Ce m édicam ent pris sous form e de pilules, mélangé à l’alcool dans l’organisme, p ro d u it de l’acétone et peut causer des troubles assez graves. Nous connaissons p o u rta n t des cas où ce rem ède pris, comme nous l’avons dit, sous surveillance médicale, a opéré de merveilleuses guérisons et cela, sans p erte de temps n i de travail.
3; Enfin, il y a la cure de désintoxication p ar la privation de toute boisson alcoolique, p a r un régime alim entaire approprié et par
u n séjour plus ou moins long (une année en m oyenne) à l ’abri des
occasions et tentations funestes. C’est le b u t que nous poursuivons à la M aison-Blanche.
P a rta n t du fait que les alcooliques boivent beaucoup et m an gent peu et m al, (011 peut in terv ertir les termes, ce qui crée un cer
cle vicieux où le m alade se débat en v ain ), nous leu r offrons une n o u rritu re abondante et riclie en vitam ines : lait, fromage, œufs, lé gumes, fruits, poisson... et, comme boissons : des jus de fruits non ferm entés, du thé à discrétion auquel nous ajoutons parfois des ti sanes décongestionnantes p o u r le foie et les reins. Nous avons ob tenu de bons résultats grâce aux thés Künzlé.
Le travail su rtout au grand air, en campagne et au ja rd in , est un agent efficace de relèvement. Il est ordonné à chacun selon ses forces et capacités, altern an t avec des heures de repos, en tenant compte aussi de la bonne volonté de nos pensionnaires.
Ne disposant d ’aucune force de police ou d’autres moyens de coercition, nous ne pouvons p u n ir les récalcitrants incorrigibles que p ar le renvoi de la Maison, ce qui provoque presque autom atique m ent leu r in ternem ent dans un in stitu t au régim e plus sévère et plus rigoureux. Ceux qui en ont goûté nous reviennent ensuite ani més de m eilleures dispositions.
N os r e sso u r c e s
1) Dons et subsides. —- Nous avons déjà d it plus h a u t ce que
nous recevons sur la dîme de l ’alcool. Cette somme est en m oitié absorbée p ar les intérêts annuels de la dette hypothécaire et l ’am or tissement.
F o rt heureusem ent la Loterie rom ande, sur intervention de M. N orbert Roten, a volé à notre aide et nous a versé, ces trois derniè res années, 3000 fr. de secours, grâce auquel nous avons pu boucler nos comptes sans un déficit trop lourd.
A illeurs, les maisons comme la n ôtre reçoivent, en plus de la dîm e de l’alcool, un subside du canton et de nom breuses communes, ainsi que des cotisations régulières d ’associations diverses. Nous n ’avons pas cru devoir ju sq u ’ici faire appel à la ch arité publique, officielle ou non. Bien que notre œuvre ait aussi des amis et des bien faiteurs, nous savons que l’idée d’une maison de relèvem ent pour victimes de l’alcoolisme n ’est guère en faveur dans le pays. Nous avons voulu d’abord faire la preuve q u ’une telle institution était aussi viable que nécessaire. Après dix années d’un trav ail acharné et ingrat, nous osons présenter l’Oeuvre accomplie et solliciter l ’aide indispensable à son développem ent. Nous venons d’ap p ren d re que la M unicipalité de Sion, qui nous avait donné 10.000 fr. au début, en contre-valeur de l ’Ile des Ecussons, s’ap p rêtait à renouveler son geste
charitable. Cela nous perm e ttra de construire un tronçon de route pour relier la Maison-Blanche à la route de Sion-Nendaz, condition «sine qua non» des am éliorations projetées. La Ville de Sion et son Conseil m ériten t notre profonde reconnaissance.
Une lettre adressée aux m archands de vins, hôteliers et cafetiers du canton, nous avait procuré une année 1500 fr. et l’année suivante 500 fr. Nous espérons obtenir à nouveau cet appui et plus encore, car il est certain que nous rendons service à l’hon orable corporation nom m ée ci-dessus, en débarrassant les salles d ’auberges ou d ’hôtels de clients plus encom brants et indésirables que de bon rapport.
2) Les pensions. —• Le m o ntant des pensions accuse de gros
ne tâche utile payent 5 fr. p a r jour. P o u r tous les autres, le prix de pension est ré d u it en pro p o rtio n du travail fourni. II en est ainsi un bon nom bre qui sont là comme au pair. Certains même, surtout en été, arrivent à gagner quelque argent. L’année 1952 est celle où nous avons eu le chiffre de pensions le plus élevé. D’o rd in aire il ne dépasse pas 15.000 francs.
