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DU MÊME AUTEUR Caroline degünderode ( ), Alcan, La Poésie autrichienne de Hofmannsthal à Rilke, Presses Universitaires, 1926.

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DU MÊME AUTEUR Caroline de Günderode (1780-1806), Alcan, 1910.

La Poésie autrichienne de Hofmannsthal à Rilke, Presses Universitaires, 1926.

Nietzsche en France, Alcan, 1929.

Nietzsche, Rieder, 1933.

Faust à travers quatre siècles, Droz, 1935 ; 2e éd. Aubier, 1955.

Histoire de la Littérature allemande, A. Colin, 1936 ; 4e éd. 1958.

Henri Heine. L'homme et l'œuvre, Boivin, 1948.

Études sur Goethe, Les Belles Lettres, 1951.

TRADUCTIONS THOMAS MANN : Désordre, Kra, 1928.

Altesse Royale, Delagrave, 1930.

Maître et Chien (in Tristan, Kra, 1930).

Les Buddenbrook, Fayard, 1932 ; 2e éd. 1949.

MARTIN BUBER : Je et Tu, Aubier, 1938.

FRIEDRICH NIETZSCHE : La Volonté de Puissance, Gallimard, 1935 ; 2e éd. 1950.

La Naissance de la Philosophie, Gallimard, 1938.

La Naissance de la Tragédie, Gallimard, 1940.

GOETHE : Maximes et Réflexions, Gallimard, 1942.

TRADUCTIONS COMMENTÉES (Coll. bilingue Aubier.)

JEAN-PAUL RICHTER : Voyage du proviseur Fälbel. Vie de Maria Wuz, 1930.

FRIEDRICH HÖLDERLIN : Poésies, 1943 ; 2e éd. 1950.

NoVALIS : Hymnes à la Nuit. Cantiques, 1943. Petits Écrits, 1947.

E. T. A. HOFFMANN : Trois Contes, 1947.

FRIEDRICH NIETZSCHE : Ainsi parlait Zarathoustra, 1946. Par-delà le bien et le mal, 1951.

Considérations intempestives, 1954.

ANNETTE VON DROSTE-HÜLSHOFF : Poésies, 1955.

GOETHE : Élégies romaines, 1955.

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LA VIE QUOTIDIENNE EN A L L E M A G N E À L'ÉPOQUE ROMANTIQUE

(1795-1830)

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"LA VIE QUOTIDIENNE"

Ouvrages parus *

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS D'HOMÈRE *, Par Émile Mireaux, Membre de l'Institut.

LA VIE QUOTIDIENNE EN ÉGYPTE*, Par Pierre Montet.

LA VIE QUOTIDIENNE A BABYLONE ET EN ASSYRIE *, Par G. Contenau.

LA VIE QUOTIDIENNE SUR LES RIVES DE L'EUPHRATE, Par A. Parrot.

LA VIE QUOTIDIENNE EN GRÈCE, Par Flacelière.

LA VIE QUOTIDIENNE A CARTHAGE, Par G. et C. Charles-Picard *.

LA VIE QUOTIDIENNE A ROME *. Par Jérôme Carcopino, Membre de l'Académie française.

LA VIE QUOTIDIENNE EN GAULE*, Par Paul-Marie Duval.

LA VIE QUOTIDIENNE DES MUSUL- MANS AU MOYEN AGE * (X au XIII siècle), Par Aly Mazaheri.

LA VIE QUOTIDIENNE EN CHINE AU XIII SIÈCLE, Par J. Gernet.

LA VIE QUOTIDIENNE DANS L'INDE ANCIENNE, Par J. Auboyer.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DE SAINT LOUIS *, Par Edmond Faral, Membre de l'institut.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DE JEANNE D'ARC*, Par Marcelin Defourneaux.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DES DERNIERS INCAS *, Par L Baudin, Membre de l'Institut.

LA VIE QUOTIDIENNE DES AZTÈQUES A LA VEILLE DE LA CONQUÊTE ESPAGNOLE *, Par Jacques Soustelle.

LA VIE QUOTIDIENNE EN FRANCE Par Abel Lefranc, Membre de l'institut. AU TEMPS DE LA RENAISSANCE *.

LA VIE QUOTIDIENNE EN ESPAGNE AU SIÈCLE D'OR, Par M. Defourneaux.

LA VIE QUOTIDIENNE A FLORENCE AU TEMPS DES MÉDICIS, Par Lucas- Dubreton *.

LA VIE QUOTIDIENNE EN ANGLETERRE SOUS ÉLISABETH *, Par Léon Lemonnier.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS D'HENRI IV, Par Ph. Erlanger.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DE LOUIS XIII *, Par Émile Magne.

LA VIE QUOTIDIENNE SOUS LOUIS XIV*, Par G. Mongrédien.

LA VIE QUOTIDIENNE SOUS LOUIS XV*, Par Charles Kunstler, Membre de l'Institut.

LA VIE QUOTIDIENNE SOUS LOUIS XVI*, Par Charles Kunstler, Membre de l'Institut.

LA VIE QUOTIDIENNE A VIENNE (MOZART ET SCHUBERT), Par M. Brion.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DE LA RÉVOLUTION*, Par Jean Robiquet.

LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DE NAPOLÉON *, Par Jean Robiquet.

