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NOTE FOCUS. Transferts sociaux et inclusion financière : étude de quatre pays. Sur l agenda politique d un certain nombre de

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S

ur l’agenda politique d’un certain nombre de pays, deux projets distincts, mais potentiellement complémentaires, ont émergé au cours des cinq dernières années : les gouvernements cherchent, d’une part, à accroître le recours aux moyens de paiement électroniques pour le versement des prestations sociales et, d’autre part, à favoriser l’inclusion financière. Si la convergence ne s’est pas encore opérée sur le plan de la volonté politique, dans la pratique, en revanche, ces deux projets se traduisent souvent par un seul et même objectif prioritaire : l’accroissement de la proportion de bénéficiaires de transferts sociaux qui perçoivent leur paiement directement sur un compte bancaire.

En 2009, un article publié par le CGAP et le DFID, intitulé « Accès aux services bancaires pour les pauvres bénéficiaires de transferts sociaux » (Pickens, Porteous et Rotman 2009), analysait plusieurs avantages potentiels de cette convergence. D’une part, les paiements électroniques pouvaient être envisagés comme un moyen de réduire le coût des paiements pour l’État et accroître la commodité pour les bénéficiaires par rapport aux modèles de paiements en espèces, qui requièrent la présence du bénéficiaire en un lieu donné à un moment donné pour recevoir son paiement. D’autre part, le compte bancaire jouait le rôle de porte d’entrée dans l’univers des services financiers formels, tels que l’épargne, l’assurance et le crédit. Le recours à ces services permettait d’accroître les résultats, en termes de développement, des programmes de transferts sociaux. Des études avaient montré que les bénéficiaires épargnaient les allocations reçues, souvent en recourant à des systèmes informels, sans que l’on puisse en analyser précisément les raisons1. Les premières expériences semblaient même indiquer qu’une fois que les bénéficiaires disposaient d’un compte bancaire formel, ils avaient tendance à l’utiliser comme un moyen d’épargne2. Les banques allaient donc probablement y trouver

des opportunités de vente croisée, et proposer aux bénéficiaires d’autres services financiers utiles dès lors qu’ils disposaient d’un compte bancaire permettant des transactions électroniques, sur lequel les flux pouvaient être observés et analysés.

C’était du moins l’état des réflexions à l’époque.

Toutefois, dans leur étude de 2009, Pickens, Porteous et Rotman soulevaient plusieurs questions clés concernant l’avenir des paiements d’État à particuliers (G2P) :

• Pour l’État – Le coût de l’intégration de services financiers inclusifs dans les programmes de transfert serait-il abordable ? Sur la base d’un modèle hypothétique, les auteurs suggéraient que des économies pourraient être réalisées à long terme, une fois que les infrastructures seraient en place.

• Pour les bénéficiaires – Les bénéficiaires pauvres utiliseraient-ils les services financiers si ceux-ci leur étaient proposés ? En se fondant sur des modèles généraux d’utilisation par les ménages à faibles revenus, les auteurs avançaient que la réponse était oui, à condition que les services correspondent aux besoins et aux préférences des bénéficiaires.

• Pour les prestataires – Les institutions financières pourraient-elles offrir aux bénéficiaires de transferts sociaux des services financiers inclusifs de manière rentable ? Les auteurs ne disposaient pas d’éléments probants pour répondre à cette question, mais suggéraient que la banque à distance3 pouvait jouer un rôle important à cet égard, en abaissant les coûts de transaction.

Plus de deux ans après la publication de cette étude, nous voulons à présent réexaminer ces questions. Pour la collecte des données de base nécessaires à cette réévaluation, nous avons sélectionné quatre pays qui poursuivent ces deux objectifs jumeaux (paiements de l’État par voie N° 77

Février 2012

Chris Bold, David Porteous et Sarah Rotman

1. « Dans de nombreux programmes de transferts sociaux de pays à revenus faibles à moyens, les études indiquent qu’une proportion importante de ménages bénéficiaires épargnent une petite partie de leurs allocations... Les données sont très incomplètes pour ce qui est des motivations qui sous-tendent ces comportements d’épargne », Barrientos (2008:30).

2. Les premières études menées sur Oportunidades, le programme mexicain de transferts monétaires conditionnels, avaient montré que 12 % des allocations perçues étaient conservées sur un compte bancaire lorsque cette option était offerte (Bankable Frontier Associates, 2008).

3. La banque à distance désigne la prestation de services financiers en dehors des agences bancaires traditionnelles, en utilisant des détaillants ou d’autres intermédiaires tiers comme interface principale avec les clients, et en recourant à des technologies telles que les terminaux de paiement électronique (TPE) avec lecteurs de carte et les téléphones mobiles pour la transmission des détails des transactions.

NOTE FOCUS

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électronique et inclusion financière) à plus ou moins grande échelle et par des moyens différents.

Ces pays – en l’occurrence le Brésil, la Colombie, le Mexique et l’Afrique du Sud – sont tous de grands pays, à revenus moyens, dotés d’infrastructures financières relativement bien développées dans les zones urbaines (voir le tableau 1 pour les données contextuelles). Les instances réglementaires de ces pays ont également pris des mesures pour autoriser la prestation de services de banque à distance par des détaillants non bancaires4, ainsi que pour faciliter l’ouverture de comptes bancaires basiques5 en instaurant des niveaux différenciés de vigilance à l’égard de la clientèle6.

Les données dont nous disposons ne nous permettent pas d’évaluer la situation des pays à faibles revenus, qui sont souvent moins peuplés et présentent des infrastructures financières moins développées ainsi qu’un environnement moins propice à la mise en place de ces services.

En revanche, elles nous permettent de passer en revue les questions ci-dessus dans des situations où l’expérience acquise et les effectifs des programmes

permettent de tirer des conclusions. Dans ces quatre pays, on trouve de grands programmes de transferts sociaux bien établis, qui touchent des millions de ménages pauvres. Au Brésil et en Afrique du Sud, les ménages bénéficiaires représentent près d’un tiers de la population totale. Le tableau 2 montre que les effectifs cumulés de ces programmes atteignent quelque 30 millions de personnes, soit plus d’un sixième des 170 millions de personnes pauvres identifiées en 2009 dans l’article du CGAP et du DFID comme bénéficiaires de paiements G2P. Dans les quatre programmes analysés, les organismes de transferts sociaux ont clairement affiché la volonté d’en finir avec les coûteux paiements en espèces et, pour la plupart, ont fait des progrès substantiels dans cette direction. Dans la plupart des programmes, la majorité des bénéficiaires reçoivent à présent leurs paiements par voie électronique, alors qu’il y a dix ans ou moins, ils n’étaient qu’une petite minorité.

Cette Note Focus présente les données collectées dans le cadre d’une étude complète menée dans ces quatre pays pour soumettre à une nouvelle

4. Ces détaillants sont des entités tierces, souvent des petits commerçants, agissant au nom d’une banque ou d’autres prestataires de services financiers pour prendre en charge certaines opérations au contact avec la clientèle, principalement le retrait ou le dépôt d’espèces. Des analyses du CGAP montrent que ces canaux de détaillants permettent de réduire les coûts de prestation de services aux clients : par exemple, selon des données relevées auprès de quatre banques mexicaines et colombiennes, les retraits effectués auprès d’un détaillant coûtent 51 % moins cher que ceux effectués au guichet de la banque. Actuellement, toutefois, seuls 40 % des pays autorisent les banques à recruter des détaillants (CGAP et Banque mondiale, 2010).

5. Les comptes basiques sont une classe de compte dont les fonctionnalités sont conçues pour répondre aux besoins des clients à faibles revenus. Les caractéristiques, notamment la tarification, peuvent être imposées par la réglementation ou définies volontairement par les banques.

6. La vigilance à l’égard de la clientèle (know your customer ou KYC) désigne l’ensemble des mesures prises par une institution financière, y compris dans le cadre de ses politiques et procédures, pour identifier un client et les raisons qui motivent son activité financière. C’est une composante clé des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme (Chatain et al., 2011).

