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La lettre d'adieu, Georges IOANNITIS

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La lettre d’adieu

24 août 1852

Madame,

La rancune et la haine troublent le jugement, et je m’efforce toujours d’éloigner ces deux sœurs malfaisantes, du chemin de ma raison.

Je n’aborderai pas, comme le fit par dépit un ancien poète épris de botanique, le sujet de la beauté éphémère de la femme. Je prétends qu’elle est éternelle pour peu qu’on la considère sous le prisme d’un amour véritable. Le mien, Madame vous éclaira de tant de grâce, que vous demeurez dans ma mémoire, nimbée d’une rayonnante splendeur, comme au souvenir de notre première rencontre.

À peine sortis de l’adolescence, la vie nous sépara, et j’eus le grand bonheur de vous retrouver pour vous aimer un peu plus. Je savais cette union gravée depuis toujours dans l’ordre du temps, et je vous vis venir comme je vous attendais. Vous étiez si proche, Madame, que nous finîmes par nous confondre tous deux dans le même être. Vous n’étiez pas ma moitié nous étions notre tout. Vous étiez l’énergie qui animait mes projets, l’inspiration de tous mes désirs, la liqueur de vie qui nourrissait mon corps. Je contemplais chaque jour cette grâce féline que vous avait accordée, très tôt, la nature et qui conférait à la lenteur choisie de vos gestes cette majesté hiératique. J’admirais, ému, votre visage. J’en détaillais les traits si fin et précieux. Je plongeais dans la fraîcheur aquatique du vert infini de vos yeux immenses, dans lesquels j’aimais tant me noyer. Poursuivant du regard la ligne fine de votre cou, je glissais jusqu’au creux scapulaire de votre épaule qui formait le réceptacle douillet où nichait chaudement un charnel bénitier, pour y déposer un tendre baiser. Le soir, étendu auprès de vous, je découvrais, émerveillé, autour d’une rose aréole, le cheminement délicat, de fines veinules bleutées qui rehaussaient la pâleur précieuse de votre sein de porcelaine. Le bout de mes doigts effleurait lentement l’ourlet de vos lèvres où palpitait encore le dernier baiser que j’avais déposé. Ma bouche brûlante enfiévrait votre corps et goûtait, enivrée, des moiteurs laiteuses aux acides parfums. Je croyais les reliefs troublants de ce corps si familier moulés heureusement pour le creux de mes mains. Lorqu’enfin, éreinté de plaisir, je m’endormais, la tête reposant sur votre ventre douillet comme un oreiller de plume, je me sentais fier et heureux de posséder tant de richesses et je ne doutais pas qu’elles fussent là, offertes à moi pour tous les matins du monde.

Et puis… lassée d’attendre, quittant l’antre de vos angoisses où elle avait pris refuge, la bête apparut. L’hydre métamorphique, modelée dans la glaise des souffrances de votre enfance se rappela à vous. Transformant alors vos plus libres élans, elle devint geôlière des prisons de votre âme. Chaque soir, les mauvais breuvages qui composaient votre cure fortifiaient l’animal et lui donnaient plus d’assurance. Je découvrais peu à peu, sous le masque idéal d’un ange de douceur, la face odieuse d’un prédateur implacable. Le poison mortifère qui coulait dans vos veines vous faisait souffrir autant que je souffrais. Comment aurais-je pu imaginer tant de grâce mêlée à

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tant de cruauté ? J’assistais impuissant à la lente agonie de notre amour. L’être le plus cher devint mon pire ennemi. Mais l’humiliation et la trahison ne suffirent pas pour soulager le mal qui vous rongeait. L’hypocrisie et le mensonge remplaçaient vos tendres attentions. Votre douleur m’entraînait avec elle dans un gouffre infini. J’étiolais ma raison d’être dans vos morbides brouillards. Je visitais des paysages sans vie, peuplés de spectres tortionnaires. Je devenais marcheur mécanique aux allures de fantôme, déplaçant derrière moi des vertiges d’angoisse. Ma course s’arrêta à de funestes frontières.

Vous êtes allée chercher dans d’autres regards la lumière qui ne brillait plus dans le mien, ce reflet rassurant qui efface, un moment, la peur et le doute. Le besoin d’être aimée s’accommodait du premier qui passait et vous accordait pour un trop court instant des raisons d’exister.

Offrant vos charmes à des amants d’occasion vos amours devinrent grotesques et dérisoires. Vos émotions frelatées respiraient la détresse et le mauvais alcool.

Le temps est la médecine de l’âme, il finit toujours par soulager les maux les plus anciens. Votre souvenir pâlit chaque jour et me fait ainsi moins souffrir, mais j’avoue, Madame … je vous ai tant aimée que je crains qu’il en reste des traces à jamais.

Tous droits réservés. Georges Ioannitis

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