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Rivière et habitat à Khirokitia (Chypre). Etude de l'évolution hydro-géomorphologique du bassin du Maroni et de son impact sur l'installation néolithique pré-céramique au pied du site.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Ce travail a pour objectif d’étudier les épisodes sédimentaires marquant les derniers termes de l’évolution du cours de la rivière Maroni (encaissement et déplacement) et d’apporter plus d’éclairage sur l’évolution stratigraphique complexe notée à la fouille, en particulier dans la partie inférieure des niveaux d’occupation.

Le site et sa région

Le site néolithique pré-céramique de Khirokitia (Le Brun et Daune-Le Brun, 2003) est situé dans la partie méridionale de l’île de Chypre, en contrebas du massif du Troodos, à environ 6 km de la Méditerranée (fig. 1). Il est bordé au nord et à l’est par la rivière Maroni qui draine une partie de ce

Rivière et habitat à Khirokitia (Chypre)

Etude de l’évolution hydro-géomorphologique du

bassin du Maroni et de son impact sur l’installation

néolithique pré-céramique au pied du site

Fuad HOURANI

(UMR 7041 ArScAn -Du Village à l’état au Proche et Moyen-Orient)

Fig. 1 - Situation géographique du site de Khirokitia et emplacement du secteur Potamos, au pied du site (fl èche) ; le pointillé au milieu de la photo délimite le secteur fouillé du village néolithique principal en haut de

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massif vers la mer. Le site et sa région sont constitués d’un terrain rocailleux et relativement accidenté, au travers duquel s’encaissent profondément la rivière et son réseau hydrographique. Le substrat rocheux est constitué de calcaire miocène. Sur les coupes de la rivière et dans ses berges incisées, ces calcaires apparaissent recoupés par des conglomérats, marnes et sables concrétionnés d’âge pliocène/ pléistocène. Les dépôts holocènes, principale matière de cette étude, sont constitués de bancs de blocs, de galets, de graviers et de sables meubles relativement mal triés et le plus souvent emboîtés. Ces dépôts recoupent des formations quaternaires plus anciennes et apparaissent par endroits colmatés d’un sol limono-sableux brun à brun beige.

L’installation néolithique concernée par cette étude, ou secteur Potamos, se trouve à la base de la pente orientale de la colline sur laquelle le gros du village néolithique est établi. A cet endroit, la pente est fortement escarpée, avec un dénivelé d’environ 60m. Le cours actuel de la rivière est ici incisé sur environ 7m en contrebas des habitations les plus anciennes, au travers d’une épaisse couche de blocs et galets et dans les dépôts conglomératiques sous-jacents. L’incision a également entraîné la disparition d’une partie des habitations les plus à l’est (fig. 2).

Sur une coupe de bulldozer entaillée à l’occasion de l’ouverture d’un chemin agricole et

qui a été postérieurement repris en profondeur par la fouille, les niveaux d’occupation apparaissent dans ce secteur accumulés sur plus de 4m de hauteur. La séquence est coupée dans son milieu par une couche d’érosion constituée de cailloux calcaires aux angles vifs, de restes animaux et de terre cendreuse. Les éléments d’habitation les plus anciens reposent sur un radier de pierres, aménagé juste au-dessus des galets et graviers de la rivière.

L’étude

Des investigations géoarchéologiques détaillées ont été conduites sur la séquence archéologique mise au jour dans le secteur Potamos et sur les dépôts naturels exposés par l’incision de la rivière et de ces affluents dans les environs. Fondées sur des relevés de terrain classiques et sur l’étude microscopique d’échantillons de terre non perturbés, prélevés principalement dans les niveaux d’occupation, ces investigations visaient essentiellement à retracer l’histoire de l’évolution hydro-géomorphologique de la rivière au moment de l’occupation du site et pendant celle-ci. Les niveaux d’occupation postérieurs à la couche de cailloutis n’ont pas été échantillonnés pour l’étude microscopique; ils présentent des conditions de préservation nettement meilleures que celles des niveaux antérieurs et de ce fait n’ont pas fait l’objet d’une étude microscopique.

