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L'église et l'imprimerie dans les anciens diocèses de Lausanne et de Genève jusqu'en 1525

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M. BESSON

ÉVÊQUE DE LAUSANNE, GENÈVE ET FRIBOURG

DANS LES ANCIENS DIOCÈSES

DE LAUSANNE ET DE GENÈVE

JUSQU'EN 1525

GENÈVE

LffiBAIRIE JACQUEMOUD, B. TRONO, SUCCESSEUR

1937

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)

L'EGLISE ET L'IMPRIMERIE

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f~,

Les exemplaires souscrits avant le 1er juin 1937 ont été revêtus de la signature de l'auteur.

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M.BESSON

ÉVÊQUE DE LAUSANNE, GENtVE ET FBlBOURG

L~ÉGLISE ET L~IMPRIMERIE

DANS LES ANCIENS DIOCÈSES DE LAUSANNE ET DE GENÈVE

JUSQU'EN 1525

1

GENEVE

LIBRAIRIE JACQUEMOUD H. TRONO SUCCESSEUR

1937

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PHI:FALI:

N nous a prié, lors de la séance annuelle de la Société générale suisse d'histoire, en 1935, de présenter un mémoire sur les premiers imprimés liturgiques du diocèse de Lausanne. En préparant ce travail, nous ne tardâmes pas à constater que les anciens livres liturgiques de Genève n'étaient certes pas moins intéressants, et qu'il y avait lieu de les étudier en même temps que ceux du diocèse voisin.

Nous rencontrâmes sur notre route d'autres imprimés qui, sans relever de la liturgie, s'adressaient spécia- lement aux clercs. Ainsi, de fil en aiguille, nous en vînmes à concevoir ce travail, où nous avons essayé de grouper tous les imprimés publiés avant 1525 par des gens d'Eglise ou pour des gens d'Eglise apparte- nant aux diocèses de Lausanne et de Genève. Nous avons même élargi notre cadre, acceptant dans ces pages des livres ou des opuscules dépourvus de caractère ecclésiastique, mais intéressant l'Eglise, parce qu'ils touchent à la théologie, à la morale, à la piété populaire, à l'éducation. Nous avons pris pour terme l'année 1525, afin de rester dans la période

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plus intéressante des origines, et nous avons laissé de côté les ouvrages purement profanes, de peur d'être obligé de faire un travail démesurément long 1.

Nous nous sommes attaché plus spécialement aux livres d'église proprement dits, ne consacrant aux autres que des notices beaucoup plus brèves. Nous avons cherché par-dessus tout à donner de chaque livre, brochure, ou feuille volante, une description très exacte. Nous avons suivi, pour cette description, l'exemple donné par Auguste Bernard qui, même après quatre-vingts ans, demeure un maître de la hibliographie, et dont nous faisons nôtres les sages paroles: « N'ayant pu reproduire avec les caractères typographiques en usage aujourd'hui les nombreuses abréviations usitées au XVe siècle (abréviations dont l'interprétation aurait, du reste, offert des difficultés à la majorité des lecteurs), j'ai restitué tous les passages des livres de cette époque transcrits dans le mien, sauf dans quelques cas rares qui présentaient du

1 Nous ne croyons pas devoir, par exemple, étudier dans un travail intitulé L'Eglise et l'Imprimerie, les six éditions de MACER FLORIDUS, De virtutibus herbarum, parues vers 1505 (Genève, Belot), ni les Arcana medicinae (Genève, Belot, v. 1505), ni les huit éditions du De arte amandi d'Ovide et leur prototype imprimé à Genève, ni le Livre de passetemps de la fortune et des dés de LORENZO SPIRlTO (Genève, Belot, 1505/1510), ni le placard sur les propriétés médicinales du pétrole (Genève, Vivian ou W. Kôln, v. 1515), ni même Plusieurs belles chansons (Genève, Vivian, vers 1520). Nous compléterons cette liste d'ouvrages purement profanes au cours de notre livre, à mesure que l'occasion s'en présentera.

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PRÉFACE 7 doute. 1 » Quant aux reproductions, qui sont nom- hreuses, nous aurions désiré les publier toutes avec les dimensions de l'original. Ce n'était pas possible. Le mot réduit, mis entre parenthèses, indique une différence notable entre l'original et la reproduction. Lorsque la différence n'est que de quelques millimètres - les photographes et les clicheurs n'ont pas toujours une exactitude ahsolue - nous ne la mentionnons pas;

Il est inutile qu'on nous dise que cette étude est imparfaite, qu'elle offre des lacunes, qu'elle eût pu se concevoir autrement : nous le savons mieux que personne. Mais si nous avions attendu, pour la livrer au public, d'être absolument au point sur tous les détails, nous aurions risqué de ne jamais la voir paraitre. Nous avons préféré la puhlier telle qu'elle est, pensant qu'elle pourra, malgré ses lacunes et ses imperfections, servir de hase aux recherches d'un plus savant que nous. Les travaux de Favre • et de Gaul- lieur 8 sont considérés aujourd'hui comme insuffisants;

1 A. BERNARD, De l'origine el des débuts de l'imprimerie en Europe, Paris, 1853, t. l, p. XII.

o G. FAVRE, Notice sur les livres imprimés à Genève dans le quinzième siècle (Mémoires el documents publiés par la Sacilté d'histoire el d'archéologie de Genève, t. 1, 1841, pp. 15-52). Deuxième édition, revue par F. ARDENT, Genève, 1855.

3 E. M. GAULLlEUB, Etudes sur la Iypographie genevoise du XV. au XIX· siècle el sur l'introduction de l'imprimerie en Suis.e (Bullelin de l'Institut notional genevois, t. II, 1855), pp. 33-292.

Il existe de cet ouvrage un tiré à part; mais DOUS citons d'après la pagination du Bullelin, plus facile à trouver dans les bibliothèques.

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néanmoins ils ont rendu et rendent encore des services très réels. Nous venons à la suite de ces pionniers, appe- lant de nos vœux les spécialistes qui nous dépasseront.

Car il est bien évident que ce travail ne peut être considéré comme· définitif. Au cours de nos trop peu nombreux voyages d'exploration, les seuls que nous ait permis l'accomplissement de notre tâche professionnelle, nous avons trouvé peu d'inédit, mais nous avons acquis la certitude qu'il est possible d'en trouver encore beaucoup. Par exemple, on ne connaissait jusqu'ici que deux exemplaires, tous deux incomplets, du rituel de Genève, imprimé par Jean Belot vers 1508; nous avons découvert, presque par hasard, dans la bibliothèque du séminaire d'Aoste un magnifique spécimen d'une édition antérieure, totalement inconnue, sortie de presse vers 1500, et, dans la bibliothèque du Grand Saint-Bernard, outre les feuillets manquants de l'édition de 1508, une troisième édition, datée de 1523 et portant le nom de Jacques Vivian. Le plaisir que nous ont procuré ces modestes trouvailles, nous le souhaitons à d'autres, et de très grand cœur.

