A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
H ENRIK T HYS
Description topologique des représentations de U
q(sl
2)
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 6
esérie, tome 8, n
o4 (1999), p. 695-725
<http://www.numdam.org/item?id=AFST_1999_6_8_4_695_0>
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- 695 -
Description topologique
des représentations de Uq(sl2) (*)
HENRIK THYS (1)
E-mail: thys@math.u-strasbg.fr
Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse Vol. VIII, n° 4, 1999
pp. 695-725
RÉSUMÉ. - Nous construisons une équivalence de catégories rubanées
entre une catégorie introduite par Turaev dont les morphismes sont en- gendrés par des diagrammes planaires et une sous-catégorie pleine de la catégorie des modules de dimension finie sur
Uq (s12)
.ABSTRACT. - We prove there is an équivalence of ribbon categories
between a category introduced by Turaev whose morphisms are gener- ated by planar diagrams and a full subcategory of the category of finite- dimensional modules over
Uq(s12).
.Introduction
Dans cet article nous résolvons un
problème
soulevé par V. Turaev enmontrant que la
catégorie
desreprésentations
desl2
ou de sonalgèbre
en-veloppante quantique
peut se décrire à l’aide dediagrammes planaires.
Le lien entre la théorie des groupes
quantiques
et la théorie des noeuds est maintenant bien établi.Rappelons
que les groupesquantiques
ont été intro-duits autour de 1983-85 par Drinfeld et Jimbo. Ce sont des déformations à un
paramètre
desalgèbres enveloppantes
desalgèbres
de Lie semisim-ples.
La théorie desreprésentations
des groupesquantiques
peut être con- sidérée comme unegénéralisation puissante
et féconde de la théorieclassique
des
représentations
desalgèbres
de Liesemisimples.
Lesreprésentations
des{ * ~ ) Reçu le 18 mai 1999, accepté le 12 octobre 1999
( 1 ) Institut de Recherche Mathématique Avancée, Université Louis Pasteur - CNRS, 7, rue René Descartes, 67084 Strasbourg cedex, France.
groupes
quantiques
forment ce que Turaev aappelé
unecatégorie rubanée,
c’est-à-dire une
catégorie qui possède
unproduit tensoriel,
untressage
etune
dualité,
cequi
permet d’étendre la notion de trace à ce cadre. Ce sont cescaractéristiques qui expliquent qu’à partir
d’une tellecatégorie
on
peut
construire des invariants d’entrelacsqui généralisent
le célèbre in- variant construit parVaughan
Jones en 1984. La construction d’invariantstopologiques
àpartir
des groupesquantiques
et,plus généralement,
decatégories
rubanées est due à Reshetikhin et Turaev[20].
Si les groupes
quantiques
ont desapplications spectaculaires
en théoriedes noeuds et en
topologie
en dimension 2 et3,
leproblème
de savoir sion peut
complètement
décrire lesreprésentations
des groupesquantiques
et même des groupes
classiques
en termesd’objets géométriques
commeles
noeuds,
les tresses ou leursprojections planaires
restelargement
ouvert.Le propos de cet article est de
s’attaquer
au cas leplus simple,
c’est-à-dire à celui de
l’algèbre
de Liesemisimple sl2
et de son avatarquantique.
Nous construisons ici une
équivalence
decatégories
entre unecatégorie
dereprésentations
del’algèbre enveloppante quantique
desl2
et unecatégorie V(a)
construite par Turaev[24], chap. XII,
danslaquelle
lesmorphismes
sont
engendrés
par lesdiagrammes planaires.
Cetteéquivalence préserve
lesstructures rubanées
qui
existent aussi bien du côté desreprésentations
que du côtétopologique.
Nous démontrons une telleéquivalence
pour toutes les valeurs"génériques"
duparamètre
qqui
entre dans la définition del’algèbre enveloppante quantique
desl2
ainsi quelorsque
q est une racine de l’unité d’ordrepair >
6.Lorsque
ceparamètre
est une racine de l’unité différente de1,
on saitque la
catégorie
desreprésentations
d’unealgèbre enveloppante quantique
n’est
plus semisimple. Lusztig
aconjecturé
unecorrespondance
entre lesreprésentations
des groupesquantiques
aux racines de l’unité et lesrepré-
sentations modulaires du groupe
algébrique correspondant. Malgré
la com-plexité
de lacatégorie
desreprésentations
pour q racine del’unité,
nousen obtenons néanmoins une
description topologique
à condition de nousdébarrasser de ce que Turaev
appelle
les modulesnégligeables.
