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lrmm&tji JOIJRNi\1 Réflexions relatives à l'application de la loi sur la détention préventive <*) 103e ANNEE - N SEPTEMBRE 1984

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Texte intégral

(1)

JOIJRNi\1 lRmm&tJI

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE Edmond Picard

1881-1899

Charles Van Reepinghen 1944-1966 Léon Hennebicq

1900-1941)

Jean Dai 1966-1981

Réflexions relatives à l'application de la loi sur la détention préventive <*)

1. - Introduction

1. - Il y a un peu plus de dix ans, la loi du 13 mars 1973 relative à la détention préventive . entrait en vigueur (1). Il m~a paru utile, voire même indispensable de faire le point, en m'inspi- rant d'abord de la jurisprudence de la Cour mais aussi des nombreux articles et commentaires auxquels el!e a donné lieu.

La loi nouvelle a-t-elle entièrement répondu à ce que, légitimement, le législateur pouvait en attendre?

Comme la Cour est avant tout la gardienne de la loi,, que sa mission co~siste à la faire respecter tant dans son esprit que dans sa lettre, il importe de vérifier si ·l'outil légal est 'en mesure de répondre aux buts que ses auteurs poursuivaient.

Puis-je ajouter que je n'ai évidemment pas la prétention de refaire une étude aussi exhaustive que celle de M. Hayoit de Termicourt. On demeure saisi d'admiration par la science dont témoigne cette étude qui, quoique publiée en 1924, alors qtie M. Hayoit de Termicourt était . substitut du procureur général, reste d'une sur-

prenante actualité (2). Jeprends, certes, le risque de me livrer à de nombreuses redites après les si perspicaces réflexions que M. le procureur géné- ral Dumon a consacrées à ce sujet dans son discours du 1er septembre 1981, relatif au P_ou- voir judiciaire, cet inconnu et ce méconnu (3).

Malgré ces enseignements si fructueux, l'expé- rience me paraît révéler qu'il existe encore de nombreuses hésitations au sujet de la portée des dispositions légales concernant la détention pré- ventive. Il faut donc y revenir.

Nous nous bornerons à examiner les questions que, depuis 1973, la Cour a été appelée à résoudre et qui, le plus souvent, sans être nouvelles, ont néanmoins reçu, ensuite des modi- fications apportées à la loi de 187 4, un ·regain

d'~ctualité.

2. -L'étude scientifique d'un problème (quelle que soit la discipline qu'elle concerne) repose en général sur la détermination préalable d'une ou de plusieurs hypothèses· de base, sur le

(*) Discours prononcé par M. le procureur généralE.

Krings à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation le 3 septembre 1984.

(1) Cette loi a été publiée au Moniteur le 10 avril 1973.

(2) «De la loi sur la détention préventive», Rev. dr.

pén. et de crim., 1924, pp. 285 à 312 et 389 à 416.

(3) Voy. n°5 40 et s.

fondement desquelles les recherches seront orientées. Celles-ci permettront le cas échéant, si ces hypothèses ne. se vérifient pas entièrement, d'y apporter les corrections nécessaires.

Il en est ainsi aussi dans le domaine des sciences juridiques. Le plus souvent, l'hypothèse prend ici la forme de principes qui paraissent généralement admis ou que l'auteur de la recherche considère comme fondamentaux. La probité intellectuelle qui doit, en toutes circons- tances, le guider, lui imposera de réviser ces principes ou la manière de les définir, si 1' étude fait apparaître des lacunes, des failles, voire même des erreurs.

La matière de la détention préventive me paraît particulièrement de nature à justifier une telle démarche, spécialement en raison de l'ambiguïté tant des dispositions légales qui s'y rapportent que des applications auxquelles celles-ci ont donné lieu.

3. - Le principe de base qui domine cette délicate matière consiste en ce que la détention préventive ne peut jamaïs être considérée comme l'application anticipée d'une peine.

Si je le _souligne, c'est, d'une part, pour affirmer, dès le départ, que ce principe sera l'hypothèse fondamentale de mon exposé, tout en admettant que, le cas échéant, j'aurai à réviser ce point de vue s'il devait apparaître inexact, insuffisant ou incomplet, d'autre part, parce que je ne suis pas certain qu'il soit unanimement admis' (4), même par le législateur' sauf, et ceci est évidemment de grande importance, dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, qui contient à cet égard tine disposition expresse, l'article 6, § 2.

Ce principe est essentiel pour plusieurs motifs.

La prononciation d'une peine est l'aboutisse- ment d'un processus, parfois fort long, au cours duquel les juridictions d'instruction d'abord et de jugement ensuite s'efforcent de découvrir et d'établir tous les éléments qui démontrent non seulement la culpabilité de l'intéressé, mais aussi et surtout la gravité des faits dans son chef, c'est-à-dire tous les éléments qui plaident en sa

(4) Récemment, le 20 sept. 1983, la Cour a cassé l'arrêt d'une chambre des mises en accusation, statuant comme juridiction d'instruction, qui, pour justifier le maintien de la détention prévyntive, avait. décidé que l'inculpé avait commis les faits. La Cour a cassé parce qu'ainsi le juge n'a pas eu égard à la présomption d'innocence dont l'inculpé peut se prévaloir (arrêt n° 8316).

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faveur ou qui aggravent son cas et dont le juge, appelé à statuer sur l'action publique, devra nécessairement tenir compte avant de décider de la peine qu'il prononcera.

Comment pourrait-on, dès lors, justifier l'ap- plication d'une peine avant même que cette instruction soit terminée; avant que tous les éléments d'appréciation aient été réunis ?

Cela paraît d'autant moins justifiable que, dans la majorité des cas, le mandat d'arrêt est délivré tout au début de l'instruction, c'est-à-dire à un moment où la plupart des faits de nature à déterminer la peine sont encore totalement incon- nus.

D'autre part, et ceci est la conséquence de ce qui vient d'être dit, si la détention préventive devait être considérée comme une peine, il conviendrait d'organiser et de garantir d'une manière différente les droits de la défense.

Le juge d'instruction, dont on a dit à de multiples reprises qu'il doit procéder objective- ment à son instruction, c'est-à-dire sans préjugé aucun ni en faveur ni contre le prévenu, devien- drait dès lors un juge qui statuerait · sur le fondement de l'action publique puisqu'il serait appelé à décider que l'individu comparaisant devant lui est coupable et mérite d'ores et déjà un châtiment.

Il faudrait, dans ce cas, organiser devant le juge ·d'instruction, comme devant le juge du fond, une procédure assurant le respect des droits de la défense.

Enfin, en reconnaissant ainsi au juge d'instruc- tion le pouvoir de se prononcer sur la peine à infliger, on encourrait inévitablement le reproche soit de lier le juge du fond, en ce sens que celui-ci, dans le souci d'éviter une contradiction entre la décision sur la détention préventive et la décision définitive sur le fond, risquerait d'estimer ne pouvoir infliger une peine effective inférieure à celle de la détention dé]à subie, soit, si tel n'était pas le cas, de. susciter une contradiction et d'entraîner ainsi, dans certains cas au moins, une détention susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'Etat.

4. -En réalité, la détention préventive repose sur un paradoxe. Qu'on le veuille ou non, cette détention a toujours, pour celui qui la subit, le caractère d'une peine que lui inflige le juge d'instruction.

