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Solitudes : spatialités et temporalités du genre

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Academic year: 2022

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108 | 2018 Varia

Solitudes : spatialités et temporalités du genre

Loneliness’s: gendered spatialities and temporalities

Corinne Luxembourg

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/9486 DOI : 10.4000/gc.9486

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 2 septembre 2018 Pagination : 197-232

ISBN : 978-2-343-17416-7 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Corinne Luxembourg, « Solitudes : spatialités et temporalités du genre », Géographie et cultures [En ligne], 108 | 2018, mis en ligne le 21 janvier 2020, consulté le 13 octobre 2020. URL : http://

journals.openedition.org/gc/9486 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.9486 Ce document a été généré automatiquement le 13 octobre 2020.

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Solitudes   :   spatialités   et temporalités   du   genre

Loneliness’s: gendered spatialities and temporalities

Corinne Luxembourg

1 Sans doute, la solitude est-elle l’un des états humains le plus partagé, craint, subi ou souhaité. Elle offre une expérience de l’espace particulière et diffère selon que l’on augmente ou non le réel par une compagnie musicale, un livre, un objet connecté… une escapade pensive ou rêveuse ; mais alors la solitude n’est-elle plus tout à fait présente, transformée par l’hyper réalité (Crozat, 2007) qui la réduit peu à peu. Des activités sont plus facilement associées à la solitude, à ce rapport de soi au monde, la marche en est une (Michard, 2018). Retient-on mieux les moments de solitude s’ils sont habités de cette façon ? On sait que ce qui est vécu sans compagnie crée peu de souvenirs à moins qu’un événement, une interaction ne marquent l’individu et que le récit puisse en être fait. N’aurions-nous pas alors tout à fait conscience de la solitude justement parce que l’interaction est explicite et que la perspective d’en partager l’expérience, pour ainsi dire, sur le vif est absente ou reportée ? C’est ce que participerait à combler la multiplication de publications de messages sur les réseaux sociaux numériques.

2 C’est finalement parce que l’être humain a un rôle social, inscrit dans le collectif de la société que la solitude peut être ressentie et nommée. Donc, la solitude pourrait être considérée comme une lecture sociale de l’espace et du temps propre à chaque individu. Ce faisant, la perception du monde, de l’espace dans ce temps isolé est soumise  avec  plus  d’acuité  aux  rythmes  collectifs  et  sociaux,  saisonniers, nycthéméraux, hebdomadaires, rythmes du quotidien ou de l’exceptionnel, de l’ordinaire ou du festif… et à la présence plus ou moins flottante au monde. Ainsi, le concept d’espace thymique (gestimmter Raum) tel que Ludwig Binswanger (1932) le définit n’est pas si éloigné de ce qui nous occupe ici. « À côté de l’espace orienté, de l’espace géométrique et de l’espace physique, l’espace thymique désigne l’espace dans lequel séjourne la présence humaine » (Leroy-Viémon, 2008). Par sa composante thymique, « l’espace entre en résonance avec l’existence et vibre du même ton, scintille du même éclat […] dans l’espace thymique, “je” et “monde” forment une unité », explique Binswanger. Parce qu’elle laisse

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l’être humain en seul débat entre soi et soi, la solitude exacerbe ce rapport à l’espace, au monde.

3 Il n’est pourtant pas question de séparer l’individu dans cet état d’exil à ses semblables, dans son rapport au monde, et l’individu comme partie du tout d’une société comme référentiel social commun déterminant des rôles alloués et souvent stéréotypés. Dès lors, s’il s’agit de faire référence à la relation de rôles sociaux à l’espace dans la diversité de ses temporalités, la différenciation genrée de l’expérience spatiale est quasiment induite dans la proposition.

4 Ce texte propose alors d’envisager la solitude comme un révélateur de la différenciation des rôles sociaux de sexe dans l’espace urbain où les rythmes de vie, plus ou moins lents, impliquent des codes et des contrôles.

5 Dans ce cadre, la notion de genre est envisagée selon la définition de Joan Scott : « Le noyau essentiel de la définition repose sur la relation fondamentale entre deux propositions : le genre est un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir » (Scott, 1986).

Définir le genre comme un rapport dissymétrique et hiérarchique entre ce qui est de l’ordre du masculin et ce qui est de l’ordre du féminin permet de comprendre ses influences dans la production de l’espace. Alors, si la solitude est un prisme de perception de l’espace-temps, elle est à appréhender également par ce filtre.

