BullAcadNatlMed(2019)203,659—661
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RAPPORT ET RECOMMANDATIONS DE L’ANM
Communiqué. Vacciner les filles et les garc ¸ons contre le Papillomavirus humain (HPV) : une nécessité pour éliminer les cancers du col utérin mais aussi de
l’oropharynx, de la cavité buccale et de l’anus 夽
Vaccinale girls and boys against human papillomavirus : A necessity
R. Villet
1Académienationaledemédecine,16,rueBonaparte,75006Paris,France
Rec¸ule11juillet2019 ;acceptéle17septembre2019 DisponiblesurInternetle12octobre2019
LePapillomavirus humain(HPV)estla causede100%des cancers du col de l’utérus qui tue plus de 1000 femmes chaque année en France. Il est à l’origine de nombreux cancersdel’amygdale,delalangueetdel’anus.
Ilfautvaccinerlesfillesetlesgarc¸onscontreleHPVpour éliminer le cancer ducol utérin, etéviter lescancers de l’amygdale,delalangueetdel’anus.
L’Académienationaledemédecine appelleàunevacci- nationuniverselledescollégiensdesdeuxsexes.
夽 Un communiqué exprime une prise de position officielle de l’Académienationaledemédecine.L’Académiedanssaséancedu mardi17septembre2019,aadoptéletextedecerapportpar81 voixpour,2voixcontreet4abstentions.
Adressee-mail:dvillet@club-internet.fr
1 Richard Villet (rapporteur), au nom du groupe de travail (membresdugroupedetravail:PierreBégué,YvesBuisson,Franc¸ois Bricaire,Claude-Henri Chouard etOllivier Laccourreye)rattaché auxcommissionsIII(cancérologie)etVII(maladiesinfectieuseset tropicales).
L’Académienationaledemédecine(ANM)s’estexprimée àplusieursreprisesàproposdesinfectionsàHPVetnotam- mentsurlavaccination[1,2].
En2019L’ANMaprisconnaissanced’uncommuniquéde l’Académienationaledepharmacie suivide recommanda- tionssurlapréventiondescancersdusauxHPVetapprouve celles-ci[3].Elle aégalementcosignéuncommuniquéde pressedu20marssurlesinfectionsetlescancersdusaux papillomavirusenFrance[4].
Endehorsdetoutconflitd’intérêt,enraisondel’enjeu desantépubliquedevantl’importancedecesinfectionset descancersinduitsauniveauducoldel’utérus,maiséga- lementauniveaudel’oropharynx, delacavitébuccaleet delarégionanale,sansreprendreendétailcesdeuxcom- muniquésdanslesquelsfigurentlesréférences,l’Académie rappelleque:
• pratiquement100 %des cancersducoldel’utérussont dusàl’HPV;
• plusde1000femmes meurentannuellementparcancer ducolenFrance;
https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.09.002
0001-4079/©2019Publi´eparElsevierMassonSASaunomdel’Acad´emienationaledem´edecine.
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• lapréventionsecondaireparfrottiscervicaln’esteffec- tuée, à ce jour, que chez 60 à 70 % de la population féminine;
• lesinfectionsàHPVconcernentégalementleshommeset 1600cancersmasculinsannuelssontdusàl’HPV;
• lecoûtensantédesinfectionsàHPVreprésenteplusde 500millionsd’D/an[5];
• l’efficacitédesvaccinssurl’infectionàHPVestprouvée, elleentraîneuneréduction deslésionsprécancéreuses.
Lesrésultatsd’uneméta-analysesur60millionsdesujets avecunsuivide8anspost-vaccinationparueenjuin2019 [6] montrent clairementl’impact considérable des pro- grammes devaccination contre l’HPV surles infections à HPV, notamment les néoplasies intra épithéliales du colutérinchezlesjeunesfillesetlesfemmesetsurles verrues ano-génitales chez leshommes et les femmes.
