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PRESENT ET AVENIR DES RECHERCHES SUR LA FOUDRE

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HAL Id: jpa-00219829

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Submitted on 1 Jan 1980

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PRESENT ET AVENIR DES RECHERCHES SUR LA FOUDRE

J. Taillet

To cite this version:

J. Taillet. PRESENT ET AVENIR DES RECHERCHES SUR LA FOUDRE. Journal de Physique

Colloques, 1980, 41 (C3), pp.C3-57-C3-63. �10.1051/jphyscol:1980310�. �jpa-00219829�

(2)

JOURNAL DE PHYSIQUE Colloque C3, supplément au n O 4 , Tome 41, avril 1980, page C3-57

RESUME

PRESENT E T A V E N I R DES RECHERCHES SUR LA FOUDRE

O f f i c e National d ' E t u d e s e t d e Recherches A e r o s p a t i a l e s , 2 9 , avenue d e l a D i v i s i o n Leciel-c, 92320 C h a t i l l o n , France.

Le développenent des techniques a entraîné, pour des raisons liées à la sécurité des systèmes, le besoin de mieux comprendre la physique de la foudre. La disponibilité d'instruments de mesure perfectionnés et l'organisation d'opérations plu- ridisciplinaires de grande envergure a permis ré- cemment de faire progresser la collecte de données de base, indispensables pour la sélection de modè- les représentant bien la réalité physique. Dans l'état actuel des choses, malgré le nombre des travaux consacrés à ce problème, la connaissance des mécanismes physiques essentiels est encore très imparfaite : aussi bien pour la création des charges électriques dans les nuages que pour leur dissipation sous forme de décharge, un grand nom- bre de théories s'opposent sans qu'aucune d'elles ne réunisse suffisamment d'arguments pour s'impo- ser et éliminer les autres. Il faudra donc utili- ser tout l'arsenal des instruments modernes de diagnostic et l'aide des ordinateurs pour voir émerger dans quelques années une image cohérente des phénomènes physiques liés à la foudre. Cette recherche pourra également bénéficier des résul- tats obtenus par les missions spatiales dans les atmosphères planétaires (missions VENERA).

ABSTRACT

The development of technology has, for the sake of systems safety raised the need of a better understanding of lightning physics. Recen- tly, the availability of sophisticated instruments and the possibility of organizing multidiscipli- nary research programs have stimulated the col- lection of basic data necessary for the selection of improved models. At the present time, in spite of a wide number of contributions to this problem, the knowledge of the main physical mecanisms is still imperfect. For charge generation in

clouds as well as for lightning discharge, a num- ber of contradictory theories has been suggested.

Neither is based on unquestionable arguments.

During the next decade, al1 the pos~ib~lities of modern diagnostics devices and computers there-

fore will be necessary to build a self-consistent description of the physics of lightning. For this purpose, space research will also contribute with the results obtained on lightning in planetary at- nospheres (VENERA missions),

1. ANCIENNETE D U SUJET

Depuis que Benjamin FRANKLIN, il y a plus de deux siècles, a montré que la foudre s'apparentait étroitement à la décharge électrique des bouteilles de Leyde alors en usage fréquent dans les cabinets de physique, de nombreux auteurs ont tenté d'en élucider les mécanismes principaux. Un récent ouvra- ge de mise au point sur la foudre, édité par Golde, rassemble les analyses d'une trentaine d'experts et cite un millier de références relatives aux recherches à caractère fondamental et près de cinq cents dans le domaine des applications [l]

.

Malgré

cette somme de travaux, on n'est pas encore en me- sure aujourd'hui d'expliquer de façon cohérente les mécanismes physiques qui conduisent à la charge des nuages et à leur décharge dans le canal ionisé de l'éclair.

Il est vrai que la connaissance a progressé, depuis deux siècles, suffisamment pour permettre le développement des applications nécessaires au progrès technique. Le premier sous-produit des idées de FRANKLIN est le paratonnerre ; son usage a exigé entre autresd'approfondir les connaissances sur les techniques de mise à la masse et de réali- sation des prises de terre. Le développement des réseaux de transport et de distribution d'électri- cité, qu'il faut protéger contre les coups de fou- dre directs et les surtensions induites par les coupes de foudre de proximité, a incité les ingé- nieurs électriciens, au demeurant mieux préparés que les architectes, à s'intéresser aussi à la foudre. Les télécommunications ont posé le problè- me en termes de perturbations apportées aux lignes de transmission véhiculant de l'information..