Aussi cette mesure ne peut-elle se justifier qu'à la double condition, d'une part, qu'il existe à charge de l'inculpé des indices graves de crime ou de délit dont le juge d'instruction, et les juridic- tions d'instruction à sa suite, doivent constater l'existence, d'autre part, qu'elle ait un caractère tout à fait exceptionnel et provisoire.

La loi ne mentionne pas la première, parce que celle-ci s'impose, cela va de soi, quoique le juge ne doive pas le préciser sauf si l'inculpé a pris des

(2)

conclusions à ce sujet, ainsi que la Cour l'a rappelé à maintes reprises (5).

Quant à la seconde condition, tant la loi que la jurisprudence se sont efforcées de la préciser, dans un sens toujours plus restrictif, qui n'est autre que l'expression du principe fondamental qui vient d'être rappelé.

Aucune de ces considérations n'est -certes- originale. On les retrouve d'ailleurs 'souvent, éparses, dans les études critiques consacrées à la détention préventive, bien que l'on ne fasse qu'exceptionnellement allusion au principe qui les sous-tend.

II. - Les origines légales du système actuel de détention préventive

5. - Dès les premières années qui ont suivi l'indépendance du pays, la nécessité de modifier le régime applicable à la détention préventive se fit sentir (6).

Sous l'empire du Code Napoléon (7), quoiqu'il fût admis que la détention « préalable » ne pouvait être une peine, on considérait néanmoins que, dans l'intérêt général de la société, il fallait garantir la sécurité, assurer l'exécution ultérieure de la peine et disposer d'un « puissant » moyen d'instruction.

Aussi, sous la réserve que tant le mandat de dépôt que le mandat d'arrêt ne pouvaient être délivrés que pour autant qu'il existât des indices graves de délit ou d~ crime, le juge pouvait délivrer soit un mandat de dépôt, qui était par essence provisoire, soit un mandat d'arrêt qui avait un caractère définitif, c'est-à-dire qu'il se prolongeait jusqu'au jugement, et qui, pour ce motif, devait être motivé et signifié à l'inculpé.

Le juge d'instruction disposait ainsi de pou- voirs quasi illimités.

L'unique garantie pour l'inculpé consistait à lui permettre de demander sa liberté provisoire à la chambre du conseil. Généralement il n'était fait droit à cette demande que pour autant que l'inculpé fasse offre de caution.

C'était, faut-il le dire, un régime fort sévère.

Pour le législateur la garantie consistait dans l'intervention du juge, exclusive d'arbitraire. Ne perdons pas de vue que peu de temps auparavant cette garantie était en général inexistante.

(5) Cons. Cass., 5 août 1910 (Bull. et Pas., 1910, 1, 413 et les conclusions de M. le procureur général Terlinden); 14 juin 1977 (ibid., 1977, 1, 1050);28 févr.

1978 (ibid., 1978, 1, 745); 17 sept. 1980, no 1319 (ibid., 1981, l, 68).

(6) De nombreuses études ont déjà été consacrées à l'évolution de la législation en matière de détention préventive. Il ne paraît cependant pas dépourvu d'inté- rêt de revenir sur cette question, afin de montrer combien, en dépit de l'insistance que le législateur a mise à régler le problème, les mêmes aspects retiennent encore aujourd'hui, avec la même acuité, l'attention de la plupart des milieux (cons. A. Dumont,« Le contrôle juridictionnel de la détention préventive», Rev. dr.

pén., 1970-1971, pp. 103 et s.; F. Bernard-Tulkens et H.D. Basly, «La détention préventive en procédure pénale belge », Rev. science crim. et dr. pén. comp., 1975, pp. 80 et s.; Th. Versée, « De vrijheidsbeneming in het Belgisch strafproces, Vereniging voor de vergelij- kende studie van het recht van België en Nederland 1965 »; une traduction en français de cet exposé a été publiée dans Rev. dr. pén., 1966-1967, pp. 343 et s.

(7) Voy. Faustin-Hélie, t. Il, n°5 2645 et s.; Bernard- Tulkens et Basly, loc. cit., p. 81.

6. - La loi du 18 février 1852 vint une première fois apporter d'importantes restrictions à ce régime (8).

Elle maintenait la distinction entre le mandat d'arrêt et le mandat de dépôt (9).

Le mandat d'arrêt restait obligatoire pour toute infraction punissable d'une peine dépassant les travaux forcés à temps (10).

Le mandat de dépôt devenait la règle pour toutes les infractions moins graves, mais une distinction était f~te entre, d'une part, les délits ne comportant qu'un emprisonnement correc- tionnel et, d'autre part, les crimes qui pouvaient donner lieu à la peine de la réclusion ou à celle des travaux forcés à temps. Dans ce dernier cas le juge d'instruction devait décerner un mandat de dépôt, sauf si le procureur du Roi était d'accord pour que l'inculpé fût laissé en liberté. Dans le premier cas, en revanche, le mandat de dépôt ne pouvait être décerné que si des circonstances graves et exceptionnelles justifiaient une telle mesure. Ce mandat devait être confirmé dans les cinq jours par la chambre du conseil (11).

C'est donc dans la loi de 1852 que l'on trouve l'ébauche du système qui est encore aujourd'hui applicable. Il mérite que nous nous y arrêtions.

7. - I l faut d'abord souligner le principe que, lorsque le fait imputé à l'inculpé était punissable des peines les plus lourdes, la détention pré- ventive était obligatoire.

Nous reviendrons sur cet aspect de la question en étudiant la loi du 20 avril 187 4.

D'autre part, la loi nouvelle imposait pour la première fois une restriction aux pouvoirs du juge d'instruction qui estimait devoir décerner un mandat de dépôt, en ne le lui permettant qu'en cas de circonstances graves et exceptionnelles, et en soumettant sa décision, dans les cinq jours, au contrôle de la chambre du conseil. Toutefois, cette restriction n'existait que lorsque l'inculpé avait son domicile · en Belgique. Lorsque tel n'était pas le cas, le .mandat de dépôt n'était soumis à aucune condition restrictive.

Pour bien comprendre ce système, apparem- ment hétéroclite, il faut garder à l'esprit que le souci principal tant du législateur que, sans doute, aussi de Fopinion publique, était d'éviter qu'un criminel puisse échapper à l'application du châtiment en prenant la fuite (12). Dès lors, plus grave était le fait, plus grandes étaient les·

précautions à prendre pour maintenir l'inculpé sous la main de la justice. De là le mandat d'arrêt obligatoire pour les crimes les plus graves et le mandat de dépôt sans restriction pour le délinquant non domicilié dans le pays.

De là aussi, lorsqu'il s'agissait de faits moins graves et d'inculpés domiciliés dans le pays, les craintes de voir: le délinquant se soustraire à l'action de la justice étant moins grandes, la préoccupation du législateur de limiter la déten- tion préventive aux seuls cas où des circonstances graves et exceptionnelles pouvaient justifier une telle entrave à la liberté individuelle.

(8) Voy. les travaux préparatoires de cette loi, publiés dans la Pasin., 1852, pp. 67 et s.

(9) Art. 1er.

(10) Art. 4.

(11) Art. 2.

