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Des autorités familiales

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Academic year: 2022

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Des autorités familiales

On a vu précédemment que les dispositifs scolaires reposent sur un modèle particulier d’élève, entretenant un rapport spécifique à l’autorité en faisant preuve d’autocontrainte, se référant sans cesse en classe à un ensemble de règles et de limites objectivées. Les deux derniers documents du recueil (13 et 14) ont en commun d’interroger la manière dont s’exerce l’autorité dans les familles en regardant comment cela prépare plus ou moins les enfants au fonctionnement de la discipline à l’école. A partir de ce point commun, ils s’appuient sur deux recherches différentes : l’une menée par Daniel Thin en milieux populaires dans le cadre de sa thèse, dirigée par Guy Vincent et publiée en 19981, l’autre conduite par un collectif de chercheurs sur des familles socialement diversifiées. Il s’agit de celle qui a donné lieu à la publication de l’ouvrage Enfances de classes, déjà présenté lors du cours 72, publié vingt-et- un ans après celui de Daniel Thin.

Celui-ci a procédé par entretiens et observations dans des quartiers populaires de la région lyonnaise, à la fois auprès d’enseignants et de travailleurs sociaux (assistants du service social, éducateurs spécialisés, intervenants dans associations d’aide aux devoirs, etc.) et dans des familles appartenant aux classes populaires, souvent très démunies économiquement et éloignées des logiques scolaires (avec des parents très peu diplômés, voire peu scolarisés). En croisant les points de vue des uns et des autres, il cherche d’une part à comprendre les raisons des jugements négatifs sur les familles populaires émis par représentants de l’école et du travail social et, d’autre part, à saisir les principes de la socialisation familiale en milieux populaires, les logiques propres des pratiques les plus éloignées du mode scolaire de socialisation (en termes de loisirs, de sorties, de jeux, etc.). Sur les questions d’autorité parentale, Daniel Thin observe une alternance de critiques des enseignants et des travailleurs sociaux sur les familles populaires jugées tantôt trop « laxistes », tantôt trop « autoritaires ».

Ses observations et entretiens dans les familles lui permettent de dire que ces critiques sont liées à des modèles éducatifs socialement situés : les représentants de l’institution scolaire appartenant aux classes moyennes et supérieures ont des représentations et des pratiques généralement proches des logiques scolaires ce qui n’est pas le cas des parents interviewés.

Pour rappel, la recherche qui a été publiée sous le titre d’Enfances de classe s’appuie sur une enquête par entretiens et observations également mais dans des familles appartenant à des catégories sociales très différentes. Son objectif était de comprendre comment se reproduisent les inégalités sociales (qui conduisent au fait notamment qu’on a plus de chance de devenir cadre quand l’un de ses parent était déjà cadre) et en particulier le rôle de la socialisation familiale pendant l’enfance. Pour cela 35 enfants scolarisés en grande section de maternelle ont été choisis. Des entretiens ont été menés avec les parents, avec un autre membre de la famille avec qui l’enfant passe du temps et avec l’enseignant. De plus les enfants concernés ont été observés pendant une journée d’école et des exercices langagiers ont été faits avec eux. Cela a permis de mener 35 études de cas à partir desquelles les inégalités ont été

1 Daniel Thin, Quartiers populaires. L’école et les familles, Lyon, PUL, 1998.

2Enfances de classes. De l’inégalité parmi les enfants, Paris, Seuil, 2019, sous la direction de Bernard Lahire avec Julien Bertrand, Géraldine Bois, Martine Court, Sophie Denave, Frédérique Giraud, Gaële Henri-Panabière, Joël Laillier, Christine Mennesson, Charlotte Moquet, Sarah Nicaise, Claire Piluso, Aurélien Raynaud, Fanny Renard, Olivier Vanhée, Marianne Woollven et Emmanuelle Zolesio.

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analysées dans différents domaines, sous différents angles, notamment sous celui du rapport à l’autorité que les enfants peuvent construire. Avec Géraldine Bois et Aurélien Raynaud j’ai travaillé sur cette dimension de la socialisation familiale. Les entretiens conduits dans le cadre de cette recherche permettent en effet de cerner la manière dont les parents font en sorte que leurs enfants respectent les contraintes domestiques dans différents domaines : l’usage des écrans, le comportement des enfants à table, leur participation aux tâches ménagères, l’existence et le respect d’horaires de repas, de coucher ou de lever.