Tableau 1. Données contextuelles des pays étudiés

Brésil Colombie Mexique Afrique

du Sud

Population (en millions) 193 46 109 50

RNB par habitant (dollars US PPP) 10,920 9 000 15,010 10,280

% d’habitants bancarisés 43* 62 25* 63

Agences bancaires et guichets

automatiques/100 000 habitants 122 40 54 63

Les banques sont-elles autorisées à recourir à des détaillants pour les dépôts

et les paiements ? Oui Oui Oui Oui

Les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle sont-elles différenciées pour les

comptes basiques ? Oui Oui Oui Oui

Sources : population, PIB : Banque mondiale (2010) ; agences/guichets automatiques : Banque mondiale (2009) ; % d’habitants bancarisés : Colombie – Asobancaria (2011), Afrique du Sud – FinScope 2010, * Brésil, Mexique : il n’existe pas encore de données officielles, il s’agit ici d’une estimation de la FAI (2009) ; réglementation : CGAP (2010a, 2010b, 2010c et 2010d).

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analyse les questions clés posées dans l’article

« Accès aux services bancaires pour les pauvres bénéficiaires de transferts sociaux ». Nous nous sommes intéressés aux expériences acquises par les pouvoirs publics, les bénéficiaires et les prestataires, et avons collecté des informations auprès de chacun de ces groupes.

Pour les pouvoirs publics, nous avons mené des entretiens structurés avec des décideurs politiques et des représentants du personnel des administrations chargées des programmes de transferts sociaux dans chaque pays. L’objectif de ces entretiens était, entre autres, de comprendre comment ces personnes évaluaient l’importance

relative des deux objectifs politiques jumeaux, si l’inclusion financière était une priorité et, si oui, pourquoi. Nous avons mené des entretiens approfondis et des discussions thématiques de groupe avec des bénéficiaires dans chacun des pays7 pour comprendre comment ils percevaient le fait d’avoir accès à des services financiers en relation avec leurs transferts sociaux, ainsi que l’utilisation qu’ils faisaient de ces services. Les observations de ces discussions thématiques de groupe, associées à des informations d’autres études récentes8, nous ont permis de dresser un tableau le plus complet possible des facteurs qui influencent les comportements des bénéficiaires en tant que clients de prestataires de services financiers.

Tableau 2. Les programmes en bref

Brésil Colombie Mexique Afrique du Sud

Nom du programme Bolsa Familia Familias en Accion Oportunidades Child Care, Old Age Pension

Ministère de tutelle Ministère du Développement et de la Lutte contre la faim (MDS)

Présidence Ministère du Développement social (Sedesol)

Ministère du Développement social

Organisme public

responsablea MDS Accion Social Agence

Oportunidades Agence sud- africaine de sécurité sociale (SASSA) Date de lancement 2003 dans une

version remaniée 2000 1997 Child Care : 1998 ;

Old Age : 1928 Bénéficiaires ciblés Familles en situation

d’extrême pauvreté, avec des enfants et des femmes enceintes ou allaitantes

Zones rurales et urbaines en situation de pauvreté ; populations déplacées et populations indigènes

Familles en situation d’extrême pauvreté, avec des allocations ciblant deux principales composantes : la nutrition et la scolarisation

Child Care: enfants de moins de 18 ans ; Old Age : adultes de plus de 60 ans

Conditionnalitéb Oui Oui Oui Non

Nombre de ménages

ou bénéficiaires 12,9 millions de

ménages (mai 2011) 2,4 millions de ménages (décembre 2010)

5,8 millions de ménages (décembre 2010)

9 millions de destinatairesc (avril 2010) Couverture (en % de

la population du pays) 30 11 20 30

Source : étude CGAP

a. Soulignons que l’organisme est souvent séparé du ministère responsable de sa supervision.

b. La conditionnalité signifie que l’on exige du bénéficiaire qu’il remplisse certaines conditions (généralement être scolarisé ou être suivi par un dispensaire) pour avoir droit à l’allocation totale.

c. Les données sur les paiements publiées par la SASSA sont généralement exprimées en nombre de bénéficiaires (15 millions), et non de destinataires.

7. À l’exception du Mexique, où nous avons pu nous appuyer sur les données d’autres études récentes, présentées à l’annexe A.

8. Certaines de ces études ont été menées par la Banque interaméricaine de développement (BID), que nous remercions de nous avoir confié ses données. Dans le cas du Mexique, nous avons pu nous appuyer sur une étude menée auprès des bénéficiaires d’Oportunidades dans le cadre du projet Gateway Financial Innovations for Savings (GAFIS). Le GAFIS est un projet de Rockefeller Philanthropy Advisors financé par la Fondation Bill & Melinda Gates qui vise à promouvoir des comportements d’épargne utiles parmi les ménages pauvres. Il encourage le recours à des produits ou à des procédés de trésorerie de type intermédiaire (gateway, soit « porte d’entrée » ou « passage ») pour développer l’épargne à petite échelle auprès d’institutions mobilisatrices de dépôts réglementées.

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Enfin, pour comprendre le point de vue des prestataires, nous avons rencontré des membres de la direction des principaux prestataires de services de paiement. Dans les trois pays d’Amérique latine, il s’agit de grandes banques publiques, en situation d’exclusivité. En Afrique du Sud, nous nous sommes concentrés sur deux grandes banques commerciales qui offrent actuellement des produits inclusifs aux bénéficiaires des transferts et se sont expressément engagées à aller plus loin dans cette direction. Nous avons interrogé ces acteurs sur leurs expériences actuelles d’offre de services financiers aux bénéficiaires de transferts sociaux, en cherchant à savoir quels étaient les arguments commerciaux en faveur de ces services.

Avant de passer à la comparaison systématique entre les pays, nous allons revoir la catégorisation des approches de paiement et évaluer celles qui peuvent être considérées comme financièrement inclusives. Nous examinerons ensuite la situation de chaque groupe (organismes publics, bénéficiaires et banques) avant de tirer certaines conclusions.

Comparaison des

approches de paiement

Dans les pays étudiés, on distingue trois approches de paiement des transferts sociaux : les espèces, les instruments dédiés et les comptes financiers classiques.

Espèces. Le bénéficiaire doit se présenter à un point de paiement précis, souvent à un moment précis, pour recevoir son paiement. Dans ce cas, aucun stockage de valeur n’est créé pour le bénéficiaire, qui n’a donc aucune possibilité de réserver une partie du montant pour un usage ultérieur.

Instruments dédiés. Ces instruments transfèrent l’allocation sur un « compte », réel ou théorique, au nom du destinataire. Ce transfert élargit le choix du lieu et du moment de retrait des fonds.

Néanmoins, la fonctionnalité de ce compte connaît une ou plusieurs restrictions :

• Accumulation – Les fonds ne peuvent pas être stockés indéfiniment ; si aucun retrait n’intervient

dans une fenêtre temporelle définie, le programme peut récupérer les fonds inutilisés.

• Commodité – Les fonds peuvent être retirés uniquement auprès d’infrastructures dédiées, c’est-à-dire auprès de détaillants ou de points de retrait spécifiquement établis à cette fin (que les non-bénéficiaires ne peuvent donc pas utiliser).

• Utilisation élargie – Les bénéficiaires ne peuvent pas déposer de fonds supplémentaires, provenant d’autres sources.

Comptes financiers classiques. Ces comptes ne présentent aucune des restrictions des instruments dédiés. Il s’agit généralement de comptes bancaires, disponibles pour tous les clients, qu’ils soient ou non bénéficiaires de transferts sociaux. Le destinataire bénéficie des mêmes fonctionnalités que tout autre utilisateur de ce type de compte.

Ces approches sont résumées dans la figure 1.