LA VIE QUOTIDIENNE EN FRANCE EN 1830*, Par Robert Burnand.

LA VIE QUOTIDIENNE EN ALLEMAGNE A L'ÉPOQUE ROMANTIQUE, Par G. Bianquis.

LA VIE QUOTIDIENNE AUX ÉTATS- UNIS A LA VEILLE DE LA GUERRE DE SÉCESSION *, Par Robert Lacour-Gayet.

LA VIE QUOTIDIENNE SOUS LE SECOND EMPIRE*, Par Maurice Allem.

LA VIE QUOTIDIENNE EN FRANCE DE 1870 A 1900*, Par Robert Burnand.

LA VIE QUOTIDIENNE EN RUSSIE AU DÉBUT DU XX SIÈCLE, Par Henri Troyat.

LA VIE EN CHINE *, Par Mme O. Lang.

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GENEVIÈVE BIANQUIS LA VIE QUOTIDIENNE

ALLEMAGNE EN À L'ÉPO QUE ROMANTIQUE

(1795 - 1830)

HACHETTE

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La gravure de couverture représente une aqua- relle d'Arnold Johann-Carl (École Allemande) UNE SOIRÉE CHEZ BETTINA VON ARNHIM, (Musée Goethe - Francfort-sur-le-Main).

(Photo Kurt Haase.)

© Librairie Hachette, 1958.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

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A MES ÉLÈVES

DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE DIJON 1930-1956

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INTRODUCTION

O N A DIT que l'Allemagne est romantique par défini- tion, on a parlé de l'éternel romantisme allemand, entendant par là une prédilection marquée et constante

pour des formes de pensée irrationnelle, et pour des formes de sensibilité dont Werther et Faust, œuvres d'un poète dit « clas- sique », sont déjà des types achevés, et dont la musique wagné- rienne est le somptueux achèvement. Mais Werther appartient à une époque antérieure au romantisme proprement dit, époque dite de la « sensibilité ». Faust, œuvre d'une longue vie, s'étend sur plusieurs périodes successives ; Wagner, enfin, appartient à une époque beaucoup plus récente. Historiquement, le romantisme naît, sous ce vocable, aux environs de 1795, par la conjonction de plusieurs jeunes écrivains, philosophes, cri- tiques et poètes, groupés autour de l'université d'Iéna. Il expire Vers 1830 (à l'heure où le romantisme français est en pleine floraison) et cède la place à un réalisme, d'ailleurs assez mitigé de poésie dans plus d'un cas.

Il n'entre pas dans nos intentions de décrire ce que furent les divers cénacles romantiques, ceux d'Iéna, de Halle, de Berlin, de Heidelberg ou même de Vienne ; moins encore d'en analyser la doctrine ou les œuvres. On a tenté de res- tituer ici autre chose : l'atmosphère quotidienne d'une époque agitée, qui a vu les armées de la Révolution, puis de Napo- léon, se répandre sur le sol allemand, l'unité se faire contre l'envahisseur, les forces du passé se liguer pour empêcher ou retarder l'évolution politique et sociale d'un pays très divisé.

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Tout se tient, et la dure pensée volontariste d'un Fichte n'est pas étrangère au raidissement de la Prusse après 1806, la philosophie de la nature, le panthéisme de Schelling remplit et inspire la poésie de Novalis, alors que le traité De la Chrétienté, ou de l'Europe, du même Novalis, réagit profon- dément sur la doctrine de la Sainte-Alliance, que le Congrès de Vienne tentera d'inscrire dans les faits. Si Tieck, les frères Grimm, Arnim et Brentano, Görres, Fouqué ont été si soucieux de conserver et de ressusciter toutes les formes de la poésie populaire allemande — contes, légendes, poèmes, chansons, romans de chevalerie —, leur effort a contribué à instaurer le culte du passé national, tel qu'il se manifeste dans le rêve du Saint-Empire, la mode de l'art gothique, l'idéalisation du monde féodal, voire dans les nombreuses conversions au catho- licisme, et, beaucoup plus humblement, dans des modes de sentir, d'agir et de vivre, de se vêtir et de se loger, de se dis- traire et de se cultiver. Le romantisme s'exprime non seule- ment en poésie et en littérature, mais en musique, en peinture, en architecture ; il agit sur les mœurs, sur le costume et le décor de la vie. Il se traduit dans des doctrines politiques bien déterminées. C'est donc à une réalité très complexe que nous avons affaire. Et cette complication s'aggrave du fait que l'Allemagne est un pays particulariste dans lequel les régions, les petits États, les classes sociales sont pris dans des limites étroites et offrent des caractères divers.