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1980310

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C3-58 JOURNAL DE PHYSIQUE

Les transports aériens ont exigé de leurs ingénieurs, soucieux de garantir la sécurité des vols, qu'ils prennent des mesures rigoureuses pour assurer la survie de l'aéronef frappé par la foudre, tant en dimensionnant largement les pièces suscep- tibles d'être traversée par son courant qu'en pro- tégeant parfaitement les réservoirs de tout effet

secondaire susceptible d'enflammer le carburant C21

-

Ces exigences de sécurité ont donc permis d'accumuler un grand nombre de connaissances va- lidées par l'expérience dans certains domaines de la technologie électrique relatifs à la protection contre la foudre ; elles n'avaient pas, jusqu'à un passé récent, imposé à l'ingénieur de procéder à une analyse fondamentale des mécanismes physiques du phénomène.

2. DlFFlCULTES ET MOYENS DE LA RECHERCHE

Il faut reconnaître que cette analyse est dif- ficile. Les processus qui conduisent au déclenche- went de la foudre sont en effet complexes et leur étude procède de disciplines différentes : la phy- sique de l'atmosphère et la météorologie, qui ex- ploitent des données de base de l'aérodynamique et de la thermodynamique avec changement de phases, la physique des ions atmosphériques et celle des aérosols, la physique de la décharge électrique dans les gaz et du plasma. Pour résoudre ce type de problème, une équipe pluridisciplinaire cons- titue donc un atout majeur. Par ailleurs, la mise en oeLvre sur le terrain de techniques expérimen- tales appropriées exige de puissants moyens : la mesure in situ des grandeurs électriques (champ électrique, conductivité, charge des précipita- tions) ne peut se faire qu'en effectuant des vols instrumentés sur ballon, avion ou fusée sonde, le tout appuyé par un réseau au sol d'appareils de mesure largement dispersés sur une vaste étendue :

le laboratoire, pour cetfe étude expérimentale particulière qu'est l'analyse des conditions mété- orologiques conduisant au déclenchement de la foudre, a au minimum les dimensions de la cellule orageuse elle-même : une dizaine de kilomètres d'altitude sur une base de plusieurs kilomètres de diamètre.

Seule une coopération entre laboratoires est capa- ble de mobiliser les moyens nécessaires.

Songeons enfin au caractère élusif du phéno- mène à observer, qui conauit à sacrifier de longues heures de veille pour quelques minutes d'enregistre- mentetà l'extraordinaire dynamique de l'échelle des temps, qui s'étage de plusieurs années si l'on veut faire des statistiques à quelques nanosecondes si l'on veut observer la chronologie détaillée du coup de foudre ; on aura ainsi une idée du mélange c c patience et do technicité qu'il faut mettre en oeu- vre pour apporter une contribution, inême modeste, aux connaissances de base sur la foudre. C'est pour- quoi tout nouveau progrès dans la technologie ins- trumentale est facteur de progrès des connaissan- ces : ce n'est que depuis l'apparition de l'oscil- loscope et de la cinématographie ultrarapide que l'on sait décrire avec précision la succession complexe des précurseurs qui ?réparent le coup de foudre ; ce n'est que depuis le lancement des sa- tellites d'observation optique que l'on a découvert l'existence des "superbolts", ces éclairs de très forte intensité qui apparaissent au sommet des eas- ses nuageuses nais sont masqués pour l'observateur au sol.

Enfin, si l'on veut interpréter, il faut ap- puyer les expériences sur le terrain par l'élabo- ration de modèles, que l'on doit vérifier par des expériences de simulation en laboratoire et par des expériences numériques à l'ordinateur. C'est ainsi que l'étude des décharges longues (jusqu'à une dizaine de mètres), rendue possible par l'équi- pement haute tension de stations expérimentales comme celle des Renardières en France, permet d'ap- procher l'étude du déclenchement de la foudre

(4

[4] ; de même, l'étude des décharges de surface, largement amorcée par Toepler au début du siècle et reprise avec des moyens plus modernes, doit per- mettre de mieux saisir la propagation a'un précur-

seur dans un milieu contenant une charge électrique distribuée

151 .