Soulignons que la restriction d’utilisation du mot

« espèces » à la première catégorie peut donner lieu à confusion. Les deux dernières catégories aboutissent elles aussi généralement à un retrait d’espèces par le bénéficiaire. Cependant, les options et les choix offerts par l’instrument de paiement s’élargissent lorsque l’on progresse de la gauche du schéma (« espèces physiques ») vers les deux autres catégories, qui impliquent un moyen de paiement électronique et non plus simplement la remise d’espèces.

Cette distinction en trois catégories est utile, car elle nous permet de différencier, dans la deuxième catégorie, toute une gamme d’instruments dédiés qui ont évolué pour répondre spécifiquement aux besoins des programmes de transferts sociaux. Par exemple, les principaux dispositifs utilisés dans les programmes comme Bolsa Familia (« Carte sociale ») et Oportunidades prévoient que les fonds non réclamés soient restitués à l’État passé un délai défini (par exemple soixante jours), afin de réduire le gaspillage. En général, ce type de restitution est légalement impossible sur un compte bancaire classique, à moins que le titulaire du compte n’ait donné son autorisation préalable. De même, certains programmes (divers programmes

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en Afrique du Sud et Oportunidades) ont développé ou imposé l’identification biométrique des destinataires dans l’objectif de réduire les fraudes9. Cependant, les équipements nécessaires à la lecture des empreintes digitales ou d’autres données biométriques ne sont pas encore très répandus dans les systèmes de paiement des pays que nous avons étudiés. Ainsi, si le programme de transferts sociaux impose l’identification biométrique à chaque transaction, les paiements doivent avoir lieu dans le cadre d’infrastructures spécifiques, spécialement créées dans ce but et généralement assez coûteuses à déployer.

L’utilisation de la biométrie est discutée en détail dans l’encadré 1.

Un compte financier classique est par nature généralement dépourvu des mécanismes de contrôle exigés par les organismes qui gèrent les transferts sociaux (par exemple rapprochement des paiements, preuve de survie du bénéficiaire, etc.). Cette tension entre l’inclusion financière et les exigences spécifiques des programmes de

transferts sociaux façonne les dynamiques actuelles des choix stratégiques des organismes.

Le classement en trois catégories est plus ou moins facile à appliquer aux quatre pays de notre étude (voir tableau 310). Au Brésil, une petite proportion (1 %) des bénéficiaires de Bolsa Familia sont payés en espèces, tandis que 84 % utilisent la Carte sociale, un instrument dédié, avec lequel ils ont soixante jours pour retirer leurs allocations et où ils ne peuvent pas déposer de fonds supplémentaires. Les 15 % restant sont payés sur un compte bancaire classique Caixa Facil, identique à celui également utilisé par 10 millions de non-bénéficiaires de Bolsa Familia.

Au Mexique, 66 % des destinataires continuent à toucher leurs allocations en espèces, tandis que 34 % sont payés sur des comptes financiers traditionnels.

Parmi ces derniers, 16 % sont payés via des cartes à bande magnétique sur des comptes d’épargne de Bansefi, rémunérés et à formalités simplifiées, appelés Debicuenta. Les paiements opérés via les comptes Debicuenta sont proposés uniquement aux

9. Ces dispositifs permettent de réduire la fraude car ils reposent sur la preuve de l’existence physique du destinataire, apportée à chaque retrait, plutôt que sur un numéro d’identification personnel qui peut être utilisé par un tiers.

10. L’annexe B contient les données de base de chaque pays utilisées pour le classement des instruments dans les trois catégories, tel que présenté dans le tableau 3.

• Obligation de retirer la totalité de fonds à un moment et à un endroit précis

Espèces physiques

Instrument dédié

Moyen électronique

Moyen non électronique Moyen électronique

Compte financier classique Fonctionnalités permettant sans restriction :

• De stocker des fonds indéfiniment

• D’accéder aux fonds par des infrastructures financières traditionnelles

• De déposer des fonds supplémentaires Fonctionnalités présentant

une ou plusieurs restrictions :

• Impossibilité de stocker des fonds indéfiniment

• Impossibilité d’accéder aux fonds en dehors des infrastructures dédiées

• Impossibilité de déposer des fonds supplémentaires Figure 1. Catégorisation des moyens de paiement

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bénéficiaires des zones (principalement urbaines) pourvues d’infrastructures bancaires, car les paiements sont opérés en ligne depuis n’importe quel point du réseau national de paiement. 12% perçoivent leurs paiements via des cartes à puce reliées à des comptes à formalités simplifiées, prépayés et non rémunérés de Bansefi. Ce mode de paiement est utilisé là où les infrastructures de paiement et de communication sont limitées, car il permet les transactions hors ligne. Enfin, 6 % sont payés sur des comptes d’épargne sans restriction de Bansefi, mais les fonds sont accessibles uniquement dans les agences Bansefi, et les comptes sont proposés sans carte (ce mécanisme de paiement est progressivement supprimé).

En Afrique du Sud, le compte Sekulula proposé par AllPay, une filiale d’ABSA Bank, est un compte

bancaire spécialisé associé à une carte de débit, qui peut être utilisée aussi largement que toute autre carte de débit dans le pays. Le bénéficiaire peut déposer des fonds supplémentaires sur le compte, ce qui en fait pratiquement un compte financier classique. Une règle spéciale relative à l’inactivité stipule que, si l’allocation reste entièrement non utilisée après quatre-vingt-dix jours, la banque doit renvoyer les fonds à la SASSA. Si seulement une partie de l’allocation est retirée, cette règle ne s’applique pas : il est donc possible d’épargner une partie des fonds au-delà de quatre-vingt-dix jours.

59 % des bénéficiaires perçoivent leurs paiements soit sur des comptes Sekulula, soit sur des comptes de la banque de leur choix (voir encadré 2 sur le libre choix du prestataire en Afrique du Sud), tandis que 41 % des paiements passent par des comptes associés à des cartes à puce de grands prestataires Des identifiants biométriques peuvent être utilisés

à la place des numéros personnels d’identification (NIP) pour authentifier les transactions électroniques.

Plusieurs méthodes d’identification biométriques sont actuellement disponibles, notamment par la voix, l’iris, les empreintes digitales et la reconnaissance faciale, avec des niveaux de précision divers. Dans les quatre pays étudiés, seules les empreintes digitales étaient utilisées pour certains destinataires de paiements.

L’utilisation de la biométrie est intéressante car, au moins en théorie, elle rend la fraude très difficile, et elle dispense les destinataires d’avoir à retenir un code NIP. Son attrait réside également dans le fait que les solutions disponibles fonctionnent hors ligne, en dehors des zones de couverture des réseaux de téléphonie mobile, au moyen de cartes à puce – les données biométriques étant alors stockées sur la puce.

Au moyen de terminaux de paiement électroniques (TPE) spéciaux, il est possible de comparer l’empreinte digitale d’un individu avec l’information contenue sur une puce, même en l’absence de connexion à une base de données centrale.

En Afrique du Sud, le prestataire de paiement Net1 est un pionnier de l’utilisation des identifiants biométriques : il a déployé 2 500 TPE et guichets automatiques qui exigent la reconnaissance d’une empreinte digitale avant autorisation du paiement.

Banco Agrario en Colombie enregistre les données biométriques des bénéficiaires lors de l’ouverture du compte, ce qui entraîne des coûts considérables. On peut s’interroger sur les motivations de la banque, car elle n’utilise pas pour le moment ces informations pour authentifier les transactions, et n’a pas non plus

le projet de déployer des lecteurs biométriques dans les 2 500 points de distribution de son partenaire Assenda.

Au Mexique, Bansefi entend accroître l’utilisation de cartes à puce contenant des données biométriques, en l’occurrence des empreintes digitales : ce mode de paiement devait concerner 80 % des bénéficiaires d’Oportunidades d’ici au milieu de l’année 2012.