3) Dom aine et train rural. —- Les 15 hectares (don t 4 en forêts)
qui composent le dom aine de la M aison-Blanche, on t été considéra blem ent améliorés. Les progrès sont visibles et com m encent à don n er des résultats intéressants. Alors q u ’au début il n ’était possible de n o u rrir que trois vaches, elles sont m ain ten a n t six. Le ja rd in nous fo u rn it abondam m ent en légumes de tous genres. Une fraisière a été constituée. La vigne (700 toises) a été com plètem ent défoncée et replantée et nous y avons récolté l’an passé 40 brantées de vendan ge de bonne qualité... Mais, c’est surtout dans l’arb oricu lture que nous m ettons nos espoirs. Abricotiers et pom m iers prospèrent à merveille. Or, grâce à n otre pépinière, nous avons pu p lan ter 330 abricotiers et 190 pom m iers qui, d ’ici quelques années, pro d u iro n t un gain substantiel. N otre d ernier «plan quinquennal» prévoit de doubler ces chiffres. L ’avenir financier de l ’Oeuvre n ’a donc rien d’alarm ant, tout au contraire. Il s’agit sim plem ent de pouvoir tenir jusque-là.
Les comptes e t bilan de 1952 que nous publions ci-après, font ressortir les difficultés au m ilieu desquelles nous nous débattons, alors que 3 ou 4 m ille francs de plus nous perm e ttraien t de faire, sans retard, les am éliorations les plus nécessaires p o u r la stabilité et le succès de l ’Oeuvre. Nous ne parlons pas seulem ent d’am éliora tions m atérielles, mais su rtout du relèvem ent morr.l de nos pension naires, b u t qui ne peut être atteint sans u n m inim um d ’installations convenables.
Ce qui n ou s m anque...
1) Une salle de réunion. •— Voilà des années que nous la récla
mons à chacune de nos assemblées générales et à la Commission de surveillance nom m ée p a r l’E ta t du Valais. Nos pensionnaires sont obligés p o u r lire, se récréer, entendre une conférence, voir u n film, écouter la radio... de se te n ir dans le réfectoire : pièce som bre et trop exiguëe, où vingt hom m es sont littéralem en t entassés. Il nous faut, au plus tôt, u n local aéré, où pén è tren t lum ière et soleil et dans lequel il soit possible de donner des séances instructives et
récréatives, avec une ou deux tables de jeux et la bibliothèque. En hiver, cette salle serait m êm e utilisée p o u r de petits travaux.
2) Une cham bre de visites et de consultations—■ Q uand arrivent
des parents de nos pensionnaires ou lorsque nous appelons le m éde
cin, q u elq u ’un du service social ou de l ’assistance, nous ne pouvons les in tro d u ire ailleurs que dans u n dortoir, à la cuisine ou au réfec toire. Comprenez qu’on se gêne et que l’on hésite à inviter des p er sonnes à m êm e de nous re n d re les plus précieux services.
3) Une petite infirm erie. —■ Nous avons déjà dit que nous n ’é
tions pas en m esure (faute de place et d ’installations «ad h oc») d ’ap p liq u er à nos m alades les traitem ents spéciaux que réclam e leu r état. Qui ne voit les avantages immenses que p rocureraient les m o
destes installations qui nous font défaut ? La Maison-Blanche re n d ra it alors tous les services qu ’on est en droit d’en attendre. Les plans sont établis depuis six ans. Vingt m ille francs au raien t suffi pour les réaliser. Un subside avait m êm e été inscrit au budget de l ’E tat, mais fut annulé p ar la suite. Il s’agissait d’u n subside de chô mage qui n ’avait plus sa raison d ’être. Et... nous attendons encore. N ’arriverons-nous pas à trouver cette somme ?
Le présent ra p p o rt réussira-t-il à toucher les cœurs et à susciter les actes de générosité qui nous p erm e ttraien t d’aller de l’avant ? A vous de répondre, chers lecteurs, amis et bienfaiteurs. Nous espé rons vous avoir fa it com prendre l ’urgente nécessité de n otre œuvre. En nous aidant, vous travaillerez au relèvem ent et au salut d ’u n grand nom bre de m alheureu x et de leurs familles. C’est, avec nous,
le pays to u t entier qui vous dira : m erci !
P e tite s fleu rs parmi le s ron ces
On d it qu ’il n ’y a point de rose sans épines. N’est-ce pas affir m er du m êm e coup, q u ’on trouve dés roses au m ilieu des épines ? Nous l ’avons constaté à la Maison-Blanche. Le long de n otre chem in couvert de ronces, il nous a été donné de cueillir, de tem ps à autre, une fleur qui crée la joie et le sourire. Nous vous en offrons une petite gerbe, faite des événements pittoresques qui agrém entent la vie, arc-en-ciel sous une pluie d ’orage.