Ces derniers sont des modules surlesquelles
la trace estidentiquement
nulle etapparais-
sent, parexemple,
dans les travaux de Reshetikhin et Turaev[20].
La
catégorie V(a)
de Turaev est une élaboration des fameusesalgèbres
de
Temperley-Lieb [22]
utilisant lesidempotents
de Jones-Wenzl[7, 25].
Lerapport entre les
algèbres
deTemperley-Lieb
et les invariantsquantiques
n’est pas nouveau. Il
apparaît
parexemple
dans les travaux de[5, 8, 11, 14, 15, 16, 23].
T. Kerler[13]
a montré que lacatégorie
desreprésentations
de
UQ(sl2)
est déterminée par son groupe deGrothendieck,
à ce que Kazh-dan et Wenzl
[12] appelent
un’twisting" près ( cf. [12]
pour une extensiondu résultat de Kerler à une
algèbre
de Liesemisimple générale).
Commeconséquence,
lacatégorie
dereprésentations
deUq ( sl2 )
que nous considérons estéquivalente
à une version "tordue" de lacatégorie
de Turaev. Dans cetarticle,
nous obtenons un résultatplus
fortqui
se passe de’’twisting’’
en con-struisant
explicitement
uneéquivalence
decatégories.
L’énoncéprincipal
dutexte est le théorème 2.1.
Voici le
plan
de l’article. Au§1, après
un brefrappel
sur lescatégories rubanées,
nous résumons la théorie desreprésentations
deUq(sl2)
aussibien dans le cas
générique
que celui des racines de l’unité. Au§2,
nousintroduisons les
diagrammes planaires,
lacatégorie V(a)
et nousénonçons
le théorème
principal.
Nous construisons un foncteur F deV(a)
vers lacatégorie
desreprésentations
deUq(Sl2)
au§3.
Le§4
est consacré à unecourte étude des
morphismes
de lacatégorie V(a)
et à desrappels
sur laformule de Clebsch-Gordan. La démonstration
que 0
est uneéquivalence
de
catégories
est donnée au§5
pour le casgénérique
et au§6
pour le casd’une racine de l’unité.
1.
Représentations
deUq (sl2)
Nous
rappelons
lespropriétés
desreprésentations
deUq(sl2)
dont nousaurons besoin par la suite. Il est commode de les formuler en utilisant le
langage
descatégories
rubanées. Le contenu des§ § 1.1-1.3
est tiré de[9, 10, 24].
1.1.
Catégories
monoïdalesRappelons qu’une catégorie
monoïdale est unecatégorie
C munie d’unfoncteur @ : C x C --~ C et d’un
objet I, appelé objet unité,
tels quepour tous les
objets U, V, W
et tous lesmorphismes f, g, h
de C.Ce que nous venons de définir est usuellement
appelé
unecatégorie
monoïdale stricte. Les
catégories
dereprésentations
que nous considéreronsne sont évidemment pas strictes et il conviendrait de
remplacer
leségalités
(1.1)-(1.4)
par desisomorphismes
naturelsappropriés.
L’abus que nous com- mettons en ne le faisant pas estjustifié
par le théorème de cohérence deMacLane
qui
donne la méthode pour passer d’unecatégorie
monoïdale ar-bitraire à une
catégorie
monoïdalestricte, cf. [18].
Les
catégories
monoïdales que nous considérerons par la suite sont C-linéaires,
où Cdésigne
le corps des nombrescomplexes.
Celasignifie
queHomc(V, W )
est unC-espace
vectoriel pour toutcouple d’objets (V, W )
de C et que la
composition
et leproduit
tensoriel desmorphismes
sontbilinéaires.
Par la
suite,
nousappellerons catégorie
tensorielle toutecatégorie
mo-noïdale C-linéaire telle que
l’espace
vectoriel est de dimension 1.Soient
(C,
®,I)
et(C’ ,
®,l’)
descatégories
tensorielles. Nous dironsqu’un foncteur 9
: C --~ C’ conserve les structures tensorielles si les conditions suivantes sont réalisées :1. Pour tout
couple (x, y) d’objets
deC, l’application Ç : : Homc(x, y)
--~HomC’(G(x),G(y))
est C-linéaire.2. Q9
y)
= Q9 pour toutcouple (x, y) d’objets
et de mor-phismes
deC;
3.