L’hypothèse peut être émise que les systèmes d’inégalités et d’oppression (sexisme, racisme, capitalisme) reposant sur l’intersection de critères discriminatoires (genre, origines réelles ou supposées, classes sociales…) participent de la définition d’espace- temps thymiques que la solitude rend plus opérants.

6 Alors, faisant cette lecture, le rapport privé/public doit être analysé. Des données statistiques   plaident   justement   pour   la   mise   en   évidence   d’une   solitude majoritairement féminine, et pourtant souvent accompagnée. Un changement d’échelle centré sur l’espace public met en  évidence ce  paradoxe d’espaces urbains majoritairement habités par des femmes (plus de 52 % la population urbaine française), mais où le fait d’assumer d’être seule (même temporairement) pose problème.

Finalement, cet état de solitude naviguerait entre le luxe d’une absence au monde et le renforcement du poids des discriminations.

7 La réflexion partagée ici se place dans un contexte urbain européen et plus particulièrement de France métropolitaine. Elle s’appuie notamment sur les travaux d’une recherche-action participative menée à Gennevilliers, commune de banlieue parisienne, concernant la/les place(s) des femmes dans l’espace public1. Plus que d’étudier les transformations de l’espace vécu au prisme d’une diversité de solitudes, il s’agira avant tout ici d’entrevoir des processus qui imposent cet état ou au contraire qui l’empêchent.

 

La fabrique de solitudes accompagnées ?

8 Le rapport genré aux espaces privés et publics de la solitude peut être assez simplement mis en évidence. En effet, le rappel des normes sociales de construction de la ville et plus particulièrement des espaces publics renvoie schématiquement la population féminine dans sa très grande majorité aux rôles reproductifs et aux activités de care, et

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les hommes aux rôles productifs. Cette bicatégorisation hiérarchisée dessine l’espace urbain.

9 Un bref regard sur les données de la France métropolitaine donne un aperçu statistique de la solitude et permet d’imaginer une première diversité de solitudes et leur sexuation. Dans une note publiée en août 2017, l’INSEE montre que « depuis les années 1980, l’augmentation du nombre de ménages provient uniquement de ceux d’une ou deux personnes », au point que les ménages d’une personne constituent 35 % du total des ménages (INSEE, août 2017). La proportion de personnes seules en France métropolitaine augmente passant de 6,1 % en 1962 à 12,6 % en 1999, pour atteindre 19,5 % au recensement de 2015. Parmi les 10,2 millions de personnes vivant seules, 57 % sont des femmes. Ce sont 21,3 % des femmes et 17,5 % des hommes qui vivent seuls.

 

Figure 1 – Personnes vivant seules dans leur logement selon l’âge et le sexe (INSEE 2015)

10 Si la part des femmes vivant seules dans leur logement est plus faible que celle des hommes entre 25 et 54 ans, c’est en partie lié à l’évolution des structures familiales.

Celle-ci concerne principalement les femmes. Au recensement 2015 sur 17,7 millions de familles, 2,7 % concernent des hommes seuls avec enfants et 12,3 % des femmes seules avec des enfants. Cette solitude féminine avec enfants est d’autant plus remarquable lorsque les familles vivent dans des territoires densément urbanisés. La proportion d’hommes seuls avec enfants ne dépasse pas 3,2 % en Seine-Saint-Denis dans le Val-de- Marne par exemple (1,8 % au minimum en Vendée), alors que les femmes seules avec enfants représentent 19,1 % des familles de Seine-Saint-Denis pour une proportion minimum de 7,6 % en Vendée. Ainsi, parler de familles monoparentales est synonyme pour 80 % d’entre elles, en France métropolitaine, de mères seules avec leurs enfants.

11 L’occupation même des espaces publics urbains est différenciée, plutôt statique et en groupe pour les hommes, circulatoire et individuelle pour les femmes. Les formes de l’urbanisme influent également sur la figure que prend la solitude, si bien qu’une maladie avait été identifiée par un journaliste de l’Aurore dans un article du 2 juillet 1962. La sarcellite devait caractériser le mal des grands ensembles (Tellier, 2008). Elle aurait touché principalement les femmes qui, restées seules au domicile une fois le

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mari parti au travail et les enfants à l’école, s’ennuyaient dans un environnement urbain ne proposant que des paysages monotones construits en suivant les chemins des grues de chantier. Au-delà de ce que ce reportage dit, dès le début des années 1960, de l’urbanisme des grands ensembles dont Sarcelles fut le premier exemple, c’est ce qui ressort de cette solitude vécue par les femmes qui nous intéresse ici. Elle est présentée comme une sorte de rupture sociale, de désœuvrement que seules les sorties au centre commercial perturbent et ponctuent.