Les écoles romantiques qui se succèdent sont diverses elles aussi. La première, celle d'Iéna, celle des deux Schlegel, de Fichte, de Schelling et de Novalis, est révolutionnaire à l'ori- gine ; sa pensée est surtout philosophique et critique. L'école dite de Heidelberg groupe des écrivains rhénans (Brentano), silésiens (Eichendorff) et prussiens (Arnim) ; elle est plus riche en poésie, plus pauvre en pensée ; c'est elle qui insiste sur la grandeur et la beauté du passé allemand, du paysage allemand, du Rhin allemand. Le romantisme berlinois, celui

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des salons et des cabarets, est plus mondain (salons juifs, Henriette Herz, Rahel Varnhagen, Chamisso, Fouqué, Heine) et plus bohème (Hoffmann et son cercle). Le roman- tisme de Halle est surtout savant. Il y a un romantisme souabe tardif, rustique et patriote (Uhland, Schwab, Justinus Ker- ner), et un romantisme viennois, peu créateur. Jean Paul n'est d'aucune école, mais ses interminables romans, gonflés d'une sensibilité éthérée, agissent puissamment sur les imaginations et les cœurs, notamment les cœurs féminins. De 1798 à 1820, c'est l'Allemagne entière qui est romantique, dans toutes ses démarches, son art, sa politique et même ses mœurs, Goethe

lui-même en subit passagèrement la contagion.

Après; cette rapide mise en place, il sera peut-être plus facile de saisir pourquoi l'épithète de « romantique » peut s'appliquer à un faisceau de faits aussi divergents, aussi chao- tiques que ceux dont nous venons d'indiquer brièvement l'ori- gine idéologique, les principales articulations dans le temps, les localisations provinciales. Ce qui nous occupe est plus concret et plus simple : comment vivait-on au jour le jour, quelle éducation donnait-on aux enfants, tant à l'école que dans la famille, quelles pensées agitaient les nobles, les bour- geois, les paysans, quelles révoltes commençaient à naître au cœur des femmes, au long d'une période qui a vu la trans- formation radicale de toutes les conditions et de toutes les institutions. C'est cette réalité chatoyante, émouvante aussi et souvent divertissante, que les pages suivantes ont eu l'ambi- tion de capter.

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CHAPITRE PREMIER

QUARANTE ANS D'HISTOIRE (1789-1830)

E

N JUILLET 1 789, lorsque arrivent les premières nouvelles de la révolution qui vient d'éclater en France, l'Ancien Régime règne encore sans partage en Allemagne, mais un Ancien Régime qui ne ressemble guère à celui de la monar- chie française unifiée et centralisée. L'Allemagne de 1789 est encore la vieille Allemagne des principautés particula- ristes, des villes libres, des fiefs ecclésiastiques et des grandes seigneuries terriennes. Sous l'autorité théorique d'un empereur sans puissance, une multitude de princes se partagent le ter- ritoire : rois de Prusse et d'Autriche, sans cesse en lutte l'un contre l'autre, électeurs de Saxe, de Hesse ou du Palatinat, princes-évêques de Mayence ou de Wurzbourg, sans parler des villes libres d'Empire et d'une poussière de petits duchés en Thuringe, d'innombrables terres nobles enfin, dont les dimensions n'excèdent souvent pas celles d'une grande pro- priété rurale, mais qui relèvent directement de l'Empire et assurent à leurs détenteurs des droits souverains. Plus de 300 unités territoriales en tout, dont 83 principautés (royaumes, duchés et grands-duchés), et chacune a son monarque, sa cour, son armée, sa monnaie, ses institutions et ses lois, ses prérogatives jalousement gardées. Les plus grands de ces États se font la guerre entre eux pour agrandir leurs terres aux dépens de celles du voisin ; les plus petits sont plus

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pacifiques, on y cultive une étiquette très compliquée, une vie de cour très cérémonieuse, parfois aussi les lettres et les arts.

Quant au pays en général, il est essentiellement agricole, la densité de la population y est faible (de 30 à 72 habitants au kilomètre carré en 1800). On y compte peu de grandes villes, beaucoup de petites et de moyennes. L'économie y est arriérée, et pareillement l'état social ; partout subsistent la féodalité et le servage, très durs dans le nord et l'est, atténués au sud et à l'ouest, qui sont en contact avec la France, la Suisse et la Hollande. Les grandes villes hanséatiques, à l'exception de Hambourg, sont en décadence, le commerce n'a guère d'importance que locale, l'industrie n'est pas encore née, les communications sont détestables. On voit monter et grandir un État militaire qui finira par dominer toutes les Allemagnes : la Prusse.

La vie intellectuelle est active dans des centres dispersés, petites universités, cours lettrées, et quelques grandes villes ouvertes sur le monde : Leipzig, Hambourg, Berlin, Franc- fort, Dresde. Mais pas de capitale commune, rien qui res- semble à la forte concentration de la vie française à Paris.

Une pensée rationaliste et humanitaire, fortement influencée par les écrivains anglais et français, s'est développée au cours du XVIII siècle, dans le prolongement de la pensée métaphy- sique de Leibniz et de Kant. Elle fera d'abord un très grand accueil aux premiers événements de la Révolution française où elle croira reconnaître, traduits dans les faits, les principes communs à toute l'élite des penseurs européens de l'époque.

Le fort courant de piétisme mystique qui a rénové la vie religieuse protestante aboutit à des conclusions analogues : égalité des âmes en Dieu, fraternité entre les hommes. Pas de résistance de ce côté-là non plus. Aussi la nouvelle de la prise de la Bastille est-elle accueillie avec enthousiasme.