(12) Pasin., 1874, p. 112, rapport fait au nom de la Commission de la Justice, à la Chambre des représen- tants, par M. Thonissen.

Ce souci fort légitime et qui n'a cessé de prévaloir jusqu'à nos jours s'inspirait du principe, rappelé il y a un instant, que tout individu est présumé innocent jusqu'à· ce que le juge ait statué sur l'action publique exercée à sa charge. La détention préventive ne pouvait donc se justifier que dans des cas exceptionnels, ces cas n'étant d'ailleurs pas autrement précisés.

A la réflexion, on ne peut cependant se défendre du sentiment que ce système pèche par contradiction, car pourquoi faut-il faire une distinction entre les crimes et les délits suivant leur degré de gravité? La présomption d'inno- cence serait-elle moins grande lorsque le crime est plus grave ? A moins que l'on ne considère que la présomption d'innocence doive fléchir devant le risque de fuite d'un criminel ?

En réalité, cette absence de ligne directrice très ferme découlait d'un certain mode de pensée, hérité de l'Ancien Régime et de l'époque impé- riale qui n'étaient pas spécialement respectueux de la liberté individuelle. Le Constituant de 1830 avait, certes, estimé devoir non seulement procla- mer le principe fondamental de cette liberté, mais il avait pensé qu'il suffisait d'en confier le contrôle au juge pour éviter tout abus.

La loi du 18 février 1852 ne fut que l'expres- sion d'une première réaction contre les pratiques existantes, et il ne faut sans doute point y chercher autre chose ni, en tout cas, un système parfaitement cohérent.

8. - Si nous avons cru devoir nous attarder à cette première loi, consacrée uniquement à la détention préventive, c'est qu'elle a malgré tout exercé une influence sur la préparation de la seconde loi consacrée au même objet, celle du 20 avril1874.

La loi de 1874 a été, elle aussi, une réaction contre les pratiques existantes (13). Mais, bien plus encore, elle traduisait cette fois un courant d'opinion beaucoup plus puissant et plus pro- fond qui ne se contentait plus de vains mots et exigeait. de sérieuses garanties contre toute atteinte injustifiée à la liberté individuelle.

Les travaux préparatoires de cette loi montrent que l'objectif poursuivi en 1852 n'avait pas été atteint (14). L'exigence de circonstances graves et exceptionnelles n'était pas respectée, parce que, dans les faits, les juges se contentaient d'affirmer que de telles circonstances existaient, sans donner d'autres précisions, et que, de plus, il n'y avait pas de· contrôle effectif quant à l'existence de telles circonstances, l'inculpé n'étant pas admis à faire valoir ses observations et ses moyens de défense.

La loi de 1874 s'inscrit donc dans ùn lent processus d'évolution. Elle n'est toutefois qu'une mise à jour du travail accompli en 1852 et, de plus, elle n'était, aux dires mêmes de ses auteurs (15), qu'une loi temporaire, destinée à être remplacée à plus ou moins bref délai par une législation d'ensemble relative à la procédure pénale, celle-ci étant à cette époque déjà en voie (13) Pasin., 1874, p. 111, rapport fait au nom de la Commission de la Justice, à la Chambre, par M. Tho- nissen.

(14) Pasin., 1874, p. 120, discussion générale du projet, à la Chambre.

(15) Pasin., 1874, p. 131, rapport de la Commission de la justice au Sénat, fait par le baron d'Anethan; voy.

Bernard-Tulkens et Basly, loc. cit., p. 82.

(3)

de réforme (l(i). Faut-il ajouter que ce caractère temporaire n'a pas empêché cette loi de devenir plus que centenaire, malgré toutes les critiques auxquelles son application a donné lieuJ et que même les modifications qui y ont été apportées en 1973 n'ont été que fragmentaires, en attendant, faut-ille répéter, une « réforme plus profonde de la procédure pénale ». Une fois n'eût pas été coutume!

C'est dire toute l'importance que revêt cette loi. Pour bien la comprendre et pour l'interpré- ter, il faut la replacer dans le milieu sociologique et politique de l'époque. C'est ainsi notamment que, si aujourd'hui encore le juge d'instruction peut délivrer un mandat d'arrêt pour tout fait pouvant entraîner une peine d'emprisonnement de trois mois, ce qui paraît vraiment dérisoire, c'est en raison des objections qui avaient été opposées au projet initial du gouvernement qui prévoyait au moins six mois. Des craintes s'étaient en· effet élevées du fait que, sinon, il n'aurait plus été possible de procéder à l'arresta- tion des piquets de grève qui empêcheraient leurs camarades de se rendre à leur travail (17).

9. -Malgré son caractère temporaire, la loi de 1874 a introduit des réformes importantes qui demeurent actuelles.

Trois problèmes avaient retenu l'attention du législateur : les motifs pouvant justifier la déten- tion préventive, le contrôle à exercer sur la décision du juge d'instruction et la mise au secret (18).

Disons d'emblée, pour en terminer avec ce troisième problème, que, sous l'empire de la législation antérieure, l'inculpé pouvait être mis au secret et privé de tout contact avec l'extérieur pendant une période indéterminée. Cette règle avait suscité de très vives critiques. Aussi le projet du gouvernement supprimait-il purement et sim- plement toute mise au secret. De longues discus- sions s'engagèrent tant en commission qu'au cours des séances plénières, et finalement il fut décidé de n'autoriser la mise au secret que pour trois jours, immédiatement après le premier interrogatoire de l'inculpé. C'est le régime que nous connaissons encore aujourd'hui (19).

10. - Le problème de la justification de la détention préventive fut dès le départ au centre des discussions tant à la Chambre qu'au Sénat (20).

Rappelons d'abord que la loi nouvelle avait supprimé le mandat de dépôt, le mandat d'arrêt remplissant désormais toutes les fonctions anté- rieurement dévolues tant au mandat d'arrêt qu'au mandat de dépôt anciens (21). Il faut s'en souvenir pour comprendre l'évolution ultérieure de l'institution.

(16) La Commission, instituée par le gouvernement et chargée d'établir un avant-projet de réforme, était présidée par le professeur Nypels. Le projet de loi s'était inspiré à maints égards de cet avant-projet.

(17) Pasin., 1874, pp. 120 et 122, discussion générale du projet, à la Chambre, séance du 17 mars 1874.

(18) Voy. l'exposé des motifs, Pasin., 1874, pp. 108 et s.

(19) Rapport Thonissen, à la Chambre, Pasin., 1874, p. 111; discussion de l'art. 3 à la Chambre, Pasin., 1874, pp. 144 et s.

(20) Discussion générale du projet à la Chambre, . Pasin., 1874, pp. 119 et s.; discussion de l'art. 1er à la

Chambre, Pasin., 1874, p. 137.

(21) Pasin., 1874, p. 143, rapport Nypels.

Le projet du gouvernement disposait que, si l'inculpé avait sa résidence (et non plus seulement son domcile) en Belgique, le juge ne pouvait décemer un mandC~;t d'arrêt que dans des circons- tances graves et exceptionnelles, lorsque cette mesure était réclamée par l'intérêt de la sécurité publique (22).

Ce projet trouvait son origine dans les travaux de la Commission chargée de la révision du Code d'instruction criminelle, présidée par le profes- seur Nypels.