12 La localisation de ces immeubles de grands ensembles, construits en périphérie, sur des terrains moins chers répond à un besoin urgent de loger dignement la population et de résorption de l’habitat précaire et insalubre. Cette situation, si elle s’explique par des contraintes économiques évidentes, s’inscrit dans un temps de la conception de la ville de la modernité dont le zoning préconisé de la Charte d’Athènes est sans doute l’élément le plus marquant. La séparation des fonctions urbaines a eu pour effet d’allonger les trajets quotidiens entre les lieux de logement, ceux de loisirs, et les centres commerciaux pour l’essentiel excentrés. La fragmentation fonctionnelle impose aux femmes qui travaillent en dehors de ces quartiers des parcours journaliers si grands que cela tend à les écarter de la vie sociale, associative du lieu de résidence.

Viennent alors en écho les propos d’Henri Lefebvre : « Les nouveaux ensembles seront marqués d’un caractère fonctionnel et abstrait : le concept de l’habitat porté jusqu’à sa forme pure par la bureaucratie d’État. […] Le grand ensemble réalise le concept de l’habitat, diraient certains philosophes, en excluant l’habiter : la plasticité de l’espace, le modelage de cet espace.

L’appropriation par les groupes et individus de leurs conditions d’existence. C’est aussi la quotidienneté complète (fonctions, prescriptions, emploi du temps rigide) qui s’inscrit et se signifie dans cet habitat. L’habitat pavillonnaire a proliféré autour de Paris, dans les communes banlieusardes, en étendant de façon désordonnée le domaine bâti. Seule loi de cette croissance urbaine et non-urbaine à la fois : la spéculation sur les terrains. Les interstices laissés par cette croissance sans vides ont été comblés par les grands ensembles. À la spéculation sur les terrains, mal combattue, s’ajouta la spéculation sur les appartements lorsque ceux-ci étaient objet de copropriété » (Lefebvre, 1968).

13 En effet, l’urbanisme pavillonnaire ne produit pas moins de solitude que les grands ensembles. Pour être accessibles à l’achat par des familles et éviter la pression de la gentrification grandissante des centres urbains, les lotissements périurbains sont construits en périphérie. Aussi le processus qui aboutit à la mise à l’écart des femmes des activités sociales est également à l’œuvre, obligeant l’accès au permis de conduire, à l’achat d’une voiture. Les difficultés, de plus en plus grandes, rencontrées pour se loger correctement à proximité des lieux d’emplois, et ce dès lors que les familles s’agrandissent, se traduisent par des allongements des durées hors de chez soi ; ce qui n’est pas toujours compatible avec les rythmes de vie des enfants. Une solution envisagée est alors d’accepter des emplois sous-qualifiés, à proximité des lieux nécessaires aux enfants, voire de quitter son emploi, pour la personne du couple dont le salaire est le plus bas, ce qui reste majoritairement le cas des femmes.

14 C’est ce mécanisme qui permet à Melissa R. Gilbert de parler de « confinement spatial » à partir de son terrain d’étude à Worcester remarquant que « les femmes avec des enfants mettent en général moins de temps pour se rendre au travail que les hommes. ». Néanmoins « si l’on soustrait au temps total (déplacements liés à la garde des enfants inclus) la durée de transport pour se rendre au travail, on obtient alors une image plus claire de la part considérable

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de temps supplémentaire qu’impliquent les trajets relatifs à la garde des enfants.

L’augmentation moyenne était alors de 18,2 minutes. »

15 Sans que l’on ait pu calculer de façon aussi précise l’augmentation des temps de trajet liés à la garde des enfants et l’accompagnement à leurs activités diverses, à Gennevilliers, une typologie de chaînes de déplacement a pu être établie à partir de cartes mentales réalisées par les habitantes et les habitants (Luxembourg, 2017). Les accompagnements liés aux fonctions domestiques (accompagnement, fréquentation de services publics, commerce) sont quasiment uniquement réalisés par les femmes.