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La complexité stratigraphique de la séquence observée dans le secteur Potamos a nécessité de commencer le travail dans ce secteur afin de bien discriminer, dans un premier temps, entre les événements sédimentaires relatifs à l’action de l’homme et ceux résultant des phénomènes naturels. Cette séparation s’appuie sur une

caractérisation en terme de dynamique de mise en place (mécanismes de dépôts et processus post-dépositionnels) de chaque couche observée. Les événements pédo-sédimentaires et érosifs naturels déduits de cette caractérisation ont été par la suite recherchés dans la séquence naturelle de la rivière.

Les premiers résultats en bref

Conduite en étroite collaboration avec les archéologues, l’analyse détaillée de la séquence archéologique du secteur Potamos et des dépôts de galets et graviers sous-jacents a permis de démontrer en premier lieu que le radier de pierres aménagé à la base des niveaux d’occupation (fig. 3) n’est qu’un réaménagement par l’homme d’une puissante nappe alluviale et que la première occupation dans ce secteur aurait commencé avant la mise en place de cette nappe. En effet, les blocs et galets se trouvant à l’extrémité nord et nord-ouest de cette nappe et en continuité avec elle, présentent une structure d’entassement bien plus dense que celle des pierres du radier. Ils sont également recouverts par une fraction gravillonneuse qui apparaît le plus souvent sous forme de fins lits successifs bien triés et contenant des alignements sableux riches en éléments cendreux (fig. 4). Les dépôts de galets et graviers qui précèdent la mise en place de cette nappe, mais également celle du radier, sont aussi surmontés par le dépôt de fins lits de lentilles de graviers et de sables cendreux contenant quelques petits fragments de briques ou enduits brûlés.

Plus haut dans la séquence, au sein des niveaux d’occupation les plus anciens, des poches, accumulations ou petits épandages de sables fins Fig. 3 - Elément d’habitation posé directement sur le radier

de pierres.

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Figure 5. Maroni-1: coupe schématique de la rivière montrant l’emplacement des

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brun ou gris verdâtre ont été repérés à deux intervalles différents entre les structures et au-dessus de certains murs effondrés. Leur structure est différente de celle des briques et présente par endroits des alignements de sables lavés ; elle laisse penser à des produits de débordement de la rivière.

A maintes reprises dans la séquence qui sépare ces niveaux de la couche d’érosion figurant au milieu de la coupe, des dépôts de destruction sont associés à des matériaux de construction en terre bien décomposés et à des petites poches de concentration sableuses ainsi qu’à des traits sédimentaires grossiers et à des fragments de croûtes de surfaces caractéristiques des dépôts et écoulements superficiels à caractère torrentiel.

Les investigations conduites sur les coupes de la rivière dans un rayon d’environ 5km autour du site ont permis de localiser plusieurs séquences qui rendent compte du fonctionnement général de la rivière au cours de l’Holocène (périodes d’agradation, de stabilité et d’encaissement). Elles ont aussi clairement démontré que des événements pédo-sédimentaires anciens avaient été effacés ou masqués par d’autres événements plus récents. Ce phénomène classique dans les rivières aux terrasses emboîtées prend une dimension particulière dans le cas du Maroni à cause de sa configuration géomorphologique et structurale accidentée et de l’étroitesse de son lit

majeur. Cette configuration particulière des dépôts de la rivière et la difficulté d’y trouver des repères chronologiques suffisamment précis rendent délicat l’établissement de comparaisons directes entre ces derniers et les événements enregistrés dans la séquence du secteur Potamos.

Toutefois, une coupe de la rivière située à environ 200m au nord nord/est du secteur Potamos et à l’opposé de celui-ci (Maroni-1, fig. 5) expose la séquence holocène la plus complète observée dans la rivière. Cette séquence constitue un ensemble de références stratigraphiques qui aide à isoler et à comparer dans les dépôts complexes du Maroni des événements érosifs et pédo-sédimentaires semblables. Ces rapprochements demandent toutefois à être confirmés/complétés par des données chronologiques, isotopiques ou culturelles. La séquence montre au moins deux épisodes de décharges alluviales torrentielles, suivis par une période d’accalmie, avec la mise en place d’une épaisse couche sableuse, puis par une phase majeure de mise en mouvement des sols et sédiments présents sur les pentes et sommets des collines. Cette séquence se termine par deux phases d’incision successives. L’une, faciale et oblique à la coupe, recoupe les dépôts de la phase de mise en mouvement des sédiments jusqu’au sommet des blocs et galets des premiers épisodes torrentiels et représente visiblement une déviation du cours de la

Figure 6. Illustration schématique synthétisant l’évolution de la stratigraphie du secteur Potamos par rapport aux contraints hydro-géomorphologiques de la rivière et de la pente.