Pour la mise en œuvre de cette étude, nous avons dû recourir à la collaboEation d'un nombre considé- rable de directeurs et d'employés de. bibliothèques et d'archives. Tous ceux que nous citons au cours de ces pages méritent notre gratitude : nous avons toujours trouvé auprès d'eux, malgré la fréquence parfois indiscrète de nos visites ou de nos lettres, un accueil si cordial, que chaque démarche nouvelle

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PRÉFACE 9 était pour nous un véritable plaisir. Nous tenons à nommer particulièrement les hibliothécaires de Fribourg, de Genève, de Lausanne, de Lyon, à l'ohligeance desquels nous avons si souvent recouru.

Mais nous devons un merci plus spécial encore à M. le Directeur de la Bibliothèque publique et uni- versitaire de Genève, ainsi qu'à ses plus proches collahorateurs ; d'accord avec la famille de Théophile Dufour, ils ont mis aimahlement à notre entière disposition les notes recueillies durant tant d'années par l'illustre hibliophile, en vue d'une étude très complète sur les imprimés genevois antérieurs à 1550.

Il Y a -hien peu de pages, dans notre livre, qui ne soient tributaires, directement ou indirectement, des notes de Théophile Dufour. Les précieux renseigne- ments que nous avons puisés dans ces de~ères nous font déplorer d'autant plus que leur auteur n'ait pas eu le loisir d'achever l'œuvre dont elles n'étaient que la lointaine et consciencieuse préparation.

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1 l'invention de l'imprimerie produisit, dans la vie intellectuelle, une véritable révolution, la rupture avec le passé ne fut pourtant ni brusque ni complète.

Les textes qu'on mit d'abord sous presse étaient, pour la plupart, de ceux que le public connaissait déjà. La matière sur laquelle on les imprima, papier ou parchemin, ne différait pas de celle qui servait aux anciens copistes. On relia les imprimés comme on avait auparavant relié les manuscrits; on les plaça dans les mêmes armoires, dans les mêmes coffres, sur les mêmes étagères. Nous croyons donc utile de donner ici quelques détails sur ce qu'étaient les livres, surtout les livres d'église, au moment où l'imprimerie fit ses débuts. Les recès des visites pastorales de 1416 et de 1453 nous en fournissent un bon nombre pour le diocèse de Lausanne', et rien ne fait croire

1 Les visites pastorales de 1416·1417 ont été publiées par M. l'abbé F. DUCREST dans les Mémoires et Documents de la Société d'histoire de la Suisse romande, nouvelle série, t. XI, 1921. Celles de 1453 sont en partie inédites; nous citons la copie faite par le même abbé DUCREST sur l'original de la Stadtbibliothek de Berne,

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INTRODUCTION 11 que les choses se soient passées d'une manière nota- blement différente dans celui de Genève '.

Les clercs avaient sans doute la liberté de se constituer une bibliothèque suivant leurs goûts;

nous donnons plus loin quelques précisions sur les livres acquis par l'un ou l'autre ecclésiastique de notre pays : la Bible y côtoie les auteurs profanes et reli- gieux. L'évêque recommandait cependant à ses prêtres certains ouvrages immédiatement pratiques. Les visi- teurs de 1416 ne devaient pas seulement s'assurer de la présence des livres liturgiques dans les églises, mais de celle des constitutions synodales dans les cures: le vicaire de Denens se fait rappeler à l'ordre parce qu'il ne les a pas 2. Les statuts diocésains de

et déposée aux archives cantonales vaudoises, à Lausanne. Il nous a paru plus simple de citer cette copie, en faisant abstraction du texte imprimé par MEYER dans le tome 1er des Archives de la Société d'Hisloire du canlon de Fribourg, pp. 155-212, 253-327, 401~426, parce que cet auteur a précisément omis les visites des paroisses de l'actuel canton de Vaud qui nous intéressent plus que toutes les autres.

1 Nous avons étudié de moins près les visites pastorales de Genève, dont les comptes rendus originaux se trouvent à Genève, aux Archives de l'Etat: celles de 1481-1482 forment le tome III et celles de 1516-1518, le tome IV. On y parle moins souvent de livres d'église; mais ce qu'on en dit montre que les usages qui les concernaient ne différaient guère dans le diocèse de Genève et dans celui de Lausanne.

2 Visites de 1416 : « vicarius non habet antiquas constitutiones synodales )) (Denens, p. 9).

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Genève, publiés en 1513, signalent comme particu- lièrement utiles aux membres du clergé les Commen- taires sur les évangiles et les épîtres attribués à Guillaume de Paris ou d'Auvergne et le 1Vlanipulus curatorum de Gui de Mon trocher 1. Nous verrons bientôt que ces deux ouvrages furent précisément imprimés à Genève vers la fin du XVe siècle.

Les gravures que nous reproduisons au cours de ce travail' montrent comment les livres étaient dis- posés, tantôt placés à plat sur des pupitres ou des rayons, tantôt enfermés dans des meubles spéciaux.

Les visites de 1416 et de 1453 nous donnent, au moins pour les livres liturgiques, d'autres indications plus pré- cises. Les volumes devaient être protégés par une solide reliure et munis d'un ou deux fermoirs, clausurae, firmalia : on insiste pour que ceux-ci, quand ils manquent, soient remplacés 3. De plus, il arrive que

1 Constitutiones synodales, 1513, f. 26 rO : deux IiVTCS « quorum unus ad (= ab) bone memorie domino Guillermo Parisiensi esse dicitUT, alter vero qui et 1\fanipulus CUTatorum inscribitur. valde utilis et propicius.

Qui ambo apud mullus in civitate et dyocesi predictis iam habentuT n.

2 Surtout celles de notre second volume.

3 Visites de 1453 : « apponantuT claus ure in missali » (Onnens p. 158); {( fiat clausura in missali » (Bonvillars, p. ] 60); « fiant clausure bone in brcriario » (Mathod, p. 162); {( margines missalis reaptentur et in eodcm apponantur clausure » (Orbe. p. l 70) ~ ({ apponantur firmalia in libris qui indigent » (Oulens~ p. 277).

