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Pour avoir bon oeil

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XXI - n° 1-2 - janvier-février 2017 36

C a s c l i n i q u e

*Service d’endocrinologie, diabète et maladies méta-

boliques, CHU de Rouen.

Pour avoir bon œil

To have the good eye

A.G. Lopez*, J.M. Kuhn*

M adame L., âgée de 44 ans, consulte en ophtal- mologie car elle se plaint, depuis quelques semaines, d’une diplopie qui prédomine dans le regard vers le bas. Les yeux sont douloureux, rouges et larmoyants, symptômes accentués par l’expo sition à la lumière. Il existe des signes inflammatoires locaux dominés par un important œdème palpébral. L’examen ophtalmologique met en évidence une atteinte du muscle droit inférieur, qui est responsable de la diplopie.

Il n’est pas retrouvé d’atteinte cornéenne ni de signe de neuropathie par compression du nerf optique. La vision des couleurs est préservée. Il existe une exophtalmie bilatérale marquée, cotée à 23 (œil gauche) et 24 mm (œil droit) à l’exophtalmomètre de Hertel (figure A) L’examen tomodensitométrique ne retrouve cepen- dant qu’une exophtalmie plus modérée. L’ensemble des signes observés est établi selon la classification NOSPECS (tableau) avec, chez la patiente, des scores IIc, IIIb, IVb, V0 et VI0.

L’interrogatoire retrouve un antécédent pathologique majeur : madame L. suit un traitement par LT4 (150 µg/j)

pour une hypothyroïdie auto-immune diagnostiquée 10 ans auparavant. Il n’y a pas d’intoxication taba- gique. Suivant une contraception œstroprogestative, ses cycles menstruels sont parfaitement réguliers. Elle pèse 96 kg (poids stable) pour une taille de 1,66 m (indice de masse corporelle = 34,83 kg/m2). La pression artérielle est mesurée à 140/80 mmHg et le rythme cardiaque est régulier, à 72 pulsations par minute. La thyroïde apparaît de petite taille lors de la palpation cervicale. La patiente est cliniquement euthyroïdienne.

Le reste de l’examen clinique ne retrouve pas d’ano- malie particulière.

Le taux de thyréostimuline (TSH) plasmatique est de 2,14 mU/l (N : 0,1-4,5). La recherche de la présence d’anti corps antirécepteurs de la TSH est positive avec un titre > 40 UI. Un traitement anti-inflammatoire est mis en route. Il comporte en ambulatoire en milieu hospitalier, 12 séances de corticothérapie intraveineuse (prednisone 1 mg/kg/j) suivies d’une corticothérapie par voie orale à dose quotidienne progressivement dégressive pendant 1 mois. Ce traitement va permettre d’obtenir une très nette amélioration de la sympto- matologie (figure B). Madame L. porte des prismes correcteurs sur ses lunettes, ce qui améliore très sensiblement la qualité de la vision. Il ne persiste, en effet, qu’une diplopie lors des mouvements rapides du regard. L’euthyroïdie clinique, qui est maintenue grâce au traitement substitutif par LT4, est confirmée par la normalité du taux de TSH plasmatique (2,4 mU/l). Le titre des anticorps anti récepteurs de la TSH reste, quant à lui, élevé (> 40 UI).

La physiopathogénie de l’orbitopathie thyroïdienne reste discutée (1). Neuf fois sur 10, elle s’associe à une hyperthyroïdie de type basedowien. Cependant, elle peut coexister avec une hypothyroïdie primaire ou apparaître en dehors de tout contexte de déséquilibre hormonal thyroïdien, comme cela est observé chez cette patiente. L’orbitopathie thyroïdienne est comme la maladie de Basedow et la thyroïdite d’Hashimoto, une affection auto-immune dont elle représente néanmoins une entité distincte. Ses symptômes sont causés par une réaction inflammatoire au niveau des fibroblastes orbitaires. En période de stress, la libération brutale d’antigènes thyroïdiens dans le courant san- guin induit une stimulation réactionnelle des défenses Figure. Aspect de l’orbitopathie avant (A) et après (B) réalisation du traitement par anti-

inflammatoire.

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Pour avoir bon œil

immunologiques à médiations humorale et cellulaire.

Stimulés par des mécanismes d’immunité humorale (anticorps dirigés contre les récepteurs de la TSH) et cellulaire intra-orbitaire (cytokines), les fibroblastes répondent de plusieurs manières. D’une part, ils libèrent des glycosamino glycanes qui amorcent une cascade de réponses immunologiques au sein des muscles et de la graisse orbitaire. D’autre part, des proliférations fibroblastiques et adipocytaires sont induites. Les pre- mières aboutiront à la fibrose musculaire, les secondes à l’hypertrophie graisseuse orbitaire et palpébrale.

L’ensemble de ces réactions en cascade explique les stigmates cliniques de la maladie.