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 Figure 2 – Typologie de chaînes de déplacement établie d’après des cartes mentales circulatoires des femmes à Gennevilliers (septembre 2014 et mars 2015)

16 Annie Dussuet remarque à la suite de Jacqueline Coutras que « si on trouve aujourd’hui des femmes dans tous les lieux de la ville, il faut bien souligner qu’on les trouve surtout là où les tâches domestiques qui leur incombent les conduisent. […] S’il n’y a pas de ségrégation spatiale sexuée repérable, pas de ghetto sexué, il existe un cloisonnement des espaces-temps quotidiens qui repose sur la division sexuelle du travail. Deux espaces-temps sont ainsi autonomisés : l’un autour du travail marchand, l’autre lié à l’habitat, à la famille et la vie privée, auquel les femmes sont affectées prioritairement. Ainsi, les femmes ne sont pas cantonnées dans l’espace clos du logement, elles sortent aussi dans les espaces de circulation, rues, commerces, sorties d’école ou services sociaux dont la fréquentation leur est imposée par les tâches d’approvisionnement ou d’accompagnement des personnes (jeunes ou âgées). Mais qu’est-ce que ces « lieux publics » représentent pour les femmes ? Elles ne s’y trouvent pas comme des individus anonymes, pouvant symboliser pour autrui la figure de « l’étranger », mais comme des « personnes », dont le statut social est affiché : elles y sont des mères, des épouses, éventuellement des filles. C’est en tant que telles, en tant que femmes, qu’elles se trouvent dans tel lieu à tel moment. »

17 Ces quelques éléments disent les inégalités à l’œuvre et révèlent les mécanismes conduisant à un isolement non souhaité. En effet, la multiplication du temps consacré à des tâches supplémentaires, l’allongement des distances parcourues réduisent d’autant le temps qui pourrait produire des réseaux de sociabilité, voire un temps de réelle solitude choisie. Ici la solitude est accompagnée, les tâches sont accomplies seule, mais ne laissent pas la possibilité de retrouvailles avec soi.

18 L’autre grande catégorie de personnes seules est celles des personnes âgées, qui pour leur grande majorité sont des femmes. La différence d’espérance de vie à la naissance reste importante : 79,3 ans pour les hommes et 85,4 pour les femmes (INSEE 2016). Pour

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la tranche d’âge 65-79 ans et pour les personnes de plus de 80 ans, la proportion de femmes vivant seules dans leur logement est respectivement de 35 % et 61,8 % pour 17,9 % et 26,4 % des hommes. Cela tient au fait que l’essentiel des veufs sont des veuves.

Une fois encore, la relation solitude-espace peut ici servir de révélateur des usages différenciés des déambulations. Si les femmes vivent plus longtemps, leur espérance de vie en bonne santé reste stable à 64 ans. Cela signifie que les capacités physiques de se déplacer sont réduites. Or, l’urbanisme prend de moins en moins les allures d’équipements accueillants autant qu’on lui préfère des aménagements sécuritaires.

Premières aménités touchées par cette évolution, les bancs publics ou tout type d’assise d’accès gratuit disparaissent peu à peu.

19 Le banc est le lieu dans la ville, de l’asile, du repos, de la reprise du souffle avant l’effort renouvelé. Il y a sur le banc, lieu de regarder le paysage, de s’en imprégner, de se l’approprier. Le paysage est mouvant, tout dépend du temps qu’on y passe. C’est du temps de mobilité à l’arrêt. Pas seulement. Et c’est sans aucun doute là que réside tout son problème, au banc. Selon qui l’occupe, le banc peut offrir au monde l’image de la disqualification, de la ligne de faille de la société au milieu de l’espace public : faille générationnelle, faille genrée, faille de classe… bruyante, visible. Il est témoin spatial de la violence de la mondialisation, de l’inaptitude à la mobilité enjointe. Autant le banc est approuvé comme extension des activités reproductives domestiques, lorsqu’il s’agit de permettre aux personnes accompagnant des enfants (très majoritairement des femmes) de les surveiller quand ils jouent, autant l’appropriation du banc public comme espace privé pose problème en ce qu’il renvoie à la précarité économique et à la peur de chacun.

20 Le banc reflète et rend insupportable ce qu’il donne à voir d’un urbanisme néolibéral où la frontière entre espaces privé et public ne cesse de s’épaissir et de perdre sa porosité depuis les années 1970 à mesure de résidentialisation, de sécurisation, de surveillance.

La suppression des bancs implique une marginalisation toujours plus importante des gens en marge, les repoussant vers des lieux où s’asseoir est encore envisageable, voire parfois encore où le banc peut être autre chose qu’une assise. C’est finalement ce qui est le plus visible. Avec eux sont conduits aux marges ces « jeunes » (souvent de jeunes hommes) décidément trop bruyants le soir ou en journée et les personnes âgées (souvent des femmes) qui n’ayant l’assurance de pouvoir faire une halte en chemin réduisent leurs parcours en ville et sortent moins. Mais si les premiers se déplacent ou pallient l’absence de mobilier urbain en installant leurs propres assises, les secondes se confinent plus encore chez elles et ce qui les ramène à une solitude non désirée.