Il fut combattu à la Chambre par Thonissen qui proposa la suppression des mots « lorsque cette mesure est réclamée par l'intérêt de la sécurité publique ». Thonissen fut suivi par la Commission de la Chambre (23).

En tête de tous les travaux, tant du rapport de la Commission que des discussions à la Chambre et au Sénat, on trouve, tel un frontispice, cette déclaration d'intention que la détention pré- ventive ne peut jamais être une peine, l'inculpé étant réputé innocent jusqu'à la prononciation du jugement sur la culpabilité (24).

Mais aussitôt après se bousculent des considé- rations qu'il n'est pas toujours facile de concilier avec ce grand principe (25).

Il semble bien, en effet, que, pour la plupart des intervenants, la détention préventive avait pour but principal d'éviter la fuite de l'inculpé et de garantir sa présence lors du jugement et de l'exécution ultérieure de la peine.

Cette préoccupation éclaire la portée qu'il faut attribuer aux discussions auxquelles a donné lieu le bout de phrase dont l'ajout était proposé par le gouvernement.

De ces travaux préparatoires de la loi du 20 avril1874 émergent deux éléments qui furent sans doute décisifs : d'une part, les déclarations du ministre de la Justice, M. De Lantsheere, d'autre part_, le rapport de la Commission de révision du Code d'instruction criminelle.

Le professeur Nypels, auteur de ce rapport, s'exprimait comme suit (26) :

«On est assez généralement d'accord pour considérer que la détention préventive est légiti- mée par la nécessité dans les circonstances suivantes :

» 1) Quand la loi pénale est exposée à ne pas recevoir son exécution. C'est la certitude de la peine qui fait sa force, elle perdrait toute son efficacité s'il était possible de se soustraire à son exécution par la fuite. Ce danger est à craindre quand on est en présence d'un inculpé sans domicile... Il est encore ·à craindre quand la gravité de la peine permet de supposer que le condamné s'y soustraira, au prix d'un exil temporaire.

» 2) Quand la sécurité publique est immédiate- ment compromise. Quand un grand crime a été commis, l'arrestation, en enlevant au théâtre même de son crime un malfaiteur dangereux, est

(22) Pasin., .1874, p. 136 où figurent les trois pro- jets : Commission Nypels, projet du gouvernement et projet de la Commission de la Justice de la Chambre.

(23) Pasin., 1874, p. 112, rapport fait au nom de la Commission de la Chambre.

(24) Pasin., 1874, pp. 110 et s., rapport fait au nom de la Commission de la C:qambre.

(25) Pasin., 1874, pp. 120-121, discussion générale du projet à la Chambre, spéc. l'intervention de M.

Thonissen.

(26) Pasin., 1874, p. 141.

une première satisfaction donnée à la conscience générale et une condition de la paix publique.

» 3) Comme moyen d'instruction, l'arresta- tion de l'inculpé est un puissant moyen et parfois le seul moyen d'arriver à la découverte de la vérité. »

Partant néanmoins de la considération que, pour l'inculpé résidant en Belgique, la détention préventive devait être l'exception, la Commission Nypels proposait d'ajouter aux mots « circons- tances graves et exceptionnelles » les mots « lors- que l'intérêt de la sécurité publique l'exige » et elle justifiait cet ajout en ces termes (27) : « La seule existence de circonstances graves et excep- tionnelles ne doit pas déterminer le juge à décerner le mandat, il faut de plus que la sécurité publique réclame, en quelque sorte, la détention de l'inculpé. Et, en effet, il peut exister, dans une espèce donnée, des Circonstances graves et excep- tionnelles, sans que pour cela seul il faille nécessairement ordonner la détention. Si là pré- sence de l'inculpé dans la société ne peut compro- . mettre la sécurité publique, s'il n'est pas à

craindre qu'elle entrave la marche de l'instruc- tion, on ne peut pas avec justice priver l'inculpé de sa liberté. La détention ne serait pas néces- saire ».

Quant au ministre de la Justice, M. De Lantsheere, on relève principalement; lors de son intervention en séance publique de la Chambre, ce passage capital (28) :

« ... Il est évident que l'on peut, dans bien des cas, rencontrer des circonstances graves et excep- tionnelles sans que cependant 1 'intérêt de la sécurité publique fasse de la détention une véritable nécessité.

» Je voudrais atteindre ce résultat que les circonstances en quelque sorte intrinsèques du fait ne fussent pas considérées, par elles-mêmes et par elles seules, comme pouvant, quelle que soit leur gravité, quelque exceptionnelles qu'elles paraissent, motiver la détention d'un individu.

» Ainsi par exemple, je suppose un fait de détournement, un fait de faux, lin fait de banqueroute; il se présente dans des circons- tances très graves, très exceptionnelles, à raison de l'importance des sommes, à raison des moyens employés par les auteurs du délit, etc. Mais il est cependant très évident que les inculpés ne sau- raient songer à renouveler leur méfait. D'autre part, la justice tient en son pouvoir tous les documents qui peuvent l'éclairer.

» En quoi la sécurité publique est-elle intéres- séè à ce que l'inculpé soit mis sous les verrous ? Si sa présence dans la société n'expose celle-ci à aucun nouveau danger, s'il n'est pas à craindre qu'il entrave par de coupables manœuvres la marche de l'instruction, peut-on dire que l'intérêt social commande de lui faire subir la nécessaire injustice de la détention préventive ? »

Ces déclarations et ces considérations, dont on pourrait croire qu'elles ont été faites et émises il y a quelques jours à peine, revêtent une importance d'autant plus considérable que, cent ans plus tard, le législateur n'a pas estimé devoir en modifier le principe, se contentant d'en préciser les modalités.

11. - On peut néanmoins se demander si, dès cette époque, les abus que l'on critique aujour- d'hui encore n'existaient en germe sinon dans

(27) Pasin., 1874, p. 142, rapport Nypels .

(28) Pasin., 1874, p. 130, discussion générale du projet à la Chambre.

(4)

· les textes, du moins dans l'interprétation qui en était donnée au Parlement, interprétation qui reflétait vraisemblablement celle d'une partie de l'opinion publique.

En effet, en insistant sur la nécessité de la détention en vue de garantir l'exécution de la peine, en arguant du fait qu'elle constitue une première satisfaction donnée à la conscience générale et en soulignant qu'elle est parfois le seul moyen d'arriver à la vérité, le tout étant consi- déré comme requis par les nécessités de la sécurité publique, il est certain que la détention trouve aisément une justification dans nombre de cas.

Certes, l'obligation imposée au juge, dès cette époque (art. 2), de préciser dans le mandat d'arrêt les données de fait qui, à ses yeux, justifiaient la détention, était de nature à freiner les appréciations sans doute trop hâtives.

Toutefois, l'obligation de motiver en fait chaque cas d'espèce n'a jamais été appliquée sérieusement par les juges d'instruction (29). On le sait, la motivation des mandats d'arrêt, avant la promulgation de la loi de 1973, était le plus souvent réduite à une clause de style, reprenant les termes de la loi. L'article 2 de la loi de 1874 était donc resté pratiquement lettre morte.