Ilressortégalementdecetteétudequepluslestauxde vaccinationsontélevés,pluslesrésultatssontimportants pareffetàlafoisdirectetindirect.Bienqu’iln’yaitpas encorederésultatssurlaréductiondunombredecancers enraisondel’insuffisancederecul,ilestmontréqu’en réduisantceslésionsprécancéreuseslavaccinationparle vaccinnonavalentpourraitréduirede85à90%lenombre decancersducoldel’utérus;
• endépitdeladiffusiond’étudesfausses,l’innocuitédes vaccinsanti-HPVaétéprouvéesurplusde200millionsde dosesdistribuées[7];
• malgré les recommandations réaffirmées par l’OMS en 2018, la couverture vaccinale chez les jeunes filles en France diminue etest inférieure à 20 %, la plus basse d’Europe!
L’Académie nationale de médecine insiste principale- mentsurquatreaspectssupplémentairesetnouveaux:
• l’information doitconcerner directementlesenfants et nonselimiteraux parents.L’information pourla vacci- nation des enfants est essentielle. La vaccination chez l’enfantestun«soin»administrépar«procuration»pour desmaladiesqui,pour90%despersonnesn’apparaîtront pasetqui,danslecasprésent,ontdeplusuneconnota- tionsexuelle.Uneinformationdirecteauprèsdesélèves descollègesparlebiaisdesComitéd’éducationàlasanté etàla citoyenneté(CESC)semblepertinente. Lejeune collégiendeviendraainsilepropreacteurde«Savacci- nation».Cecirentrebiendanslecadredesmissionsdes CESC,créés pardécret enmars 2008(Art. R 421-47du codedel’éducation)quisontnotammentde...définirun programmed’éducationàlasantéetàlasexualité;
• lavaccinationdesgarc¸onssejustifiesurleplandel’équité entrelesdeuxsexesetdelaprotectiondetous,enpar- ticulier des hommesayant des relations sexuelles avec des hommes(HSH)quinebénéficientpasdeprotection indirecte. La décision de vacciner les garc¸ons dépend durapport«coût-efficacité».Lavaccinationuniverselle pourtous,fillesetgarc¸ons,poseeneffetunproblèmede coûtpourl’assurancemaladiedontl’ANMestconsciente.
D’aprèsledernierrapportduCentrefédérald’expertise des soins desantéenBelgique(KCE) [8],ilressort que l’extension de la vaccination aux garc¸ons présente un rapport « coût-efficacité » favorable quel que soit le
vaccinutiliséetquecerapportseraitd’autantplusfavo- rablequelacouverturevaccinaledesfillesestfaiblece qui est le cas dans notre pays. L’ANM souhaite qu’une telleexpertisesoitégalementréaliséeenFranceeninsis- tantsurlefaitquelesmodélisationsdoiventinclurenon seulementlescoûts de la prise encharge des cancers, mais également ceux de toutes les lésions prénéopla- siquesetbénignesquellesquesoientleurslocalisations.
Vaccinertouslesgarc¸onsreprésenteraitdeplusune«non- stigmatisation » du comportement sexuel puisqu’ainsi touslesfutursHSHseraientprotégésavantmêmeledébut deleuractivitésexuelle;
• unenetteaugmentationdepuislesannées1970delapré- valence des cancersépidermoïdes oropharyngés malgré une diminution des intoxications alcooliques et taba- giques. Cette augmentation est en rapport avec des cancersHPVinduits(KOHPV)etconcernelescancersde lalogeamygdalienneetdelacavitébuccale.
LescancersoropharyngésHPVinduitsontuneprésen- tationcliniquedifférentedescancersORLliésàl’alcool etautabac:
◦ âgedesurvenueplusjeune(35—45ans);
◦ tumeurprimitiveengénéralpluspetitesanssignecli- nique;
◦ ganglionscervicauxplussouventprésents,révélateurs etparfoisvolumineux;
◦ niveausocioéconomique plus élevé, étatgénéral bon etpeudecomorbidités;
◦ cancergénéralementliéauxpratiquessexuelles.