Johann Müller, secrétaire du prince-évêque de Mayence, écrit le 14 août 1789 : « La prise de la Bastille est le plus beau

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jour de l'histoire depuis la chute de l'Empire romain. » Et Schlözer, professeur d'histoire à Gottingen : « Quel ami de l'humanité ne serait plein d'admiration ? Une des plus grandes nations du monde, la première par la culture géné- rale de l'esprit, rejette le joug de la tyrannie qu'elle a porté depuis un siècle et demi, de façon à la fois comique et tra- gique. Sans aucun doute, les anges de Dieu dans le ciel ont chanté le Te Deum à cette nouvelle. »

Un an après, à Hambourg, quelques amis de la France, à l'instigation d'un riche négociant de la ville, organisent une fête pour célébrer l'anniversaire du premier jour de la liberté : quatre-vingts personnes se réunissent, ornées de cocardes, d'écharpes et de ceintures tricolores, un chœur de jeunes filles chante un hymne composé par l'amphitryon, Klopstock donne lecture de deux odes composées tout exprès qui sont acclamées. On rit, on pleure, on s'embrasse, on boit à la liberté, aux héros, à l'Assemblée nationale, à Louis XVI, à la ruine du despotisme et à la future révolution allemande.

Klopstock, fait citoyen français par un décret de la Convention, demeura toujours fier de cette distinction, bien qu'il eût dès 1793 dénoncé les excès de la Terreur. Mais cette même année 1 793, tandis que les jeunes armées de la République repoussent victorieusement l'assaut de l'Europe des princes, trois jeunes élèves du séminaire de Tübingen se réunissent clandestinement pour planter un arbre de la liberté, pour chanter La Marseillaise et prêter serment de fidélité aux idées nouvelles de liberté, d'égalité et de fraternité. Ces trois adolescents portent les noms de Hölderlin, Schelling et Hegel. Le rousseauisme ancien remonte au cœur des Alle- mands, le rousseauisme politique du Contrat social, cette fois, après que l'époque werthérienne s'est enivrée du rousseauisme sentimental de La Nouvelle Héloïse. De « journée » en

« journée » révolutionnaire, Klopstock consacre ses odes aux nouveaux Francs, libérateurs de l'humanité. Et c'est en libé-

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rateurs que sont accueillis sur le Rhin les soldats qui viennent de vaincre à Valmy. Goethe en a tracé l'inoubliable image dans des vers célèbres d'Hermann et Dorothée.

D'ailleurs, si les intellectuels allemands saluent dans la Révolution française la victoire de l'esprit et le triomphe de l'humanité, ils ne souhaitent nullement pour leur pays pareille expérience, persuadés qu'ils sont de l'excellence, de l'inno- cuité à tout le moins de leurs tyrans au petit pied, et de la supériorité que leur confèrent leur haute culture philosophique et leur naturelle propension à la vertu. Quant au sentiment national, il n'existe guère en Allemagne, où la cause des princes n'est pas sentie comme la cause des peuples. C'est de leurs vainqueurs que les Allemands apprendront le patrio- tisme, le nationalisme même, inséparable du jacobinisme, mais qui, en pays teuton et sous le poids de l'occupation étrangère, donneront de tout autres fruits.

Les princes, sans doute, ou du moins quelques-uns d'entre eux, tentent de venir au secours de la monarchie française menacée. Mais ils n'y mettent guère de conviction, et les États les plus puissants, la Prusse et l'Autriche, sont bien trop occupés à se disputer les dépouilles de la Pologne, puis à digérer leurs conquêtes, pour donner grande attention à ce qui se passe à l'ouest. Cependant le duc de Brunswick lance son insolent manifeste, mais les armées de mercenaires ne tiennent pas devant l'élan des armées nationales, recru- tées en France par le volontariat et la levée en masse. Valmy, Jemmapes, Fleurus.... Custine entre à Mayence, qui n'est pas défendue, les principautés ecclésiastiques s'effondrent et ne se relèveront pas. Le peuple allemand demeure dans son apathie. A Mayence se constitue un parti très actif de répu- blicains allemands, groupés dans des clubs, à l'instar de Paris. Le plus ardent de tous, Georg Forster, ira jusqu'à offrir à la Convention d'annexer Mayence et la région avoi- sinante pour constituer le département des Bouches-du-Main.

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En 1792, 1794, 1795, 1798, le poète Hölderlin fait des vœux pour la victoire des armes françaises. Bourgeoisie intel- lectuelle et peuple opprimé semblent s'accorder pour espérer des Français une émancipation politique et sociale qu'ils se sentent inaptes à réaliser seuls. Mais ce point de vue va changer. La première ombre au tableau vient du procès et de la condamnation, puis de l'exécution de Louis XVI.

Le respect monarchique, vivace au cœur des Allemands, se réveille, et Klopstock change une corde à son luth. Il ne parle plus que des Français barbares et criminels. L'assas- sinat de Marat fait de Charlotte Corday l'héroïne univer- sellement admirée.

Une tendance oppositionnelle se dessine. L'occupation française, à la longue, se fait pesante, comme toutes les occupations. On prête une oreille plus complaisante aux émigrés qui sont partout sur le Rhin et jusqu'à Hambourg.