Point clé du traitement médical (2), qui ne s’avérera cependant pas nécessaire chez madame L., non fumeuse, l’arrêt du tabac est impératif (3). Le maintien d’une parfaite euthyroïdie, obtenu chez la patiente, représente un deuxième point d’importance parti- culière. Enfin, un traitement topique oculaire et une protection par des lunettes (si besoin solaires) suffi- samment couvrantes complèteront le dispositif. En cas de premier épisode d’ophtalmopathie ou pour les patients à risque de progression, une corticothérapie par voie orale peut s’avérer nécessaire. Elle utilise la prednisone à la posologie de 0,3 à 0,5 mg/kg/j. La cor- ticothérapie par voie intraveineuse est recommandée pour les formes modérées à sévères. Elle repose sur l’apport de 500 mg de prednisone par semaine pen- dant 6 semaines puis 250 mg pendant les 6 semaines suivantes. La dose cumulée de prednisone apportée par voie veineuse est de 4,5 g. Elle peut être portée à 7,5 mg (soit 750 mg/sem. pendant 6 semaines puis 500 mg/sem. pendant les 6 semaines suivantes) dans les formes plus sévères (4). Une supplémen tation en sélénium (100 μg, × 2/j) pendant 6 mois semble appor- ter un bénéfice sur les symptômes oculaires des oph- talmopathies modérées et prévenir la progression des formes modérées à sévères (5). Dans les formes résis- tantes ou compliquées, la radiothérapie orbitaire (6),

la décompression orbitaire chirurgicale (7) ou les per- fusions de rituximab (8) constituent des alternatives thérapeutiques auxquelles il n’a heureusement pas été nécessaire de recourir dans ce cas précis.

A.G. Lopez et J.M. Kuhn déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

1. Smith TJ, Hegedüs L, Douglas RS. Role of insulin-like growth factor-1 (IGF-1) pathway in the pathogenesis of Graves’ orbito- pathy. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2012;26(3):291-302.

2. Bartalena L, Baldeschi L, Boboridis K et al. The 2016 European Thyroid Association/European Group on Graves’ Orbitopathy Guidelines for the Management of Graves’ Orbitopathy. Eur Thyroid J 2016;5(1):9-26.

3. Wiersinga WM. Smoking and thyroid. Clin Endocrinol (Oxf) 2013;79(2):145-51.

4. Lai A, Sassi L, Compri E et al. Lower dose prednisone pre- vents radioiodine-associated exacerbation of initially mild or absent graves’ orbitopathy: a retrospective cohort study. J Clin Endocrinol Metab 2010;95(3):1333-7.

5. Marcocci C, Kahaly GJ, Krassas GE et al. Selenium and the course of mild Graves’ orbitopathy. N Engl J Med 2011;364(20):1920-31.

6. Mourits MP, van Kempen-Harteveld ML, García MB, Koppeschaar HP, Tick L, Terwee CB. Radiotherapy for Graves’

orbitopathy: randomised placebo-controlled study. Lancet 2000;355(9214):1505-9.

7. Baldeschi L, MacAndie K, Koetsier E et al. The influence of previous orbital irradiation on the outcome of rehabili- tative decompression surgery in graves orbitopathy. Am J Ophthalmol 2008;145:534-40.

8. Salvi M, Vannucchi G, Beck-Peccoz P. Potential utility of rituximab for Graves’ orbitopathy. J Clin Endocrinol Metab 2013;98(11):4291-9.

R é f é r e n c e s

Tableau. Résultats (IIc, IIIb, IVb, V0, VI0) de l’évaluation initiale de l’orbitopathie selon la classification NOSPECS.

Classe Grade Signes cliniques

0 Pas de signe clinique

I Rétraction palpébrale ou asynergie oculopalpébrale II Infiltration des tissus mous (résistance au rétrodéplacement

de l’œil, chémosis, œdème palpébral, vasodilatation conjoncti- vale, augmentation de taille de la glande lacrymale)

0 Absent

a Minime

b Modéré

c Marqué

III Exophtalmie (à partir de 3 mm au-dessus de la protrusion nor- male, soit 18 mm au Hertel)

0 Absent

a 3 à 4 mm (soit 21 à 23 mm au Hertel) b 5 à 7 mm (soit 23 à 25 mm au Hertel) c 8 mm ou plus (26 mm au Hertel)

IV Déficit oculomoteur, diplopie

0 Absent

a Limitation en position extrême b Limitation évidente

c Globe oculaire fixé

V Atteinte cornéenne

0 Absent

a Piqueté cornéen

b Ulcération

c Opacité, nécrose, perforation

VI Baisse de l’acuité visuelle par neuropathie

0 Absent

a Pâleur papillaire ou amputation du champ visuel avec acuité visuelle supérieure à 3/10

b Idem avec acuité visuelle entre 1/10 et 3/10 c Acuité visuelle inférieure à 1/10, amaurose

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