D'autre part, non seulement dans l'esprit de

·nombreux magistrats mais aussi dans l'opinion publique, la détention s'imposait dès l'instant où il s'agissait de faits graves qui étaient de nature à alarmer la population. Comme l'écrivait le pro- fesseur Nypels, il s'agissait là d'une première satisfàction donnée à la conscience générale. On se souvient que, naguère encore, des accidents provoqués par l'ivresse au volant et, sans doute, aussi bien d'autres cas du même genre donnaient toujours lieu à mandat d'arrêt.

Il faut d'ailleurs reconnaître que le texte même de la loi se prêtait à cette ambiguïté, puisqu'il disposait expressément que, lorsque les faits étaient d'une telle gravité qu'ils emportaient une peine de quinze ans à vingt ans de travaux forcés ou une peine plus forte, la détention s'imposait au juge d'instruction, pour autant, cela va sans dire, qu'il y eût à charge de. la personne, amenée devant lui, des indices graves de culpabilité. Ce dernier point pouvait d'ailleurs faire l'objet de débats devant la chambre du conseil, dans les cinq jours de l'arrestation.

12.-La loi de 1874 avait introduit une autre modification importante en disposant que l'inculpé seràit remis en liberté si la chambre du conseil n'avait pas statué sur la prévention dans le mois à compter de l'interrogatoire, « à moins que, par une ordonnance motivée ... ' elle ne déclare que l'intérêt public exige le maintien de la détention » (art. 5).

Ce système n'existait pas sous l'empire de la loi de 1852, l'inculpé devant lui-même demander sa mise en liberté, le juge d'instruction pouvant

· évidemment prendre l'initiative de mettre fin à la détention.

Il est curieux de· constater que, alors que des discussions particulièrement vives avaient eu lieu au sujet de la limitation apportée par le projet à la délivrance du mandat d'arrêt dans le seul cas où la sécurité publique le justifierait, en revanche, lorsqu'il fut question, à l'article 5, de permettre le maintien de la détention pour une nouvelle période d'un mois, personne ne paraît (29) Pasin., 1874, p. 130, discussion générale du projet à la Chaml?re.

avoir élevé d'objection à la motivation fondée sur l'intérêt public. Ces mots n'ont donné lieu à aucune remarque ou explication, ni dans l'exposé des motifs ni dans les rapports des Commissions, ni au cours des discussions en séance publique; il ne fut fait aucune allusion à cette expression, alors qu'elle différait de celle utilisée dans les articles 1er et 2.

Est-ce à dire que le législateur considérait que ces expressions avaient la même portée ?

Nous verrons ultérieurement l'intérêt qu'a revêtu. cette question au cours des travaux prépa- ratoires de la loi de 1973.

13. - Si jusqu'ici j'ai employé l'imparfait, c'est pour bien montrer que la situation que j'ai décrite était celle qui vit le jour avec la loi du 20 avril 1874 (30). Mais est-il nécessaire d'ajouter que c'est celle que nous avons connue jusqu'à la loi du 13 mars 1973 et que, au demeurant, c'est encore celle que, à quelques exceptions près, nous connaissons aujourd'hui?

De nombreuses ·critiques s'étant élevées au sujet de l'application de la loi du 20 avril 1874 (31), notamment parce que les motivations utilisées dans les mandats d'arrêt étaient fré- quemment réduites à des clauses de style et aussi parce que la détention préventive faisait bien souvent office de peine infligée avant la condamnation, le ministre de la Justice déposa le 10 septembre 1969 un projet de loi modifiant la loi précitée du 20 avril1874 (32).

Ce projet fit l'objet d'importantes discussions à la Chambre et y fut voté le 15 décembre 1970.

Transmis au Sénat, il fut examiné en Commission pendant la législature 1968-1971, mais ne fut pas voté. Après les élections de fin 1971, la Commis- sion en reprit l'examen et amenda le projet initial.

Les diverses moutures auxquelles le projet donna ainsi lieu méritent tout spécialement de retenir l'attention, parce qu'elles éclairent la portée du texte actuel.

Dans le projet initial~ les mots « sécurité publique »qui figuraient déjà dans la loi de 1874 étaient maintenus, mais les mots « intérêt

· public » étaient introduits dans l'article 6, relatif à la levée du mandat d'arrêt par le juge d'instruc-

(30) Cette loi, avait subi, àvant celle de, 1973, plusi- eurs modifications de caractère mineur : la loi du 23 juill. 1895 (relative à la caution); la loi du 29 juin 1899 (mise en liberté provisoire par le juge saisi du fond du procès); la loi du 23 août 1919 (mise du dossier à la disposition de l'avocat, avant la comparution en vue du maintien de la détention); 'la loi du 19 mai 1931 (imputation de la durée de la détention préventive sur la peine); la loi du 25 juill. 1959 (délai dans lequel la cour d'appel doit statuer).

(31) On a dit que ces critiques étaient exagérées et on a cité à ce sujet l'avis duministre de la Justice, qui avait vérifié quelques-uns des cas sur lesquels ces critiques paraissaient avoir été émises (voy. H. Bekaert, «Con- ception générale de la détention provisoire dans le Code en projet », in La manifestation de la vérité dans le procès pénal, Bruxelles, 1972, pp. 296 et s.; W.

Brosens, « Voorlopige hechtenis en evolutie van het recht», in Recht in beweging, p. 44, n° 2; Th. Versée, loc. cit., nos 22 à 25).

Nous pensons cependant que certaines critiques étaient justifiées, parce que bien souvent la détention préventive était principalement fondée sur la gravité subjective des faits et constituait ainsi aux yeux de ceux qui l'appliquaient une première manifestation de la peine. Or une telle conception est totalement inadmis- sible.

(32) Doc. pari., Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/1.

tion. En cas de divergence de vues à ce sujet entre le juge d'instruction et le procureur du Roi, la chambre du conseil était appelée à statuer et ne pouvait maintenir la détention que si des circons- tances graves et exceptionnelles se rattachant à l'intérêt public la justifiaient.

Plusieurs membres de la Commission de la justice de la Chambre estimèrent qu'il y avait lieu de se montrer aussi sévère pour le maintien de la détention que pour la délivrance du mandat d'arrêt (33). Ils proposèrent de modifier tant l'article 5 que l'article 6, en précisant que « les circonstances reprises au mandat d'arrêt exigent encore le maintien de la détention ». On faisait donc indirectement référence à la sécurité publi- que, précisée ainsi qu'il était dit à l'article 2.

Le ministre de la Justice, M. Vranckx, (34), fit observer que le mandat d'arrêt présente un caractère évolutif, de sorte qve les circonstances . qui l'ont motivé peuvent disparaître, tandis que d'autres apparaissent. De plus, il existe deux sortes de mandats d'arrêt : ceux quLsont prévus en cas de circonstances spéciales et ceux qui sont de droit (lorsque le fait imputé peut être puni des travaux forcés de quinze ans à vingt ans ou plus).

Dans une lettre adressée aux membres de la Commission, le ministre expliqua qu'il avait le souci de modifier aussi peu que possible le système existant. Ceci se rapportait principale- ment au mandat de droit, mais aussi à la notion d'intérêt public.

De l'avis du ministre de la Justice, la notion d'intérêt public était plus large que celle de sécurité publique (35). L'expression « intérêt public » recouvre notamment les nécessités de 1 'instruction, les exigences de la répression (gra- vité des faits : la mise en liberté lèserait l'ordre social et le sentiment public), le danger de récidive.