L'âge du m ulet
Un paysan de la contrée nous avait am ené un m ulet q u ’il voulait vendre. La bête, disait-il, avait une quinzaine d ’années, elle était sage et facile à conduire. Le p rix sem blait raisonnable, le m arché fut vite con clu. Le m ulet sc m o n tra docile, mais d’une extrêm e len teu r au travail. Sur ce, le vétérinaire Abel Duc, un con disciple de collège, v int à passer ; nous lui m ontrâm es notre acquisition. A peine eu t-il exam iné la m âchoire du m ulet q u ’il s’écria : « En voici un qui depuis longtemps a l’âge de voter ». Nous jurâm es, mais u n peu tard...
Les b on n es résolu tion s
On nous assure que le chem in de l ’enfer en est pavé. Elles ne m an quent certes pas à nos pensionnaires, quand ils nous arrivent, mais hélas ! Elles s’évanouissent très vite.
Ainsi notre brave K obi (Jacob) au bord d’u n certain puits qui n ’avait rien de commun, sauf la profondeur, avec celui du p a tria r che de l’Ancien Testament.
— Ne vous penchez pas trop, Kobi, car vous pourriez choir dans la fosse et y m o u rir asphyxié.
— Ah ! répondit-il, poussant un grand soupir, si c’était du fen dant, je m ’y plongerais tout entier.
Le cim ent de B erne
C’est au sujet de ce même puits, que nous eûmes affaire avec les bureaux de la Confédération. P en d an t la dernière guerre m on diale, on s’en souvient, le cim ent éta it ra tionné comme le beurre et, pou r en obtenir, il fallait m ul tip lie r les démarches. A Berne, un am i h a u t placé et très dévoué, M. H enry de T orrenté, appuya vi goureusem ent notre demande. Nous dûmes néanm oins la ju sti fier en do nnant la description exacte des travaux à effectuer, tr a vaux urgents, s’il en fut. Vous pou vez en ju g er p ar la photographie ci-joint. Ce lieu ordinairem ent «clos» était ouvert à tous les vents. L’argum ent fut décisif, l’on fit dro it à notre requête.
L 'ân esse du Portugal
Le m ême ami qui nous avait aidé à B erne, fu t envoyé peu après à Lisbonne, p o u r y négocier des accords com m erciaux avec le gou vernem ent de Salazar. Il s’offrit à nous p ro c u rer gracieusem ent une ânesse portugaise, p o ur rem placer le m ulet m o rt de vieillesse. Pensez si l ’offre fut acceptée avec reconnais sance. L’ânesse, une bête de grande race, — vous pouvez l’adm irer ci-contre, —- fit le voyage avec des chevaux achetés là-bas p our l ’armée suisse.
E n gare de Sion, l’ânes- ss refusa net de q u itte r son wagon. Appels, caresses, friandises... rien n ’y fit. Des ouvriers, témoins de la scè ne, nous vinrent en aide. A deux, ils saisirent la bête par le tra in de derrière et, le troisièm e tira n t sur le licol, ils la soulevè rent. L’ânesse se trouva comme p a r enchantem ent, sur la terre fe r me.
Après quelques m inutes de surprise et de réticence, elle consen tit à nous suivre ju sq u ’au couvent des capucins. Nous tenions à con vaincre nos confrères qu ’il s’agissait d ’une histoire vraie. Ils en avaient douté. V oyant passer un capucin conduisant une ânesse, les gens s’a rrêtaie n t p o u r jo u ir du spectacle et lancer quelques lazzi. Au collège, les étudiants se p ré cipitèrent aux fenêtres, poussant des cris de joie où le nom de Sancho P an ça voisinait avec le nôtre. Plus loin, sur la place du Midi, deux Saviésannes s’extasièrent devant la m agnifique ânesse et dem an dèrent à l’acheter, « le capucin avec... !»
A la Maison-Blanche, ce fut u ne vraie fête. Mais, en dépit des attentions dont elle fut l’objet, la brave bête ne p u t s’acclimater. Sion p o u rtan t, on l ’affirm e, avec ses collines et ses châteaux, ressem ble étrangem ent aux cités ibériques. Bien q u ’en liberté, l ’ânesse ne s’éloignait guère de la maison et restait des heures, im m obile, p lan tée sur ses q uatre jam bes, les regards plongeant dans la vallée ou fixés sur V alére et Tourbillon. Nostalgie, m al du pays ?... nous ne raconterons pas sa triste fin.
S.O.S. au Général Guisan
N otre directeur Clarius H enry avait été incorporé dans l ’armée, aux cyclistes couverture-frontières. T out à coup, il est rapp elé sous les drapeaux. Qu’allions-nous faire sans lui pen d a n t des mois ? Il n ’était pas facile, su rto ut en ces années 1944-45 de trouver quelqu’un po u r le remplacer.