Dans les visites pastorales ,de Genève. on emploie plutôt le verbe firmari, qui semble bien vouloir dire «( mettre des fermoirs », par

exemple : t. III, f. 33 VO et f. 45 vO•

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les livres sont fixés au lutrin par une chaîne : lors de la visite pastorale de 1453, ordre est donné à la paroisse de Payerne 1 d' « enchaîner)) l'antiphonaire neuf. Cette coutume d'attacher les livres à l'usage du public est courante au moyen âge. Ainsi, Guil- laume de Challant, évêque de Lausanne

(t

1431), avait donné à la cathédrale, pour qu'ils fussent

« enchaînés )) dans le chœur et mis de la sorte à la disposition de qui désirait les consulter, plusieurs ouvrages, entre autres les Commentaires de Nicolas de Lyre sur la Bible, trois volumes reliés en cuir rouge 2. Nous donnons ici, pl. I, la photographie d'un bréviaire de Lausanne, provenant de l'église de Serrières et conservé à la Bibliothèque de N eu- châtel: c'est un manuscrit du milieu du XVe siècle, qui permet de se faire une idée juste de ce que pou- vaient être, au moment même de l'invention de l'imprimerie, la chaîne et le fermoir. En comparant ce bréviaire avec le Petrus Comestor incunable que nous reproduisons plus loin, pl. V, chacun peut voir comment les premiers livres imprimés ressemblent, par leur extérieur, aux derniers livres manuscrits.

La plupart des bréviaires et des missels que nous étudions dans ces pages sont munis de leurs fermoirs ou en portent des traces; quant aux livres enchaînés

l Visites de 1453 : (( fiat liber ordinarii in pergameno et inca- thenetuT pulpitro a parte qua se tenet curatus » (Payerne, p. 53).

2 E. DUPRAZ, La cathédrale de Lausanne, Lausanne, 1906, p. 208, note 1, d'après un document des archives cantonales vau- doises, Bailliage de Lausanne, n. 2562.

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INTRODUCTION 15 de la fin du Xye siècle ou du commencement du XYIe, on en conserve, entre autres, une riche collection aux archives du chapitre de Sion, à Yalère '.

Dans le chœur de l'église, in cancello 2, les livres

1 Sur les livres « encharnés »), voir aussi notre ouvrage L'Eglise et la Bible, Genève, 1927, pp. 37·39; 20 éd., Paris, 1931, pp. 69·72.

2 Cancellus, plus souvent au pluriel, cancelli, désigne dans le latin classique une balustrade, un treillis : prospiciens per can·

cellos (Cant. II, 9). Son correspondant français, chancel, signifie d'après LITrRÉ, « l'endroit du chœur voisin du maitre·autel, ordi- nairement fermé d'une balustrade, où se mettent les ministres servant à l'autel l). Au moyen âge, cancellus, chancel, désigne le chœur de l'église. GoDEFROY, t. II, 1883, p. 50, cite le Songe du viel pelerin:

« Dedans le chanseau, c'est dedans le cuer de l'église )), et un ma·

nuscrit de la Légende dorée : « Paul entra soudainement ou chancel et se mist en oroison par grant devocion et a grant reverence devant l'autel ». Du CANGE, t. II, Paris, 1842, pp. 85-86, reproduit un ancien texte de la règle des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, III, 7 : « ne Jratres nostri, cum divina celebrantur, cancellum seu chorum intrent nec altari adhaereant »; et un passage des Actus episcoporum cenomanniensium, 33 : « parti superiori ecclesiae, quae vulgo cancellum nominatur, etiam tectum imposuit n. Dans les comptes rendus des visites que nous utilisons ici, cancellus signifie certainement le chœur lui-même et non pas seulement la halustrade ou la grille du chœur: Cuarnens, 1416, p. 26 : « due ogive que appodient (= appuient) murum cancelli a parte lacus Lausanne »; Réverolles, 1453, p. 203 : « cancelIus complanetur et pavetur »; Cossonay, hôpital, 1453, p. 234 : « ipse cancel/us pavetur ex lapidibus »; Corcelles, 1453, p. 273 : « muri cancelli »;

Penthéréaz, 1453, p. 274 : cc muri cancelli maculati dealbentur »;

Goumoëns-la-Ville, 1453, p.275 : « scamnumreponatur in dicto cancello ».

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liturgiques étaient généralement renfermés à l'inté·

rieur du coffre qui formait la hase du lutrin. Les textes prouvent, en effet, que le lutrin avait une double utilité : soutenir les livres ouverts pendant qu'on chantait, et garder les livres fermés après la cérémonie '.

Le coffre devait être muni de sa serrure et fermé à clé. Entre le lutrin, letrile', et la muraille, il devait y avoir une stalle ou du moins un siège pour le chantre,

1 Visites de 1453 : « apponatuT poslis seu labulaT. super letTUe ad Teponendum sive lenendum libTos » (Corsier.sur.Vevey, p. 80);

«fialletrile ad luendum libTos » (Mathod, p. 163) ; «fiai unum letrile ila quod in eo libTi seCUTe TeponanluT clausi» (St·Germain, p. 132) ;

« fiai unum bonum et competens IwUe quod claudatuT seu claudi possit, adeo quod in .. TeponantuT libri » (Yens, p. 222) ; «fiai unum parvum letrile ad Teponendum libTos » (Epenex, p. 148).

2 Le mot latin leenle ne parait guère connu en dehors de notre pays : il ne se trouve pas dans Du CANGE, qui connait lectricium, lectricum, lectrinum, lectritum, lectrum. Mais le vieux français, en même temps que lettrin, lestrin, lieutrin, leutrin, lutrin, avait letril. Ainsi, nous lisons dans GoDEFROY, t. IV, 1885, p. 765 :

« aportera li sacriste le letril et le livre» (Ancienne Tègle de Cîleaux),

« pour amener le bois a l'eglise pour fere la table et le letteril » (Comples de la ChaTlTeuse du PaTc, 1402/1407), « devant ce que la granz messe commencast, li dux de Venise monta el leteril et parla al pueple » (VILLEHARDOUIN, 65). Citons encore le Petil testament de VILWN : « Deux pauvres clercs parIans latin, paisibles enfans sans escry, humbles, bien chantans au lectry ». Le letrile, c'est évidemment le pupitre des chantres, le lutrin: notons cepen ..

dant que, dans le recès de la visite de Villars~sous~ Yens, faite en 1453, letTUe parait désigner non pas le lutrin, mais le pupitre du missel qu'on met sur l'autel (p. 295).

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INTRODUCTION 17 scamnum', et, tout près, une fenêtre donnant la lumière suffisante 2. Souvent, oQ,tre le lutrin, il y avait, dans un angle du chœur, in quadro 3, une sorte de petite armoire doublée de bois et séparée en compartiments, munie comme il convient de sa porte et de sa serrure : c'est là qu'on enfermait aussi les livres et d'autres objets destinés au culte '.