Au Brésil, Caixa mène actuellement dans la région nord-est un projet pilote de collecte et d’utilisation des empreintes digitales pour l’authentification des retraits aux TPE. Comme les empreintes digitales sont contrôlées en ligne en interrogeant une base de données centrale, les bénéficiaires n’auront plus besoin de carte, et Caixa espère ainsi réduire ses coûts.

L’absence de normes universellement reconnues pour les dispositifs biométriques (comme il en existe pour les cartes à bande magnétique) et leurs coûts rédhibitoires peuvent expliquer que ces solutions n’aient pas encore été intégrées aux infrastructures financières générales des différents pays. La croissance rapide des connexions numériques mobiles a également réduit le besoin de solutions fonctionnant hors ligne, au moins dans les zones urbaines, et a ouvert la voie à un recours plus large aux infrastructures financières générales. Cependant, à mesure que les coûts baissent et que les technologies deviennent plus stables, la biométrie est amenée à se généraliser dans les infrastructures financières de tous les pays, et leur intégration dans les programmes de protection sociale pourrait apporter des avantages considérables (Gelb et Decker, 2011).

Encadré 1. Données biométriques et transferts sociaux

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de paiement non bancaires (notamment Net1).

Ces cartes ne peuvent être utilisées que dans des infrastructures spécifiques fonctionnant en circuit fermé, pour retirer des espèces ou payer des achats chez certains détaillants désignés11.

En Colombie, 91 % des bénéficiaires de Familias en Accion reçoivent leurs allocations sur un compte

bancaire de base accessible via une carte de débit à bande magnétique. Cependant, cette carte ne peut être utilisée qu’aux guichets automatiques Banco Agrario et auprès de détaillants spécifiquement recrutés par son partenaire Assenda12. Si Assenda connectait ses détaillants aux commutateurs de carte13 locaux pour permettre aux bénéficiaires d’accéder aux infrastructures financières générales,

11. L’Afrique du Sud qualifie cette catégorie de paiements en espèces, mais il ne s’agit pas de paiements en espèces selon la classification que nous utilisons dans cet article. Pour une meilleure comparabilité avec les autres pays étudiés ici, nous avons choisi de classer ce mode de paiement parmi les instruments à but restreint, conformément à notre catégorisation.

12. Assenda est une grande société logistique privée présente sur tout le territoire colombien. Elle a conclu une alliance avec Banco Agrario à l’issue d’un appel d’offres organisé par Accion Social en 2008 et est chargée de gérer le réseau de distribution pour les paiements du programme Familias en Accion.

13. Un commutateur est un logiciel qui route les transactions électroniques d’un prestataire à un autre et peut offrir des services supplémentaires aux participants, notamment le rapprochement des paiements et le règlement des obligations qui en résultent.

Tableau 3. Modes de paiement actuels

Brésil Colombie Mexique Afrique du Sud

Fréquence des

paiements Mensuelle Bimensuelle Bimensuelle Mensuelle

Prestataire de

paiement Caixa Economica Federal (banque publique)

Banco Agrario

(banque publique) Bansefi (banque

publiquea) Banques ou prestataires de paiement spécifiques dans les différentes provinces : Net1, Empilweni et AllPay (Filiale d’ABSA Bank)

Espèces physiques 1 % 9 % 66 % 0 %

Instrument dédié 84 %

Carte de débit à bande magnétique (Carte sociale), les fonds doivent être retirés dans les 60 jours auprès de détaillants Caixa ou de divers réseaux de guichets automatiques ; aucun dépôt supplémentaire possible

91 %

Carte de débit à bande magnétique, qui peut être utilisée uniquement auprès du

réseau Assenda et aux guichets automatiques

0 % 41 %

Prestataires de paiement spécifiques qui offrent des services de réserve de valeur via des cartes à puce, qui ne permettent pas de dépôts supplémentaires et peuvent être utilisées uniquement à des points de paiement dédiés

Compte financier

classique 15 %

Compte bancaire basique Caixa Facil avec carte à bande magnétique

0 % 34 %

16 % – compte d’épargne Bansefi avec carte à bande magnétique (Debicuenta) 12 % – compte Bansefi prépayé avec carte à puce 6 % – compte d’épargne sur livret Bansefib

59 %

Comptes bancaires classiques ; compte Sekulula (proposé par AllPay) avec carte à bande magnétique comme option par défaut dans certaines provinces

Source : étude CGAP

a. En 2011, l’entreprise publique de télécommunication Telecomm était encore impliquée en tant que prestataire de paiement direct.

Cependant, Oportunidades a engagé un processus de regroupement des paiements auparavant traités par plusieurs organismes, notamment Telecomm. En 2012, tous les paiements seront opérés par Bansefi, qui passera des accords de sous-traitance avec d’autres réseaux, notamment Telecomm, pour effectuer les transactions.

b. Ce mode de paiement est progressivement supprimé.

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alors la Colombie présenterait immédiatement, parmi les quatre pays étudiés, le pourcentage le plus élevé de bénéficiaires de paiements d’État à particulier disposant de comptes financiers traditionnels.

Il importe de souligner ici que les instruments dédiés ne sont pas nécessairement de piètres solutions, qu’il convient d’éviter ou de décourager.

Ils doivent en revanche être déployés de façon à être aisément convertibles en comptes traditionnels (comme c’est le cas en Colombie) et ne pas enfermer les bénéficiaires de transferts sociaux dans un système qui les exclut des infrastructures financières classiques (comme le système de carte en circuit fermé de Net1 en Afrique du Sud).

Mi-2012, seule une petite minorité de bénéficiaires dans ces quatre pays percevaient encore leurs allocations en espèces physiques, alors que c’était la seule option envisageable encore quelques années auparavant. La rapidité et l’ampleur de l’évolution vers les paiements électroniques dans ces pays ont été remarquables (voir figure 2), en particulier en Colombie : en un peu plus de deux ans, le pays a connu un mouvement massif de bancarisation, avec 91 % de transferts sociaux versés sur des comptes bancaires en 2011 contre environ 24 % en 2009.

En Afrique du Sud, la plupart des bénéficiaires disposaient d’instruments dédiés depuis dix ans ou plus, mais la proportion des allocations versées sur des comptes financiers classiques a doublé en quatre ans. Le Brésil a introduit les paiements Parmi les quatre pays étudiés, l’Afrique du Sud est

le seul à offrir aux bénéficiaires le libre choix du prestataire : au lieu de recevoir son paiement par l’intermédiaire du prestataire sous contrat avec le programme dans sa province, le bénéficiaire peut désigner un compte de destination auprès de n’importe quelle banque. Une fois que le bénéficiaire a fait ce choix, la SASSA effectue un virement électronique mensuel sur le compte désigné, à un coût minimal pour elle. Le bénéficiaire supporte alors tous les coûts associés à l’utilisation du compte (qui peut être gratuit, dans le cas d’un compte bancaire basique, jusqu’à une certaine limite de transactions), et la banque ne perçoit en général aucune commission de l’État. Si les bénéficiaires ne font pas usage de cette option, ils doivent s’inscrire auprès du prestataire de paiement désigné par le programme dans leur province, qui offre un accès aux espèces via un instrument dédié, avec selon les provinces une flexibilité plus ou moins étendue en termes de temps et de lieu. Les prestataires de paiement perçoivent des commissions, en général sur chaque paiement effectué.

Ce libre choix du prestataire implique également que n’importe quelle banque peut en théorie décider de commercialiser un compte à l’intention des bénéficiaires de transferts sociaux et en faire la promotion auprès de ce segment cible. Ce dispositif ouvre le marché des paiements à la concurrence, même si les bénéficiaires sont encore relativement peu nombreux à opter pour un compte bancaire. Quant aux prestataires de paiement existants, peu désireux de perdre des clients et des commissions, ils n’ont évidemment pas intérêt à faciliter une transition en douceur pour les bénéficiaires. Ces derniers s’exposent donc à subir retards, coûts et tracasseries s’ils passent

à un compte bancaire, en plus des frais généralement facturés à l’opération sur le nouveau compte.