Les princes, l'aristocratie commencent à craindre la conta- gion révolutionnaire et à se sentir menacés. Le véritable esprit de résistance n'existe pas encore, il se formera très len- tement au cours des quinze longues années (1799-1814) de guerres presque ininterrompues qui mèneront les armées fran- çaises des bords du Rhin à ceux du Danube, de l'Elbe et de la Sprée. Une longue série de défaites : Ulm et Auster- litz (1805), Iéna et Auerstedt (1806), Eylau (1807), Fried- land (1808), Wagram (1809) marquent les étapes d'une déchéance que consacrent des traités désastreux : paix de Bâle, de Campo-Formio, de Lunéville, de Presbourg, de Posen, de Tilsit, de Vienne. La France annexe la rive gauche du Rhin, forme en 1806 la Confédération du Rhin à laquelle les princes du nord sont plus ou moins contraints d'adhérer. Le Saint-Empire s'effondre en 1806, l'empereur dépose sa couronne et reçoit en échange le titre tout nouveau d'empereur d'Autriche. Dès 1802, la Prusse avait perdu ses provinces rhénanes, 4 millions de sujets et 12 000 milles car-

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rés, sans que la Diète ait osé élever une protestation éner- gique, et l'opinion n'avait guère réagi.

La décomposition de l'Empire souleva peu d'émotion. En 1 795, la paix de Bâle, moyennant cession de la rive gauche du Rhin, avait coupé l'Allemagne en deux et assuré, en somme, dix ans de paix aux régions du nord et de l'ouest, alors que l'Allemagne du sud continuait à être un champ de bataille. La paix de Campo-Formio, en 1797, se fit aux dépens des fiefs ecclésiastiques de la rive droite, qui furent attribués à l'Autriche. En 1801, la paix de Lunéville, qui suscita de grands espoirs, procéda à la médiatisation de 97 petits États rhénans, le Reichsdeputationsausschuss en supprima 112 autres l'année suivante, surtout des biens ecclé- siastiques et des villes d'Empire.

Tant de changements ne paraissent pas avoir affecté pro- fondément l'opinion, si l'on peut parler d'opinion en Alle- magne à cette date. Napoléon, d'une poigne vigoureuse, simplifiait la carte politique de l'Allemagne en « médiati- sant » toutes les principautés ecclésiastiques, de nombreuses petites principautés, villes libres et terres nobles, désormais intégrées à des États plus grands. Il a créé deux royaumes nouveaux, Bavière et Westphalie, celui-ci formé de terres détachées de l'électorat de Hesse et des pays circumvoisins, et attribué au plus jeune des Bonaparte, Jérôme, qui mènera à Cassel joyeuse vie et méritera le surnom de « roi Loustic ».

Au prix d'un serment d'allégeance, le Wurtemberg et la Saxe se sont vus promus au rang de royaumes. Il ne reste plus au total qu'une trentaine d'États allemands : simpli- fication salutaire, qui fait de Napoléon le premier artisan de l'unité allemande ( le dernier sera Hitler).

De 1792 à 1813, l'Allemagne s'est habituée à voir pas- ser les troupes, armées françaises renforcées par leurs nom- breuses légions étrangères : prussiennes, autrichiennes, hon- groises, espagnoles. Elle a vu les Français s'établir sur le

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Rhin, traverser l'Allemagne moyenne et la Thuringe, prendre Dresde, investir et occuper Berlin et Vienne. En moins d'un mois de campagne, en 1806, « la Prusse n'existait plus ».

On était au plus bas. Mais cette Prusse effondrée eut alors quelques grands hommes d'État et quelques grands orga- nisateurs militaires, qui, en quelques années très difficiles, surent remettre le pays sur pied et préparer les armées de la libération.

Il fallut aux grands ministres, Stein et Hardenberg, et à leurs collaborateurs militaires, Scharnhorst et Gneisenau, constamment désavoués par un roi pusillanime, le courage de remonter le courant. En 1806, Frédéric-Guillaume III a signé l'alliance avec Napoléon. En 1808, puis en 1809, lorsque l'Autriche se soulève, le roi de Prusse, contre Scharn- horst, contre Gneisenau, proclame sa fidélité à son grand allié. Le 9 mars 1813, il ratifie un nouveau traité d'alliance, Scharnhorst et Gneisenau démissionnent ; mais, dès le 17, les choses tournant mal pour Napoléon, ce même roi lui déclare la guerre. Par deux fois, il congédie Stein, et les réformes se font contre son gré. Mais elles se font, et c'est la monarchie qui en bénéficiera. Les historiens allemands ne contestent pas que c'est à la Révolution française et aux guerres qui l'ont suivie que la Prusse a dû de devenir un État moderne. L'appareil gouvernemental est simplifié, les ministres pour la première fois spécialisés et réduits à cinq.

Par l'abolition du servage et l'établissement de l'autonomie communale, Stein s'efforce de gagner à la cause nationale des milieux jusqu'alors indifférents ou hostiles. Abolition des droits féodaux et des privilèges des corporations, liberté du commerce et des métiers, égalité civile, on reconnaît le pro- gramme même de la Révolution française.

En même temps, Scharnhorst réorganise l'armée, tâche

d'insuffler à tous un esprit de patriotisme et de sacrifice. Les

commandants des places fortes qui se sont rendues sans

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combattre sont remplacés par des officiers plus jeunes et plus capables. Sans cesser d'être stricte, la discipline est huma- nisée, les châtiments corporels, cruels ou humiliants, sont sup- primés. L'ancienne armée, qui servait surtout à la parade et aux escortes, est remplacée par une armée moderne, bien équipée, bien armée, bien exercée, bien commandée. Renon- çant au principe frédéricien de l'attaque frontale, on adopte la nouvelle tactique française, avec les ajustements néces- saires. Mais comment s'assurer les effectifs indispensables ? Les traités n'autorisent qu'un contingent de 42 000 hommes sous les armes et interdisent l'institution de réserves.