1 Visites de 1453 : « fiat scamnum iuxta letrile » (Montreux, p. 84); « sedes sive scamnum inter letrile et murum )) (Yens, p. 222).

2 Visites de 1453 : « parva fenestra iuxta aliam reparetur debite ad dandum lumen super ipso letrili » (Epenex, p. 148); {( ponatur vitrina in parva fenestra iuxta letrile » (Pont-la-Ville, p. 349);

{( fiat letrile bonum et sufficiens iuxta parvam fenestram cancelli, quod componatur ad modum unius arche et claudatur cum sera et clave ut in illo reponantur libri )) (Adens. p. 227).

3 Quadrum veut dire ici un angle : les commissaires de 1453 demandent, dans une chapelle de V ufllens-Ia-Ville, « almaliolum de gipso in quadro muri a parte evvangelii prope altare existenti »

(p. 287). La chose est encore plus claire, lorsqu'il s'agit des croix qu'on doit mettre aux quatre angles du cimetière : « apponantur quatuor cruces in quatuor angulis ipsius cimiterii )), lisons-nous dans les visites pastorales de Vidy (p. 289). d'Ecublens (p. 291), de Tolochenaz (p. 292), etc.; mais, dans d'autres, par exemple celle de Vufllens-Ia-Ville, nous trouvons: « in ipsius quatuor quadris cimiterii apponantur cruces quatuor » (p. 286).

4 Visites de 1453 : « almaliolum iuxta letrile existens foderetur ab intra de postibus et ponatur postis intermedio et claudatur cum sera et clave ac in illo teneantur libri » (Colombier-sur-Morges, p. 213); « arcus qui est in muro iuxta altare a parte qua dicitur evangelium foderetur de postibus ad modum unius almalioli quod claudatur cum sera et clave et ut ibidem teneantur libri » (Vuillerens,

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Quelquefois, on mettait le tout dans un bahut, arca 1.

Les divers livres liturgiques ne se trouvaient pas tous dans toutes les paroisses. Ainsi, le Pontifical et le Cérémonial des évêques, dont les simples prêtres n'avaient pas à faire usage pour leur compte, ne figu- raient pas dans la bibliothèque des églises paroissiales p. 215) ; « arcus qui est in quadTo cancelli foderetur circumcirca de postibus et fiant in eo separationes et claudantur ad modum almalioli et ibidem secure reponantuT libri )) (Lonay, p. 196). Les armoires dont il est question dans les visites du diocèse de Genève et qui semblent intéresser davantage les visiteurs, sont celles où l'on enfermait les titres : on les appelait aTmatorium (t. III, f. 48 ra), 4TmaTiolum (t. IV, f. 76 yO), aTmaTium (t. III, f. 38 yO, 44 yO;

t. IV, f. 70 yO, 91 rO).

l Visites de 1453 : « fiat aTcha competens ad Teponendum libTos, vestimenta sacerdotalia plicata et a/ia necessaria dicte ecclesie )) (Lavigny, p. 219); « aTcha houa et competens ad tenendos libros )) (Cully, p. Ill); « fiat una bona et competens aTcha satis alta pedibus et claudatuT cum sera et clave ut in ea reponantur libn, vestimenta saceTdotalia plicata », etc. (Saint-Saphorin-sur-Morges, p. 217). ATcha devait être parfois plus ou moins synonyme d'armarium ; c'est assurément le cas dans les visites du diocèse de Genève, par exemple t. III, f. 45 rO; t. IV, f. 72 r O, 73 rO, 75 r O. Dans ces dernières, on trouve aussi le terme coffrum, qui rappelle le français coffre (t. IV, f. 56 rO, 57 rO, 70 yO), et même coffanum, qui rappelle l'italien coffano (t. IV, f. 59 rO). Toujours dans le diocèse de Genève, il est souvent prévu que ces coffres ou ces armoires, qui renferment les titres de la paroisse, doivent avoir deux clefs, l'une aux mains du curé et l'autre aux mains des paroissiens ou d'un tiers (t. IV, f. 56 rO, 57 rO, 59 rO, 70 yO, 72 r O, 75 rO, etc.).

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INTRODUCTION 19.

OU des chapelles. Comme l'évêque était seul à s'en servir, un exemplaire suffisait pour un bon nombre d'années: il n'était pas nécessaire de le faire imprimer pour chaque diocèse. De fait, on n'en imprima pas chez nous : l'évêque demandait le Pontifical ou le Cérémonial dont il avait besoin aux imprimeries des grandes villes du dehors '.

D'autres, parmi les livres liturgiques moins con·

sidérables, existaient autrefois en volumes à part, mais furent dans la suite incorporés aux livres plus importants, par exemple aux missels. Les visites de 1416 et de 1453 mentionnent le Légendaire, dont on déplore l'absence à Vevey, à Lussy, à Orbe: il faut en avoir au moins pour les leçons des solennités où l'on chante matines ". De même, les églises un peu importantes, où la messe avec diacre et sous·diacre avait souvent lieu, devaient posséder l'Evangéliaire, qui contenait les évangiles et les épitres des diverses messes de l'année 3. Les paroisses de Moudon, de Payerne, de Vevey, se font rappeler à l'ordre parce qu'elles n'ont

l L'évêché de Fribourg possède un assez riche Pontifical, passablement défratchi, il est vrai. imprimé à Venise en 1572.

• Visite. de 1416 : « non .unt libri competentes. non esJ leg ....

darium » (Lussy. p. 8). Vi.ite. de 1453 : « .. num bon .. m or com·

petens legendarium » (Vevey. p. 94); «fiat legendari .. m bo .... m or compet ... aùem pro .olemnitatib ... et ali;' diebus quibus .olit .. m est <ontari matrainas » (Orbe. p. 170).

3 Quelquefois même on avait un évangéliaire pour les évangiles et un épistolier pour les épltres.

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pas d'évangéliaire convenahle 1. L'usage de ces recueils disparut insensihlement : on ne les a plus guère, aujourd'hui, que dans les églises monastiques ou les cathédrales. Ailleurs, le diacre et le sous-diacre prennent un missel : ils y trouvent ce qu'ils ont à chanter.

L'Antiphonaire et le Graduel', gros volumes qui, vu leur poids et leurs dimensions, ne pouvaient guère sortir de l'église, renfermaient les parties de l'office chantées au lutrin. Jamais on n'en fit d'édition spéciale imprimée pour nos diocèses de Lausanne ou de Genève.