Cependant, deux autres éléments entrent en ligne de compte. En 2003, les grandes banques sud- africaines ont lancé le compte Mzansi : il s’agit d’un compte basique sans obligation de solde minimal ni frais de gestion, qui offre un nombre limité de transactions gratuites. Les ouvertures de comptes ont été nombreuses depuis lors : rien qu’en 2010, 29 % des nouveaux comptes ont été ouverts par des bénéficiaires de transferts sociaux pour percevoir leurs allocations gratuitement ou à peu de frais, selon une brochure FinScope de la même année.

La SASSA expérimente également une variante subventionnée du modèle de libre choix : elle propose de verser aux banques une commission mensuelle pour chaque compte sur lequel les bénéficiaires perçoivent leurs allocations. Cette commission, généralement d’environ 2 dollars, reste nettement inférieure à celle versée par la SASSA aux prestataires de paiement sous contrat. Pour la banque, ce revenu régulier de 2 dollars par mois modifie sensiblement l’attrait commercial de l’offre de petits comptes.

Cette approche a été testée à échelle restreinte dans une province, avec deux banques privées.

À partir de 2009, pendant les retards pris dans le processus d’appel d’offres pour trouver de nouveaux prestataires de paiement, la SASSA a activement cherché à développer cette option dans le cadre d’un accord avec la banque publique Postbank. L’un des prestataires de paiement existants, ayant perdu des revenus en conséquence de ce modèle de libre choix subventionné, a intenté une action contre la SASSA pour bloquer cette évolution, mais la Cour suprême a statué en faveur de la SASSA en 2011.

Encadré 2. Libre choix du prestataire en Afrique du Sud

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électroniques en imposant en 2003 un instrument dédié, la Carte sociale, qui a entièrement remplacé les versements en espèces. Le pays n’a commencé qu’en 2009 à verser explicitement les allocations sur des comptes classiques de Caixa Facil, également utilisés par un grand nombre de Brésiliens non bénéficiaires du programme Bolsa Familia. Deux ans plus tard, 15 % des bénéficiaires perçoivent leurs allocations par ce biais. Quant aux autorités mexicaines, elles réduisent progressivement le pourcentage de bénéficiaires d’Oportunidades payés en espèces et augmentent la proportion de ceux payés sur des comptes financiers classiques, actuellement de 34 %.

À la lumière de cette nouvelle catégorisation des approches actuelles, la définition d’un mode de paiement financièrement inclusif doit être prudemment reconsidérée. Le ministère britannique du Développement international (DFID, 2009) a avancé que l’existence d’une réserve de valeur était à elle seule suffisante pour que l’approche de paiement puisse être qualifiée de financièrement inclusive. Si l’on applique cette définition aux pays étudiés ici, alors tous les bénéficiaires autres que ceux payés par remise d’espèces physiques pourraient être considérés comme inclus dans le système financier.

Or, la description des instruments dédiés et de leurs limitations montre clairement qu’en général, si ces comptes sont conçus spécifiquement pour les paiements sociaux, ils ne peuvent pas être considérés comme entièrement inclusifs. En effet, certains ne permettent pas de laisser des fonds sur le compte et de déposer des fonds supplémentaires (c’est-à-dire n’autorisent pas l’épargne), ni ne permettent aucune utilisation autre que la réception des allocations à des points de paiement de nombre ou de type restreint.

Souvent, il s’agit uniquement de moyens pratiques de décaissement, rien de plus. La définition du DFID n’apparaît plus adéquate au vu de l’usage qui est fait de ces instruments dédiés dans la pratique, car ils ne permettent pas la réelle inclusion financière du plus grand nombre. Néanmoins, ils peuvent constituer des solutions intermédiaires vers l’inclusion financière plus complète offerte par les comptes financiers classiques à condition qu’ils soient conçus d’emblée pour pouvoir intégrer progressivement les caractéristiques de ces derniers.

Le caractère restreint de cette catégorie d’instruments ne signifie pas qu’ils ne doivent pas être utilisés, ni qu’ils ne présentent aucun avantage par rapport au « tout espèces », pour l’État comme pour les bénéficiaires. Il souligne simplement le fait

Compte classique

BRÉSIL

Instrument dédié Espèces

2009 2011

20 40 60 80 100

% DE BÉNÉFICIAIRES

97 2

1

84 15

1

AFRIQUE DU SUD

2007 2011

72 28

41 59

COLOMBIE

2009 2011

24

76 91

9

MEXIQUE

2006 2011

25

75 34

66

Figure 2. Évolution vers les paiements électroniques

% de bénéficiaires pour

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que le but de l’inclusion financière est de multiplier les options pour les bénéficiaires et de les intégrer dans le secteur financier au sens large, et non de les cantonner sur une voie de garage leur offrant uniquement ou principalement des fonctionnalités de décaissement. Car l’objectif de l’inclusion financière est bien d’inclure et non d’isoler.

Ces définitions étant posées, nous allons examiner les nouvelles données qui apportent des débuts de réponses aux questions posées en amont, et ce, du point de vue des trois groupes d’acteurs concernés : l’État, les bénéficiaires et les prestataires.

Objectifs et résultats de l’État

Conformément à leur mandat, les organismes d’aide sociale dans ces quatre pays adoptent des stratégies très similaires en matière de paiement des allocations : tous cherchent en priorité à promouvoir la dignité des bénéficiaires et à maximiser les avantages en termes de développement pour les populations concernées. Les objectifs de réduction du gaspillage et des frais de prestation passent

généralement au second plan. On observe souvent des arbitrages entre les objectifs secondaires et ceux de premier rang. Par exemple, l’Afrique du Sud et le Mexique imposent des normes limitant la distance que la plupart des bénéficiaires doivent parcourir pour recevoir leurs paiements, ce qui induit des frais relativement élevés dans les zones rurales peu peuplées. Parallèlement, dans ces pays, on observe ces derniers temps une augmentation des pressions exercées par d’autres ministères gouvernementaux sur les programmes sociaux pour les amener à réduire les frais de distribution. En 2010, le Président mexicain a ordonné à tous les organismes publics de collaborer avec le ministère des Finances pour convertir la totalité des transferts d’États à particuliers aux moyens de paiement électroniques d’ici à décembre 2012. La motivation initiale de cette directive était de réduire les coûts et le gaspillage, mais d’autres objectifs, tels que l’inclusion financière et la promotion du bien-être socio-économique, ont également pris place parmi les priorités du gouvernement mexicain dans son ensemble (Fletcher School et Bankable Frontier Associates, 2011).

Tableau 4. Politiques nationales d’inclusion financière

Brésil Colombie Mexique Afrique du Sud

La promotion de l’inclusion financière est-elle une politique officielle ?

Oui Oui Oui Oui

Organisme chargé de la coordination ou de la promotion de cette politique

Banco Central do Brasil

Banca de las Oportunidades (BdOa)

Ministère des

Finances Trésor national

Définition de

l’inclusion financière « Garantir l’accès à des services financiers adaptés aux besoins de la populationb »

Aucune, mais l’objectif de la BdO est de « promouvoir l’accès à des services financiers favorisant l’équité socialec »

« Accès, pour la majorité de la population adulte, à l’utilisation d’un portefeuille de produits et services financiers, assorti d’informations claires et concises, et répondant à la demande croissante, dans un cadre réglementaire appropriéd »

Aucune, mais l’inclusion financière est l’un des quatre piliers de la politique pour le secteur financier décrite dans un récent document d’orientatione

a. Cas unique parmi ces pays, la présidence colombienne a créé la BdO en tant qu’organisme spécialisé chargé de développer l’accès aux services financiers par la promotion de changements politiques et des programmes de subventions ciblées.

b. Banco Central do Brasil (2010).

c. http://www.bancadelasoportunidades.gov.co/portal/default.aspx

d. Il s’agit de la définition utilisée par l’instance de réglementation prudentielle, la Comisión Nacional Bancaria y de Valores (CNBV).

http://www.cnbv.gob.mx/Prensa/Paginas/inclusionfinanciera.aspx e. Trésor national (2011).