Ç(I)
= réalise unisomorphisme
deEndc (I)
surEndc,(I’);
1.2.
Catégories
rubanéesSoit C une
catégorie tensorielle, d’objet
unité I. Untressage
est unefamille
d’isomorphismes
naturels c =(cv,w :
V @ W -~ W Q9V),
oùV, W
décrivent l’ensemble des
objets
deC,
telle quecU0V,W =
(cc/,v0idv)(idc/
et _(idv ®cU,W)(cU,V®idW)
pour tous les
objets U, V,
W de C. Nous dirons que C est munie d’une du- alité si à toutobjet
V on a associé unobjet V*, appelé
dual deV,
et desmorphismes bv
: I --~ V Q9 V* etdv
: V * ® V - l dans C tels que(idv
0dv)(bv QY idv)
=idv
et(dv
0idv*)(idv*
=idv*.
.(1.5) Enfin,
une torsion dans C est une familled’isomorphismes
naturels 6 =(9Y
:V --~
V),
où V décrit l’ensemble desobjets
deC,
telle quepour tous les
objets V,
W de C.Une
catégorie
rubanée est unecatégorie
tensorielle C munie d’un tressagec, d’une dualité
(*, b, d)
et d’une torsion 8 telle quepour tout
objet
V de C.1.3.
Morphismes négligeables
Soit
(C,
®,I,
c, *,0)
unecatégorie rubanée,
V unobjet
de C etf
unendomorphisme
de V. La tracequantique
def
est l’élément deEndc(I)
défini par
La trace
quantique jouit
despropriétés
suivantes :1. Pour tous les
morphismes f
: V --~W, g
: W -V,
nous avonstrq (fg)
=trq(gf).
2. Pour tous les
endomorphismes f, g d’objets
deC,
nous avonstrq( f ~ g)
=trq( f ) trq(g).
3. Pour tout
endomorphisme k
deI,
nous avonstrq(k)
= k.Un
morphisme f
: V -~ W dans C est ditnégligeable
sitrq( fg)
= 0pour tout g E
Homc (W, V).
Unobjet
V de C est ditnégligeable
si son mor-phisme
identité estnégligeable,
i. e.trq( f )
= 0 pour toutendomorphisme f
de V. Il en résulte que, pour toutobjet
W deC,
toutmorphisme
deHomc (V, W )
ouHomc(W, V)
estnégligeable
si V estnégligeable.
La com-position
et leproduit
tensoriel d’unmorphisme négligeable
avecn’importe quel
autremorphisme
est unmorphisme négligeable.
Nous en déduisons quele
produit
tensoriel d’unobjet négligeable
avecn’importe quel
autreobjet
est un
objet négligeable, cf. [24], chap.
XI.Nous notons
W )
le sous-espace vectoriel deW )
desmorphismes négligeables
et posonsNous pouvons alors définir une
catégorie
Cayant
les mêmesobjets
que C et telle queHomj(V, W )
=homc(V, W )
pour toutcouple (V, W ) d’objets
de C.Turaev
([24], chap. XI) appelle
cettecatégorie
lacatégorie purifiée
de C. Parconstruction,
C est unecatégorie
rubanéequi
n’admet pas demorphismes négligeables
non nuls.1.4.
Rappels
surUQ ( sl2 )
Pour
plus
dedétails,
voir[4, 3, 6, 9, 10, 20, 24].
Soit q un nombre com-plexe
différent de ±1.L’algèbre enveloppante quantifiée Uq(sl2)
estl’algèbre
engendrée
sur C parK, K-1,
X et Y et les relationsL’algèbre
est unealgèbre
deHopf
dont lacomultiplication ~,
lacoünité ~ et
l’antipode
S sont déterminées parNous supposerons que q est un nombre
complexe générique (c’est-à-dire
non racine de
l’unité)
ou bien une racineprimitive 2rème
del’unité,
où rest un
entier,
r ~ 3. Ondéfinit J
=J(q)
comme l’ensemble des entiers> 0
si q
estgénérique
et comme l’ensemble fini~0, ... ,
r -2}
si q est uneracine
primitive 2rème
de l’unité. Pour tout entier nE J
il existe unUq (sl2)-
module
simple Vn
de dimension n+ 1, isomorphe
à son dual.Lorsque q
estgénérique,
toutUq(sl2)-module simple
estisomorphe
à un moduleVn,
auproduit
tensoriel par un module de dimension 1près, cf. [17, 21]. Lorsque
q est une racineprimitive 2rème
del’unité,
tout modulesimple
de dimensionn r est
isomorphe
àVn,
auproduit
tensoriel par un module de dimension 1près.