L'analyse des mécanismes d'élec- trisation des grêlons, des cristaux de neige, des gouttes de pluie et des aérosols, soit par contact soit au cours du changement de phase, peut également être effectuée grâce à des installations de simula- tion appropriée

Citons pour terminer cette énumération les techniques de déclenchement artificiel de la foudre, qui ont pour objet de localiser dans le temps et dans l'espace le phénomène à étudier. Bien qu'elles en modifient un peu certains caractères, elles per-

(4)

mettent d'en saisir d'autres qui sont bien représen- tatifs. Utilisant des petites fusées reliées au sol par un fil conducteur, elles ont été largement cou- ronnées de succès à Saint Privat d'Allier

[,]

Sous une forme à la fois plus exotique et plus sportive, elles sont natérialisées dans le bateau du Professeur Newman, dont le programme consiste à étudier, au large de l'Indonésie, la foudre déclen- chée par un puissant jet d'eau sous haute pression ou par l'application, au haut d'un nât isolant, d'un potentiel de 2

Pm [z] .

3. INCITATIONS A LA RECHERCHE

Le coût des moyens à mettre en oeuvre explique la nécessité de justifier ces recherches par le dé- veloppement des applications: les voeux émis par la communauté scientifique ne seraient pas suffisants pour décider les pouvoirs publics à consentir un effort financier dans ce domaine, si des nécessités techniques, souvent liées à des problèmes de sécuri- tés, ne venaient appuyer ces voeux.

Pour citer un exemple, il est apparu récemment aux responsables du développement de l'aviation ci- vile et militaire que la mise en oeuvre sur les avions futurs de commandes de vol numériques, orga- nisées en systèmes complexes à base de micro-élec- tronique, pouvait conduire à de graves problèmes de sécurité si l'on ne savait pas protéger correcte- ment les composants électroniques de l'effet des- tructeur des perturbations électromagnétiques cau- sées par la foudre. Ce danger est d'autant plus à craindre que les avions de l'avenir verront de plus en plus de parties de leur structure réalisées en matériaux composites diélectriques ou plus généra-

lement moins conducteurs que les panneaux métalli- ques utilisés actuellement : la cellule de l'avion ne jouera donc plus le rôle d'une bonne cage de Faraday. Or les spécialistes comptent beaucoup sur les commandes de vol électriques pour augmenter les performances et la rentabilité des appareils de l'avenir

[a] .

L'établissement de règlements et de normes relatifs aux procédés de blindage et de pro- tection de ces circuits contre les inductions para- sites dues à la foudre est nécessaire si l'on veut éviter, soit des accidents, soit une surestimation coûteuse des précautions à mettre en oeuvre. Les services techniques responsables ont conclu, aussi bien aux USA, au Royaume Uni, en Allemagne et en

France qu'en URSS, à la nécessité de promouvoir à la fois des recherches de base et une coopération internationale afin de mieux cerner ces problèmes.

En Prance, la DRET (Direction des Recherches,Etudes et Techniques de la Direction Générale à 1'.4rmement), dans le cadre de sa mission propre et de la mission de tutelle de l'Aviation Civile confiée au Ninistè- re de la 3éfense Nationale, a mis en place un pro- gramme coopératif de recherche sur l'électricité atmosphérique pour regrouper 1'IOFG et 1'ONERq avec

~'EDF, le CNET et le CEA. Chacun de ces organismes poursuit un objectif pratique lié à sa vocation particulière, mais tous sont convaincus que la so- lution de leur problème ne peut provenir que d'une amélioration des connaissances de base acquise au cours de l'expérinentation prévue, ou obtenue par voie d'échange lors de discussions avec les cher- cheurs étrangers. On assiste ainsi danc ce domai- ne délicat à un mouvement d'opinion exemplaire : les ingénieurs reconnaissent que la physique de ba- se doit être approfondie avant de procéder à la syn-

thèse de nouveaux systèmes, et une bonne partie des fonds disponibles doit être consacrée à l'accrois- seaent des connaissances fondamentales sur la créa- tion et la neutralisation de l'électricité atmosphé- rique. Une dé~arcne analogue a été suivie aux USA par la NASA, qui se sent directement concernée depuis que la fusée porteuse du vol Apollo 12 a été fou- droyée par deux fois au cours de son lancement.