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Au cours des dernières années, l’inclusion financière est devenue un objectif de politique générale dans les quatre pays étudiés (voir tableau 4). Le concept n’est pas encore clairement défini, même si certains pays ont commencé à adopter des objectifs explicites14. Les organismes responsables de leur réalisation sont généralement les instances de réglementation financière ou le ministère des Finances, et non le ministère des Affaires sociales.

L’attitude des organismes de transferts sociaux à l’égard de l’objectif politique d’inclusion financière varie assez largement, même à l’intérieur d’un même organisme. En effet, l’inclusion financière n’est pas un objectif explicite des organismes sociaux dans la plupart des pays, même si cet objectif est parfois indirectement reconnu15. Pour certains organismes, la formalisation de l’objectif de promotion de l’inclusion financière n’est qu’une question de temps. D’autres se montrent plus ambivalents à cet égard, ou tout du moins à l’égard de la promotion de l’épargne, qui semble à première vue en contradiction avec la raison même de leur existence : soutenir la consommation de produits essentiels. Ils avancent également que l’impact positif de l’inclusion financière reste encore à démontrer, tout du moins avec le niveau de rigueur que les organismes d’aide sociale requièrent généralement pour leurs programmes16. Dans seulement deux des quatre pays étudiés, les organismes de transferts sociaux ont formellement approuvé l’énoncé suivant : « Les bénéfices de l’inclusion financière pour les bénéficiaires des transferts sociaux ont été prouvés et sont largement reconnus dans notre organisme. »

Malgré cette ambivalence à l’égard de l’inclusion financière, les organismes de transferts sociaux ont globalement reconnu que les paiements électroniques étaient moins coûteux à gérer que les paiements en espèces, et que l’évolution vers l’inclusion financière était inévitable. Tous les pays

ont approuvé l’énoncé selon lequel « d’ici à dix ans, tous les bénéficiaires seront payés sur des comptes bancaires ». La plupart des organismes d’aide sociale ne considèrent pas non plus que l’introduction de cette dimension électronique dans les transferts sociaux ajoute de la complexité à leur travail. À leur niveau actuel, les coûts des approches financièrement inclusives ne leur semblent pas prohibitifs.

Mais les approches électroniques sont-elles effectivement moins coûteuses ? Le tableau 5 compare les coûts entre les pays par type de paiement. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les comparaisons de coûts sont difficiles en raison des différences dans le montant des allocations et dans la fréquence des paiements, sans parler des fluctuations des différentes monnaies.

Les moyennes occultent notamment la variété des approches appliquées, et les services compris dans le coût forfaitaire d’un compte bancaire sont eux aussi très variables.

Sans tenir compte du cas particulier de la Colombie, le coût des paiements de ces programmes à grande échelle varie entre 1,2 % et 2,4 % du montant de l’allocation, ce qui représente malgré tout une part considérable (environ 40 %) du total des charges administratives du programme. Ces moyennes cachent d’importantes variations dans les approches sous-jacentes. Par exemple, les instruments dédiés en Afrique du Sud coûtent 4,46 dollars par paiement, contre 2,03 dollars pour les comptes bancaires subventionnés. L’abandon des instruments dédiés au profit de comptes financiers classiques pourrait permettre de réduire encore les coûts. En Afrique du Sud, si un bénéficiaire choisit de recevoir son paiement sur un compte bancaire de son choix, le coût pour la SASSA se limite alors au prix de transferts électroniques groupés, négligeable rapporté à un paiement unitaire (0,10 dollar), et le bénéficiaire prend à sa charge la totalité des

14. En Afrique du Sud, par exemple, le ministère des Finances a annoncé publiquement un objectif d’accroissement du pourcentage de la population bancarisée, de 63 % actuellement à 70 % d’ici à 2013, dans le cadre de la poursuite de l’inclusion financière. http://m.news24.com/

fin24/Economy/Gordhan-Banks-must-be-more-inclusive-20110823

15. Par exemple, en Afrique du Sud, bien que le document stratégique de la SASSA ne fasse pas explicitement référence à l’inclusion financière, elle prévoit l’augmentation de la proportion de bénéficiaires payés par voie électronique, qui doit atteindre 70 % d’ici à 2014, et un récent appel d’offres pour des services de paiement mentionne la volonté de s’éloigner de « méthodes de paiement primitives » pour s’orienter vers des approches plus inclusives.

16. Par exemple, la plupart de ces organismes ont soumis leurs programmes à des études randomisées à grande échelle pour tester leur impact, alors qu’il existe encore peu d’études comparables sur l’impact des services financiers sur la situation des individus.

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coûts liés à l’utilisation du compte. Cependant, ces coûts ne sont pas toujours répercutés sur les bénéficiaires, car un compte bancaire basique comprend un forfait défini de transactions gratuites par mois. Sur la plupart des comptes bancaires classiques, la SASSA ne reçoit pas de rapports spéciaux à des fins de rapprochement et n’a pas la possibilité d’imposer des règles de restitution en cas d’inactivité du compte. Pour bénéficier de ces services supplémentaires et couvrir un forfait de transactions de base pour le bénéficiaire, la SASSA est disposée à payer à la banque une commission de 2,03 dollars par mois (voir encadré 2). Le nouvel appel d’offres lancé en Afrique du Sud fixe à un niveau proche de ces 2,03 dollars le prix unitaire maximal que la SASSA est disposée à payer à l’avenir.

Au Brésil, le MDS paie à Caixa, pour un bénéficiaire disposant d’un compte classique Caixa Facil, une commission de 31 % inférieure (0,60 contre 0,88 dollar) à celle versée pour un paiement sur la Carte sociale dédiée. En Afrique du Sud, la SASSA paie également une commission inférieure de 54 % (2,03 contre 4,46 dollars) pour un bénéficiaire disposant d’un compte financier classique.

En Colombie, les paiements électroniques ne sont pas moins chers que les versements en espèces.

La commission initialement fixée lors de l’appel d’offres organisé par Accion Social en 2009, remporté par l’unique soumissionnaire, Union Temporal (un partenariat entre la banque publique Banco Agrario et l’entreprise privée de logistique Assenda), était en fait de 8,90 dollars par paiement bimensuel17, ce qui représentait une hausse substantielle, par rapport à la précédente commission pour paiement en espèces, de 5,20 dollars. Cependant, ce prix élevé reflète à la fois la courte durée du contrat initial (deux ans) et la nécessité pour la banque d’adapter son système, d’émettre des millions de cartes de débit, d’enregistrer des données biométriques et de mettre en place un nouveau réseau de distribution par l’intermédiaire de son partenaire Assenda (voir encadré 1). De même, au Mexique, les paiements effectués sur des comptes financiers classiques sont légèrement plus coûteux que les paiements en espèces (2,84 contre 2,35 dollars).

Cette analyse des coûts permet de tirer deux conclusions. Premièrement, là où les dispositifs de paiement utilisent des infrastructures financières existantes, telles que des détaillants ou des guichets

17. Soulignons que cette commission a été abaissée à 6,24 dollars, chiffre qui figure dans le tableau 5, en mars 2011 lors de la renégociation du contrat pour une période d’un an.

Tableau 5. Coût des paiements pour les organismes publics des différents pays (en USD)

Brésil Colombie Mexique Afrique du Sud

Allocation moyenne par

bénéficiaire 71,0 55,1 118,2 144,7

Montant moyen pondéré de la commission par paiement

0,84 6,24 2,52 3,50

En % de l’allocation

moyenne 1,2 11,3 2,1 2,4

Coût par type d’instrument :

Paiement en espèces N/A 5,20a 2,35 N/A

Instrument dédié 0,88 6,24 N/A 4,46

Compte financier

classique 0,60 N/A 2,84 2,03 ou 0,10b

Taux utilisé pour la conversion :

1 USD = (15 août 2011) 1,62 BRL 1 784,5 COP 12,4 MXN 7,2 ZAR

Source : étude CGAP

a. Dans le contrat précédent ; inclus dans la comparaison uniquement parce que le contrat actuel ne comprend pas de paiement en espèces conforme à la définition choisie.

b. 0,10 USD correspond à la commission unitaire payée par la SASSA pour les transferts électroniques groupés sur des comptes bancaires de clients via le Bureau de compensation automatisé ; le bénéficiaire paie ensuite tous les frais associés à l’utilisation directe du compte.