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rivière ou une période de divagation de ses eaux. L’autre, perpendiculaire à la coupe, en provenance de la pente, entaille les dépôts jusqu’au fond actuel de la rivière. Deux datations 14C permettent de fixer

deux âges, minimal et maximal, de la séquence. La première (7,300 BP) a été obtenue sur un échantillon pris à la base de la séquence dans un dépôt limono-sableux associé à la première phase torrentielle, mais qui constitue visiblement un produit d’érosion provenant de la pente. Ce dépôt, qui contient des fragments d’os et de charbons de bois, a également révélé deux objets néolithiques en pierre portant un décor. La seconde datation, récente (250 BP), a été obtenue sur un fragment de charbon provenant du dépôt au fond du chenal qui recoupe obliquement les dépôts de la dernière phase sédimentaire.

Ce qu’il faut retenir

L’ensemble des données recueillies dans les deux séquences, naturelle et archéologique, témoigne d’une succession d’événements sédimentaires et érosifs qui traduit d’importantes modifications dans l’environnement immédiat du site, en particulier dans la configuration du cours de la rivière. Bien que la date isotopique obtenue à la base de la séquence Maroni-1 soit relativement plus récente que la chronologie culturelle établie pour la séquence archéologique dans le secteur Potamos, les données stratigraphiques dont nous disposons, indiquent que ces modifications ont considérablement influé sur les installations humaines du bord de la rivière, au pied de la colline. Elles invitent à diviser la séquence archéologique mise au jour dans le secteur Potamos en trois phases de dépôts dynamiquement différentes (fig. 6). En effet, l’évolution notée dans la partie inférieure de la séquence montre que les premières occupations étaient soumises à l’influence directe des eaux de la rivière qui, bien qu’avec une faible contribution de la pente, auraient occasionné le démantèlement à plusieurs reprises des structures présentes dans ce secteur. La position stratigraphique des premières occupations par rapport aux différentes nappes alluviales observées et la structure et l’agencement de ces dernières indiquent aussi de fréquents déplacements du cours de la rivière et un niveau de base beaucoup plus élevé qu’il ne l’est actuellement, c’est-à-dire une plaine d’inondation relativement plus large et une rivière moins encaissée.

Plus haut dans la séquence et en particulier au milieu de celle-ci la tendance se renverse : on assiste désormais à l’augmentation des apports

alimentés par la pente et à l’arrêt de l’influence directe de la rivière. Ce changement pourrait traduire un encaissement du niveau de la rivière parallèlement à la mise en mouvement des sédiments situés sur le versant, vraisemblablement sous l’effet de violentes pluies torrentielles.

La partie supérieure de la séquence reflète en revanche des conditions environnementales géomorphologiquement plus stables : une pente qui ne participe plus beaucoup au démantèlement des constructions ni à l’accumulation de matériaux détritiques et une rivière qui retrouve son équilibre et qui ne fait plus appel à l’érosion du versant.

L’évolution de l’habitat et de la pratique architecturale reconnue à la fouille dans le secteur Potamos, reflète donc l’obligation où étaient les habitants de reconstruire après chaque changement dans le comportement de la rivière et de se protéger de ces changements, comme c’est le cas à la base des niveaux d’occupation avec l’aménagement juste au-dessus de la dernière et puissante nappe alluviale d’un radier de blocs et de grosses pierres.

La suite

La nature et l’ampleur des changements observés dans le comportement de la rivière Maroni, mais aussi dans la réactivité de son bassin sédimentaire, traduisent l’existence d’un régime d’écoulements torrentiels et d’érosions violents. Ce régime semble correspondre à l’installation au cours de l’occupation d’une pluviosité de type erratique et concentrée dont l’amplitude dépasse largement l’aire géographique de la région de Khirokitia. Nous savons d’autre part que le Néolithique de Khirokitia se situe d’un point de vue strictement chronologique autour de l’épisode aride de 8000/7,800 BP largement décrit par les données des différents domaines des recherches paléoclimatiques tant à l’échelle globale (Alley et al. 1977 ; Stager & Mayewski, 1997 ; Barber et al., 1999) que régionale (Roberts & Wright, 1993 ; Rossignol-Strick, 1995 ; Bar-Matthews et al. 2000). Dans la vallée du Jourdain (Jordanie) nous avons constaté, juste après cet épisode aride et à cause de lui, l’avènement d’une période d’incision, d’écoulement turbulent et d’érosion des limons rouges dans l’arrière pays (Hourani & Courty, 1998 ; Hourani, 2002). D’après la chronologie culturelle de la vallée du Jourdain, cette période d’instabilité se situe à la limite entre le Néolithique Précéramique et le Néolithique Céramique, c’est-à-dire dans le laps de temps qui couvre la phase PPNC. Alors que nous disposons maintenant à Khirokitia des premiers

