Progrès en Urologie (1996), 6, 260-263
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Traitement des lymphocèles après transplantation rénale
Xavier MARTIN
(1), Rachid ABOUTAIEB
(1), Marwan DAWAHRA
(1), Kamel LAGHA
(1),
Jeanne Luce GARNIER
(2), Catherine PANGAUD
(3), Nicole LEFRANCOIS
(2), Jean-Marie MARECHAL
(1), Albert GELET
(1), Jean-Michel DUBERNARD
(1)(1)
Service d’Urologie et Chirurgie de la Transplantation (
2)Service de Médecine de la Transplantation
(3)
Service de Radiologie, Hôpital Edouard Herriot, Lyon
RESUME
Les lymphocèles représentent l’une des complica- tions survenant dans les suites des transplantations rénales. Leur traitement est encore controversé.
Sur une période de 3 ans (janvier 1992 à décembre 1993), 7 patients présentant une lymphocèle com- pliquée ont eu différents traitements. La ponction drainage a été utilisée dans les 7 cas, une sclérothé- rapie à la polyvidone-iodée® a été pratiquée 4 fois, un drainage interne par marsupialisation chirurgi- cale une fois et coelioscopique 4 fois.
Les résultats du drainage externe et de la sclérothé- rapie ont été décevants avec respectivement 1 bon résultat sur 7 et 1 résultat moyen sur 4. Par contre le drainage interne a été efficace dans tous les cas qu’il s’agisse de la marsupialisation chirurgicale ou coelioscopique. Cette dernière évite les inconvé- nients de la chirurgie ouverte chez les patients à risque.
Le traitement par coelioscopie nous paraît être la méthode thérapeutique de choix des lymphocèles post-transplantation rénale car elle est simple, rapi- de et efficace.
Mots clés : Lymphocèle, transplantation rénale, marsupialisa - tion, coelioscopie.
Progrès en Urologie (1996), 6, 260-263.
Parmi les collections liquidiennes survenant aprés transplantation rénale, la lymphocèle est une variété bien connue. Si les petites lymphocèles sont générale- ment muettes cliniquement, et de découverte échogra- phique, les lymphocèles de grande taille, par contre, peuvent être à l’origine de compression urétérale. Leur traitement se veut le moins traumatisant possible car s’adressant à des malades dejà opérés et immunodepri- més. Depuis 1992, nous avons appliqué différentes methodes thérapeutiques à nos malades allant de la ponction-drainage à la marsupialisation chirurgicale.
Nous rapportons les résultats d’une série de 7 malades.
PATIENTS ET METHODES
De janvier 1992 à décembre 1994, 304 transplantations rénales ont été effectuées à partir de rein de cadavre. La même technique opératoire a été utilis ée chez tous les patients : mise en place du greffon en rétropéritonéal, lym- phostase par clips ou par ligatures, anastomose aux vais- seaux iliaques externes, urétéronéocystostomie par voie extravésicale selon Campos-Freire. Mise en place d’un drain aspiratif dans la fosse iliaque pendant 3 à 4 jours.
Le traitement immunosuppresseur associait corti- coïdes, Imurel et Ciclosporine A.
Un examen clinique et un bilan biologique sont quoti- diennement effectués les premiers jours.
L’echographie est systématique à J1, J7 et J30 ou en présence d’une symptomatologie la justifiant.
Le diagnostic de lymphocèle compliquée a été posé chez 7 patients (3 femmes et 4 hommes). Leur âge moyen était de 51 ans (42 ans à 61 ans). Pour 3 patients, il s’agissait d’une deuxième transplantation.
La complication la plus fréquente était l’altération de la fonction rénale(6 cas) (Tableau 1).
A l’échographie, l’épanchement mesurait dans sa plus grande longueur de 15 à 18 centimètres; réalisant une cavité unique, double ou cloisonnée. Elle était le plus souvent située au niveau du pôle inférieur du greffon (5 cas) ou sur sa face antéro-interne (2 cas).
Nous avons appliqué diverses méthodes de traitement sur ces lymphocèles :
• La ponction-drainage : nous l’avons pratiqué dans tous les cas comme geste de première intention. Une ponction à l’aiguille fine est d’abord effectuée sous guidage échograhique ou scannographique, elle permet le retrait des premiers millilitres qui sont adressés pour examens bactériologique et chimique confirmant défi- nitivement le diagnostic. Puis une sonde de drainage queue de cochon 6,5 F est mise en place. Le drainage est maintenu au minimum pendant une semaine.
Manuscrit reçu le 22 janvier 1995, accepté : décembre 1995.
Adresse pour correspondance : Pr. X. Martin, Pavillon V, Hôpital Edouard Herriot, 69437 Lyon Cedex 03.