En outre, iln’y
a pas de modulesimple
de dimension n > r( cf.
parexemple [4, 9]).
Notons la
sous-catégorie pleine
desUq(sl2)-modules
de dimensionfinie dont les
objets
sont lesproduits
tensoriels des modulessimples Vn.
Notre but est de décrire
topologiquement
lacatégorie
rubanéeR(q)
as-sociée à par la
procédure
depurification
décrite au§1.3.
On noteraque, si q est
générique,
alors7Z(q) _ ?Z{q).
Eneffet, lorsque
q estgénérique,
la
catégorie
desUq(sl2)-modules
de dimension finie estsemisimple.
Parconséquent, d’après [24], chap. XI,
iln’y
a pas demorphisme négligeable
non nul entre
Uq(sl2)-modules de
dimension finie. Nousappelerons
sous-catégorie paire
de(resp. 7Z(q))
lasous-catégorie pleine
de(resp.
?Z(q))
dont lesobjets
sont lesproduits
tensorielsVnl
Q9 ... Q9Vnp
tels que2.
Énoncé
du théorèmeprincipal
Le but de ce
paragraphe
est de définir lacatégorie V(a)
de Turaev etd’énoncer le théorème
qui
la relie auxcatégories R(q)
etR(q)
introduitesprécédemment.
2.1.
Diagrammes
Soient k et l deux entiers
positifs.
Undiagramme
de type(k, .~)
consiste enun nombre fini d’arcs et de cercles
immergés
dans la bande R x[0,1].
Onsuppose que l’immersion n’admet que des
points
doubles ordinaires et queles extrémités des arcs sont k
points
distincts fixés sur la droite R x 0(les
"entrées" )
et £points
distincts fixés sur la droite R x 1(les "sorties" ) .
Achaque
croisement ondistingue
un brinpassant
dessus et un brin passant dessous. Deplus,
lesdiagrammes
sont considérés àisotopie
de R x[0; 1]
fixant les bords
près
et conservant les croisements et les passagessupérieurs
et inférieurs.
Fixons un nombre
complexe a
non nul. On définit alors commel’espace
vectoriel sur Cengendré
par les classesd’isotopie
desdiagrammes
de type
(k, ~)
modulo les relations suivantes :Dans la
première relation, DU 0
est la classed’isotopie
de l’uniondisjointe
du
diagramme
D et d’un cercle. La deuxième relation lie troisdiagrammes qui
sontégaux
sauf dans undisque
duplan
où ils sont commeindiqué.
Cetterelation
s’appelle
la relation deKauffman.
Il est connu( cf. [11])
quel’espace
a pour base l’ensemble des classes
d’isotopie
desdiagrammes simples,
c’est-à-dire ceux
qui
ne contiennent ni croisements, ni cercles.2.2. La
catégorie
deTemperley-Lieb
Nous sommes maintenant en mesure de définir la
catégorie
deTemperley-
Lieb
S(a) .
Sesobjets
sont les entiers naturels. Unmorphisme
k -~ ~ est unélément de
Lorsque Di
etD2
sont desdiagrammes
de typerespectif (.~, m)
et(k, ~),
lacomposition D1
oD2
est lediagramme
de type(k, m)
obtenu en
posant Di
au-dessus deD2
et en collantchaque
sortie deD2
à l’entréecorrespondante
deDi.
Cetteopération
s’étend par linéarité à tousles
morphismes.
Lemorphisme
identité del’objet k
est la classed’isotopie
du
diagramme simple
à k brins verticaux.On munit
S(a)
d’une structure decatégorie
monoïdale de la manière suivante. Leproduit
tensoriel de deuxobjets 1~, .~
est leur somme : k ® .~ =J~ + ~.
