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Anémie sidéroblastique acquise

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Academic year: 2022

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d o s s i e r

RÉSUMÉ Summary

Les syndromes myélodysplasiques avec sidéroblastes en couronne (SMD-RS) sont des maladies clonales de la cellule souche hématopoïétique avec dysplasie prédominante de la lignée érythroïde responsable d’une anémie macrocytaire profonde.

L’événement oncogénique récurrent est une mutation du gène codant le facteur d’épissage SF3B1. Un épissage aberrant du transporteur mitochondrial ABCB7 impliqué dans la biogenèse des protéines à cluster fer-soufre (Fe-S) participerait à l’accumulation du fer dans les mitochondries, ce qui contribue à l’apoptose excessive des érythroblastes matures et à l’inefficacité de l’érythropoïèse. Le pronostic est favorable, mais les options thérapeutiques insuffisantes en cas de résistance aux agents stimulant l’érythropoïèse. Le luspatercept (ACE-536), un récepteur soluble de l’activine IIB, aurait une efficacité thérapeutique particulière dans l’anémie des SMD-RS.

Mots-clés : Syndrome myélodysplasique – Anémie sidéroblastique – Hepcidine – ABCB7.

Myelodysplastic syndromes with ring sideroblasts (MDS-RS) are clonal hematopoietic stem cell disorders with a prominent erythroid dysplasia responsible for a profound macrocytic anemia. Splicing factor gene SF3B1 is recurrently mutated in these diseases. Aberrant splicing of the mitochondrial transporter ABCB7 which is involved in the biogenesis of Fe-S clusters has been implicated in the mitochondrial iron overload. This contributes to mitochondrial apoptosis of mature erythroblasts leading to ineffective erythropoiesis.

The overall prognosis is favorable; however, few treatment options exist in case of resistance to erythropoiesis-stimulating agents. Luspatercept (ACE-536), a soluble trap of activin IIB, may have a particular beneficial effect on anemia in MDS-RS.

Keywords: Myelodysplastic syndrome – Sideroblastic ane- mia – Hepcidin – ABCB7.

Anémie sidéroblastique acquise

Acquired sideroblastic anemia

M. Fontenay1, 2, 3, C. Lefèvre1, 3, D. Bernard4

1 Institut Cochin, Inserm U1016, CNRS UMR8401, université Paris-Descartes.

2 Service d’hématologie biologique, hôpital Cochin.

3 Laboratoire d’excellence du globule rouge GR-Ex, Paris.

4 Inserm UMR1078, université de Bretagne occidentale, faculté de médecine, Brest.

L es anémies sidéroblastiques acquises sont un type de syndrome myélodysplasique (SMD) caractérisé par une anémie macrocytaire arégénérative, une moelle riche érythroblastique et la présence de 15 % de sidéroblastes en couronne. La classification de l’Organi- sation mondiale de la santé (OMS) 2016, en continuité avec le découpage de celle de 2008, distingue 2 sous- types selon la présence d’une dysplasie d’un seul ou de plusieurs lignages myéloïdes. Comparativement aux autres sous-types de SMD, le pronostic est favorable, avec une survie médiane de 180 mois et un risque de progression de 10 % à 8 ans (1).

Érythropoïèse clonale et apoptose mitochondriale

Le phénotype des anémies sidéroblastiques acquises est associé dans environ 80 % des cas à une anomalie génique unique, à savoir une mutation hétérozygote du gène codant le facteur d’épissage SF3B1. Cette mutation est rarement identifiée dans le cas d’une hématopoïèse

clonale sans atteinte hématologique ou CHIP (Clonal Hematopoiesis of Indeterminate Potential) suggérant que l’émergence de cette anomalie génétique signe l’entrée dans une maladie à expression clinique (2).

L’OMS considère que la présence d’une mutation de SF3B1 est suffisante pour porter le diagnostic d’ané- mie sidéroblastique acquise lorsque le pourcentage de sidéroblastes en couronne est compris entre 5 et 14 %.

Le génotypage du compartiment des cellules héma- topoïétiques souches et progénitrices révèle que la mutation de SF3B1 est un événement précoce et initia- teur de la maladie car elle est détectée dans une cellule souche CD34+CD38-CD90/Thy1+, qui reste une cellule rare dans la moelle osseuse. La mutation de SF3B1 peut être le premier événement driver ou survenir après une mutation d’un gène régulateur de l’épigénétique tel que TET2, DNMT3A ou ASXL1. Il existe une association préférentielle entre les mutations SF3B1 et DNMT3A.