Qu'à cela ne tienne : on donnera aux jeunes soldats une préparation intensive et accélérée qui permettra de faire tour- ner les classes rapidement. On peut en instruire trois ou quatre par an (système dit de la « contraction ») ; ce seront 100 000 à 150 000 hommes, provisoirement renvoyés dans leurs foyers, qui se trouveront à tout instant disponibles. Ainsi, tandis que Napoléon s'épuise en coûteuses victoires, dans des contrées de plus en plus inhospitalières, se prépare sur ses talons l'armée qui aura raison de lui. Préparation à la fois militaire, morale et sociale.

Cela ne va pas sans résistance de la part des privilégiés.

Stein ayant été remercié sous leur pression, Hardenberg

continue l'œuvre de son prédécesseur, émancipe les juifs de

Prusse, établit un impôt sur la fortune immobilière et concède

aux paysans le droit de posséder la terre. L'université de

Berlin, fondée en 1810 pour remplacer Halle et Erlangen,

devient un foyer ardent de résistance ; les sociétés de gym-

nastique créées par Jahn s'efforcent de donner à la jeunesse

une préparation patriotique, sportive et paramilitaire ; le

premier stade de gymnastique est ouvert sur la Jungfernheide,

aux portes de Berlin. Les milieux étudiants s'agitent et se

constituent en associations plus ou moins secrètes, toutes orien-

tées vers la revanche.

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On voit naître une poésie patriotique et guerrière, tandis que Fichte, du haut de sa chaire de Berlin, clame ses Discours à la Nation allemande. Le pays gémit sous des charges de plus en plus lourdes, mais il ne gémit plus sans espoir. On attendra cependant que l'hiver russe et les marches interminables à travers les steppes glacées aient eu raison plus qu'à moitié des armées françaises exténuées ; quand la Grande Armée en haillons, traînant ses blessés, ses malades et ses éclopés, reprend le chemin de la France, le roi de Prusse se décide enfin à lancer l'Appel à mes peuples et pousse au recrutement des légions volontaires.

Dès lors, et c'est important pour la suite, le roi de Prusse apparaît comme le chef du soulèvement national ; la reine Louise, morte en 1810, en est la sainte tutélaire ; l'armée prussienne en sera l'instrument. Aux troupes régulières se joignent les corps de volontaires, comme celui des chasseurs noirs de Lutzow, qui harcèlent les restes encore cohérents de la Grande Armée. Celle-ci se ressaisit et fait encore front, vic- torieusement, à Lützen, à Bautzen. Mais, le 18 octobre 1813, la bataille de Leipzig, où l'on vit les régiments saxons com- mandés par le général Yorck faire défection sur le champ de bataille et retourner leurs armes contre leurs camarades de la veille, sonne le glas de l'épopée impériale. Napoléon se déroba à temps et réussit à regagner Paris, tandis que soldats et grenadiers, vétérans et jeunes recrues reculaient pied à pied devant des armées fraîches, robustes et fanatisées. Cam- pagne de Saxe, compagne d'automne, campagne d'hiver, campagne de France.... Metternich eût été d'avis d'arrêter les hostilités sur le Rhin, mais Stein insista pour qu'on allât jusqu'à Paris, où les monarques alliés firent leur entrée solennelle.

En 1815, l'épisode des Cent-Jours ne changea pas grand- chose à la situation. C'est aux diplomates du congrès de Vienne qu'il appartenait de dire ce qu'allait être cette Alle-

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magne nouvelle et victorieuse, toute frémissante encore du combat. Oubliée, la série des traités désastreux qui ont aliéné la rive gauche du Rhin, formé une Confédération du Rhin sous protectorat français, forcé l'adhésion des princes du nord, démantelé la Prusse, liquidé le Saint-Empire.

La guerre de libération s'achevait par une totale victoire.

L'ennemi avait été reconduit jusque chez lui, par un effort auquel les armées régulières et les alliés russes, puis anglais, avaient eu plus de part que les légions volontaires.

On espérait voir se constituer une Allemagne une, raison- nablement libérale, qui pourrait regarder avec confiance vers l'avenir et tenir sa place en Europe. La jeunesse, qui avait donné sans compter son enthousiasme et son sang, espérait que les princes se montreraient reconnaissants et se souvien- draient de leurs promesses, en accordant à leurs sujets des droits d'hommes libres. Il fallut bientôt déchanter. Ce qu'éla- boraient à Vienne des diplomates d'Ancien Régime, domi- nés par la forte personnalité de Metternich, c'était une restauration aussi exacte que possible de l'état d'avant la Révolution, un particularisme à peine amendé, un régime policier de censure et de tracasseries sans fin.