On conserva les exemplaires manuscrits, tant qu'ils furent utilisahles; plus tard, dans presque toutes nos églises, on prit les antiphonaires et les graduels d'autres diocèses, Rome, Lyon, Camhrai, etc., ou hien, quand on voulait ahsolument rester fidèle à l'ancien rite de Lausanne, encore en honneur quand celui de Genève était ouhlié depuis longtemps, on fit recopier à la main les exemplaires détériorés : les

1 Visites de 1453 : « fiat liber epistolarum et evangeliorum » (Vevey, p. 94); « liber competens evangeliorum et epistolarum ad celebrandum cum dyacono et subdyacono solemnibus die bus » (Payerne, p. 52) ; « liber evangeliorum et epistolarum ad celebrandum solemniter festivis cum diacono et subdiacono » (Moud on, p. 66).

2 Visites pastorales de 1453 : « antiphonarium novum » (Vevey, p. 94); « fiat unum aliud novum et competens [antiphonarium]

una cum psalterio » (Yverdon, p. 266) ; « apponatur commune sancto- rum in graduali » (Assens, p. 245); « duo gradualia religentur » (Bottens, p. 243). En principe, le Graduel est le livre où se trouvent les chants de la messe, et l'Antiphonaire, le livre où se trouvent les chants des vêpres et des autres heures.

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INTRODUCTION 21 chanoines de Saint-Nicolas, à Fribourg, le faisaient encore au XVIIIe siècle.

Quant aux missels, bréviaires et rituels, nous en parlons plus loin, dans les chapitres qui leur sont réservés. Contentons-nous ici de quelques considé- rations d'ordre général. Non seulement chaque église et chaque chapelle, mais chaque autel devait avoir son missel, son calice, ses ornements sacerdotaux et tous les accessoires nécessaires au culte' . Voilà pourquoi, soit dit en passant, les missels dont nous donnons ci-après la description portent souvent, au verso de la reliure ou sur le feuillet du titre, la mention d'un autel particulier. Les visiteurs de 1453 relèvent à mainte reprise le fait qu'un autel n'a pas le missel qu'il doit avoir. Aux autels latéraux, où la messe était dite ou chantée seulement à certains jours, il

1 Visites de 1453 : (f habet calicem, non tamen missale » (Ressu- dens, autel St-Georges, p. 17); « ipsum altare caret calice, libro et aliis suis necessariis » (La Sarraz, autel St-Claude, p. 180);

{( altare beati Bartholomei caret calice et libro » (Moudon, p. 67);

« fiat liber competens pro ipso altari » (Moudon, autels de la Trinité, de St-Denis, de St-Jacques, pp. 67, 68); « in altari non existunt calix, liber, neque alia sibi necessaria » (Villeneuve, autel de la Vierge, p. 88) ; « in quo quidem altari deficiunt calix, liber et alia ornamenta ; propterea iniunxerunt ipsi' domini visitatores quod infra annum ipsum altare muniatur omnibus necessariis suis )) (Champvent, autel St·Jean·Baptiste, p. 147); « Jiat diligentia debita de rehabendo missale dicti altaris quod dicitur esse in mani- bus cuiusdam domini Perroneti Sucheti, alias infra proximum jestum pasche fiat unum aliud competens )) (Morges, chapelle, p. 203).

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fallait au moins un petit missel renfermant l'office de ces fêtes, un parvum Missale 1, qu'on nommait ainsi pour le distinguer du magnum ougrossum Missale, missel complet 2. Quand on commença les éditions typographiques des livres d'église, on imprima le

« gros » missel; le « petit » survécut dans le Missale parvum ou Veni mecum, missel portatif, destiné tout d'abord aux prêtres voyageurs ou pèleâns, et qui, du reste, sous plus d'un rapport, diffère des missels abrégés du moyen âge.

Qu'il ait été prescrit d'avoir un missel pour chaque église, cela se comprend. Nous sommes plus surpris en constatant que beaucoup d'églises, encore au milieu du XVe siècle, possédaient leur bréviaire, distinct du bréviaire appartenant en propre au prêtre desservant. Les visiteurs de 1416 et de 1453 se plai- gnent, à Morges, à Mézières, à Correvon, à Boulens,

1 Visites de 1453 : « parvum missale religetuT )l (Joulens, autel St~Georges, p. 200) ; « missale saltem pro missis ibidem cele brandis )}

(Yverdon, autels St-Antoine et St-Barthélemy, pp. 262, 265);

« liber bonus et competens ad cantandum missas solitas in ipso altaTi II

(Mondon, chapelle de la Vierge, p. 71); « fiat missale saltim pro missis ibidem consuete cele brandis l) (Corsier-sur-Vevey, autel de la Vierge, p. 81); ({ adiiciantur alique misse necessarie in paTvo missali ) (Vevey, autel de la Trinité, p. 99); « parvum missale et psalterium religentur » (Préverenges, p. 195).

2 Visites de 1416 : (( difficiunt unum canon in quodam parvo missali et unum 8Tossum missale novum indiget nota )} (Payerne, p. 190); Visites de 1453 : « duo magna missalia religentur de bite » (Tour-de.Peilz. p. 104).

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INTRODUCTION 23 non seulement de ce que le missel, mais aussi de ce que le bréviaire n'est pas à sa place 1. Il s'agit là sans doute de bréviaires de dimensions assez consi- dérables et notés, qui servaient aux chantres 2. Peu à peu les bréviaires de format plus petit, plus portatif, devinrent communs : chaque prêtre eut le sien et il ne fut plus nécessaire d'en avoir qui fussent la

propriété de l'église elle-même.

1 VisUes de 1453 : "fiai diligenlia de bila de rehabendo missali diCli allaris (Morges, p. 203); Visiles de 1416 : « parrochiani con- questi sunt eo quod qlWddam breviarium quod erat in dicta parTo- chiali ecclesia fuit ob curati culpam admissum; fuit peT dominos commissarios talis ordinacio facta quod breviarium dicti curati post eiusdem decessum in alterius Tecompensacionem dicte parrochiali ecclesie remaneat cessum et proprium et hoc de dicti curati spontanea vo/unlale'» (Mézières, près Romont, p. 149); Visile. de 1453 :

« item quod infra festum omnium sanctorum breviarium quod est in manibus altariste altaris in ecclesia parrochiali de Bioleis fondati recuperetur et teneatar in dicta ecclesia cum aIiis libns ibidem existen- libus » (Correvon, p. 42) ; « infra decem dies libri dicle capelle qui, ut dicitur, sunt Lausanne rappoTtantur (sic) et teneantur in ipsa capella» (Boulen., p. 44).

• Visiles paslorales de 1453 : « fiai breviarium nolalum ad usum ecclesie lausannensis » (Sullens, p. 283); -«( unum bonum et compelens breviarium nolalum » (Les Hôpitaux, p. 136). On se contentait parfois de fascicules contenant seulement certains offices : (( sexternus notatus ubi contineantur officia vesperarum et matutinarum in ipsa ecclesia soUte. cantandarum » (AcIens, p. 227) ;

« fiat sexternus in quo notentur officia solemnitatum » (V uillens, p. 50; Fiez, p. 156; Gollion, p. 228).