Les mutations s’accumulent avec le temps de manière linéaire ou selon une architecture branchée (figure 1).

Les mutations de SF3B1 sont le plus souvent retrouvées dans le clone dominant. Cependant, deux sous-clones

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de même fonds génétique peuvent émerger par acqui- sition de 2 mutations distinctes du gène SF3B1 (3). Les mutations sont transmises à la descendance, le long de la hiérarchie hématopoïétique, au compartiment des progéniteurs multipotents, puis aux compartiments des progéniteurs engagés vers le lignage myéloïde c’est-à- dire au progéniteur commun myéloïde (CMP) et vers le lignage lymphoïde aux lymphocytes B. Contrairement aux SMD non sidéroblastiques, le compartiment des progéniteurs mégacaryocytaires et érythroïdes (MEP) est préservé, voire augmenté, au détriment des progé- niteurs granulomonocytaires (GMP) ou des CMP (3, 4).

L’expansion des MEP contribue au caractère érythro- blastique de la moelle. La mutation du gène SF3B1 est détectée jusqu’aux stades les plus matures de l’érythro- poïèse, suggérant son implication dans les altérations de la différenciation érythroïde terminale. Le modèle murin Sf3b1+/K700E reproduit en partie le phénotype de la maladie, car la mutation confère un avantage de croissance aux cellules souches murines LSK et induit le développement progressif d’une anémie macrocytaire avec diminution des précurseurs érythroïdes dans la moelle, toutefois sans sidéroblastes en couronne (5).

L’érythropoïèse inefficace est liée à une apoptose mas- sive des érythroblastes matures, une partie d’entre eux ayant un phénotype sidéroblastique. Les érythroblastes matures surexpriment le ligand de Fas alors que les progéniteurs immatures CD34+, les progéniteurs éry- throïdes et les érythroblastes immatures surexpriment le récepteur Fas et sont donc sensibles à l’apoptose induite par le contact avec le ligand au sein de l’îlot érythroblas- tique ou de la colonie en culture semi- solide. L’apoptose est principalement mitochondriale avec un relargage excessif du cytochrome c induit par le découplage de la chaîne respiratoire. Il en résulte une activation en aval de la caspase-3 effectrice de l’apoptose (6, 7). L’apoptose des précurseurs érythroïdes matures est un déterminant majeur de l’érythropoïèse inefficace des SMD-RS.

Fer et mitochondrie

L’accumulation de fer dans la mitochondrie est une caractéristique qui définit morphologiquement ce sous- type de SMD. Tous les érythroblastes basophiles II ou polychromatophiles ne sont pas des sidéroblastes et

Figure 1. Architecture clonale du compartiment des cellules souches et progénitrices CD34+CD38. Les cellules sont distribuées à raison de 1 cellule par puits et maintenues pendant 6 semaines en présence de cytokines. Les colonies sont séquencées par la méthode de Sanger. Représentation de 3 cas montrant la présence de 3 à 4 clones accumulant de 0 à 2 mutations récurrentes par clone à l’inclusion et après 5 à 6 mois de traitement par lénalidomide.

InclusionSuivi

sur stroma murin MS-5

Culture liquide avec SCF, IL3, TPO, FLT3-L pendant 6 semaines Séquençage des colonies

DNMT3A DNMT3A

SF3B1 100 [61-100]

33 [10-70]

67 [30-90]

Cas 1

Cas 2

DNMT3A SF3B1ex15

DNMT3A DNMT3A

SF3B1

Suivi

ZRSR2

42 [23-64] 42 [23-64]

15 [6-38]

SF3B1 SF3B1

TET2

DNMT3A SF3B1ex14

Inclusion

Cas 3

Inclusion

ZRSR2

8 [1-33]

8 [1-33]

85 [58-96]

SF3B1 SF3B1

TET2

8 [1-35]

58 [32-81]

8 [1-35]

25 [9-53]

DNMT3A

DNMT3A SF3B1ex15

DNMT3A SF3B1ex14

Suivi

8 [1-33]

38 [18-64]

38 [18-64]