L’objet
unité est 0. Leproduit
tensoriel de deuxdiagrammes Di @ V2
est donné par la
juxtaposition
de ces deuxdiagrammes, Di
étantplacé
à
gauche
deD2.
Cetteopération
est étendue à tous lesmorphismes
par linéarité. Lacatégorie S(a)
est tensorielle carEo,o
estisomorphe
à C. Elleest munie d’une structure rubanée pour
laquelle
toutobjet
est autodual :k* =
k,
et lesmorphismes
de structures0n, bn
etdn
sont définis par lesdiagrammes
de lafigure
1.Figure
1. .2.3. Les
idempotents
de Jones-WenzlIl est bien connu
(cf. [24],
XII.3 etXII.4, [25])
que, pourk > 1, l’algèbre
de
Temperley-Lieb Ek
=Ek,k
estengendrée
par les k - 1 éléments e1, ..., ek-i où e; est lediagramme simple
défini par lafigure
2. Pourchaque
kstrictement inférieur à l’ordre de
a4, l’algèbre Ek
contient unidempotent
central
particulier, appelé l’idempotent
de Jones-Wenzl : il est défini commel’unique élément fk
EEk
tel quefk - l k
soit unpolynôme
non commutatifsans terme constant en e 1, ... , ek-i et tel que
fkei
=eifk
= 0 pour touti = 1,...,1~ - 1.
Figure
2.2.4. La
catégorie
de TuraevNous supposons que le nombre
complexe a
estgénérique
ouqu’il
estune racine
4rème
de l’unité où r ~ 3. L’ensemble J =J(a)
est définicomme l’ensemble des entiers > 1 si a est
générique
et comme l’ensemblefini
{1,2,...,
r -2}
si a est une racine4rème
de l’unité.Dans
[24], chap. XII,
Turaev a construit unecatégorie V(a)
dont lesobjets
sont les suites finies s =(ni ,
... ,nm)
d’éléments deJ,
ycompris
lasuite vide
0.
Pour une tellesuite,
onpose Isi
= ni + ... + nm etOn convient que
f~
= 1 EEo.
Lesmorphismes
deV(a)
sont desmorphismes particuliers
deS(a).
Soient s et s’ desobjets
deV(a).
Pour toutmorphisme
g E on pose
On obtient ainsi un
endomorphisme idempotent ~ ’-~ ~ :
Nous définissons alors
(s, s’)
commel’image
de cetendomorphisme :
La
composition
desmorphismes
dansV(a)
est induite par celle dansS(a) .
La
catégorie V (a)
est unecatégorie
rubanée au sens du§ 1.2.
Leproduit
tensoriel de deux
objets
s, s’ est la concaténation ss’ des suites.L’objet
unité est la suite vide. Le
produit
tensoriel desmorphismes
est induit par celui desmorphismes
deS(a) .
Si s et s’ sont desobjets
deV(a),
le tressage cs,s’ : s@ s’
--~ s’ ® s est donné parLe dual s* d’un
objet s
=(n1,...,nm)
est s* =(nm,...,n1).
Les mor-phismes bs
C - s 0s*, ds
s* ~ s ~ C et latorsion 03B8s :
5 ~ s sont définispar
Nous noterons
V(a)
lacatégorie
rubanée obtenue àpartir
deV(a)
enannulant les
morphismes négligeables
commeau § 1.3.
Turaev introduitéga-
lement la
sous-catégorie paire
deV(a) (resp. V(a)) qui
est lasous-catégorie pleine
deV(a) (resp. V(a) )
dont lesobjets
sont les suites s tellesque s ~
soitpaire.
Nousénonçons
maintenant le résultatprincipal
de l’article. C’est uneréponse
auproblème
24 soulevé par Turaev dans[24],
p. 572.THÉORÈME 2.1. - Soit a un nombre
complexe
et q =a2.
Alors_
1. si a et q sont
génériques,
il existe unéquivalence
decatégories
.~ : V (a) ~
2. si a est une racine
primitive
de l’unité avec r > 3 et q uneracine primitive
del’unité,
il existe uneéquivalence
decatégories
.~ ’~ ~
Les
foncteurs
0 et ~’ réalisant leséquivalences
conserventles
structuresrubanées,
etl’image
de lasous-catégorie paire
deV(a) (resp. V (a))
est lasous-catégorie paire
deR(q) (resp. TZ(q)).