On avait combattu pour l'unité et pour la liberté. L'unité n'était pas faite : entre l'Autriche et la Prusse, les différends n'étaient pas réglés, un certain nombre des États supprimés par Napoléon relevaient la tête ; les princes, plus ils étaient petits, plus ils tenaient à leurs prérogatives. Quant à la liberté, il n'était plus permis d'en prononcer le nom. Le congrès de Vienne ne fit en rien avancer la question de l'unité alle- mande ; au contraire il restaura quelques petits États et laissa subsister sur d'autres des hypothèques étrangères.

Le « système » de Metternich étendit sur le pays son réseau d'espions policiers, de censure, de mesures coercitives. Il ne fit plus bon être jeune et patriote. Le patriotisme lui-même avait pris un relent de « démagogie » et vous signalait aux

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foudres de l'autorité. Les Burschenschaften, associations patriotiques et assez démocratiques d'étudiants, furent dis- soutes, Jahn arrêté, Arndt privé de sa chaire. Lorsque, en 1819, un étudiant exalté, Karl Sand, assassina le poète Kotzebue, agent russe, et comme tel exécré par les patriotes et les démocrates, la persécution se fit plus sévère. Arresta- tions et procès se succédèrent. La censure régna sur la presse et sur les livres, et le « cabinet noir » ne se gêna plus pour décacheter et lire les lettres privées.

Bien peu de princes avaient tenu les promesses faites à l'heure du danger pour séduire et entraîner leurs peuples.

Tous avaient promis des constitutions, elles tardèrent à paraître. La première fut celle de Nassau, patrie du baron de Stein, en 1814. Le duché de Saxe-Weimar suivit cet exemple en 1816, Bade, Bavière et Wurtemberg de 1818 à 1819. La Prusse résista à toutes les revendications jusqu'en 1848.

Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, la différence est grande entre les États du nord et ceux du sud. Les nouveaux États créés par Napoléon avaient reçu des constitutions de modèle français que, dans l'ensemble, ils conservèrent. Les princes médiatisés ne retrouvèrent pas leur souveraineté, les villes d'Empire leur autonomie. Le Code Napoléon resta en vigueur sur le Rhin pendant un siècle. L'administration française avait introduit des habitudes de simplification et de concentration, supprimé beaucoup de droits particuliers et de coutumes locales ; il n'y avait pas lieu de s'en plaindre, même si l'on voyait à présent protestants et catholiques mêlés dans une même division territoriale, au lieu d'être minutieu- sement isolés en de minuscules enclaves.

Quatre villes libres furent rétablies, sur une cinquantaine, avec leurs vieilles constitutions oligarchiques, leurs sénats inamovibles qui se recrutaient par cooptation dans les familles patriciennes. Brême refusa aux luthériens l'égalité de droits

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avec les réformés, Hambourg retira aux juifs l'égalité civile.

Les princes évincés par Napoléon, ceux de Hesse, de Brunswick, de Hanovre, reprirent possession de leurs trônes, ramenant avec eux leurs maîtresses, leurs bâtards, leurs favo- ris incapables et omnipotents. Le roi Loustic était un modèle en comparaison.

Les peuples reçurent avec un loyalisme surprenant ces revenants et acclamèrent les représentants de ces mêmes dynasties qui au XVIII siècle vendaient leurs sujets contre argent comptant à l'Angleterre pour en faire des soldats.

Aucun des États du nord n'eut de constitution, mais elles se généralisèrent assez vite dans les États du sud, où bien souvent elles tendirent à ressusciter sous des formes modernes d'anciennes libertés ou franchises tombées en désuétude. Les États du nord au contraire remirent en question les libertés accordées par la Prusse à l'imitation du régime français.

Même si l'égalité des confessions chrétiennes demeura un fait acquis, et si l'on ne put pas rétablir le servage, il y eut sur la question juive des flottements et des régressions, et la juridiction patrimoniale des seigneurs, l'un des pires abus de la féodalité, fut rétablie, même en Wurtemberg.

L'Allemagne était désormais une Confédération germa- nique présidée par l'Autriche. S'il n'y avait plus d'empereur, du moins avait-on eu le souci de « garantir l'indépendance et l'inviolabilité de tous les États confédérés ». A la Diète, ces États, au nombre de 38, réunissaient entre eux 17 suf- frages, Prusse, Autriche, Saxe et Hanovre ayant chacun droit à une part entière, les États plus petits se contentant de fractions. Mais au Conseil restreint chacun des États grands ou petits disposait d'une voix, et qui plus est, d'un veto qui condamnait l'assemblée à l'immobilisme.

Très vite il fallut se rendre à l'évidence, la Diète était un

organe mort, incapable de faire quoi que ce soit en faveur de

l'unité, bien moins encore de l'unification de l'Allemagne ;

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incapable de mener une action diplomatique cohérente ou d'instituer un commandement militaire unique ; même pas capable de préparer l'union douanière tant désirée. On s'habitua à compter sans la Diète. La politique s'enferma dans les limites des États particuliers. On vit dans le nord une restauration de l'absolutisme et de la féodalité, ou le retour à de vieilles constitutions par classes hiérarchisées ; dans le sud, d'interminables débats autour de questions consti- tutionnelles.