Pour comprendre comment fonctionne l’autorité familiale au quotidien, il est possible de distinguer deux dimensions : la manière dont les enfants sont contrôlés, dont les limites leur sont signifiées, dont ils sont incités à faire certaines choses, d’une part, le type de sanctions et d’application de ces sanctions en cas de transgression, d’autre part. Ces deux dimensions sont présentées successivement dans les deux parties du cours.

1. Des manières de contrôler les enfants

1.1. Une « logique du contrôle extérieur » en milieux populaires

Daniel Thin, dans les entretiens avec les familles populaires qu’il a rencontrées, note un mélange de pratiques de surveillance stricte et de plages de liberté laissée aux enfants.

Certains cadres sont fixés de manière impérative (non négociable) et, à l’intérieur de ces cadres, les enfants peuvent bénéficier d’une grande liberté. Par exemple, ils jouent sans surveillance (à ce qu’ils veulent) dans les limites du quartier ou celles d’un cadre horaire (limites qui peuvent varier fortement d’une famille à l’autre). Ces moments sont perçus comme des occasions de dangers par les travailleurs sociaux mais pour les parents, le quartier est un lieu familier dans lequel se trouvent des gens qu’on « connait », des adultes qui peuvent intervenir à leur place pour cadrer leurs enfants et parfois d’autres enfants considérés comme

« sérieux » sur lesquels ils comptent également pour intervenir ou leur signaler un problème.

L’un des traits culturels des classes populaires que de nombreux sociologues ont analysés est le fait qu’on retrouve chez les parents un souci de faire en sorte que les enfants prennent « du bon temps », « profitent de la vie », l’enfance étant la période de la vie où cela semble le plus facile (les sociologues parlent alors d’une forme d’ « hédonisme », comme valorisation d’un plaisir à prendre dès que et là où c’est possible, hédonisme lié aux conditions de vie souvent pénibles que connaissent les adultes de ces milieux, notamment dans le cadre de leur activité professionnelle). Ce trait rend raison des plages de liberté laissées aux enfants, du fait que les parents inclinent à leur « foutre la paix », à les « laisser tranquilles » le plus possible. En même temps, Daniel Thin observe chez les parents rencontrés des inquiétudes quant aux risques que leurs enfants « tournent mal » (par exemple en entrant dans un parcours de délinquance). Ils ressentent d’autant plus fortement ce risque qu’ils vivent dans contexte de grande précarisation de leurs conditions matérielles d’existence, que pour eux la chute sociale semble toujours possible.

Ce danger est toujours perçu comme pouvant venir de l’extérieur et c’est dans cette perspective que s’inscrit aussi le type de contrôle qu’ils exercent sur leurs enfants. Ils cherchent moins à faire intérioriser un discours moral, des valeurs guidant les enfants de l’intérieur qu’à les protéger de dangers extérieurs (en surveillant les fréquentations par exemple, en leur demandant de ne pas trop s’éloigner quand ils jouent) et à exercer

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directement sur eux une contrainte extérieure (en rappelant des limites sur le coup, des limites perçues comme des évidences, non discutables). Daniel Thin observe que « les parents s’attachent davantage aux effets concrets et immédiats des actes des enfants qu’à leurs répercussions lointaines ou aux intentions qui motivent leurs actes » (D. Thin, 1998, p. 114).

Il note bien l’existence de règles dans ces familles mais aussi que ce n’est pas à elles que les enfants doivent se soumettre mais bien à leurs parents directement.

Les limites ne sont pas fixées par des règles codifiées, expliquées voire justifiées aux enfants mais elles sont signifiées aux enfants au moment où ils les transgressent. Les sanctions tombent quand l’adulte qui détient l’autorité statutaire estime qu’il est temps d’intervenir : quand il trouve le niveau sonore des échanges est trop important et crie pour faire taire les enfants, en demandant d’arrêter de regarder la télé ou de jouer à une console de jeu quand il estime que « ça suffit » (non parce que le crédit d’heures autorisées est terminé), en leur intimant (parfois le martinet à la main) d’aller se coucher parce qu’ils sont fatigués, éventuellement parce que il faudra être en forme à l’école le lendemain, pas parce que à telle heure on doit être couché à un certain âge pour prendre un rythme, etc…