Outre l'effort technologique déployé pour pro- téger contre l'effet des coups de foudre directs la navette spatiale, la NASA a compris qu'elle devait élargir le domaine de ses préoccupations en favori- sant la recherche fondamentale : c'est pourquoi elle a mis à la disposition des expérimentateurs du programme TRIP (Thunderstorm Research International

?rogram) ses installations de Kennedy Space Center, où ont été installés, sur toute la surface de la base, des stations météo, des radars, des réseaux de mesure du champ électrique atmosphérique, des appareils de localisation des émissions radioélec- triques en provenance des nuages, en même temps que la base voisine de 1'USAF abritait des avions ins- trumentés destinés à voler à proximité de l'orage.

La suite de cette expérimentation se déroule actuel- lement à SOCORRO (Nouveau Mexique), avec-.la parti- cipation de chercheurs français.

Il faudra probablement de longues années avant que de cette recherche intensive de données expéri- mentales ne réussisse à émerger une image cohérente

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C3-60 JOURNAL DE PHYSIQUE

des mécanismes physiques essentiels de l'orage et de la foudre. La situation actuelle est en effet plutôt confuse, comme nous allons le montrer dans les paragraphes suivants

4. ETAT SOMMAIRE DES CONNAISSANCES ACTUELLES : GENERALITES

Le comportement électrique global de l'atmos- phère est bien compris depuis WILSON (1920) ; il est clairement expliqué dans des ouvrages de base, comme celui dtlsraël [6]

.

Le condensateur formé d'une part par la terre, d'autre part par la très haute atmosphère conductrice, est chargé à une différence de potentiel de 180 à 360 kV (pôle né- gatif à la terre). La mobilité et la densité des porteurs de charge est plus élevée aux très hautes altitudes, ce qui entraîne la présence d'une char- ge d'espace positive dans l'atmosphère. Un courant continu ionique total de 900 à 1800 ampères s'écou- le vers la terre à travers l'atmosphère dans l'en- semble des zones de beau temps ; les premiers kilo- mètres de l'atmosphère jouent donc le rôle d'une résistance de 200 0

.

Le générateur qui maintient ce courant de char- ge est formé par l'ensemble des 1800 orages simul- tanés qui existent en moyenne à la surface du globe, chacun d'eux fournissant un courant moyen de 0,5 à 1 A (figure 1).

STRATOSPHERE

1

kmt%l

n. d'orages simultanés

*** 1800

Courant unitaire ++**+*

0.5

A

1 A

Bilan global du courant da charge I c : CORONA * * + + + * + * + t r + t +

650A

A

1300A

17

FOUDRE * * * * t * * + * * * * * *

450A

A

900A CI

PRECIPITATIONS

****** -200A

A

-400A

Fig. 1

-

Circuit électrique global de i'atmosphère.

Le bilan du courant qui s'écoule entre l'en- semble des nuages d'orage et le sol (dans le sens contraire du courant de décharge des zones de beau temps) s'effectue comme suit : pour 900 à 1800 A au total, il y a 650 à 1300 A de courant émis au

sol sous forme de corona positif et 450 à 900 A échangés sous forme de foudre ; il faut retrancher de cette somme 200 à 400 A de courant de signe inverse transporté par les précipitations.

Un certain nombre de données statistiques sur la foudre est également assez bien établi ; ces données sont résumées dans le tableau 1, qui non- tre que l'éclair est un phénomène à forte puissan- ce mais à faible énergie. Ces données sont essen- tiellement relatives aux coups de foudre au sol.

On est moins bien renseigné sur les propriétés des décharges intra-nuages ou inter-nuages.

FREOUENCE : 1 0 0 par seconde pour l'ensemble du globe PUISSANCE EaUlVALENTE :

. . .

.+.

-

.

. . . . .- . . . . .

.

. .