En revanche, les conditions mises à la déli- vrance du mandat d'arrêt devaient être plus limitées. Comme le soulignait le rapport (36), il ne suffirait plus, pour motiver légalement le mandat d'arrêt,. d'invoquer en termes généraux les seules circonstances propres à la .sécurité publique, telles la fuite ou le danger de fuite, le danger d'obstruction ou de paralysie de l'instruc- tion, le danger de récidive. Il faudrait, de plus, préciser, par une motivation propre à la cause ou à la personnalité de l'inculpé, pourquoi ces circonstances existent. Le rapport énonçait diverses circonstances qui étaient données en exemples.

Toutefois, au cours des travaux ultérieurs de la Commission (37), le ministre prit l'initiative de proposer d'unifier l'ensemble du système, c'est- à-dire tant la délivrance du mandat d'arrêt que son maintien, à toutes les phases de la procédure.

(33) Doc. pari., Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/6, rapport fait au nom de la Commission de la justice par M. Jeunehomme, p. 7.

(34) Doc. pari., Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/6, rapport fait au nom de la Commission de la justice par M. Jeunehomme, p. 8.

(35) Doc. pari., Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/6, p. 9. Ce point de vue est unanimement admis : F.

Dumon, loc. cit., no 51; R. Declercq, Postuniversitaire cyclus, Gent, 1976, p. 169; R. Declercq; « Actuele problemen inzake voorlopige hechtenis », R. W., 1973-1974, col. 268.

(36) Doc. pari., Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/6, p. 6.

(37) Doc. pari., Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/6, p. 12.

(5)

Dans ce but, même à l'article 2les mots« sécurité publique » furent remplacés par les mots « inté- rêt public ».

Telle fut la conclusion des travaux à la Chambre.

14. - Deux ans plus tard le projet fut repris en Commission de la justice du Sénat. D'emblée les commissaires estimèrent ne pouvoir se rallier à la modification apportée à l'article 2 et consistant à remplacer les mots « sécurité publique » par les mots « intérêt public », cette modification· étant de nature à favoriser encore davantage les abus (38).

Toutefois, la Commission estimait que les mots « intérêt public » figurant dans l'article 5 de la loi de 1874 pouvaient être maintenus à l'article 3 du projet; ces mots avaient certes une portée plus large que« sécurité publique », mais il n'étai~ pas nécessaire de les remplacer, pourvu que les dispositions de l'article 2 fussent stricte- ment respeètées (39).

Ce texte fut adopté dans cette version par la Commission de la justice du Sénat.

Toutefois, en séance publique le président de la Commission, M. Pierson, introduisit un amende- ment tendant à remplacer dans tous les textes

« intérêt public » par« sécurité publique ».

Le rapporteur de la Commission, M.

Vanderpoorten, tout en donnant son accord pour cet amendement, expliqua que ces derniers termes étaient plus restrictifs que les premiers et qu'il y avait intérêt à ce que tant la chambre du conseil que le juge d'instruction soient tenus par les mêmes critères (40).

L'amendement fut approuvé sans autre discus- sion (41). La Chambre, à qui le projet fut renvoyé, l'approuva à son tour, aussi sans discussion sur ce point.

15. -Telle est donc l'origine du texte qui régit aujourd'hui la détention préventive et qui en constitue le fondement principal.

La volonté du législateur s'est non seulement expriméetrès clairement, dans un sens restrictif, par les déclarations unanimes des membres du Parlement, mais, de plus, les termes utilisés dans la loi sont incontestablement ·de nature à en limiter considérablement l'application. L'expres- sion « sécurité publique » a un sens beaucoup plus restreint que celle de« intérêt public ».M. le procureur général Hayoit de Termicourt écrivait à ce sujet que, « sans doute l'intérêt public sera toujours intéressé au maintien de la détention préventive, lorsqu'il existe des circonstances gra- ves, exceptionnelles réclamant cette détention dans l'intérêt de la sécurité publique; mais même si semblables circonstances n'existent plus, l'inté- rêt public peut encore exiger le maintien de la détention. La répression des crimes et délits est d'un intérêt public de premier ordre; il s'ensuit que si cette répression réclame impérieusement, dans des circonstances déterminées, le maintien de. la détention, celui-ci sera justifié au vœu de l'article 5, alors même que les nécessités de (38) Doc. pari., Sénat, sess. 1971-1972, no 392, rapport fait au nom de la Commission de la justice, par M. Vanderpoorten, pp. 4 et 7.

(39) Doc. par!., Sénat, loc. cit., p. 7.

(40) Ann. par!., Sénat, 15 juin 1972, p. 1136.

(41) Ibid., p. 1137.

l'information ne rendent plus la détention indis- pensable » (42).

Ce commentaire de la notion d'intérêt public, tel qu'il figurait à l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, montre l'importance de la modification que ce texte a subie en 1973. De telles considérations ne pourraient plus et ne peuvent plus être émises aujourd'hui, en raison de la substitution des mots

« sécurité publique » aux mots « intérêt public».

Désormais, aux termes de la loi, tant le mandat d'arrêt que le maintien de la détention tout au long de la procédure, même devant les juges du fond, avant le juge~ent définitif ( 43) ne peut être justi- fié que pour autant que le fait de laisser le prévenu en liberté soit de nature à mettre la sécurité publique en danger et ce pour desmotifs propres à la cause ou à la personnalité de l'intéressé (44).

16. -·En conclusion de cet aperçu des travaux législatifs qui ont abouti au texte actuel de la loi, on peut constater que le législateur a été, en principe, soucieux de faire respecter la règle que l'inculpé, tant qu'il n'a pas été jugé au fond, doit être considéré comme innocent. Cela signifie, dans la pratique, que la détention ne peut jamais avoir lieu dans le but de réaliser d'emblée la sanction du fait qui lui est imputé (45). La déten- tion préventive du chef d'ivresse au volant, même si celle-ci a eu des conséquences particulièrement graves, ne peut donc, en règle, être admise. ·

Il faut toutefois reconnaître que ni le texte de la loi ni le législateur, dans les explications qu'il ena fournies, n'ont fait preuve de cohérence à cet égard. Le mandat d'arrêt de droit, comme on l'a encore qualifié au cours des travaux préparatoires de la loi de 1973, paraît incompatible avec cette règle, d'autant plus que ce mandat est considéré comme donnant « une première satisfaction à la conscience générale » (46). Dans ce cas, la déten- tion apparaît nécessairement comme une première manifestation de la peine, ce qui va incontestable- ment à l'encontre de la règle selon laquelle l'inno- cence d'un inculpé doit être présumée.

La solution est d'autant moins justifiée qu'à l'expiration d'un mois, le maintien de la détention préventive est soumis à la règle générale des

« circonstances graves et exceptionnelles, intéres- sant la sécurité publique ».

Le mandat de droit apparaît en vérité comme une survivance du régime institué par le Code d'instruction criminelle, à l'époque napoléo-

nienne (47). ·

(42) R. Hayoit de Termicourt, loc. cit., p. 391; voy.

aussi la déclaration de M. Pierson, Ann. pari., Sénat, 15 juin 1972, p. 1137.