15 [4-42]

DNMT3A

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la charge en fer est hétérogène entre les mitochon- dries. Il a été suggéré que la ségrégation au hasard des mitochondries, porteuses ou non de mutations de l’ADN mitochondrial (ADNmt), d’une cellule paren- tale entre ses cellules filles, ou hétéroplasmie, pourrait contribuer à cette hétérogénéité phénotypique. La coexistence dans une même cellule d’ADNmt muté et non muté est typique des maladies de l’ADNmt telles que celle de Pearson. Les mutations affectent les gènes sans introns codant les 13 constituants protéiques de la chaîne respiratoire mitochondriale. Il en résulterait une diminution variable de la production d’énergie et du transfert d’électrons nécessaire, par exemple à la réduction du fer ferrique Fe3+ en fer ferreux Fe2+. Le fer importé dans la mitochondrie reste sous forme ferrique inutilisable par la ferrochélatase pour le chargement en fer de l’hème, étape ultime de sa biosynthèse. Le fer s’ac- cumule sur la mitoferritine ou ferritine mitochondriale.

Cela récapitule le phénotype décrit dans les SMD-RS :

déficit marqué de la biosynthèse de l’hème ;

augmentation de la protoporphyrine IX, malgré une activité ferrochélatase normale ;

et accumulation de fer ferrique dans la mitochondrie.

Chez la levure Saccharomyces cerevisiae, la délétion de l’ADN mitochondrial induit une instabilité du génome nucléaire, qui est liée à une diminution du potentiel de membrane mitochondriale et à un défaut de la bioge- nèse des clusters Fe-S dans la mitochondrie (8). Il en résulte une diminution d’expression des protéines Fe-S cytosoliques ou nucléaires impliquées dans le maintien de la stabilité du génome. Indépendamment des muta- tions de l’ADNmt qui s’accumulent physiologiquement avec le vieillissement, une diminution systématique de l’expression d’ABCB7 est observée spécifiquement dans les SMD sidéroblastiques. ABCB7 est un transporteur à ATP-binding cassette ABC mitochondrial, extrêmement conservé dans le monde vivant, qui joue un rôle essentiel dans l’hématopoïèse (9). ABCB7 est requis pour la bioge- nèse des protéines à cluster Fe-S extra-mitochondriales.

Le gène est codé par le génome nucléaire et la protéine, qui comporte un domaine-N terminal transmembranaire et un domaine-C terminal de liaison aux nucléotides, est importée dans la membrane interne de la mitochondrie où elle s’homodimérise. La délétion de son homologue ATM1 chez la levure ou du gène ABCB7 chez la souris se traduit par un déficit de l’assemblage de protéines Fe-S cytosplasmiques et nucléaires. ABCB7 transporte un composé soufré (X-S) encore non identifié, de la mito- chondrie vers le cytoplasme, et requis pour la biogenèse des protéines Fe-S extra-mitochondriales cytosoliques.

Les protéines Fe-S cytosoliques sont impliquées dans le métabolisme des nucléotides, la maturation des ARN de

transfert, la régulation de la traduction et le métabolisme du fer. Les protéines Fe-S nucléaires jouent un rôle dans la réplication de l’ADN et sa réparation, la régulation de la longueur des télomères et la ségrégation des chromo- somes. Quant aux protéines Fe-S mitochondriales, elles sont impliquées dans le cycle de Krebs, la chaîne respira- toire mitochondriale (complexes I et II) et la biosynthèse de l’hème (ferrochélatase) [10]. Différents mécanismes observés à la suite d’un défaut d’expression d’ABCB7 permettent d’expliquer la dérégulation de l’homéostasie du fer et son accumulation intramitochondriale. D’une part, ABCB7 pourrait jouer un rôle dans le maintien du cluster Fe-S de la ferrochélatase grâce à une interaction directe entre les deux protéines (11). D’autre part, un déficit d’ABCB7 favoriserait la perte du cluster Fe-S de la protéine cytosolique ACO1/IRP1 (aconitase 1/iron regula- tory protein 1), qui joue un rôle majeur dans la régulation de l’homéostasie du fer intracellulaire (figure 2). La pro- téine IRP1, dépourvue de cluster Fe-S, régule au niveau post-transcriptionnel l’expression de transcrits cibles impliqués dans le trafic, le stockage et les voies d’uti-