21 Peut-on alors détacher ce qui est de l’ordre de la production de l’espace (Lefebvre, 1974), pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Henri Lefebvre, comme construction politique et du façonnement imposé des espaces thymiques des habitantes. La solitude apparaît de façon redondante sur chaque parcours d’être humain de façon différenciée, et organisée par la société, de telle sorte que la forme de solitude à laquelle les femmes sont soumises est une sorte d’isolement accompagné, souvent très peuplé qui oblige à l’isolement de soi-même sans être hors de soi-même.

22 S’adaptant ou en les contournant aux obligations de circulations liées aux activités domestiques, les espaces parcourus peuvent faire parfois figure d’archipels de solitudes comme autant de pauses avec soi, mais dont le contrôle social n’est pas exclu.

 

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Contrôle social et solitudes contestées

23 On a vu comme la fabrique de la ville, dans ses constructions de logements, dans ses conceptions d’accueil ou au contraire de rejet influe sur les solitudes des femmes, solitudes de mère, de personnes âgées… Mais cette production de l’espace est également constituée d’un contrôle social que les femmes et hommes éprouvent, perpétuent, transmettent, détournent… Qu’a-t-on à faire dans l’espace public sans compagnie, sans projet ni objectif clairement identifiable ? Qui peut s’offrir ce luxe de la solitude publique a priori inactive ? C’est alors à l’aune du statut social tel qu’il est perçu que le contrôle s’exerce et s’exprime sur la solitude choisie et non plus subie.

24 Deux types de solitudes contestées sont envisagés comme appui à la réflexion à propos de l’inégalité sexuée de l’accès à la perception de l’espace : la flânerie diurne, la déambulation nocturne et la pause.

25 Si l’on imagine assez aisément la flânerie du célèbre « promeneur solitaire », la flâneuse se fait bien rare. La solitude couplée à la flânerie qui seyait à l’homme bourgeois du XIXe siècle prend l’aspect d’une oisiveté coupable à l’heure de l’accélération des activités productives de la ville, mais surtout est interprétée comme une invitation à l’interrompre si c’est une femme qui déambule, ou encore toute autre personne ne répondant pas aux normes d’une « masculinité hégémonique » (Connell, 1995, 2015).

L’irruption dans la solitude inactive peut être intrusive et violente, insultante. Une femme seule qui flâne pourrait-elle avoir d’autres raisons de le faire sinon que de racoler, voire de le faire pour quelques activités sexuelles tarifées ?

26 Le constat est partagé, notamment par Marylène Lieber : « il semble licite aux hommes d’interagir avec les femmes qui se trouvent seules dans les espaces publics, même si elles ne le désirent pas. Selon les stéréotypes établis, les hommes se permettent plus facilement d’entrer en contact avec une inconnue que le contraire. […] Les peurs sexuées ne correspondent pas au sentiment d’insécurité tel qu’il est généralement analysé, mais sont au contraire le reflet de la persistance d’une forme de contrôle social ». (Lieber, 2008) Si ces peurs sont un frein réel à la fréquentation, à l’appropriation de l’ensemble des espaces publics, des stratégies existent de contournement.

27 Parfois la flânerie se dissimule dans l’utilitaire, le domestique. Parmi les personnes enquêtées à Gennevilliers dans le cadre d’un questionnaire sur les mobilités et les appropriations de l’espace, cette femme explique : « parfois je fais mes courses au Leclerc juste pour passer par la coulée verte. » Cette autre raconte : « je passe par le square Camille Ronce pour aller chercher ma fille à l’école, même si ça fait un petit détour » ; celle-ci également : « en rentrant de travailler, avant de reprendre les enfants au sport je suis presque toute la coulée verte, c’est une parenthèse de respiration personnelle ». C’est donc pourvues des attributs de l’utilité (courses, travail, chemin de l’école) que ces personnes s’accordent ces quelques temps pour elles-mêmes. De même il est intéressant de noter que lorsque les habitantes sont interrogées sur leurs modes de transport diurne à travers cette commune de banlieue parisienne, c’est la marche qui est préférée et majoritairement effectuée sans compagnie.

28 Au début de ce texte, référence était faite à la variation des espaces en fonction des temporalités, des projections qui sont portées, et les comportements qui en découlent.