La
première partie
du théorème sera démontrée au§5,
la seconde au§6.
3. Construction d’un foncteur
V(a)
--~TZ(q)
Nous fixons pour toute la suite deux nombres
complexes
a et q tels que q =a2.
Nous supposons en outre que a est soitgénérique,
soit une racineprimitive 4rème
de l’unité avec r > 3. Enreprenant
les notations des§1.4
et
§2.4,
nousavons j
= J U~0}.
Nous noteronsUq-Mod
lacatégorie
desUq(sl2)-modules
de dimension finie.Nous commençons par
rappeler quelques propriétés
du modulefonda-
mental
Vl
de dimension2,
que nous noterons V.3.1. Le module fondamental de
Uq(sl2)
Le module fondamental admet une base
(v0, v1)
telle queSoit la base duale de
(vo, vl).
Nous faisons le choix d’une racine carréeql/2
de q. Le tressage cv,v EV)
est donné dans la base(vo, W )
parLes
morphismes bv
: (C --> V @ V* etdv
V* @ V --~ C sont donnés parEnfin la torsion : V --~ V est donnée par
Au
§3.2,
nous construisons un foncteur 0 :S(a)
--~Uq-Mod
conservantles structures rubanées. La
catégorie S(a)
étantauto-duale,
alors que lacatégorie Uq-Mod
ne l’est pas(mais
tout module estisomorphe
à sondual),
nous devons faire le choix d’un
isomorphisme
entre le module fondamental V et son dual. On définit lemorphisme
deUq(sl2)-modules
a : V* parIl est aisé de voir que a est un
isomorphisme.
Posonségalement
d =
dv(a
~idv) (idv
: C - V ~V, qui
vérifient
Des calculs élémentaires montrent alors que
3.2. Un foncteur F :
: S(a)
---~Uq-Mod
Nous voulons définir un foncteur F :
V(a)
-~R(q),
conservant les struc- tures tensorielles et les structures rubanées. Pourcela,
nousrappelons
laconstruction bien connue d’un foncteur .F :
S(a)
---~Uq-Mod (prop. 3.1),
conservant les structures
tensorielles,
ainsi que les structures rubanées.PROPOSITION 3.1. - ù existe un
unique foncteur
.~’ :S(a)
-Uq -Mod
conservant les structures tensorielles tel que
En outre, pour tout
couple (n, m) d’objets
deS(a),
on aDémonstmtion. La construction d’un foncteur sur
S(a)
conservant les structures tensorielles est bien connue. Nous larappelons
brièvement. On définit ,~’ sur lesobjets
par =D’après
le§2.1,
pour définir ~’ surles
morphismes,
il suffit de connaître sa valeur sur lesdiagrammes simples.
La valeur de et
~’( n)
étantdonnée, (nécessairement F(I) = idv
car 0 est un
foncteur), l’image par F
de toutdiagramme simple
est définiepar
compositions
etproduits
tensoriels. Parconstruction, 0
conserve lesstructures tensorielles. Il reste à vérifier
(2.1),
cequi
est immédiat par(3.7) lorsque
q =a2.
Vérifions alors les quatre
égalités
annoncées. Celles concernant et sont immédiates. Montrons que =relation qu’il
suffit de vérifier pour n = m = 1
grâce
auxpropriétés
des tressages.Puisque
dans
S(a)
lemorphisme
c1,1 est donné par(2.2),
il suffit de vérifier que dans7Z(q),
on a cv,v = aidV~2+a-1 bd,
cequi
résulte de(3.8) lorsque
q =a2.
La dernière relation se montre de la même manière. D 3.3. Le
foncteur F : V(a)
--~R(q)
A
partir
du foncteur J’ :S(a)
--~Uq-Mod
nous définissons un foncteur FV(a)
~Uq-Mod
comme suit :1.
F(s)
= pour toutobjet
s deV(a) ;
2. =
F(9)
pour toutmorphisme 9
deV(a).
Il est clair que F conserve les structures tensorielles.
PROPOSITION 3.2. - Le
foncteur
F est à valeurs dansR(q).
. Commefoncteur V (a)
-R( q),
, il est essentiellementsurjectif.