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• La sclérose à la polyvidone-iodine® a été pratiquée chez 4 malades. A travers la sonde de drainage, 50 mil- lilitres de polyvidone-iodine ont été injectés dans la cavité et gardés pendant 30 minutes. Cette injection a été répétée 2 fois.
• Chez un malade, une marsupialisation chirurgicale était pratiquée par voie médiane sous ombilicale. Une large pastille péritonéale a été excisée permettant le drainage de la lymphocèle. Une épiploplastie a été réa- lisée pour combler la cavité afin d’éviter l’incarcéra- tion d’une anse.
• La marsupialisation par voie coelioscopique a été pratiquée chez 4 malades. Les patients étaient traités sous anesthésie générale avec intubation; une sonde naso-gastrique et une sonde à demeure étaient mises en place. L’aiguille de Palmer était introduite en péri- ombilical permettant de créer un pneumopéritoine par insufflation de CO2 à une pression de 15 mmHg.
L’aiguille était enlevée et un trocard n°10 introduit permettant de placer l’optique 0° relié à une vidéo- caméra. Deux autres trocards n°5 étaient introduits sous contrôle coelioscopique au niveau du quadrant supéro-externe droit et l’autre en sus pubien. La lym- phocèle crée une voussure péritonéale facilement reconnue. Chez un malade soumis à un drainage pro- longé, l’absence de voussure nous a incité à injecter du bleu de Methyléne par la sonde de drainage pour le repérer plus facilement. Une ponction à l’aiguille confirme la localisation, puis une fenêtre péritonéale a été créée par réséction de la paroi de la lymphocèle au bistouri ménageant ainsi une bréche de 4 à 8 centi- mètres de diamètre en moyenne. Un lavage et une ins- pection de la cavité à la recherche de cloisonnement terminent l’acte opératoire.
RESULTATS (Tableau 2)
• Ponction-drainage (7 cas): le résultat a été bon dans 1 cas avec un recul de 5 mois. Chez ce patient, le drai- nage avait été prolongé pendant 21 jours.
• Sclérose à la polyvidone-iodine®(4 cas): un seul cas a répondu partiellement à cette thérapeutique, puisqu’il persistait une collection de 20 millilitres asymptoma- tique qui a disparu trés progressivement en 8 mois.
• Marsupialisation chirurgicale (un cas): le résultat a été bon. La durée d’hospitalisation a été de 5 jours. Les contrôles réalisés à 20 mois ne montrent aucune réci- dive.
• Marsupialisation coelioscopique (4 cas): le résultat a été bon dans tous les cas. Il persistait dans 2 cas une collection minime de 1,5 centimètres de diamètre qui a disparu sur les contrôles échographiques après un mois. La durée d’hospitalisation a été de 2 jours.
Aucune complication n’a été notée. Absence de réci- dive et nette amélioration de la fonction rénale (recul allant de 1 mois à15 mois).
DISCUSSION
Les collections liquidiennes survenant aprés transplan- tation rénale sont une découverte échographique habi- tuelle, puisqu’elles sont retrouvées chez la moitié des receveurs [17]. Il s’agit généralement de collections hématiques ou séro-hématiques, les lymphocèles n’en représentent que 18% des cas [17]. La lymphocèle est observée dans 0,6 à 18% des cas chez le transplanté [7]. Cette incidence a vu son taux s’élever à 33,3% [12]
depuis l’utilisation de l’échographie.
La lymphocèle prend naissance au niveau des vais- seaux iliaques du receveur et peut probablement être évitée par une dissection soigneuse en préférant les ligatures aux coagulations des canaux lymphatiques les plus importants [4]. Quand elle prend son origine à par- tir des lymphatiques du hile du rein, la lymphocèle peut s’associer à un épisode de rejet aigu [5] et peut dispa- raitre avec son traitement [17]. D’autres facteurs tels l’obstruction urinaire [7], l’implantation du greffon du côté d’une fistule artério-veineuse du membre inférieur [14], l’utilisation de fortes doses de corticoïdes [1] ont été incriminés.
En fait, l’origine des lymphocèles est difficile à préci- ser exactement. Il est probable qu’une bonne lympho- stase sur l’axe iliaque par clips ou ligature diminue le risque de lymphocèle.
Tableau 1. Aspects cliniques.
Altération de la fonction rénale 6
Hydronéphrose 3
Rejet aigu 3
Oedème unilatéral du membre inférieur 2 Ecoulement prolongé de la lymphe par 1 le drain de loge
Douleurs en regard du greffon 1
Tableau 2. Résultats thérapeutiques.
Technique Nombre Résultats
Ponction-drainage 7 Bon : 1
Echecs 6
Sclérose à la polyvidone-iodine® 4 Moyen : 1
Echecs 3
Marsupialisation 1 Bon : 1
chirurgie ouverte
Marsupialisation 4 Bon : 4
coelioscopique
Bon : disparition complète de la collection; Moyen : persistance d’une collection minime; Echec : collection inchangée.