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éléments d’une évolution dans ses grandes lignes comparable à celle reconnue dans la vallée du Jourdain, il devient une priorité de replacer dans une perspective plus large les résultats du bassin du Maroni tant dans le domaine de la recherche archéologique sur le Néolithique de Chypre, en examinant la situation de l’occupation à Khirokitia par rapport aux événements climatiques globaux de l’Holocène ancien, que dans le domaine de la recherche sur le paléoclimat, en examinant la transcription régionale de ces événements au moins à l’échelle du bassin sédimentaire du Maroni. Cette mise en perspective nécessite cependant d’examiner préalablement ce qui se passe au sommet de la colline par rapport à l’ambiance environnementale enregistrée en contrebas et d’exploiter l’ensemble des données chronologiques, stratigraphiques, environnementales et surtout culturelles existant à Khirokitia dans un esprit plus sensible à la problématique de l’Holocène ancien en Méditerranée Orientale.

Références bibliographiques

ALLEY, MAYEWSKI, STUIVER, TAYLOR, CLARK (1997) - Holocene climatic instability: A prominent, widespread event 8200 yr ago. Geology, 25. 483-486.

BARBER, DYKE, HILLAIRE-MARCEL, JENNINGS, ANDREWS, KERWIN, BILODEAU, MC NEELY, SOUTHON, MORHEAD, GAGNON (1999) - Forcing of the cold event of 8,200 yers ago by catastrophic drainage of Laurentide lakes. Nature, 400. 344-348.

BAR-MATTHEWS, AYALON, KAUFMAN (2000) - Timing and hydrological conditions of Sapropel events in the Eastern Mediterranean, as evident from speleothems, Soreq cave, Israel. Chemical Geology, 169. 145-156.

HOURANI (2002) - Le cadre paléogéographique des premières sociétés agricoles dans la vallée du Jourdain. Etude de l’impact des événements climatiques de l’Holocène ancien sur la dynamique du peuplement humain. Thèse de Doctorat non publiée, Paris.

HOURANI, COURTY (1998) - L’évolution morpho-dynamique de 10 500 à 5 500 BP dans la vallée du Jourdain, Paléorient ; vol. 23/2. p. 95-105. Paris : CNRS éditions.

LE BRUN, DAUNE-LE BRUN (2003) - Deux aspects du Néolithique Pré-céramique Récent de Chypre :

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ROBERTS, WRIGHT (1993) - Vegetational, lake-level, and climatic history of the Near East and Southwest Asia. In: Wright, J. R., Kutzbach, J. E., Webb III, T., Ruddiman, W. F., Street-Perrott, F. A. & Bartlein, P. J. (eds.), Global climates since the last glacial maximum. COHMAP volume : 194-220. Minneapolis: University of Minnesota Press.

ROSSIGNOL-STRICK (1995) - Sea-land correlation of pollen records in the eastern Mediterranean for the glacial-interglacial transition: biostratigraphy versus radiometric time-scale. Quaternary Science Reviews, 14. p. 893-915.

STAGER, MAYEWSKI (1997) - Abrupt early to mid-Holocene climatic transition registered at the equator and the Poles. Science, 276 : 1834-1836.

Figure

Fig. 1 - Situation géographique du site de Khirokitia et emplacement du secteur Potamos, au pied du site  (fl èche) ; le pointillé au milieu de la photo délimite le secteur fouillé du village néolithique principal en haut de
Fig. 2 - Niveaux d’occupation entaillés par la rivière dans le secteur de Potamos.
Fig. 3 - Elément d’habitation posé directement sur le radier  de pierres.
Figure 5. Maroni-1: coupe schématique de la rivière montrant l’emplacement des  différents éléments chronologiques collectés.
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Références

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