1.2. Limites incarnées ou règles objectivées

L’analyse des entretiens menés dans la recherche publiée dans Enfances de classe, montre que la manière dont l’autorité familiale s’exerce sur les enfants varie fortement et prépare très inégalement les enfants au régime disciplinaire de l’école. Dans certains cas, cette autorité passe essentiellement par l’intervention directe des parents qui incarnent cette autorité. On retrouve cette forme de régulation majoritairement dans les familles populaires et dans une seule famille de classes moyennes, peu dotée scolairement. Dans les classes supérieures et moyennes, l’autorité s’exerce davantage par l’entremise de règles explicitées comme telles et auxquelles les enfants sont censés obéir.

Dans cette enquête, la durée d’exposition aux écrans (télévision, console de jeux, ordinateur ou tablette) n’est pas moins contrôlée dans les familles populaires qu’ailleurs. Mais les modalités de cette régulation sont socialement clivées. On retrouve davantage de plages horaires ou de durées maximales définies à l’avance dans les familles de classes supérieures et moyennes que dans les familles de classes populaires où les parents interviennent plus fréquemment eux-mêmes pour signifier qu’il est temps d’arrêter. Dans les classes populaires, l’intervention directe des parents est également de mise à propos de l’enchaînement des activités quotidiennes. Par exemple, ce sont généralement les parents de Simon (son père est agent technique, sa mère au chômage) qui lui signifient qu’il doit se coucher et il est rare que leurs injonctions orales suffisent, ils doivent parfois « l’arracher » à ses jeux et « le mettre dans le lit ».

À l’inverse, c’est davantage l’obéissance à des règles (en référence à des « droits » ou des

« obligations ») qui est visée par les parents des classes supérieures et moyennes. Certains principes (où l’usage du pronom impersonnel domine) sont facilement explicités en entretien et semblent énoncés sous cette forme aux enfants: « Y’a les règles types, ils savent : On regarde pas la télé avant de se coucher, des choses comme ça aussi : A table, on mange assis et on part pas au milieu du repas, on demande avant de quitter la table » (mère de Meng, enseignante). Ce sont donc davantage à des règles explicites, fixes et connues que les

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enfants doivent obéir dans ces familles. Dans la même logique, pour le coucher et le lever, ceux-ci doivent se plier à un horaire donné davantage qu’aux ordres d’une personne. Ainsi, même si elle ne sait pas encore lire l’heure, Daphné « sait que [20 h 30], c’est l’heure d’aller se coucher ».

Le recours à un affichage écrit pour réguler les conduites enfantines s’observe uniquement dans les classes supérieures et moyennes. Par exemple, chez Léa (parents ingénieurs), plusieurs écrits sont présents pour encadrer les pratiques des enfants : leurs prénoms sont indiqués sur les porte-manteaux de l’entrée, sur les porte-serviettes de la salle de bain et sur les chaises de la cuisine. Leur mère a fabriqué pour chacun d’eux et avec leur aide, un tableau magnétique sur lequel ils placent des aimants représentant les activités du matin (comme se brosser les dents) dans deux colonnes : « ce qui est fait » et « ce qui reste à faire ». La similitude de ces manières de faire avec les dispositifs scolaires (en particulier ceux étudiés par Héloïse Durler et dont le cours précédent traitait) n’a rien de surprenant : la plupart des enfants concernés ont des parents ou de grands-parents enseignants ou ayant longtemps fréquentés l’école.

C’est donc au sein même de leur foyer que certains enfants de cette enquête sont très tôt familiarisés à l’obéissance à des règles qu’ils sont d’autant plus censés connaître qu’elles sont explicitées, objectivées (dans les outils de mesure du temps et les divers écrits). Cette familiarité n’est pas le lot commun et d’autres différences s’observent dans la manière dont s’appliquent les sanctions au sein des familles.

2. Les sanctions et leur application

Daniel Thin insiste sur le caractère immédiat des sanctions et leur dépendance au contexte en milieux populaires et les analyses issues de l’enquête Enfances de classe s’intéressent à leur prévisibilité et leur lien avec la représentation que les parents ont de l’autocontrainte dont leurs enfants peuvent ou non faire preuve.