(13)

automatiques au Brésil et en Afrique du Sud, le coût des paiements sur des comptes bancaires est inférieur à celui des paiements en espèces ou via des instruments dédiés. En effet, les coûts fixes associés à l’offre de comptes bancaires basiques peuvent être répartis sur une base de clientèle plus large, allant au-delà des seuls bénéficiaires de transferts sociaux. En revanche, lorsqu’il est nécessaire de créer de nouvelles infrastructures spécifiques pour les transferts sociaux, alors le coût est généralement plus élevé, en particulier si l’investissement doit être amorti sur une période contractuelle brève.

Deuxièmement, le processus d’appel d’offres, et notamment la façon dont les spécifications sont formulées et le niveau de concurrence en présence, ont une influence décisive sur l’instrument et son prix. Comme le montre le tableau 6, seules la Colombie et l’Afrique du Sud ont émis des appels d’offres à l’intention des banques et de sous-traitants spécialisés. Toutefois, pour ces deux pays, il n’a pas été simple de formuler et de mettre en œuvre des appels d’offres conformes à leurs objectifs. Après une extension d’un an du contrat actuel négociée en 2011, Accion Social doit lancer

Tableau 6. Approche de sélection des prestataires

Brésil Colombie Mexique Afrique du Sud

Base d’attribution

des contrats La loi impose que les paiements de Bolsa Familia soient effectués par Caixa.

Appel d’offres, mais avec une seule proposition reçue en 2009.

Pas d’appel d’offres ni d’exigence légale, mais le prestataire est choisi par le conseil d’administration d’Oportunidades.

Appel d’offres.

Date du plus récent appel d’offres/contrat

Pas d’appel d’offres, mais les conditions du contrat sont renégociées périodiquement.

Contrat signé en février 2009 ; prolongé jusqu’à fin 2011.

Différents contrats existent, mais l’intention d’Oportunidades est de signer un contrat unique avec Bansefi, qui sous-traitera la distribution à d’autres prestataires.

Contrats provinciaux hérités par la SASSA en 2006 ; tentative de lancement d’un nouvel appel d’offres en 2008, échec. Nouvel appel d’offres lancé en 2011; liste restreinte de prestataires annoncée en octobre.

Objectif d’inclusion financière dans le plus récent appel d’offres/contrat

Pas de mandat explicite d’inclusion financière, mais Bolsa Familia encourage les bénéficiaires à percevoir leurs allocations sur des comptes basiques.

Forte politique d’inclusion financière sous l’influence de la BdO.

L’inclusion financière est une priorité reconnue. Tous les paiements d’État à particuliers doivent être traités électroniquement d’ici à décembre 2012.

Le nouvel appel d’offres de la SASSA comprend l’inclusion financière comme objectif explicite, même s’il n’est pas quantifié.

Libre choix de l’instrument par le bénéficiaire

Oui. Les bénéficiaires peuvent choisir de recevoir leurs paiements via la Carte sociale ou sur un compte Caixa Facil.

Oui. Les paiements en espèces peuvent être consentis en cas de résistance aux comptes bancaires.

Non. Les bénéficiaires ne peuvent pas choisir le mode de paiement.

Oui. Du fait de la réglementation, les bénéficiaires peuvent choisir d’être payés sur un compte bancaire ou de recourir à des prestataires de paiement spécifiques dans chaque province.

Libre choix du prestataire financier par le bénéficiaire

Non Non Non Oui. Les bénéficiaires

peuvent choisir n’importe quelle banque (mais peuvent perdre leur forfait de transactions gratuites en fonction de la banque ou du compte choisi).

Source : étude CGAP

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18. La modification législative de 2009, qui a autorisé les paiements sur des comptes bancaires basiques, n’a pas explicitement limité cette possibilité aux comptes de Caixa, mais le MDS n’a jusqu’à présent pris aucune mesure pour permettre à d’autres banques d’offrir ce type de service.

un nouvel appel d’offres en 2012. Vers le milieu de l’année 2011, la SASSA a clôturé un nouvel appel d’offres très attendu, le précédent ayant été annulé et s’étant soldé par une action en justice. Le succès d’un processus d’appel d’offres dépend dans une certaine mesure de l’état de développement du marché en matière de concurrence potentielle et de participation sur le marché local.

Cependant, les difficultés rencontrées lors des appels d’offres dans ces deux pays ne doivent pas mener à la conclusion générale que la procédure d’appel d’offres est trop complexe pour ce type de contrat. Au contraire, la compétition ainsi créée peut être vitale pour garantir une bonne qualité de service aux bénéficiaires et des prix raisonnables pour l’État à long terme, encore que Caixa apparaisse comme une exception à cette règle. Même si Caixa n’est pas soumise à la pression d’un nouvel appel d’offres18, elle opère selon un ensemble de normes strictes qui prévoit des pénalités en cas de non-conformité. Le MDS renégocie les prix et les conditions avec Caixa deux fois par an. La longue durée du contrat offre à Caixa la stabilité nécessaire pour adopter une vision à long terme du développement des canaux et des produits. Au Mexique, même si la loi ne l’impose pas, l’État a récemment fait le choix de centraliser ses paiements de transferts sociaux auprès de Bansefi, et cette décision s’est opérée par la négociation plutôt que par appel d’offres.

Concevoir et mettre en œuvre des appels d’offres efficaces est une tâche complexe, et les organismes sociaux peuvent se faire assister à cette fin par des organismes financiers spécialisés. En Colombie, la Banca de las Oportunidades a joué ce rôle d’appui auprès d’Accion Social. Tout gouvernement qui se lance dans des projets ambitieux en matière d’inclusion financière a tout intérêt à mettre en place des mécanismes d’appui aux organismes sociaux, par des entités publiques ou privées.

Par nature, les contrats de services de paiement soumis à appel d’offres s’adressent à une sélection

restreinte de prestataires, pour une période définie, ce qui limite le choix du prestataire pour les bénéficiaires. Trois des quatre programmes offrent aux bénéficiaires une certaine marge de choix dans les types d’instruments de paiement, mais seule l’Afrique du Sud offre aux bénéficiaires le libre choix du prestataire financier (voir encadré 2).

En conclusion, lorsque les paiements sociaux se fondent sur des infrastructures de paiement existantes déjà largement utilisées, il apparaît clairement que les paiements électroniques reviennent moins cher au programme. Toutefois, lorsqu’ils reposent sur des infrastructures fonctionnant en circuit fermé et mises en place uniquement pour effectuer les versements aux bénéficiaires, ils restent coûteux et peuvent entraver la transition vers des comptes financiers classiques offrant davantage d’options. Les programmes de transferts sociaux risquent alors de s’enliser dans une position à partir de laquelle il sera difficile d’élargir l’accès à une gamme plus complète de services financiers pour les bénéficiaires.

Point de vue et

comportement des clients

Pour comprendre comment les bénéficiaires perçoivent, expérimentent et utilisent les services financiers auxquels ils ont accès, nous nous sommes fondés sur une étude qualitative menée sur la base de discussions thématiques de groupe et d’entretiens détaillés impliquant plus de 400 bénéficiaires. Nous avons également analysé les données de récentes études quantitatives menées par la Banque interaméricaine de développement (BID) et le projet GAFIS dans certains pays (voir l’annexe A pour un récapitulatif des sources de données utilisées).