Figure 2. Rôles potentiels d’ABCB7 dans le contrôle de la charge mitochondriale en fer. A. ABCB7 est un trans- porteur membranaire des précurseurs X-S qui utilisent les composants de la machinerie d’assemblage cytosolique des protéines Fe-S (CIA) pour la biogenèse des clusters [4Fe-4S] dans le cytosol et la maturation des protéines cytoplasmiques à cluster [4Fe-4S], telles que l’aconitase1/

IRP1. IRP1 est un senseur du fer intracellulaire et régule au niveau post-transcriptionnel l’expression des ARNm codant, notamment ,le récepteur de la transferrine de type 1 (TFR1). B. ABCB7 dans la mitochondrie interagit directement avec la ferrochélatase (FECH) stabilisant la charge d’un cluster [4Fe-4S] sur cette enzyme, qui catalyse alors le transfert de Fe2+ sur l’hème.

Tfr1

[4Fe-4S]

Machinerie CIA

ABCB7 PPIX

FECH hème

X-S

[4Fe-4S]IRP1 Apo-IRP1

A

B

>>>

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En pathologie humaine, les mutations hétérozygotes d’ABCB7 sont responsables d’une anémie sidéroblas- tique avec ataxie, caractérisée par un défaut de synthèse de l’hème et une accumulation de fer dans la mito- chondrie. Dans les anémies sidéroblastiques acquises, l’expression du transcrit codant ABCB7 est diminuée. In vitro, la modulation de l’expression de ABCB7 dans la lignée hématopoïétique K562 induit une augmentation de l’expression du transcrit FTMT codant la ferritine mitochondriale. Dans les érythroblastes de patients por- teurs d’un SMD-RS, la présence de la mutation SF3B1 est associée à une modification d’expression des transcrits ALAS2, FECH ou GLRX5 et une diminution d’expression du transcrits ABCB7 (12).

Quel est l’impact clinique de la dérégulation de l’homéo- stasie du fer dans les SMD-RS ? Globalement, les patients développent une surcharge en fer dont le déterminant est principalement les transfusions, mais qui débute en fait avant la mise en route du support transfusion- nel (13). Pour expliquer cette surcharge, il a été suggéré que la production d’hepcidine pourrait être altérée.

L’hepcidine est un petit peptide hormonal synthétisé par le foie, et constitue le régulateur central de l’équilibre du fer dans l’organisme. L’hepcidine se lie à la ferroportine, un exporteur de fer situé à la membrane plasmique des entérocytes et des macrophages et impliqué dans l’absorption intestinale du fer ou son recyclage. Après liaison de l’hepcidine, la ferroportine est dégradée, ce qui bloque l’entrée intestinale du fer et son relargage par les macrophages. La synthèse d’hepcidine est régulée par l’érythropoïèse qui, lorsqu’elle est efficace, produit un facteur érythropoïétique, l’érythroferrone, qui inhibe sa production, permettant ainsi l’import de fer pour la synthèse de l’hème et la production d’hémoglobine.

En revanche, l’inflammation via l’augmentation du fer intrahépatique et du fer circulant induit la synthèse de l’hepcidine. Dans les SMD-RS, l’érythropoïèse est inefficace et, malgré cela, le niveau d’hepcidine mesuré par la méthode de référence en spectrométrie de masse est bas par rapport aux autres sous-types de SMD et par rapport aux sujets contrôles (14). Cela suggère que la surcharge en fer initiale dépend d’un import de fer et/ou d’un recyclage macrophagique du fer illégitimes.

Un défaut d’hepcidine jouerait un rôle dans l’augmen- tation de la disponibilité du fer, et la diminution de l’expression d’ABCB7 contribuerait à l’accumulation intramitochondriale du fer.

Ribonucleoprotein) U2 qui comporte plusieurs protéines dont SF3B1, SRSF2 et U2AF1. SF3B1 stabilise U2 sur le point de branchement (BP) en amont du site accepteur d’épissage en 3’ de l’intron.

SF3B1 interagit avec la protéine U2AF2 qui se lie sur le site polypyrimidique en aval du BP. L’appariement d’U2 avec le pré-ARNm initie la première étape du processus complexe qui aboutira à l’excision de l’intron.