2.1. Contextualisées et immédiates

Daniel Thin insiste sur le fait que dans les familles populaires l’autorité est « statutaire » et s’exerce de manière contextualisée. En effet, dans les familles rencontrées, le statut des personnes est très important dans ces rapports d’autorité, notamment en terme de génération (on retrouve cette idée dans une justification de ce type : « tu m’écoutes parce que je suis un adulte et toi un enfant »). Cette autorité ne se discute pas, est non négociable et parallèlement, les parents ne cherchent pas à connaître les intentions des enfants quand il fait une « bêtise », c’est l’acte lui-même qui importe.

Elle s’applique en relation avec une situation donnée, en réaction immédiate, dans l’instant (et dans l’humeur de l’instant). L’important est d’interrompre le « geste coupable » (une mise en danger physique, un risque de faire honte à la famille, une contestation de l’autorité des parents) sans référence à des considérations éducatives générales, des règles intangibles, valables dans différents contextes ni à une codification des sanctions. Celles-ci sont souvent données « sur le coup », sur le moment, parce que le contexte l’impose et non, « à froid » et

« pour faire réfléchir ». Il importe pour les parents d’ « avoir le dessus » avec leurs enfants, de s’imposer, y compris physiquement. D’ailleurs l’usage des châtiments corporels s’inscrit dans

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cette logique de la correction immédiate et efficace dans l’instant. Il est aussi lié au rapport au corps en milieux populaire où l’expression des sentiments passe beaucoup par les marques physiques d’affection (il y a moins de « distance » physique qu’en milieux supérieurs).

La menace est aussi utilisée par les parents pour « faire peur » aux enfants (comme le dit un père cité par D. Thin, p. 117) ce qui apparaît comme nécessaire pour être obéit. Or, « la peur du châtiment relève de la contrainte extérieure, par la présence d’une menace, davantage que d’une autocontrainte » (Thin, 1998, p. 118). Dans l’étude suivante, on verra que la

« récompense » et ses usages socialement différenciés s’inscrivent dans la même logique.

2.2. Prévisibilité des sanctions et autocontrainte

Dans les trente-cinq familles étudiées dans Enfances de classe, ce sont davantage les manières dont les punitions s’appliquent que les types de sanctions qui varient selon les milieux. Ainsi des sanctions physiques sont appliquées dans les différentes classes sociales. Elles sont très rarement revendiquées et elles sont généralement données sous le coup de l’émotion. La mère de Maxence (parents enseignants du supérieur) explique ainsi : « J'ai remarqué que quand on n’est pas fatigués ou pas stressés, y a pas de fessées quoi ! ». Dans cette famille, une autre sanction physique est utilisée de manière plus contrôlée par les parents qui mettent régulièrement les enfants « à genoux les mains sur la tête ». L’objectif de cette sanction est un contrôle des affects : « C'est juste pour faire retomber le truc…, un quart d’heure comme ça devant un mur, ça va le calmer », indique sa mère.

La plupart des pratiques d’isolement poursuivent le même objectif. Elles s’observent dans les classes supérieures où, par exemple, Gabriel (père ingénieur, mère médecin) doit aller dans la salle de bain lorsqu’il fait une « colère de frustration ». Ces pratiques concernent également les familles de classes moyennes comme celle d’Ilan (parents enseignants) qui doit aller dans sa chambre « réfléchir ». Elles se retrouvent enfin en milieux populaires lorsque, par exemple, Zélie (père chauffeur livreur, mère assistante administrative) est mise « au coin ». D’une manière générale, on observe que les punitions sont très prévisibles dans plusieurs familles de classes moyennes et supérieures. À l’inverse, dans les familles de milieux populaires, les enfants sont plus rarement prévenus, les parents n’anticipant d’ailleurs pas toujours eux- mêmes les punitions. Par exemple, la mère de Léonie (coiffeuse), explique à propos des idées de punitions : « ça nous vient comme ça ».