(26)

Les comptes rendus de VIsItes pastorales deman- dent souvent que des livres d'église soient achetés ou réparés, « suivant les ordres donnés par le clergé" '.

Ce sont, du moins à l'ordinaire, les autorités locales qui se chargent des frais. En 1530, le Conseil d'Au- bonne paie 7 sols pour un manuel « pro baptissando pueros ", c'est-à-dire pour un Liber endarum 2 ; en 1532/33, la ville de Vevey donne 8 florins à un ecclé- siastique pour la réparation d'un livre de chant de l'église Saint-Martin; en 1533/34, la ville d'Yverdon verse 36 sols à un cordelier de Grandson qui vient de réparer un livre de chœur et le prie d'en faire autant pour un autre 3.

En 1517, le Conseil de Moudon charge un chape- lain, Simon de Cambrex, de copier un livre de chant.

On lui fournit les « matières " et les « drogues " pour fabriquer l'encre, du vermillon, des couleurs, du vernis, de la colle et surtout de belles feuilles de par- chemin. La ville lui rétribue honnêtement son travail, qui dure près de trois ans: 25 livres. Mais l'antipho-

1 Visites de 1453 : « quemadmodum curatus dicta bit » (Constan- tine, p. 13) ; « iuxta ordinationem curati seu eius vicarii et alioTum duorum de clero » (Orbe, p. 30) ; « ad dictamen curati » (Les Longe- villes, p. 137); « prout curatus ordinabit » (Aclens, p. 227), etc.

2 Nous expliquons plus loin, p. 405, ce qu'est ce Liber endarum, ancêtre de notre rituel d'aujourd'hui.

S Aubonne : Comptes communaux 1529/30; Vevey, Comptes de ville; Yverdon, Comptes de ville. Nous devons ces détails à M. Charles GILLIARD, professeur à l'Université de Lausanne.

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INTRODUCTION 25 naire que le brave chapelain avait si patiemment écrit n'eut qu'une bien courte existence '. Dès 1537, des volumes que possédaient les églises de Moudon,

« deux grands livres furent vendus à un étranger et à des gens de la ville pour 4 florins 5 sols et 9 deniers n :

sans doute cela veut-il dire qu'on" débita au détail les grandes et belles feuilles de parchemin n. Les secrétaires et les syndics se servirent du reste pour relier leurs registres et leurs livres de comptes où nous en voyons encore aujourd'hui les débris '.

Les choses durent se passer à peu près partout, dans notre pays, comme elles se passèrent à Vevey, à Aubonne ou à Moudon. Quand les premiers livres liturgiques imprimés commencèrent à paraître, les autorités locales, d'entente avec les ecclésiastiques, en acquirent suivant les besoins. Nous ne pouvons guère savoir quels en étaient les prix. Ce qui précède se rapporte à des ouvrages manuscrits, sauf peut- être le Liber pro baptissando pueros d'Aubonne lequel, acheté en 1530, était bien probablement un imprimé.

On trouve, par-ci par-là, soit au verso des reliures, soit sur les premiers feuillets des livres, quelques notes écrites par leurs possesseurs et qui indiquent la somme versée lors de l'achat : par exemple, un De arte et

1 C. GILLIARD, Moudan sous le regJ,me savoyard (Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande, seconde série, t. XIV, 1929), p. 550.

2 C. GILLIARD, Le trésor des églises de Moudon (Association du Vieux Maudan, Bulletin n. 12, 1924), p. 30.

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modo praedicandi imprimé à Genève en 1481, qui n'a que 12 feuillets, fut payé 14 sols 1 ; un Manuale ad usum Tarentasiensem, imprimé à Genève en 1508, qui a 50 feuillets, 3 florins • ; une Scolastica Historia, imprimée à Genève ou à Chambéry vers 1482/1486, qui a 228 feuillets, 20 sols 3. Mais nous avouons n'avoir sur ce sujet que des indications fort rares et qui donnent des prix tellement différents et dispro- portionnés, qu'on ne peut guère en tirer de conclusions intéressantes.

Nous ne sommes guère mieux renseignés sur le tirage, qui semble, en fait, avoir été jadis peu consi- dérable. Le 20 mars 1472, l'évêque d'Aléria recourut au pape en faveur des imprimeurs Sweinheim et Pannartz, qui travaillaient à Rome, et dont les con- ditions matérielles étaient loin d'être florissantes.

Comme pièces à l'appui, l'évêque donnait le nombre des éditions publiées par ces deux artistes et même le chiffre du tirage. La supplique nous apprend, entre autres, que le Donatus pro pueris, grammaire élémen- taire à l'usage des enfants, était tiré à 300 exem- plaires ; les Institutiones contra Gentiles de Lactance, à 825 (trois éditions : Subiaco 1465, Rome 1468 et 1470, donc 275 exemplaires par édition) ; les Epistolae familiares de Cicéron, 550 (deux éditions: Rome 1467

~t 1469, donc. 275 exemplaires par édition); le De

1 Nous en parlerons dans notre second volume.

• Ce Manual. est décrit ci-après, p. 434, n. LU.

S Nous le déerivon. ci-après, p. 57, n. UI.

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INTRODUCTION 27 civitate Dei de saint Augustin, 825 (trois éditions : Subiaco 1467, Rome 1468 et 1470, donc de nouveau 275 exemplaires chacune); une Bible, 550 (proba- blement deux volumes, 275 exemplaires de l'un et de l'autre, ·Rome 1471) ; les commentaires de Nicolas de Lyre sur la Bible, Glossa in universa Biblia,

noo

(quatre volumes, donc toujours 275 exemplaires de chaque volume, Rome 1471 et 1472) '. Et ainsi de suite. Sweinheim et Pannartz n'imprimaient donc habituellement à Rome que 275 exemplaires à la fois : nous pouvons en conclure que le tirage, ailleurs encore, n'était généralement pas très fort 2 ; et cela fait comprendre la fréquence de certaines rééditions qui, nous le verrons plus loin, se renouvellent dans un temps relativement court.

*

« Il ne paraît pas que, avant la Réformation, la presse fût soumise, à Genève, à des règlements parti- culiers. On ne trouve, dans les registres publics et dans les documents de l'époque, rien qui semble l'indiquer ... Elle était, sans doute, placée sous l'ins-

1 La lettre de l'évêque d'Aléria est publiée et savamment commentée par A. BERNARD, De l'origine de l'imprimerie en Europe, Paris, 1853, t. II, pp. 151·156.