Or le G énéral Guisan était en Valais. Nous savions qu ’il avait bon cœ ur et qu’il nous écouterait. Nous le suppliâm es donc d’exem p ter du service notre D irecteur. La cause sem blait gagnée, mais, com me p o u r le cim ent, il s’agissait de trouver un texte de loi qui ju sti fierait notre requête. Seuls, nous déclarait-on, pouvaient être exemp tés les directeurs d’hôpitaux, cliniques ou pénitenciers... Que nous fallait-il de plus ? La M aison-Blanche était, sans en p o rte r le nom à la fois h ô p ital et... pénitencier. D ’une p a rt les hom m es de science affirm ent que les alcooliques sont des m alades et doivent être tra i tés comme tels, d’autre part, internés bon gré m al gré à la Maison-
Blanche, nos pensionnaires n ’y jouissent que d’une lib erté relative et, personne ne m et en doute qu’ils y fassent pénitence. Donc : Maison-Blanche = H ôpital et Pénitencier. Le directeur était double m ent qualifié p o u r être libéré du service m ilitaire.
La décision prise en h a u t lieu nous donna raison et n o tre di recteu r ne fu t plus jam ais appelé sous les armes. C’est de to u t cœ ur que nous avons crié «Vive le Général». S’il lit ces lignes, q u ’elles lui rap p ellen t quelques beaux souvenirs du Valais.
Un m ol d'enfant
E n nous apercevant un jo u r à bicyclette, un gros sac sur le dos, comme cela nous arrive lorsque nous montons à la Maison-Blanche, un p etit garçon s’écria, nous m o n tran t du doigt : « Maman, vois-tu... un P ère le drom adaire ». Nous voulons bien continuer de p o rte r ce surnom , si nous pouvons m ériter p ar là de p ro curer secours et sou lagem ent aux infortunés qui nous sont confiés, et gagner la confian ce et la sym pathie du peuple valaisan.
Slalislique
A O U T 1942 - JANVIER 1953
D e u x cent treize pensionnaires o n t séjourné à la M aison-B lanche a u cours de ces dix années.
V a l a i s ...162 G e n è v e ... 14 F r i b o u r g ... 20 lu ra-B ern o is . . . . 6 N e u c h â te l . . . . 2 A r g o v i e ... 2 V a u d ...2 G r i s o n s ... 2
A u total d e u x cent quatre h o m m e s et n e u f fem m es. N o u s n'acceptons plus de fe m m e s d epuis longtem ps. , T h urgovie . . . B e r n e ... E trangers : Belges A u trich ien s . . .
M étiers et p ro fessio n s
A griculteurs . . . . 93 (vignerons, arboriculteurs) B oulangers . . . . 2 C o i f f e u r s ... 2 C om m erçants . . . . 8 E m ployés d ’hôtels . . 5 22 Intellectuels . . . (professions libérales) Sans métier . . . H o rlo g e r . . . . M a ç o n s ... M a n œ u v re s . . .A g e —• M o y e n n e : 50 ans. U n bon n o m b re ont dépassé la soixantaine, alors que plusieurs ont to u t juste atteint la majorité.
15 1 3 17 Mécaniciens M enuisiers Peintres . V a n n ie r . V achers . M énagères ACTIF I m m e u b l e s ... 147.209,16 B a n q u e s ... 662,74 Caisse et cpte de chèques . 191,54
C om ptes et bilan 1952
BILAN AU 31 DECEMBRE 1952 PASSIF
H y p o t h è q u e s ... 78.205,— C r é a n c i e r s ... 3.420,05 148.063,44 Solde 81.625,05 a c t i f ... 66.438,39
Compte d'exploitation 1952
DEPENSES 148.063,44 RECETTES A l i m e n t a t i o n ... 12.230,70 S a l a i r e s ... 10.028,50 S.I. et T é l... 2.255,95 D o m a i n e ...5.113,14 Mobilier, outils, ustensiles . 1.551,20 M atériaux de constr. . . . 1.258,50Subside d ’E t a t ...
6.000,-T abacs
V ê t e m e n t s ... P h a r m a c i e ... Impôts, assurances, comp. Divers ... 875,55 255,57 81.10 2.097,40 201,93 Intérêts h y p o th e c ... 2.750,—
Loterie rom ande D om aine Pensions . . D o n s . . . Intérêts . . D ivers 3 .0 0 0 ,-7.338,24 19.576,15 842,20 22,34 159,91
E xcédent des dépenses
36.938,84 1.760,70 38.699,54 38.699,54
* Le subside de l'Etat (d im e de l ’alcool) f u t en réalité de Fr. 8.000,— su r
lesquels n o u s d û m e s prélever d ’avance F r. 2.000,— qui figuraient dans le com pte de 1951.
P o u r Fr. 1.20 dix joies ! La garantie du cigare
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La B oisson des petits
■et des grands. F . B R U T T I N , S I O N |||$