Iln’yapasactuellementdepréventionsecondairedes KOHPV.
Lavaccinationpeutavoirlemêmeintérêtquepourles cancersducol,cardesétudesontmontréque:
◦ sur2627patientsde18à33ans,lavaccinationtétra- valente réduit les infections orales à HPV de 88,2 % [9];
◦ Chezdessujetsde17à45ans,larecherched’anticorps anti-HPV16et18danslasaliveavantet7moisaprès vaccination montre une séroconversion dans tous les cas[10];
◦ Après la campagne australienne de vaccination, l’incidenced’unemaladieORLinvalidantetrèsdifficile àtraiter:lapapillomatoselaryngéejuvénileadiminué de2012à2016de0,16à0,022/100000[11].
• L’incidenceducancerducanalanal(CCA)aaugmentéde 56%depuis1990et93% deceux-cisont attribuablesà HPV(avec80%d’HPV16et18)[12]:
◦ l’incidenceestplusgrandechezlafemme(65%);
◦ dans les deux cas elle augmente en cas d’infection concomitanteàVIH;
◦ bienquelesméthodesdedétectionnesoientpasstan- dardisées comme pour le cancer du col, les lésions précancéreuses peuventêtre recherchées parcytolo- gie.Maisl’évolutivitédeceslésionsestmalévaluéece quipeutconduireàdessur-traitements;
◦ uneétudemontrequ’enl’absenced’infectionHPVpré- existante, sur 602 hommes de 16 à 26 ans vaccinés (vaccintétravalent)ayantdesrelationshomosexuelles letauxderéductiondeslésionsanalesprénéoplasiques (AIN) est de 74 % et la vaccination après traitement d’AINdehautgradediminuelerisquederécidivesde 30,7à13,6%[13];
Vaccinerlesfillesetlesgarc¸onscontrelepapillomavirushumain:unenécessité 661
◦ la vaccination nonavalente pourrait potentiellement prévenir90%desCCA.
Devant ces constatations, pour prévenir une véritable
« épidémie » des lésions et en particulier des cancers HPVdépendants,l’Académienationaledemédecinerecom- mande:
• l’information, la mobilisation et la mise en réseau de nombreuxmédecinsdediversesspécialités(généralistes, médecins scolaires, pédiatre, otorhinolaryngologiste, gynécologue, sexologue, urologue, gastro-entérologue, colo-proctologue, oncologue et radiothérapeute) est indispensable;
• lamiseenplaced’unevéritablecampagned’information enmilieuscolairesurcesinfectionsetleurpréventionpar l’intermédiairedesCESC;
• l’obtentiond’unecouverturevaccinaleélevéeparlavac- cinationuniverselledesfillesetdesgarc¸onsentre11et 14ans.
Personnesauditionnées:
• MartineBreyton(proviseuredulycéeHenriIV);
• Isabelle Etienney (gastro-entérologue, spécialisée en proctologie);
• Bruno Falissard (membre de l’Académie nationale de médecine);
• CarolineMaës-Billeval(principaleadjointecollègeHenri IV);
• HaithamMirghani(ORL,hôpitaleuropéenGeorgesPompi- dous,AP—HP).
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteurdéclarenepasavoirdeliensd’intérêts.
Références
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ligne:12février2019.Consultéle17/09/2019.Disponiblesur: https://www.acadpharm.org/dospublic/RecoHPVVF213fEv rier2019.pdf].
[4]Infectionsetcancersdusauxpapillomavirus(HPV)enFrance.
«Appeldes50»:académies,collèges,sociétésetsyndicats médicaux pour un dépistageet unevaccination universelle contrelepapillomavirussoutenupardespersonnalitésmédi- caleset6associationsdeparentsetdedépistage.Communiqué depressedu20mars2019.[Enligne:20mars2019.Consultéle 17/09/2019.Disponiblesur:https://www.infovac.fr/docman- marc/public/divers/1568-communique-hpv-20190301/file].
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