(43) Tout récemment, le 20 août 1984, la Cour a décidé que, lorsque le juge du fond est saisi d'une demande de mise en liberté provisoire du prévenu renvoyé devant lui en état de détention préventive, il ne peut prendre en considération,, pour décider s'il y a lieu de maintenir la détention, que les circonstanc~s graves et exceptionnelles qui sont de nature à mettre la sécurité publique en danger (camp. l'opinion de M. Dumon, loc. cit., n° 60.

(44) Doc. par/., Sénat, sess. 1971-1972, n° 392, p. 4;

Chambre, sess. 1968-1969, n° 472/6, p. 6.

(45) Cons .. F. Dumon, Le Pouvoir judiciaire, cet inconnu et ce méconnu, n° 53; Bemard-Tulkens et Basly, Rev. science crim. et dr. comp., p. 83 et la note 11.

(46) Declercq, « Actuele problemen ... », loc. cit., col. 304.

(47) H. Bekaert, loc. cit., p. 266.

Envisageant lui aussi la suppression du mandat

En réalité l'existence de circonstances graves et exceptionnelles intéressant la sécurité publique suffit dans la plupart des cas, la notion de sécurité publique étant en effet suffisamment large pour permettre l'arrestation immédiate d'un individu accusé d'un crime d'une gravité exceptionnelle. Elle recouvre, en effet, celle de paix publique dans la mesure où celle-ci pourrait être troublée par le maintien en liberté d'un tel inculpé. Si, cependant, tel n'est pas le cas, on ne voit guère de motif suffisant justifiant la déten- tion préventive.

La loi de 1874 d'abord, celle de 1973 ensuite, ont marqué d'une manière très précise la volonté du législateur de limiter la détention préventive aux seuls cas où soit les faits, soit le comporte- ment de l'individu constituent une mise en péril de la sécurité publique. Spécialement le législa- teur de 1973 a clarifié les bases juridiques de la question, d'une part, en excluant expressément la notion d'intérêt public qui, ainsi qu'il a été dit au cours des discussions en Commission du Sénat, estune notion beaucoup trop large, qui recouvre notamment celle d'ordre public, d'ordre social, d'autre part, en imposant au juge l'obligation de spécifier, dans le mandat d'arrêt et dans les décisions de la chambre du. conseil et de la chambre des mises en accusation, les faits ou comportements considérés comme graves et exceptionnels et qui constituent une mise en péril de la sécurité publique.

Il faut insister à cet égard sur les mots « graves et exceptionnels »,dont on a eu parfois tendance à négliger la portée véritable. Lorsque le juge se réfère aux nécessités de l'instruction, il fait état d'une circonstance qui n'est, en soi, ni grave ni exceptionnelle.

Contrairement à ce qu'estimait le législateur du XIXe siècle, ni la gravité des faits ni le souci de garantir ultérieurement l'exécution de la peine ni même les nécessités de l'instruction ne consti- tuent, en . eux-mêmes, une justification de la détention préventive. Il faut d'autres éléments qui sont propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé et qui sont de nature à mettre la sécurité publique en danger.

C'est la combinaison de ces divers éléments qui est aujourd'hui essentielle et qui, sans doute, est encore trop souvent négligée, ainsi que le montre la jurisprudence de la Cour.

III. -La jurisprudence de la Cour depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1973,

et relative aux motifs de détention préventive

17. - Dès les premiers mois de la mise en vigueur de la loi, la Cour a eu l'occasion de préciser la portée des dispositions nouvelles.

Votre arrêt du 19 juin 1973 (48) décide qu'il ne suffit pas de faire mention de la gravité des faits et du passé lourdement chargé de l'inculpé; qu'il faut aussi préciser en quoi la sécu;ité publique est ainsi mise en péril.

L'arrêt du 5 mars 1974 (49) relève que la décision attaquée, bien qu'ayant constaté que le comportement de l'inculpé révélait une tournure d'esprit dangereuse impliquant une tendance à la d'arrêt obligatoire, M. Bekaert remarque que, dans ce cas, la décision du juge d'instruction devrait être en tout cas susceptible d'appel, non seulement de la part de l'inculpé mais aussi du ministère public.

(48) Bull. et Pas., 1973, I, 976.

(49) Bull. et Pas., 1974, I, 695.

(6)

récidive, que, de plus, l'instruction· n'en était qu'à son stade initial et, enfin, qu'il était à craindre que l'inculpé n'entrave le déroulement ultérieur de l'instruction, encore cette décision omettait-elle de constater qu'ainsi la sécurité publique était à ce point en péril que la détention . s'imposait.

La Cour montre ainsi, dès les premiers mois de l'application de la loi, la nécessité de mettre en relation et les circonstances graves et exception- nelles et la mise en péril de la sécurité publique.

De même, l'arrêt du 11 mars 1974 (50) souligne que la circonstance qu'on pourrait craindre, compte tenu des « charges » graves pesant sur lui, que l'inculpé, s'il était remis en liberté, commette des faits semblables ou se soustraie aux poursuites, ne suffit pas à démontrer la mise en péril de la sécurité publique.

Fort important est, à cet égard, votre arrêt du 21 août 1974 (51), dans lequel vous précisez que le juge a pu légalement décider que, compte tenu des montants importants qui furent détournés et du haut grade de l'inculpé dans l'administration, la sécurité publique aurait été gravement compro- mise par la mise en liberté de ce dernier, parce qu'elle aurait constitué un exemple désastreux pour les subordonnés de ce haut fonctionnaire dont les agissements avaient gravement perturbé l'opinion publique en raison de sa qualité.

L'arrêt du 3 septembre 1974 (52) est particuliè- rement caractéristique. Il s'agissait du maintien de la détention, conformément à l'article 5, d'une femme qui était poursuivie du chef de mèurtre.

La décision attquée constatait qu'il s'agissait d'un fait grave et qu'en cas de mise en liberté, l'inculpée pourrait entraver l'instruction.

Vous avez souligné que, quel que puisse être le caractère de gravité des faits imputés, le maintien de la détention ne pouvait être ordonné que s'il était, de plus, rendu nécessaire pour des raisons de sécurité publique :'

« Qu'à défaut de précision le considérant selon lequel, en cas de mise en liberté, l'instruction pourrait être gênée, ne permet pas à la Cour de discerner si le juge estime que, après sa mise en liberté, l'inculpée pourrait faire obstacle à l'ins- truction, par exemple en prenant la fuite, en influençant des témoins ou en faisant disparaître certaines preuves, auquel cas le juge devait indiquer les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpée, faisant naître la crainte de pareils événements, ou bien que le maintien de la détention ne s'impose que pour faciliter l'instruction, auquel cas la circonstance qui intéresserait la sécurité publique est étrangère à la cause ou à la personnalité de l'inculpée ».

Cet arrêt a eu le mérite de bien préciser la portée des dispositions nouvelles. Il fait ressortir, d'une part, la liaison qui doit exister entre les circonstances graves et exceptionnelles et la menace qu'elles font peser sur la sécurité publi- que, et, d'autre part, l'obligation pour le juge de mentionner clairement les circonstances auxquel- les il se réfère. Si les nécessités de i'instruction peuvent, en effet, constituer un élément mettant la sécurité publique en péril, elles ne suffisent cependant pas, à elles seules, à justifier la détention. Encore faut-il montrer comment les entraves mises à l'instruction, qui mettraient la sécurité publique en péril, soit seraient le fait de

(50) Bull. et Pas., 1974, 1, 709.