Plusieurs gènes codant des facteurs d’épissage du com- plexe U2 (SF3B1, SRSF2, U2AF1) sont mutés dans les syndromes myélodysplasiques (15). Les mutations du gène SF3B1 se répartissent en hotspots, affectant en particulier les domaines HEAT d’interaction protéine- protéine. Les protéines SF3B1 résultantes utilisent un site de branchement situé en amont du point de bran- chement canonique et sélectionne en 3’ de l’intron un site d’épissage aberrant localisé 15 à 20 nucléotides en amont du site canonique.

La moitié des messagers aberrants sont éliminés par la machinerie de contrôle qualité des ARNm (non-sense mediated mRNA decay ou NMD), ce qui induit une dimi- nution des isoformes canoniques (16). Les événements d’épissage aberrants observés se répartissent en 60 % d’utilisation de ce site alternatif d’épissage en 3’, 20 % d’inclusion d’exon, 15 % de sauts d’exon, et de manière plus marginale l’utilisation d’un site alternatif d’épissage en 5’ de l’intron ou une rétention d’intron. Les gènes altérés par ces épissages aberrants sont impliqués dans différentes voies métaboliques telles que l’adhésion (CXCL3, CCL4, MMP2, etc.), la biosynthèse de l’hème (FECH, ALAS2, ABCB7), la signalisation (JUN, CDH1, BTK, TLR-7, TRAF1, etc.) [17]. En revanche, les événements d’épissage observés chez la souris n’ont pratiquement rien en commun avec ceux qui sont observés chez l’homme du fait de la non-conservation des séquences introniques entre les espèces (5).

Les épissages aberrants ne représentent qu’une faible proportion des événements d’épissage d’une cellule. Le site d’épissage 3’ cryptique est observé dans une frac- tion d’environ 500 transcrits dans les cellules primaires humaines mutées SF3B1, et ces transcrits, alternatifs le plus souvent, sont peu utilisés car dégradés par le NMD.

De ce fait, ils représentent moins de 10 % des transcrits canoniques (17).

Il est important de distinguer les épissages aberrants des événements d’épissage alternatif physiologiques observés au cours de la différenciation érythroïde

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normale et qui modifient à dessein la fonction d’une enzyme. Cela a été décrit par exemple pour EPB41 codant la protéine Band 4.1, dont l’isoforme avec réten- tion de l’exon 16 est majoritairement présente dans les érythroblastes acidophiles alors que l’isoforme sans exon 16 est utilisée au stade du pro érythroblaste (18).

Les conséquences fonctionnelles des anomalies d’épis- sage sont encore mal connues, mais pourraient contri- buer au phénotype de cette maladie qui se présente comme une maladie monogénique masquant l’alté- ration potentielle de l’expression et/ou de la fonction de plusieurs centaines de transcrits par cellule. Par exemple, l’épissage aberrant touchant le site d’épissage en 3’ d’ABCB7 entre l’exon 8 et l’exon 9, induit l’addi- tion de 21 paires de base à la séquence codante, qui génère un codon stop prématuré au niveau du 7e acide aminé de la séquence intronique. Il en résulte un trans- crit tronqué qui est éliminé par NMD. Cela explique la diminution d’expression d’ABCB7 rapportée dans cette pathologie. L’utilisation de substances ciblant le complexe U2 comme la méayamycine génère des anomalies additionnelles d’épissage, qui expliquent la sensibilité particulière des cellules mutées SF3B1 à ces molécules.

Rôle des mutations d’épissage dans l’initiation et le maintien de la maladie

La question reste posée de savoir comment les muta- tions des gènes codant les facteurs d’épissage causent le développement d’un SMD. Les événements d’épis- sages aberrants peuvent affecter le fonctionnement ou la régulation d’expression de nombreuses protéines impliquées dans le métabolisme cellulaire, la mito- chondrie ou les voies de signalisation. Cependant, il a été proposé que les mutations d’épissage observées lors du début de la maladie ne soient pas nécessaires à la transformation. En effet, la mutation U2AF1S34F rend la lignée murine Ba/F3 indépendante de cytokines pour sa croissance. Par utilisation d’un site distal de clivage et de polyadénylation du pré-ARNm d’ATG7, la protéine correspondante est diminuée et l’auto- phagie est défectueuse. Il en résulte une dysfonction mitochondriale, une instabilité génomique et l’ap- parition de mutations secondaires qui conduisent à la transformation (19).