2 0 000 MW ENERGIE MOYENNE DE LA FOUDRE :

2 0 0 MJ ci 4 kg de pétrole CHUTE DE POTENTIEL NUAGE-SOL : + + + + + 1 0 0 MV pour 5 km PUISSANCE MOYENNE par km2 AU SOL - + - - + + + - 2 0 W km-2 ( 1 0 ~ ~ fois le rayonnement solaire)

PUISSANCE PAR km DE CANAL --....-.---a---- 180 OOOMW DIAMETRE DU CANAL :

OPTIQUE ...-..-. 3

-

1 2 cm

PLASMA

-...

0,05

-

0,5 cm

CORONA ... 5

-

2 0 m

Tableau I

Données statistiques sur la foudre d'après Berger [ I l .

5. E T A ~ SOMMAIRE DES CONNAISSANCES ACTUELLES : LA CHARGE DES NUAGES

On connaît aussi de façon globale la répar- tition la plus fréquente des charges positives et négatives telles qu'on peut l'observer dans les cumulo-nimbus : la charge positive vers une alti- tude de 10 kin,au-dessus de l'isotherme -10" C, la charge négative à la base et sur les côtés, avec parfois un petit centre de charge positive à la sur- face inférieure du nuage. Cette disposition'explique que la majorité des éclairs au sol y amènent une charge négative. Les éclairs à charge positive peu- vent s'expliquer soit par une décharge globale af- fectant charges positives et négatives, soit par une déch2rge directe du sommet du nuage au sol. Cette dernière configuration a été observée sur la mer du Japon, où il arrive fréquemment que des nuages rela- tivement bas soient déformés suffisamment par un cisaillement intense pour que leur partie supérieu- re-soit en vue directe du sol.

(6)

Si un accord général semble exister sur la configuration électrique du nuage, les mécanismes physiques responsables de la séparation des charges sont encore très controversés. Cette séparation de charge exige des éléments de dissymétrie, que l'on peut trouver au niveau microscopique (nature des précipitations) ou au niveau macroscopique (confi- guration générale de la cellule convective orageu- se). Selon que l'on accorde le poids principal aux uns ou aux autres, on est partisan des théories de la polarisation ou des théories de la diffusion.

Dans tous les cas on remarque que le nuage compor- te des aérosols et des précipitations qui captent les ions de l'air ; il s'agit donc d'un milieu iso- lant contenant des porteurs à très faible mobilité, par contraste avec l'air libre dont la conductivi- té est beaucoup plus élevée. Les théories de la po- larisatioa partent de l'étude des interactions des porteurs (aérosols, gouttes d'eau et surtout cris- taux de neige et grêlons) et invoquent plusieurs mécanismes pour expliquer la séparation des charges : production par fusion d'aérosols chargés positive- ment de dimensions petites vis-à-vis de l'épaisseur de la couche dipolaire présente aux interfaces en- tre phases ; transfert préférentiel de charge par

collisions entre grêlons polarisés par le champ électrique du nuage et microparticules non chargées ; séparation par gravité ou par effet d'inertie des

porteurs ~ositifs et négatifs.

Les théories de la convection tirent parti de la structure convective du nuage d'orage pour imagi- ner que des ions positifs sont captés par le nuage à sa base (ces ions sont formés par les décharges corona au sol sous le nuage et entraînés en alti- tude par le champ électrique). Ils se fixent sur les aérosols liquides et sont entraînés vers le haut par les ascendances qui circulent sur l'axe de la cellule convective, formant ainsi la charge supérieure du nuage. Les ions négatifs en provenan- ce de la haute atmosphère sont captés par les cou- ches supérieures du nuage : ils sont attirés par les charges positives mais sont fixés sur les cou- ches extérieures sans parvenir à neutraliser le coeur du nuage ; ils sont ensuite véhiculésvers le bas par les courants descendants circulant vers la périphérie de la cellule convective.

Les mécanismes cités plus haut sont très complexes et une si courte description ne peut être que grossièrement inexacte. Les récentes conféren-

ces sur l'électricité atmosphérique ont vu se pro- longer les discussions entre partisans de la pola- risation et partisans de la convection sans qu'un accord ne soit atteint. Il semble donc qu'un gros effort d'expérimentation in situ et au laboratoire, de dépouillement, de calcul et d'analyse des résul- tats soit nécessaire avant qu'une théorie valable de la charge des nuages ne soit universellement adoptée

.