(51) Bull. et Pas., 1974, 1, 1145.

(52) Bull. et Pas., 1975, 1, 6.

l'inculpé lui-même, soit résulteraient des élé- ments de la cause qui fait l'objet de l'instruction.

Il se conçoit, en effet, que les difficultés que rencontre l'instruction soient le fait de tiers et ne puissent être reprochées à l'inculpé, de sorte que, s'il était mis en liberté, cette mesure ne serait pas de nature à mettre la sécurité publique en péril.

Cette manière de voir est confirmée par l'arrêt du 26 no:vembre 1974 (53). L'inculpé, accusé de meurtre, dans une affaire particulièrement déli- cate, . avait, selon les décisions des juridictions d'instruction, tenté d'influencer des témoins et jeté la suspicion sur des tiers par des insinuations qu'il avait dû rétracter ultérieurement, de sorte qu'il fallait craindre que, s'il était mis en libe1té, il essaie d'entraver l'instruction, d'influencer des témoins et de se soustraire aux recherches objecti- ves et urgentes que cette affaire requérait.

Dans ce cas, le juge avait pu légalement décider que les nécessités de l'instruction justifiaient la détention de l'inculpé, parce qu'il existait· des circonstances graves et exceptionnelles - celles . que nous venons de citer - propres à l'accusé, associées à la gravité du fait, lesquelles mettaient la sécurité publique en danger.

Les nécessités de l'instruction ne sont donc pas, à elles seules, un motif suffisant de détention préventive. Je tiens à y insister tout spécialement, parce que trop souvent les mandats d'arrêt dont la Cour a eu à connaître au cours de ces derniers temps se limitent à cette considération qui, faut-il le dire, est une clause de style susceptible d'être invoquée dans toutes les instructions. Elle. ne répond en· rien aux obligations imposées par la loi, ainsi que la Cour l'a précisé par son arrêt du 3 septembre 1974.

L'arr_êt du 21 octobre 1974 (54) montre un autre aspect du problème. L'inculpé était accusé d'avoir pratiqué l'euthanasie sur sa mère, fort âgée et malade. L'arrêt attaqué constatait que,

« s'agissant de l'atteinte àla vie par un fils sur la personne de sa mère, le fait était exceptionnelle- nient grave, nonobstant les circonstances invo- quées par l'inculpé, et que sa mise en liberté, dans de telles conditions, aurait perturbé gravement l'opinion publique, malgré la production d'une pétition rédigée en faveur de l'inculpé et de son geste ». Votre Cour constate qu'ainsi l'arrêt spécifie, par l'indication des éléments propres à la cause, les circonstances graves et exceptionnel- les, intéressant la sécurité publique, qui nécessi- tent le maintien de la détention préventive.

Ainsi apparaît un autre aspect de la sécurité publique, à savoir la paix publique. Les réactions de l'opinion publique qui pourraient être vio- lentes constituent un des éléments à prendre en considération pour apprécier la mise ~n péril de la sécurité publique.

Des considérations du même ordre se retrou- vent dans l'arrêt du 29 octobre 1974 (55).

L'inculpée était accusée de meurtre. L'arrêt de la chambre des mises en accusation constatait que le fait était . particulièrement grave. En soi, cet élément n'aurait pu suffire, mais l'arrêt ajoutait que le retour de la demanderesse dans son milieu, une petite localité urbaine, provoquerait du scandale chez ses concitoyens, retour qui entraî- nerait ainsi de graves perturbations de la paix publique, mettant la sécurité publique en danger.

Il existait donc des circonstances graves et excep-

(53) Bull. et Pas., 1975, 1, 337.

(54) Bull. et Pas., 1975, 1, 226.

,(55) Bull. et Pas., 1975, 1, 249.

tionnelles propres à la cause, associées à des circonstances propres à la personnalité de l'inculpée, le scandale qu'elle aurait provoqué dans le milieu social qui était le sien. L'ensemble de ces circonstances était de nature à perturber gravement l'opinion publique et à mettre ainsi la sécurité publique en danger.

La Cour a toutefois laissé entendre implicite- ment, dans son arrêt du 9 décembre 1974 (56), que le trouble social que peut entraîner une libération dans une affaire d'une certaine gravité ne peut, en soi, suffire, mais qu'il faut en outre des circonstances propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé justifiant cette mesure dans l'intérêt de la sécurité publique. En l'espèce, le juge du fond avait constaté qu'une mise en liberté troublerait la sécurité publique parce qu'elle aurait constitué un « exemple désastreux pour les personnes du milieu spécial que l'inculpée fréquentait avant son arrestation ».

18.- Depuis les arrêts· de 1974, qui ont marqué la première étape de l'interprétatlonde la loi de 1973 par la Cour, celle-ci a été amenée à maintes reprises à préciser sa pensée.

Il y a lieu avant tout de souligner, ainsi que cela apparaît déjà de la jurisprudence qui vient d'être citée, que les conditions établies par la loi de 1973 constituent un ensemble et se complètent. Elles ne peuvent être dissociées.

Ainsi que la Cour l'a rappelé. à maintes reprises, et spécialement dans l'arrêt du 31 janvier 1977 (57), la décision doit spécifier les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé qui constituent des circonstances graves et exceptionnelles et qui intéressent la sécurité publique au point . d'exiger (58) le maintien de la détention préventive.

On ne peut donc isoler ces éléments les uns des autres. Ils doivent être examinés dans leurs rapports corrélatifs (59).

Il est, dès lors, indispensable, en règle, de

~éterminer d'abord les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé. Ces éléments doivent constituer des circonstances

« graves et exceptionnelles » et à cet égard, il faut y insister, les mots ont leur valeur propre et ne constituent en aucune manière une clause de style, c'est-à-dire que les éléments retenus ne peuvent se retrouver dans n'importe quelle cause, ni s'appliquer à n'importe quel inculpé. Il faut, enfin, établir que ces éléments sont de nature à mettre la sécurité publique en péril.

19. -Dans de très nombreux cas, les juges du fond ont égard à la gravité des faits (60). C'est évidemment un élément, mais qui ne suffit pas en

(56) Bull. et Pas., 1975, 1, 386.

(57) Bull. et Pas., 1977, 1, 588.

(58) L'arrêt, rédigé en néerlandais, s'exprime comme suit : die dermate de openbare veiligheid raken dat de hechtenis ...

(59) Peut-être y a-t-il, à cet égard, une certaine divergence de vues avec ce qu'a exposé M. le procureur général Dumon, lorsqu'il considère qu'il faut, d'une part, des circonstances gràves et exceptionnelles propres à la cause ou à l'inculpé et, d'autre part, la mise en péril de la sécurité publique (voy. Dumon, loc. cit., no 52).

Aux termes de la jurisprudence de la Cour, ces deux séries de conditions forment un ensemble indissociable, en sorte que les circonstances graves et exceptionnelles mettent la sécurité publique en péril.

(60) Cass., 14 janv. 1975 (Bull. et Pas., 1975, 1, 492);

15 juin 1976 (ibid., 1976, 1, 1115); 13 déc. 1977 (ibid., 1978, 1, 430); 21 nov. 1978 (ibid., 1979, 1, 335); 15 avril

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