La pratique des récompenses est également clivante socialement. Elles sont plus assumées comme telles et fréquentes en milieux populaires, et prennent la forme de pièces, de petits cadeaux ou encore de distribution de bonbons. Par exemple, la mère de Simon déclare « sortir les bonbecs » quand ses enfants sont « mignons, obéissants ». Les parents de classes supérieures et surtout moyennes déclarent moins souvent donner des récompenses. Dans la plupart de ces familles, ces pratiques sont marginales, voire inexistantes. Et lorsqu’elles existent, les enfants peuvent davantage les anticiper que dans les familles de classes populaires. Par exemple, par le passé, la mère de Gabriel avait affiché un panneau sur lequel elle mettait une gommette chaque fois qu’il se levait de lui-même le matin sans pleurer. À la fin de la semaine, s’il avait suffisamment de gommettes « il pouvait faire quelque chose » (avoir accès à une activité appréciée).

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Plusieurs parents de classes moyennes et supérieures rejettent le principe même de la récompense. Ce qui semble être en jeu dans ce rejet, c’est le caractère extérieur du motif qui pousserait les enfants à « bien » agir alors que plusieurs de ces parents insistent sur la nécessité de faire en sorte que leurs enfants « comprennent » les limites qui sont posées et leur propre intérêt à les respecter. L’image plusieurs fois utilisée pour décrier les récompenses est celle de la « carotte ». Dans l’expression complète, elle fait avancer un âne qui obéit sans réfléchir, en suivant une carotte placée devant lui. On retrouve dans plusieurs familles de ces catégories sociales une représentation des jeunes enfants comme étant déjà capables de s’auto-contraindre et à qui il ne devrait même plus être nécessaire de rappeler les règles de manière extérieure.

À l’inverse, les parents de classes populaires expriment plus fréquemment le fait que l’obéissance de leur enfant tient au « respect » qu’il leur manifeste ou au plaisir qu’il cherche à leur procurer. En outre, ces parents perçoivent comme normal le fait que de jeunes enfants ne se montrent pas toujours obéissants et qu’ils soient épargnés des exigences d’autocontrainte relevant davantage, selon eux, de la vie des adultes. C’est ce qu’exprime le père de Simon lorsqu’il justifie la résistance de ce dernier à obtempérer pour aller se coucher :

« Tous les enfants sont comme ça. Il est comme tous les enfants. Y a aucun enfant qui va au lit ou qui... n'importe quel truc, alors qu'il en a pas envie ».

L’importance de la négociation ou des discussions autour des règles distingue les familles, dans cette enquête comme dans d’autres. Ainsi, en milieux populaires, la mère d’Ilyes (serveuse) entend être obéie sans délai et sans discussion comme celle de Flavia (auxiliaire de vie). Ceci tient pour une part au fait que les contraintes en tant que telles sont d’autant moins l’objet d’échanges verbaux qu’elles sont incarnées par les personnes qui font autorité au lieu d’exister séparément des situations où elles s’appliquent, sous forme de règles énoncées ou de codes. D’autre part, on peut faire l’hypothèse qu’en cas d’autorité de type statutaire, reposant davantage sur la position des adultes, toute négociation de la part des enfants peut apparaître comme une remise en cause de la place nécessairement asymétrique des uns et des autres.

Il ne faudrait cependant pas croire que l’affirmation de la différence de statut entre parents et enfants soit l’apanage des classes populaires (pour la mère de Léa, par exemple, « on prend pas une position d’adulte quand on est encore qu’un enfant ») et certains parents de classes moyennes et supérieures peuvent manifester une attitude assez directive et non négociatrice.

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Manières de contrôler les enfants et d’appliquer des sanctions jouent sur la façon dont ceux-ci appréhendent les sanctions et les limites à l’école et ailleurs. Les enfants qui grandissent dans des relations d’autorité où l’immédiateté et le contexte ont un poids décisif, où l’autorité s’exerce de l’extérieur, nécessite la présence de personnes qui la représentent, sont moins préparés à entrer dans la logique scolaire, sont moins enclins aux attitudes scolairement attendues d’obéissance à la règle impersonnelle et à l’autocontrainte. Les inégalités scolaires liées à l’origine sociale des élèves passent aussi par cette dimension de la socialisation familiale.

En « bonus » de ce cours, vous pouvez lire cette interview : https://www.liberation.fr/debats/2019/08/28/les- plus-aises-adoptent-les-regles-de-l-ecole-a-la-

maison_1747818?fbclid=IwAR0Gz1Er0fXsmWfW95XbeXMq0k_yhHVrFDU4_vAYCinVFrIFvjYujvJthVc

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