2 Il Y a pourtant des exceptions : quand on voit le grand nombre d'exemplaires qui subsistent, encore aujourd'hui, de la Scolastica historia (p. 57), par exemple, on doit bien supposer qu'il dut en être fait un fort tirage.

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pection spéciale de l'évêque et de ses officiers; car cette industrie était devenue presque exclusivement une affaire d'église. )) Ainsi parle Gaullieur 1. Il semble bien que l'autorité religieuse, qui pouvait exercer alors la censure sans que nul ne s'en étonnât, fut d'une extrême indulgence envers les imprimeurs.

Dans quelle mesure cette attitude relevait-elle de la largeur d'esprit, ou de l'indifférence, ou de l'amour des lettres, nous ne saurions le dire. Mais c'est un fait que l'évêque de Genève, par exemple, ne paraît pas avoir réagi, lorsque, sous ses yeux, dans sa ville épiscopale, on imprima le Merveilleux parlement d'un abbé, [d'un] curtisan et du dyable, et même le Baston pour chasser les loups, qui sûrement auraient éveillé l'attention d'un. personnage plus susceptible.

En fait, l'Eglise se montra, tout au début, très favorable à l'imprimerie. En Allemagne, terre d'ori- gine de cet art nouveau, l'enthousiasme se manifesta pour lui dès les premiers jours. Berthold de Henne- berg, archevêque de Mayence, parle de « l'art divin de l'imprimerie )J, les Frères de la Vie commune de Rostock voient en lui « l'auxiliaire de l'Eglise », les évêques accordent des indulgences à ceux qui l'exer- cent ou le propagent 2. Adolphe Occo, médecin de

1 GAULLIEUR, t. C., p. 93.

• Références dans J. JANSSEN, L'Allemagne à la fin du moyen ôge, trad. française, Paris, t. J, 1887, p. 11, et F. FALK, Die Druckkunsl im Dierosle der Kirche, zUMchsi in Deutschland, bis zum Jahre 1520, Cologne, 1879, p. 22.

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INTRODUCTION 29 l'archevêque d'Augsbourg, dit en 1487 à l'imprimeur Ratdolt : « L'imprimerie illumine ce siècle, grâce à la bonté du Tout-Puissant; mais c'est surtout l'Eglise catholique, son Epouse, qui lui est obligée : cette découverte lui donne une gloire nouvelle 1. )) Et le célèbre Wimpheling écrit en 1507 : « Nous autres, Allemands, nous dominons presque tout le marché intellectuel de l'Europe civilisée. )) Mais aussi, ajou- tait-il, « nous n'y offrons guère que de nobles produc- tions, qui ne tendent qu'à la gloire de Dieu, au salut des âmes et à l'instruction du peuple 2 )). On pourrait aisément multiplier les citations.

Les gens' d'église contribuèrent efficacement à la diffusion de l'art nouveau. La première imprimerie connue en Suisse est celle que fondèrent les chanoines de Béromunster en 1470. Les Bénédictins et les Chartreux devinrent les plus actifs collaborateurs de Jean Amerbach à Bâle, dès 1480. En Italie, les premiers imprimeurs allemands furent reçus et ins- tallés à l'abbaye bénédictine de Subiaco. Puis, aus- sitôt, le cardinal Turrecremata fit venir à Rome Vlric Hahn d'Ingolstadt (1466), comme le cardinal Caraffa s'empressait d'y appeler Georges Laur de Wurzbourg (1469), si bien que dès 1475 la Ville éternellc comptait une vingtaine de typographies.

Les Bénédictins d'Augsbourg avaient leur impri- merie en 1472, ceux de Bamberg, en 1474, ceux de

1 FALK, t. C., p. 8.

2 JANSSEN, t. C., p. 15.

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Blaubeuren, en 1475, les Prémontrés de Schussen- ried, en 1478. Même les religieuses s'en mêlèrent: la typographie des Sœurs Dominicaines de Florence produisit au moins 86 ouvrages entre 1476 et 1484 '.

Si des commissions de censure furent établies d'assez bonne heure, ce fut uniquement pour prévenir les abus, pour sauver l'imprimerie et non pour la con- damner. L'archevêque de Mayence, par exemple, réglemente, en 1486, le travail des typographes;

mais il dit pourquoi : des hommes incompétents publient en allemand les manuels liturgiques et les ouvrages qui traitent de religion, ils les traduisent mal, ils mettent à certains livres de faux titres, ils les distribuent à tort et à travers, même aux ignorants incapables d'en profiter. Il nomme donc une com- mission de censure chargée du contrôle des impri- meurs et de leurs publications 2. Des besoins nou- veaux faisaient prendre 'des mesures nouvelles.

, JANSSEN, t. C., pp. 11-12.

2 GUDENUS, Codex Diplomaticus anecdotorum Tes Moguntinas, Francieas, Trevirenses, Hassiacas vel maxime illustrantium, t. IV, Francfort et Leipzig, 1758, p. 469-471 : « Etsi ad mortalem eru- ditionem comparandam, divina quadam imprimendi arte ad singu·

larum scientiarum codices abunde facile que perveniri possit, com- pertum tamen habemus, quosdam homines, inanis gloriae aut pecuniae cupiditate ductas, hae arte abuti, et quod ad vitae hominum institu- tionem datum est, ad perniciem et calumpniam deduci. Vidimus enim ipsos libros de divinis officiis et apicibus religionis nostrae, ex latina in germanicam linguam traductos, non sine religionis dedecore versari peT manus vulgi ... Huius aTtis volumina stulti qui-

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INTRODUCTION 31 Il en fut ainsi à Genève, dès l'établissement de la Réforme. Les autorités, suivant l'exemple donné, le 16 février 1539, par celles de Berne, y décrètent, le 9 mai de la même année, « qu'on fasse publier à voix de trompe que nul n'aye à imprimer chose que soit dans la ville sans licence de Messieurs, sous peine d'être pris et puni jouxte le droit ». Cette interdiction fut renouvelée le 19 septembre 1539, le 6 janvier 1540, le 17 septembre 1555; enfin, le 15 février 1560, une ordonnance détaillée stipula qu'une Commission de censure préventive était _ instituée pour visiter les imprimeurs 1. Cette ordonnance, qui ne manque ni de sévérité ni de sagesse, est inspirée par les mêmes soucis que le décret de l'archevêque de Mayence dont nous parlons plus haut. Ses auteurs déplorent « que plusieurs se sont introduits et ingérés en l'art de dam, temerarii atque indocti, in vulgarem linguam traducere audent, quorum traductione multi etiam docti viTi videntes confessi sunt se propteT maximam verborum impropriationem et abusum minus intellexisse. Quid denique dicendum de reliquarum scientiarum operibus, quibns etiam nonnumquam falsa commiscent, aut falsis titulis inscribunt, tribuuntque auctoribus egregiis eorum figmenta, quo magis emptores inveniant ... ? Verum, cum initium huius artis in hac aurea noslra Moguntia, ut vera eius appellatione utamar, divinitus emerserit, hodieque in ea politissima arque emendatissima perseveret, iustissime mus anis decus a nobis defensabitur. »)

1 GAULLIEUR, t. C., pp. 96-98; A. CARTIER, Arrêts du Conseil de Genooe sur le fait de l'imprimerie el de la librairie de 1541 à 1550 (Mémoires el documents publiés par la Société d'histoire el d'archéo·

logie de Gemve, t. III), Genève, 1893.