Ainsi, marcher seule dans la rue de jour n’autorisera pas les mêmes agissements que la même action de nuit. Mais, alors même que l’espace public nocturne constitue

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quasiment un « no woman’s land », la sensation de vulnérabilité y est plus développée, renforçant et pérennisant les contraintes sur la liberté d’être et de mouvement. Il ne s’agit plus ici uniquement de contester la flânerie solitaire des femmes, mais plus expressément leur simple présence. Si la flânerie avait le reflet coupable de la non productivité, ici la culpabilité pesant sur la présence solitaire est plus intense parce qu’elle est associée à l’éventualité d’une violence qui pourrait être provoquée : que fait une femme seule à cette heure de la nuit ? Les extrémités générationnelles sont plus touchées encore : une jeune femme ou une vieille femme seraient plus vulnérables encore. Le point commun de ces peurs est chaque fois ce que le contrôle social fait peser sur ce qui serait moralement le bon ordre.

29 En reprenant le travail réalisé à Gennevilliers durant le programme de recherche- action mené depuis 2014, c’est davantage une nuit urbaine laborieuse qui est observée, où les transports en communs se raréfient et où la marche est préférable à l’attente d’un bus.

30 La nuit, comme ailleurs, est rythmée par les horaires d’emploi rémunéré. Les horaires de travail déréglementés, le fractionnement du temps de travail pour des emplois souvent occupés par des femmes (ménages dans les bureaux, emplois de service éloignés, déréglementation des horaires de commerces, métiers spécifiques du monde médical…) ont des conséquences sur les pratiques de l’espace public. Le nombre de personnes déambulant entre le métro et leur domicile peut donc être important jusqu’à relativement tard le soir. Se déplacer à pied est alors surtout un moyen de « transport » pour rentrer chez soi. En effet, nos résultats montrent que les parcours empruntés par les usagers la nuit et notamment la façon de se déplacer sont liés à cet objectif précis.

Les grands axes, les parcours en ligne droite, très éclairés sont ainsi privilégiés. Ce choix dépend non pas de fonction de la distance mais d’un parcours considéré comme

« sûr ». Cependant, cela est commun tant aux hommes qu’aux femmes. Enfin, marcher la nuit se fait à une allure rapide. Déambuler doucement ou stationner dans l’espace public pouvant être perçu comme suspect ou tout simplement ne correspondant pas à un état disponible à la flânerie. La fatigue due à des emplois physiquement difficile invite aux trajets plus courts et à regagner l’espace domestique. Les extrémités des journées de travail (matin et soir) sont également soumises à des temporalités spécifiques qui sont celles du care (Bessin, 2014).

31 Marcher la nuit est une activité motivée par un but précis et très rarement dans le seul but de se promener. Ainsi de nombreuses femmes ont des horaires conditionnés par ceux des autres membres de la famille (aller-retour pour les activités périscolaires, rendez-vous médicaux…). Or, lorsque les jours sont plus courts, ces activités ont lieu la nuit et le parcours dans la ville à pied est vécu différemment.

32 Une enquête passée par questionnaire électronique (ouvert et fermé) auprès d’une soixantaine de femmes gennevilloises indique que parmi elles, plus d’un tiers associe directement sentiment d’insécurité à la ville la nuit. Il serait communément admis et transmis que la nuit n’est pas un territoire « pour les femmes ». En conséquence les territoires pratiqués sont réduits. Les territoires évités le jour, le sont plus encore la nuit, et le sentiment de vulnérabilité s’en trouve renforcé. Mais, si certains lieux semblent massivement évités, la pratique de la ville la nuit est également influencée par l’âge, la situation familiale, l’ethnicisation, la classe sociale, etc. de la personne. Ces résultats sont corroborés par l’étude de plus d’une centaine de cartes mentales et des entretiens individuels auprès de plus de 80 autres personnes.

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33 Les questionnaires et un travail d’observation flottante nous ont permis d’identifier les

« performances du corps » des femmes seules marchant entre une station de métro et leur domicile. L’analyse de ces performances démontre que la nuit implique des déplacements des corps différents selon le genre. Certaines « performances » facilitent les déplacements la nuit : changer de posture corporelle, mettre une capuche, traîner les pieds en marchant, adopter des attitudes « masculines » ou au contraire des attitudes féminines « mesurées » (habillement modifié, calme), montrer une certaine fragilité. D’autres stratégies peuvent être mises en place : marcher vite mais pas trop, éviter le contact visuel « direct », ou au contraire capter le regard d’un homme connu, c’est le cas d’une jeune femme qui déclare : «…quand je retourne très tard à la maison, je marche vite et quand je passe par l’avenue… que j’aime pas trop car il y a – en général – des hommes sans rien faire, je cherche le regard d’un grand gaillard, très élancé, qui me connaît ou plutôt on se connaît parce qu’on s’est déjà croisés plusieurs fois sans se parler, et le fait de le voir c’est comme si j’étais protégée, comme sa petite sœur… pour que je puisse traverser sans être importunée. […] Il m’arrive de regarder autour de moi pour vérifier si personne ne me suit. J’ai aussi une tendance à éviter les endroits sombres. »