6. ETAT SOMMAIRE DES CONNAISSANCES ACTUELLES : L E PHENOMENE DE DECHARGE

Mentionnons d'abord rapidement que la modéli- sation du tonnerre est actuellement bien comprise.

Le tonnerre est la conséquence sonore du déclenche- ment simultané d'ondes de choc tout le long du ca- nal suivi par le coup de foudre. La description na- thématique du phénomène rend bien compte des carac- téristiques du tonnerre tel qu'il est perçu par un observateur.

Un accord général existe actuellement sur la chronologie fine de l'éclair. Un éclair (flash), de durée de l'ordre de la seconde, peut être formé d'un certain nombre de coups de foudre (strokes) qui durent une centaine de microsecondes. Les éclairs

,3 -

au sol négatifs peuvent compter jusqu'à une ving- taine de ces coups ; les éclairs au sol positifs sont généralement formés d'un seul coup très inten- se. Entre les coup de foudre, un faible courant continu peut s'écouler du nuage vers le sol. L'in- tensité moyenne d'un coup de foudre, la vitesse de montée du courant, la charge neutralisée ont fait

l'objet de statistiques sur lesquelles le consen- sus est quasi général.

Le coup de foudre lui-même est précédé de phénomènes précurseurs (leaders), qui correspondent à une phase de préionisation du trajet de l'éclair.

Le premier coup de foudre est précédé d'un précur- seur dont la marche hésitante procède par bonds d'une dizaine de mètres séparés par des intervalles de 50 ps (stepped leader ) ; la progression du front s'effectue à une vitesse de l'ordre de 100 km par seconae. Lorsque ce précurseur s'approche du sol, le champ électrique intense qu'il produit peut pro- voquer l'apparition, sur des irrégularités locales, de décharges en couronne dégénérant en décharges filamenteuses (streamers) qui forment des arbores- centes ascendantes. Le premier contact des arbores-

(7)

C3-62 JOURNAL DE PHYSIQUE

cences du système descendant et de cellesdu systè- me ascendant ferme le circuit entre nuage et sol : une onde de courant analogue au courant de court circuit d'une ligne de transport d'énergie se pré- cipite dans le chemin ainsi déterminé, avec une vitesse qui est une fraction de celle de la ,lumiè- re : c'est le coup en retour (return stroke).

Le chemin ainsi formé reste assez longtemps chaud et ionisé ; c'est pourquoi il sert de guide sur une partie de leur trajet aux précurseurs ul- térieurs qui surviennent quand une nouvelle quanti- té de charge se trouve disponible au niveau du nua- ge. Les précurseurs suivants se déplacent sans sauts irréguliers, à la façon d'un dard (dart leaders).

Ils sont suivis chacun de leur coup en retour, sen- siblement analogue au premier.

Les caractéristiques des précurseurs sont bien moins connues que celles du Coup en retour. Une description détaillée de ces phénomènes est donnée par Uman (91

.

Si la succession précise des phénomènes qui composent un éclair est connue sans ambiguïté, les controverses commencent au stade de l'explication de ces phénomènes à partir de mécanismes physiques élémentaires. Il est actuellement admis que les pré.curseurs se propagent dans un champ électrique ambiant à la façon d'une onde d'ionisation, le mi- lieu ionisé jouant un rôle complexe. Il modifie la carte du potentiel en accroissant le champ électri- que devant le front du phénomène ; il fournit des photons de recombinaison ; ces photons initient des pnoto-électrons générateurs d'avalanches. Les valeurs du champ électrique ambiant nécessaires pour permettre la propagation d'un précurseur dif- fèrent suivant la polarité : environ 10 kV cm-'

-

1

pour un précurseur négatif et 4 kV cm pour un précurseurfpositif (ces chiffres sont à comparer aux 30 kV cm-' nécessaires pour produire un claqua- ge en champ homogène). Il est aussi généralement admis que le canal ionisé du précurseur est un étroit filament à fort taux d'ionisation, entouré d'une très large gaine formée d'une multitude d'ar- borescences du type corona.