Il existe d’importantes différences entre les pays en termes d’expérience d’utilisation des paiements électroniques (ils les utilisent depuis plus longtemps au Brésil et en Afrique du Sud par exemple) et d’importance relative de l’allocation comme source

(15)

de revenus des ménages, qui affecte les flux et les instruments utilisés dans le portefeuille financier d’un ménage. Cependant, nous avons également noté des similarités frappantes entre tous ces programmes.

Tout d’abord, les bénéficiaires apprécient unanimement la plus grande commodité associée aux paiements électroniques en alternative aux espèces. Selon les mots d’un bénéficiaire de Familias en Accion, qui, comme la plupart des autres, est passé des espèces au paiement électronique depuis à peine deux ans :

« Avant on devait attendre toute la journée que notre tour arrive et faire la queue pendant des heures, mais plus maintenant... Certaines personnes dormaient, en gardant leur place dans la queue grâce à un jeton. On restait jusque tard dans la journée. Maintenant, avec la carte, je peux retirer l’argent n’importe où. »

Une enquête menée auprès de bénéficiaires de Familias en Accion par le Centro de Estudios Sobre el Desarrollo Económico (CEDE), un centre d’étude de l’université des Andes en Colombie, a été plus loin dans la quantification des coûts de transaction pour les bénéficiaires pour différents instruments et différents canaux de paiement. L’étude a montré que, si le temps moyen du trajet pour accéder à une banque ou à un guichet automatique pour retirer le paiement était similaire (environ une demi- heure), le temps de trajet pour se rendre chez l’un des détaillants du réseau mis en place par Banco Agrario et Assenda était considérablement plus court (vingt minutes en moyenne). Les bénéficiaires de Familias en Accion ont déclaré qu’ils devaient auparavant attendre jusqu’à quatre à cinq heures pour recevoir leur paiement en espèces (auprès d’une banque ou sur un site de réunion spécifique), tandis qu’ils n’attendent plus qu’une heure à un guichet automatique, et généralement moins longtemps dans un supermarché ou une boutique (14 à 40 minutes). Le temps de trajet vers les détaillants Caixa était également court pour les participants aux discussions thématiques de groupe au Brésil, même si les temps d’attente

chez certains détaillants pouvaient être assez longs. Le tableau 7 résume ces caractéristiques de l’expérience actuelle des bénéficiaires avec les moyens électroniques de paiement.

Deuxièmement, les bénéficiaires de transferts sociaux (comme les personnes pauvres en général) peuvent épargner et le font, même si cela n’est pas facile au vu de leurs nombreux besoins immédiats et de leurs faibles revenus. Cependant, dans leur très grande majorité, ils n’épargnent pas sur les comptes bancaires ouverts pour recevoir les transferts, même si les caractéristiques du compte ou les règles du programme le leur permettent.

Pratiquement tous les bénéficiaires déclarent retirer presque toujours la totalité de leur allocation en une seule fois. L’épargne se fait par d’autres moyens, généralement informels, notamment l’épargne à domicile ou la participation à des groupes d’épargne informels19.

Comme l’épargne sur le nouveau compte était une attente très importante des programmes inclusifs et ne s’est pas réalisée, nous avons examiné la question en détail. Dans un certain nombre de cas, où les bénéficiaires avaient été incités à ouvrir un compte financier traditionnel, ils n’avaient tout simplement pas conscience des caractéristiques de leur nouveau compte. Dans un cas particulier de paiement sur une nouvelle carte, la majorité des utilisateurs ne savaient pas qu’elle était liée à un compte bancaire. Dans un autre cas, au Brésil, les bénéficiaires ignoraient la fonctionnalité du compte. Lorsqu’un facilitateur de discussion thématique de groupe a demandé si quelqu’un avait déjà utilisé la carte pour payer un achat au supermarché, un bénéficiaire de Bolsa Familia, surpris, a répondu : « On peut faire ça ? » Cette ignorance résultait généralement de l’absence de mesures de communication claires et cohérentes de la part des programmes de transfert sociaux.

Un autre aspect évoqué par de nombreux bénéficiaires, peut-être plus important encore que le manque de connaissances, était la peur de se voir supprimer les allocations s’ils ne les dépensaient 19. Étude CGAP ; Maldonaldo et Tejerina (2010) ; Collins et al. (2009).

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pas entièrement, au motif qu’ils n’en avaient pas besoin. En conséquence, quelques bénéficiaires plaçaient leur épargne sur des comptes auprès d’autres banques, de sorte qu’elle ne soit pas visible pour les organismes sociaux. La confusion et les préoccupations des bénéficiaires sur cette question reflètent des attitudes et politiques contradictoires dans de nombreux services d’aide sociale. Même s’ils ne tentent pas d’interdire ou de décourager l’épargne, au moins pour les

bénéficiaires disposant de comptes bancaires classiques, les organismes sociaux ne pratiquent pas non plus de communication claire et cohérente à cet effet. Le programme pilote Promouvoir la culture de l’épargne parmi les familles pauvres (PPCA), en Colombie, constitue une exception notable : il encourageait spécifiquement un groupe sélectionné de bénéficiaires à épargner leurs allocations en appliquant diverses approches, telles que les loteries, pour renforcer les incitations, et en Tableau 7. Comparaison de l’expérience des bénéficiaires

Brésil Colombie Mexique Afrique du Sud

Temps de trajet pour percevoir le paiement

Dans la plupart des cas, moins de 30 minutes à pied.

Dans certaines régions rurales, le trajet peut durer plusieurs heures, voire plus d’une journée.

En général 5-10 minutes pour les bénéficiaires urbains ; le trajet peut durer 1 à 2 heures dans les régions rurales et les très petites municipalités.

En général moins de

30 minutes à pied. Banque/supermarché : dépend du lieu de domicile du bénéficiaire ; 5 minutes à 2 heures.

Prestataires de paiement spécifiques : généralement 5 à 30 minutes à pied.

Temps d’attente Guichet

automatique : 0 à 10 minutes.

Détaillant ou agence : en fonction de l’affluence, 5 minutes à 2 heures.

Pas d’attente certains jours ; les personnes interrogées

déclarent toutes que les files d’attente sont beaucoup plus courtes qu’avanta.

30 minutes à plusieurs heures.

La distribution d’espèces ou la remise par des détaillants prend généralement plus de temps.

Banque : 5 minutes à 2 heures, en fonction des files d’attente au guichet ou au guichet automatique.

Prestataires de paiement spécifiques : plusieurs heures.

Supermarché : 5 minutes.

Coût financier d’utilisation du service de retrait

Aucun Aucun Aucun Banque : dépend

de la banque et du guichet automatique choisi par le bénéficiaire.

Supermarché : aucun, mais il est souvent imposé de dépenser 20 % de l’allocation dans le magasin.

Prestataires de paiement spécifiques : aucun.

Autres services financiers utilisés / préférés

Épargne à domicile.

Paiement d’actifs à crédit.

Crédits auprès des commerces pour l’achat d’aliments et de médicaments.

Emprunt informel auprès de parents et amis.

Prix à la loterie.

Épargne à domicile.

Épargne auprès d’une personne de confiance (garde- monnaie).

Achat d’articles à crédit dans des commerces locaux.

Épargne à domicile.

Crédit (souvent informel) pour l’achat d’actifs.

Épargne et crédit auprès d’associations d’épargne et de crédit.

Clubs d’épargne.

Épargne à domicile.

Clubs d’épargne.

Plans de prévoyance obsèques et groupes d’entraide funéraire.

Emprunt informel auprès de parents et amis.

Achat d’articles à crédit dans des commerces locaux.

Sources : discussions thématiques de groupe avec des bénéficiaires, études BID et GAFIS

a. Selon Maldonaldo et Tejerina (2010), les bénéficiaires n’économisent que neuf minutes en moyenne de temps de trajet après la transition vers les comptes bancaires, mais économisent 15 % de frais de déplacement et, surtout, réduisent leur temps d’attente, qui passe de 5 heures en moyenne à ½ heure.

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