Le fait que la mutation SF3B1 soit précoce et survienne dans le compartiment des cellules souches dans lequel la maladie est initiée en fait un événement déclencheur.

En revanche, les événements permettant la progres- sion sont encore indéterminés. Le rôle oncogénique

de SF3B1 pourrait dépendre de sa capacité à interagir avec la chromatine (20, 21). D’une part, il a été montré que l’interaction entre SF3B1 et les protéines du com- plexe Polycomb est essentielle pour l’expression des gènes Hox au cours du développement chez la souris.

D’autre part, SF3B1 s’associe avec les nucléosomes placés en regard des exons et facilite la reconnaissance des exons lors de l’épissage. Cela suggère que l’effet oncogénique de SF3B1 puisse être indépendant de ses fonctions d’épissage. Enfin, les mutations d’épissage coexistent souvent avec des mutations touchant des régulateurs épigénétiques comme DNMT3A ou TET2 ou ASXL1 et l’invalidation de TET2 chez la souris+/SF3B1K700E

majore le défaut érythroïde et augmente la taille du compartiment LSK, suggérant une aggravation du phénotype (5). Des investigations complémentaires sont nécessaires pour décrypter les mécanismes onco- génétiques assurant le maintien et la progression de la maladie.

Traitement

L’anémie chronique nécessite une prise en charge par un support transfusionnel. Cependant, les trans- fusions affectent la survie du fait d’une altération de la qualité de vie, du risque cardiovasculaire accru et de la surcharge en fer. Les agents stimulant l’éry- thropoïèse sont efficaces selon les critères IWG 2006 chez 50 % des patients dans la cohorte française et l’efficacité n’est pas significativement inférieure dans les anémies sidéro blastiques (22). En cas d’échec primaire ou secondaire, les options thérapeutiques sont limitées. Le lénalidomide est efficace chez 25 % des patients quel que soit le sous-type de SMD, de risque faible ou intermédiaire 1, et cette efficacité est améliorée par l’administration conjointe d’époétine β (figure 1, p 279) [23]. Le mécanisme d’action peut passer par un ciblage direct de la cellule clonale ou par un effet immunomodulateur du microenvironne- ment (24, 25). Ces traitements ne sont pas spécifiques des SMD-RS. En revanche, le luspatercept (ACE-536) est une protéine de fusion recombinante contenant un récepteur modifié de l’activine IIB, un membre de la famille TGF-β, et le fragment Fc d’une IgG1 humaine.

Cet agent lie l’activine IIB mais aussi GDF-11 et res- taure l’érythropoïèse terminale et la maturation des érythroblastes dans la bêta-thalassémie majeure, augmentant le taux d’Hb circulante chez la souris.

Dans une étude de phase I menée chez le volon- taire sain, le luspatercept augmente le taux d’Hb de manière dose-dépendante. Une première étude de

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26. Platzbecker U, Germing U, Götze KS et al. Luspatercept for the treatment of anaemia in patients with lower-risk myelo- dysplastic syndromes (PACE-MDS): a multicentre, open-label phase 2 dose-finding study with long-term extension study.

Lancet Oncol 2017;18(10):1338-47.

R é f é r e n c e s

M. Fontenay déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

C. Lefèvre et D. Bernard n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

d’une anémie sidéroblastique et/ou d’une mutation SF3B1 obtenaient une réponse hématologique ou une indépendance transfusionnelle plus fréquemment que les autres patients. Ces résultats suggèrent, sans que le mécanisme d’action soit connu, que le luspatercept pourrait représenter une alternative thérapeutique effi cace pour l’anémie sidéroblasique acquise. Une étude randomisée est en cours pour confirmer ces données préliminaires (26).

gène SF3B1. Cependant, l’ordre d’apparition et le type de mutations compagnons peuvent contribuer à l’hétéro- généité de ce sous-type de SMD. Le mécanisme oncogé- nétique de cette mutation est encore incomplètement compris et pourrait impliquer des fonctions autres que l’épissage des ARN messagers. Le luspatercept, en tant qu’agent restaurant la diff érenciation érythroïde termi- nale dans les thalassémies majeures, pourrait améliorer l’érythropoïèse inefficace des SMD-RS.

Références

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