Démonstration. Si n E
J,
alors on a ^--’Vn.
Eneffet,
soit pn El’idempotent
déterminé par/
B 2014 ~w
si w est deplus
hautpoids
n,0 si w est de
plus
hautpoids
p n.Nous avons alors
l’isomorphisme Vn. Or, d’après [19],
on a= Pn. Par
conséquent, 0(n)
= ’"Vn
Ceci prouve que ~’ estessentiellement
surjectif.
Eneffet,
si M ~Vnl
Q9 ... Q9Vnm
est unobjet
deR(q) , alors, comme 0
conserve les structurestensorielles, l’image
de la suites =
(Tu,..., nm)
= estM. D
Nous déduisons de cette
proposition
le dernierpoint
du théorème 2.1, i. e. quel’image
de lasous-catégorie paire
deV(a)
est lasous-catégorie paire
de
R(q).
Eneffet, l’objet (n)
deV(a)
a pourimage l’objet Vn
deR(q).
.Pour montrer
que
induit un foncteur J’ :V(a)
-~R(q)
sur lescatégories
purifiées,
nous avons besoin du lemme suivant.LEMME 3.3. - Pour tout
couple d’objets (s, s’)
deV(a),
on aPour tout
morphisme
g deV(a)
, nous avonsDémonstration. - Nous laissons le soin au lecteur de vérifier les quatre
premières
relationsqui
découlent de laproposition
3.1. Nous vérifions lacinquième.
Soit s unobjet
deV(a),
g Eet 9
l’élément corres-pondant
deEndv(a)(s).
Par définition de la tracequantique,
on aPar
conséquent,
L’avant dernière
égalité provient
de la naturalité du tressage. D COROLLAIRE 3.4. - Lefoncteur
.~’ induit unfoncteur fidèle
.~ :V (a)
---~~(q) ~
Démonstration. - L’existence du foncteur induit est une
conséquence
immédiate de la dernière
égalité
du lemmeprécédent.
Démontrons la fidélité
V(a)
->R(q).
Soit h : s - s’un mor-phisme
deV(a)
dontl’image
dansV(a)
est notée h. Si = 0 dansR(q),
alors est
négligeable
dansR(q).
Enparticulier,
pour toutmorphisme
g : s’
- s deV(a),
on a = 0. Le lemme 3.3implique
que= 0. Comme
l’application
applique
lediagramme
vide sur l’identité deVo,
c’est unisomorphisme.
Onen déduit que
trq(hg)
= 0 cequi
prouve que h estnégligeable
dansV(a),
donc
que h
= 0. D4. Préliminaires
techniques
Au
§4.1
nous exhibons une basesimple
pourchaque
espace de mor-phismes
dans lacatégorie V(a)
du§2.4.
Au§4.2,
nous donnonsquelques rappels
sur la formule de Clebsch-Gordan pour .4.1. Les
morphismes
deV(a)
Etant donné deux
objets s
=(ni , ... , nm )
et s’ =(ni, ... , n,’"~, )
deV(a),
on dit
qu’un diagramme simple
D est du bontype (s, s’)
s’il est du type( 1 si,
et siLEMME 4.1. - Les éléments
D,
où D est du bontype (s, s’), forment
une base de
Hom03BD(a) (s, s’).
Démonstration. Ce lemme découle des
égalités
= = 0 pourtout i =
1,
... , n - 1. Eneffet,
pour tout l~ >1,
il existe undiagramme Pk
tel quefk
= lk +Pk
etfkPk
=Pk fk
= 0. Nous en déduisons queoù les
Q; (resp.
les sont desdiagrammes
vérifiant = = 0(resp.
= =0).
Parconséquent,
où
À~
~ C et où tous lesD;
sont desdiagrammes simples
du type tels que =0,
donc tous distincts de D si15 7~
0. DRemarque.
- Undiagramme
est donc du bon type si on ne peut pas factoriser 0 e, en entrée oul~i+’"+~-i)
(g)eZ
® l~nk~+i+w+’~’n~ )
en sortie. Lafigure
3 donne unexemple
d’undiagramme
du bon type
(s, s’),
où s =(3, 3, 3, 4)
et s’ =(2, 2).