34 La « performance du corps », la nuit, est liée à une sensation d’insécurité dans l’espace, beaucoup plus aiguë chez les femmes et chez ceux-celles qui ne correspondent pas aux normes sexuées dominantes. Or, le cadre bâti, l’âge, la connaissance de la ville ou la pratique de celle-ci, la nuit, jouent dans la façon de se mouvoir.

35 Marcher la nuit dépend également de l’ancrage des individus dans leur territoire, de la maîtrise qu’ils en ont ou de leur familiarité à la pratique nocturne de la ville de façon générale. Ainsi, un des arguments avancés par nombre de femmes gennevilloises est le fait de connaître parfaitement leur ville (un ancrage territorial fort) et une habitude de sortir, se déplacer à pied la nuit. Ainsi une jeune femme affirme rentrant régulièrement très tard la nuit pour son travail, n’avoir jamais eu peur de traverser la ville à pied, lorsque les deux dernières stations de métro n’existaient pas encore. De la même façon, une habitante déclare n’éviter aucun lieu dans Gennevilliers la nuit, et justifie sa réponse : « Je n’ai pas peur à Gennevilliers car j’y ai grandi ». Elles affirment ainsi ne pas avoir peur la nuit. Pour certaines femmes, être dehors à la nuit tombée est aussi une appropriation d’un territoire qui leur serait contesté, alors qu’il ne l’est pas aux hommes, cela relèverait d’une sorte d’apprentissage, de savoir-faire avec l’espace familier pour déjouer ce qui pourrait être un danger.

36 On le voit, la déambulation, la flânerie, ces moments de solitudes possibles qui pourraient être vécus comme autant de moments apaisés et calmes sont en réalité des temps de tensions pour nombre de femmes qui restent sur leur garde, mettant en place diverses stratégies et tactiques de déplacement et d’interactions avec les autres personnes présentes dans l’espace public.

37 Dès lors un souhait pourrait être de s’abstraire du monde pour que ces retrouvailles avec soi puissent avoir lieu, ouvrant paradoxalement et logiquement la possibilité à l’évasion hors de soi-même.

 

Le luxe d’un droit à la solitude ?

38 Cet état d’exil du monde qui répond à « un besoin d’une existence universelle ou infinie admettant la réalisation des compossibles suppose au fond du moi la paix réalisée, c’est-à-dire

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l’acceptation de l’être », et pourtant il arrive que la nécessité de l’évasion « met[te] en question précisément cette prétendue paix avec soi, puisqu’elle aspire à briser l’enchaînement du moi à soi ». C’est l’être même, le soi-même, que l’on fuit et pas sa limitation. « Dans l’évasion le moi se fuit non pas en tant qu’opposé à l’infini de ce qu’il n’est pas ou de ce qu’il ne deviendra pas, mais au fait même qu’il est ou qu’il devient » (Levinas, 1998). C’est, cette disposition à être à la fois en absence et en présence au monde qui peut être la motivation de la recherche de moments de solitude, permettant de se laisser interagir avec l’espace. Tout au long du développement précédent a été démontrée l’inégalité sexuée, mais également classiste à y accéder. La solitude n’est pas un acquis démocratique.

39 La revendication de la fuite, de l’évasion, de vivre l’espace par le biais de son humeur aurait quelque chose à voir avec un accès à la liberté et une réappropriation, certes ponctuelle, de son environnement, autant que de son identité. Lorsqu’elle est choisie, souhaitée, la solitude se rapproche d’un choix de ralentissement ou de lenteur du rythme. Ce qui a plusieurs effets notamment sur la construction urbaine notamment par le sentiment de liberté que l’anonymat urbain offre. Or, la crainte du vide tant d’un point de vue de la fréquentation, que du temps inactif, qu’encore cette apparente oisiveté plus interdite encore aux femmes qu’aux hommes est également une ambition de maîtrise de l’espace, de pouvoir et de contrôle. La solidarité, le savoir commun, la conscience de faire société ont pourtant besoin de temps et paradoxalement de solitude.