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l'imprimerie lesquels n'y etaient idoines ni suffisants et ont été cause que les livres de Genève ont à bon droit été décriés ». Ces Messieurs ajoutent : « si le mal ne se peut du tout corriger, qu'au moins pour l'avenir il ne soit permis de lever ni dresser une imprimerie sinon avec congé de la Seigneurie ». Ils prescrivent, en particulier, « que nul n'ait à mettre sous la presse livre qui ne soit approuvé et qu'il n'en ait obtenu permission de la Seigneurie » ".

A Lausanne, si des hommes tels que Théodore de Bèze et Pierre Viret désiraient voir une imprimerie s'y établir, les circonstances ne se prêtaient guère à la réalisation de leurs vœux. MM. de Berne, dit Vuilleumier, « n'étaient pas grands amis de la presse ».

Ayant d'abord fait mille difficultés aux frères Rivery, venus de Genève, les premiers imprimeurs qui aient cherché sérieusement à se fixer à Lausanne après la conquête, Leurs Excellences leur donnèrent enfin, le 18 mai 1557, un permis d'imprimer, mais seu- lement pour les livres servant à l'école, et encore l'approbation des pasteurs et professeurs de Berne devait-elle être demandée chaque fois 2.

1 CARTIER, 1. c. ; GAULLIEUR, t. C., pp. 135-144 ; E. BUECHLER, Die Anfange des Buchdrucks in der Schweiz, Berne, 1930, p. 51.

L'orthographe a été modernisée, pour la commodité du lecteur.

2 H. VUILLEUMIER, Histoire de l'Eglise réformée du Pays de Vaud, Lausanne, t. l, 1927, pp. 428-429. Voir aussi E. CHAVANNES, Extrait des manuaux du Conseil de Lausanne, 1536-1564 (Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande,

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INTRODUCTION 33 La surveillance exercée de plus en plus sur les travaux d'imprimerie allait de pair avec la recherche et la destruction des livres considérés comme nui- sibles. De même que les ouvrages nettement protes- tants disparaissaient en pays catholique, les ouvrages spécifiquement catholiques étaient détruits en pays seconde série, t. l, 1887), entre autres, pp. 143·144. Cette méfiance des autorités bernoises envers l'imprimerie dura longtemps. Encore vers la fin du XVIIe siècle, « la liberté d'imprimer et de publier était fort limitée. Sans compter que le typographe privilégié de LL. EE. avait seul le droit d'imprimer les livres d'école et les thèses académiques, tous les autres ouvrages devaient passer par la cen ..

sure avant d'être mis sous presse. Cette censure s'exerçait à l'origine à Berne par une commission ad hoc. Plus tard, vers 1678, le soin d'examiner les manuscrits d'auteurs vaudois fut confié à une délégation de la vénérable Académie. Les Classes [= les pasteurs]

elles aussi s'attribuaient un droit de contrôle sur les productions littéraires que leurs membres aspiraient à mettre en lumière. C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que le premier chroniqueur national vaudois, Jean.Baptiste Plantin, alors pasteur à Château·

d'Œx, encourut en 1656 le blâme de la Classe de Lausanne pour avoir fait imprimer à Berne un livre (( à l'insu )) de la dite Classe et « sans préalable communication )). Et à cette occasion il fut (( arrêté et statué que dores en là nul n'entreprendra l'impression de qu.elque livre sans l'advis et permission du dit corps n. Notons qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'un écrit relatif à la religion ou à l'Eglise, ni à la portée du grand public, mais d"un ouvrage historique en latin sur l'Helvétie antique et moderne ... Ainsi donc, bien loin que la production littéraire fût encouragée au sein même du corps pastoral, elle y rencontrait plutôt des entraves Jl.

Vl'ILLEl'MIER, o. C., t. II, pp. 351·352.

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protestant. Cette cause, jointe sans doute à plusieurs autres, explique pourquoi les missels, bréviaires, rituels, livres pieux, imprimés pour nos diocèses de Lausanne et de Genève avant 1525, sont en si petit nombre. Ils devinrent, dit Gaullieur, « d'une excessive rareté ", et disparurent totalement à Genève. « On voit, dans les procès-verbaux des séances du Consis- toire où siégeait Calvin, avec quelle sollicitude les particuliers soupçonnés d'avoir de pareils livres étaient mandés, admonestés et sommés de les dé- truire » '. A Lausanne, il en fut de même. Quant aux parties du diocèse demeurées catholiques, les prêtres se passèrent les uns aux autres les missels ou bréviaires transmis par leurs prédécesseurs; ils n'eurent plus, à la longue, entre les mains, que des exemplaires détériorés et malpropres : on finissait par jeter au feu presque tous ces vieux témoins du passé.

1 GAULLIEUR, t. c., p. 55.

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E premier ouvrage considérable imprimé par Gutenherg fut la fameuse bible de 42 lignes, sortie de presse en 1454/1455.

Le Gesamtkatalog de Berlin décrit 80 bibles latines sans commentaire, et 13 avec commentaire, imprimées avant 1501, entre autres à Mayence (1458), à Strasbourg (1460), à Bâle (1468), à Rome (1471), à Cologne, à Venise, à Plaisance (1475), à Paris, à Naples (1476), à Lyon (1479), etc. '. Il mentionne également, avant 1501, 15 éditions alle- mandes, à Strasbourg (1466), à Augsbourg (1475), etc.', et 11 italiennes, à Venise (1471, 1477, 1478, etc.) 3.

M. van Eys connaît 24 éditions de la Bible complète et 9 éditions du nouveau Testament, imprimées en français avant 1525 '. Plusieurs de ces bibles se trou- vent en notre pays: la Bibliothèque de l'Université

, GESAMTKATALOG, nn. 4201-4294.

2 GESAMTKATALOG, nn. 4295-4309.

3 GESAMTKATALOG, nn. 4311-4320.

" W. J. van Eys, Bibliographie des Bibles et des nouveaux Testaments en langue française des XVe et XVIe siècles, Genève, 1900-1901, 2 vol.

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