Les relations entre le filament central, qui transporte le courant, et les arborescences laté- rales, qui contiennent une charge électrique signi- ficative, sont encore mal comprises. De nombreux auteurs ont proposé des théories contradictoires destinées à expliquer la progression par bonds du précurseur. L'arrêt de la progression serait dû à

l'affaiblissement du champ électrique du niveau du front. D'après Loeb, la reprise de la progression, et le réallumage du canal qui l'accompagne seraient causés par la succession de deux phénomènes : une phase obscure, caractérisée par la reprise de l'ac- tivité des décharges arborescentes qui partent géné- ralement de chaque côté d'un centre situé en aval du point où la progression du canal a été stoppée ; une phase lumineuse, caractérisée par le déclenche- ment d'une onde d'ionisation au moment où une bran- che de cette décharge arborescente touche l'extré- mité du canal, l'opération ayant pour effet d'inté- grer cette branche dans le canal principal oui sem-

- .

ble ainsi avancer brusquement

Ed .

La formulation quantitative de cette théorie dépend malheureusement d'hypothèses difficiles à justifier et il apparait qu'un effort important d'observation, d'interprétation et de modélisation est encore nécessaire avant que l'on ne puisse considérer la question comme résolue.

7. RECHERCHES SUR LES ATMOSPHERES PLANETAI RES

Un aspect récent des recherches sur la foudre concerne l'atmosphère Vénusienne, où les sondes VENERA ont décelé en 1978 la présence de décharges électriques d'énergie à peu près identique à celle des éclairs de la terre, mais avec des fréquences

de répétition beaucoup plus importantes. Ce résul- tat a été obtenu en analysant les signaux transmis par télémesure à partir du spectroanalyseur GROZA porté par les sondes VENERA 1 1 et 12. Cet appareil était capable de fournir l'intensité et la position angulaire de sources de rayonnement radioélectri- ques à des fréquences comprises entre 10 et 8 0 kHz.

Il était mis en route à l'altitude de 60 km, qui est légèrement inférieureau sonmet de la couche nuageuse de la planète, et fonctionnait au cours de la descente et sur la surface de la planète après l'atterrissage. Des bruits radioélectriques semblables à ceux que l'on peut observer sur la terre au voisinage des orages ont été décelés lors des descentes des deux sondes VENERA 1 1 et 12.

L'analyse de ces bruits, compte tenu des conditions de propagation dans l'atmosphère dense de la planè- te et de la dynamique de la sonde, a montré qu'ils provenaient d'une source située à 1600 km du récep- teur au voisinage de l'horizon radioélectrique de la sonde, et de dimensions de l'ordre de 150 km, ce qui représente un front orageux assez étendu.

(8)

Dans le domaine ainsi défini, la fréquence des éclairs était voisine de 30 par seconde. Ces éclairs sont supposés jouer un rôle actif dans la formation de certains constituants mineurs de l'atmosphère de VENUS, et pourraient également expliquer l'augmen- tation parfois observée de la brillance de la face de nuit de la planète par l'augmentation temporaire de son activité orageuse.

Ces premiers résultats ont suscité l'intérêt de nos chercheurs qui proposent, parmi les expé- riences susceptibles d'être embarquées sur la mis- sion Franco-Soviétique VENERA, une recherche des phénomènes d'électricité atmosphérique (en paral-

lèle avec la mesure des émission radioélectriques, la mesure des champs électriques continus et de la conductivité atmosphérique suivant une idée déjà proposée au CNES par 1'i)NERA en 1973).

Rappelons que la mission VENERA consiste es- sentiellement a faire voler dans l'atmosphère de VENUS un ballon porteur d'instruments de mesure destinés à analyser la dynamique et la physico- chimie de l'atmosphère au niveau de la couche nua- geuse (55 km). Pour le physicien de la décharge, la connaissance des analogies et des différences entre la foudre sur la Terre et sur VENLJS peut contribuer à élucider certains des mécanismes actuellement controversés, à condition, bien entendu, que la ré- pétition des expériences Vénusiennes permette d'ac- cumuler un nombre suffisant de données précises pour autoriser une a~alyse satisfaisante. Les résultats déjà obtenus par VENERA 1 1 et 12 avec un appareilla- ge relativement rustique constituent un encourage- ment précieux à poursuivre la recherche sur ce thè- me qui élargit aux dimensions du système solaire le cadre des recherches actuelles sur la foudre et leur apporte l'enrichissement de conditions expérimenta- les entièrement nouvelles.

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