40 Ralentir implique de trouver un bénéfice à la lenteur d’un développement urbain non soumis à la rentabilité, mais dédié à d’autres valeurs que la ville trépidante, efficace et performante ne parvient pas à développer. Une ville plus lente pourrait être une ville conviviale pour reprendre le terme d’Ivan Illich. « Si nous voulons pouvoir dire quelque chose du monde futur, dessiner les contours théoriques d’une société à venir qui ne soit pas hyper-industrielle, il nous faut reconnaître l’existence d’échelles et de limites naturelles.

L’équilibre de la vie se déploie dans plusieurs dimensions ; fragile et complexe, il ne transgresse pas certaines bornes. Il y a certains seuils à ne pas franchir. Il nous faut reconnaître que l’esclavage humain n’a pas été aboli par la machine, mais en a reçu figure nouvelle. Car, passé un certain seuil, l’outil, de serviteur, devient despote. Passé un certain seuil, la société devient une école, un hôpital, une prison. Alors commence le grand enfermement. (…) J’appelle société conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil » (Illich, 2014). Ralentir implique entre autres de ne plus craindre le vide spatial ou temporel. Le ralentissement, en désencombrant le temps et l’espace, permet le recyclage du temps et de l’espace, c’est-à-dire que cela sous-tend d’avoir à l’esprit la finitude de l’espace habité/habitable. Ces deux idées, d’une part la finitude de l’espace habité, d’autre part le recyclage, interrogent justement cette ville en accélération, en obsolescence, quasi instantanée, comme l’ensemble des objets de consommation.

41 La solitude aurait alors cet aspect ambivalent de tant de façons d’être au monde, de pouvoir habiter le monde. Révélateur de la tension dialectique des pouvoirs individuels et collectifs, elle est tout particulièrement un moyen de lire la quotidienneté et les modes d’appropriation des espaces publics en décelant les ressorts multiscalaires de systèmes hiérarchiques. Le choix d’appréhender la solitude par le biais du genre souligne alors qu’elle peut être partie prenante d’un processus conduisant à l’empowerment des femmes. Si l’on a tâché de montrer que l’absence du choix de la

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solitude intervenait comme un moyen du contrôle social sur les femmes, il est imaginable qu’aménager le temps de la solitude – donc de la concevoir comme un espace-temps – est assimilé à un enjeu démocratique nécessaire.

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NOTES

1. https://urbaines.hypotheses.org 

RÉSUMÉS

La solitude, pour être connue de tout être humain, a un écho tout particulier dans la vie des femmes. Elle prend souvent la forme de contrainte plutôt que de choix. Il s’agit ici de mettre en tension l’espace vécu et cet état d’isolement, à différentes échelles et d’en décrypter les mécanismes de fabrique de solitudes. Plusieurs aspects sont envisagés afin de dégager une typologie des solitudes et du rapport au monde qu’elles sous-tendent. Ainsi en est-il des solitudes accompagnées qui résultent plus particulièrement des modes de vie et des dynamiques globales d’une métropole, puis des processus de contrôle social qui agit sur la solitude choisie, et inversement se sert de la solitude subie pour se renforcer. La proposition est faite d’envisager la

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solitude comme un enjeu démocratique, celui qu’elle devienne un choix possible de s’abstraire du monde autant que de s’arrêter ou de ralentir.

Loneliness is known to every human being. It has a particular echo in women’s lives. It often takes the form of constraint rather than choice. It’s a question here of putting in tension lived space and isolation, at different scales and to decipher the mechanisms of factory of solitudes.

Several aspects are envisaged in order to identify a typology of the solitudes and the relation to the world that they underlie. This is the case with accompanied loneliness’s, which result more particularly from the lifestyles and global dynamics of a metropolis, then from the processes of social control that act on chosen loneliness, and conversely uses loneliness it undergoes to reinforce itself. The proposition is to consider loneliness as a democratic issue, that it becomes a possible choice to withdraw from the world as much as to stop or slow down.

INDEX

Mots-clés : genre, solitude, temporalités, spatialités, care, espace public, contrôle social, quotidien, mobilités, lenteur

Keywords : gender, loneliness, temporalities, spatialities, care, public space, social control, everydayness, mobility, slowness

AUTEUR

CORINNE LUXEMBOURG Architecture, Milieu, Paysage

École Nationale Supérieure d’Architecture – Paris La Villette corinne.luxembourg@paris-lavillette.archi.fr

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