Des esprits chagrins et réactionnaires réclamaient le retour au « bon vieux droit du temps jadis », au bariolage des droits et des classes, des mesures et des monnaies, à la résurrection du passé allemand. La période qui va de 1815 à 1830 est une période de complète stagnation politique, mais c'est alors que se constitue une mentalité nouvelle en Allemagne, celle du libéralisme. La doctrine libérale est faite de l'héritage unitaire et libertaire des guerres de libération, de la tradition humaniste et humanitaire du rationalisme allemand et de principes empruntés plus récemment à la France et à l'Angle- terre. Le parti est bourgeois dans la plus grande partie de l'Allemagne, populaire seulement dans les régions plus avancées du sud. Son but est de préparer l'unification de la patrie et d'instaurer un régime démocratique tempéré, nulle- ment révolutionnaire, qui fasse la part la plus grande pos- sible aux droits de la personne humaine.

Le parti eut un état-major de professeurs, d'avocats, de publicistes et d'autodidactes un peu hirsutes et d'autant plus impressifs. Il prit part aux mouvements « constitutionnels » mais s'inquiéta aussi de problèmes économiques et sociaux.

Assez fort dans l'Allemagne du sud, il a peu à peu gagné

la Prusse, mais non la Bavière, où il se heurtait à une

forte résistance catholique. En Prusse il tend à devenir le

parti de la bourgeoisie riche et éclairée, en Souabe il s'appuie

sur des aspirations démocratiques populaires. Il est pour une

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large part responsable de la révolution manquée de 1848.

Sous le nom de national-libéralisme, il sera le meilleur sou- tien de Bismarck dans la construction du nouvel Empire.

Cependant les vieux abus avaient reparu. Dans le Mecklembourg, l'usage de « déposer 1 » les paysans sévissait de nouveau, et la campagne se dépeuplait. L'émancipation des serfs leur avait donné la liberté de se détacher de la glèbe, mais les laissait le plus souvent déracinés, sans un sou, sans toit ni demeure, sans un lopin de terre pour assurer la subsistance de leur famille. La « liberté » se trouvait avoir exactement les mêmes inconvénients que la servitude. La famine de 1817 vint s'ajouter à cette misère.

Sans doute la misère n'était pas pour tous, car la même période voit naître et se développer d'importantes industries, aciers de Solingen, soieries et cotonnades de Chemnitz et de Crefeld, verreries de Neunkirchen, et à Essen déjà la grande industrie métallurgique.

Dans l'atmosphère de trêve générale qui a succédé aux longues guerres de la période napoléonienne, la Prusse ne reste pas inactive. C'est alors qu'elle reconstruit deux des piliers de sa puissance, l'armée et l'école. En 1814 le service obligatoire universel fut institué en Prusse. Tout Prussien, désormais, devait servir 3 ans dans l'armée active, 2 ans dans la réserve, ces deux formations constituant l'armée de campagne mobilisable au premier jour. Venaient ensuite 7 ans dans la territoriale I, 7 ans dans la territoriale II, 11 ans dans le Landsturm, destiné uniquement à la défense du territoire en cas d'invasion. Soit 40 ans de services ou de disponibilité — autant dire la vie entière. Seule exception, le volontariat d'un an pour les jeunes gens qui ont de la

1. Le seigneur qui désirait agrandir son domaine de chasse ou de plaisance pouvait reprendre la terre aux paysans qui la cultivaient et ne leur devait de ce fait aucune indemnité. C'était ce qu'on appelait « déposer » les paysans ( Bauernlegen).

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fortune ou ont fait des études, auxquels on ajouta les maîtres d'école et les artistes. Les châtiments corporels furent défini- tivement supprimés dans l'armée (en Bavière, ils durèrent jusqu'en 1848). L'institution de jurys d'honneur tendit à res- treindre la pratique meurtrière du duel ; désormais, chose toute nouvelle, ce fut l'offensé et non l'offenseur qui fut admis à demander réparation. Enfin Clausewitz attacha son nom à la création de cet organisme essentiel, le grand état- major prussien.

En Prusse également s'esquisse une réforme scolaire de grande portée, même si le ministre Altenstein, mal soutenu, n'eut pas le courage de la réaliser intégralement. L'État mettait la main sur tout le système scolaire, imposait à partir de l'école élémentaire, en passant par le gymnase et jusque dans les universités, une formation intellectuelle et morale cohérente, qui devait tendre à préparer moins des citoyens que des sujets, ou plus précisément la pépinière des officiers et des fonctionnaires. Il y eut résistance du côté de l'Église, ou des Églises. Mais c'est dans cette période que se forma le corps des officiers et fonctionnaires de l'État prussien, souvent pauvres, mais très respectés, honnêtes, acharnés au travail, économes, disciplinés, incorruptibles. La docilité et la modestie des ambitions matérielles, ils l'avaient dans le sang, étant souvent de petite noblesse ou fils de pasteurs et petits-fils de domestiques. A la résignation luthérienne, qui enseigne à ne pas résister à l'autorité temporelle, se joint l'éthique kantienne du devoir.

Sans doute, ces parfaits fonctionnaires, tout le monde ne

les appréciait pas également. On leur reprochait leur morgue,

leur despotisme, leurs habitudes tatillonnes, leurs insuppor-

table pédantisme. On se plaignait de cette hiérarchie créée

par Hardenberg : ministres, directeurs et sous-directeurs,

chefs et sous-chefs, agents, sous-agents.... On comptait en

Prusse 1 fonctionnaire sur 49 habitants, et le président von

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Imprimé en France.

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