Figure
3.Figure
4.Pour terminer ce
paragraphe,
nous définissons desdiagrammes
du bontype
particuliers. Soit j
un entier vérifiant0 j inf (n, m)
. On définitVn,m,j E
comme la classed’isotopie
dudiagramme simple
dela
figure
4où,
parconvention,
un entier p coloriant un arcsignifie
p arcsparallèles.
4.2. Clebsch-Gordan
Le
produit
tensoriel des deux modulesVn
etVm (n,
m EJ)
vérifie la formule de Clebsch-Gordansi n + m E
J. J (ce qui
n’arrive quesi q
est une racineprimitive 2rème de
l’unité et n + m > r -2),
alorsoù Z est un module
négligeable.
Une telledécomposition
étantunique
àisomorphisme près,
nousparlerons
desparties semisimple
etnégligeable
deY~
®Vm. (cf. ~1, 2, 3, 20~~.
En itérant
4.1,
onobtient,
pour tout entier n EJ,
unedécomposition
dela forme
Nous
rappelons également
la formegénérale
des vecteurs deplus
hautpoids
d’unproduit
tensoriel W ® W’ de deux modules. Soient w E W unvecteur de
plus
hautpoids
n, w’ E W’ un vecteur deplus
hautpoids
m etp un entier > 0. Posons
où
~1~~ !
=~k~ ~1~ - 1]
...[1] ~
si J~ est un entier > 1 et = 1 par convention.Nous avons alors les résultats
qui
suivent(cf. [9], p.157).
1.
Lorsque
q estgénérique,
un vecteur de W® W’
est deplus
hautpoids k
si et seulement s’il estégal
à un vecteurv(w, w’, p),
avec0 p
inf (n, m)
et n + m -2p
= k.2.
Lorsque
q est une racineprimitive 2rème
del’unité,
supposons, en outre, que W et W’ sedécomposent
en sommes directes d’unepartie semisimple
etnégligeable,
i.e.où Z et Z’ sont des modules
négligeables
et P et P’ sont sommesdirectes de modules
Vn, n
E J. Dans ce cas, un vecteur de lapartie semisimple
de est deplus
hautpoids
k si et seulement s’il estégal
à un vecteurv(w, w’, p),
avec 0 pinf(n, m) ,
n + m -2p
= ket k x
inf(n + m, 2r - 4 - n - m).
.5. Pleine fidélité : cas
générique
Nous fixons un nombre
complexe
agénérique
et posons q =a2.
Pourdémontrer le
premier point
du théorème2.1.t,il suffit,
au vu de laproposition 3.2,
d’établir lapleine
fidélité du foncteur F :V(a) - R(q)
défini au 3.3. Ils’agit
de montrer le théorème suivant.THÉORÈME 5.1. - Pour tout
couple (s, t) d’objets
deV(a), l’application
est un
isomorphisme.
Nous démontrerons ce théorème par récurrence sur la
longueur
de t. Lespropositions
5.4 et 5.9 concernent le cas où t est delongueur
1 et le§5.3
traite le cas
général.
Remarquons
que le théorème est vrailorsque s
et t sont delongueur
0ou 1. En
effet,
les considérations du§4.1 impliquent
que, dans ce cas,D’après
le lemme deSchur,
il en est de même deDans toute la suite de
l’article,
nous conviendrons que la suite(0) repré-
sente la suite vide de
V(a) ,
cequi
permet de la traiter comme unobjet
delongueur
1.5.1. Cas
de F m), (k))
-~m)),.~’(k))
On fixe deux entiers n et m > 0 et un entier
k ~
0.Si j ~
0 est unentier,
on note
idj
lemorphisme
identité deV0j.
Le but du§5.1
est de démontrer le théorème 5.1 pour s =(n, m)
et t =(k).
LEMME 5.2. - Si 0 ~ k
~n -
ou bien n + mk,
ou bienk n
+ mmod 2,
alorsSinon,
(où j
estl’unique
entiervérifiant 0 ~ j ~ inf (n, m)
et n + m -2 j
=k)
etDémonstmtion. Le calcul de la dimension de
(F(n, m), provient
de la formule 4.1 et du lemme de Schur. La détermination deest immédiate dès que l’on a
remarqué
que s’il existeun
diagramme
du bon type((n, m), (k)),
alors c’est lediagramme où j
vérifie les conditions de l’énoncé. DNous avons maintenant besoin de la formule 4.4 et des notations