PARIS VI
THESE
Année 2011 N°2011PA06G015
Pour le
Diplôme d’Etat de Docteur en Médecine
SPECIALITE :MEDECINE GENERALE
Enquête sur le don d’organes menée auprès de 200 patients consultant un médecin généraliste du XXe arrondissement de Paris
Intérêt d’une discussion avec le médecin généraliste
Présentée et soutenue le 6 mai 2011 A Paris
Par Gaetan Di Pietro Né le 09 septembre 1979 à Denain
PRESIDENT DU JURY : Pr Dominique Pateron
MEMBRE DU JURY : Pr Jean Lafortune
Dr Patrice Guerrini
Dr Hafid Ait-Oufella
DIRECTEUR DE THESE : Pr Eric Maury
Je dédie cette thèse à mes parents, Joséphine Di Pietro-Catalfamo et Giovanni Di Pietro.
Je les remercie de m’avoir soutenu et de m’avoir fait confiance jusqu’au bout de ce long
parcours.
REMERCIEMENTS :
Je remercie tout d’abord le Pr Dominique Pateron, chef du service d’accueil des urgences de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, d’avoir accepté et de m’avoir fait l’honneur d’être le président du jury de cette thèse.
Je remercie le Dr Marcel Haim Elbaz, médecin généraliste et maître de stage à la faculté de médecine Saint-Antoine de m’avoir permis de réaliser cette étude dans son cabinet.
Sa disponibilité et sa gentillesse m’ont aidé à réaliser ce travail de recherche.`
Je remercie le Pr Jean Lafortune, médecin généraliste, directeur adjoint du département de médecine générale de la faculté Paris VI, le Dr Patrice Guerrini, chef du service de régulation et d’appui d’Ile de France de l’agence de biomédecine et le Dr Hafid Ait-Oufella de m’avoir fait l’honneur d’être membre du jury de cette thèse.
Je remercie enfin mon directeur de thèse, le Pr Eric Maury du service de réanimation,
médecin coordonnateur des prélèvements d’organes de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Il a été
un moteur essentiel dans l’élaboration de cette thèse grâce à la grande pertinence de sa
réflexion, de sa disponibilité, de son écoute et de son intérêt pour ce sujet.
Je remercie ma grand mère Guiseppina Catalfamo et tous les membres de ma famille pour leur soutien lors de mon parcours.
Je remercie ma sœur Lucie de m’avoir supporté lors de mes premières années…
Je remercie mes beaux-parents et particulièrement Jacqueline Corsia pour son aide précieuse lors de la saisie informatique des résultats.
Je remercie mes filles Anouck et Sarah pour tout l’amour qu’elles me donnent ainsi que mon épouse Myriam qui est à mes côtés chaque jour. Tu es la lumière qui me fait avancer chaque jour et m’aide à donner le meilleur de moi même.
J’ai une pensée pour mes grands–parents Gaetano Catalfamo, Lucia et Luigi Di Pietro
qui me regardent d’en haut et qui j’en suis sur auraient été fiers de moi.
PLAN
REMERCIEMENTS P3
1. INTRODUCTION
1.1. Généralités P8
1.2. Rappel historique P10
1.3. Données épidémiologiques sur le don d’organes P12
1.4. Objectifs P13
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Cadre de l’étude P14
2.2. Critères d’inclusion et d’exclusion P14
2.3. Contenu du questionnaire et déroulement de
l’interrogatoire P14
2.4. Réflexion des principaux courants religieux sur le don
d’organes P16
2.4.1 Religion chrétienne P16
2.4.2 Religion juive P19
2.4.3 Religion musulmane P21
2.5. Recueil des données et analyse statistique P23 3. RESULTATS
3.1. Répartition de la population étudiée en fonction de l’âgeP24 3.2. Répartition de la population étudiée en fonction des
différentes catégories socioprofessionnelles P25
3.3. Répartition de la population étudiée selon les différentes confessions religieuses P26
3.4. Répartition de la population selon les différentes origines
Ethniques P27
3.5. Position des patients face au don d’organes
3.5.1 Avez-vous déjà réfléchi au don d’organes ? P28
3.5.2 Connaissez-vous la position de certains de vos proches (conjoint, parents, enfant(s), grands-parents, frère(s)/ sœur(s)) sur le don d’organes ?
P28
3.5.3 Etes-vous porteur d’une carte de donneur d’organes ? P28
3.5.4 Connaissez-vous une personne ayant besoin d’une transplantation d’organe ou ayant été transplantée ? P29
3.5.5 Si de façon accidentelle vous vous retrouviez en état de mort cérébrale (ce que je ne vous souhaite pas), seriez-vous favorable à ce que vos organes soient
prélevés? P29
3.5.6 D’après vous, les patients fortunés ont-ils plus de chance d’être transplantés
avant les autres ? P30
3.5.7 Si un membre de votre famille avait besoin de recevoir une greffe de foie en urgence afin de lui éviter de mourir; accepteriez-vous qu’il soit transplanté?
P30
3.5.8.Avez-vous lu l’affiche d’information dans la salle
d’attente ? P30
3.5.9 Avez-vous consulté le guide d’information sur le don
d’organes disponible dans la salle d’attente? P30
3.5.10Avez vous déjà donné votre sang ? P31
3.6 Motifs de refus des patients P31
3.7 Position des patients opposés au don après discussion avec
le médecin généraliste P32
3.8 Répartition des différentes méthodes d’information
souhaitées par les patients sur le don d’organes P34
3.9 Réactions des patients face à une proposition d’inscription du consentement sur
la carte vitale P35
3.10. Réactions des patients face à la proposition d’une loi favorisant les donneurs
volontaires P35
3.11 Position des patients initialement opposés au principe du don d’organes après un délais de réflexion de quinze jours après la discussion avec le médecin
généraliste P35
4. DISCUSSION
4.1 Impact des données socio ethniques et de la religion P36
4.2 Facteurs favorisant la communication du consentement d’un patient à ses
proches P38
4.3 Niveau de richesse et don d’organes` P39
4.4 Méthodes d’information souhaitées par les patients sur le don d’organes.
P39
4.5 Intervention du médecin de premier recours et changement de position des patients face au don d’organes. P40
4.6 Législation sur le devoir du médecin à informer sur le don d’organes P41
4.7 Don d’organes et don du sang P42
4.8 Intérêt des documents informant la patientèle au cabinetP42
5. CONCLUSION P43
6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES P44
7. RESUME P47
Annexe 1 Poster Pour sauver des vies, il faut l’avoir dit P48 Annexe 2 Brochure d’information sur le don d’organes P49
Annexe 3 Questionnaire P55
Annexe 4 Définition des Catégories Socio Professionnelles (CSP) P60 d’après l’INSEE
1. INTRODUCTION
1.1 Généralités
Les transplantations et les greffes d’organes constituent l’un des grands progrès de la
médecine du vingtième et vingt-et-unième siècle après celui de la découverte des traitements
anti-infectieux. Elles permettent chaque année de sauver des vies humaines et d’améliorer la qualité de vie de nombreux patients porteurs d’une défaillance d’organe terminale.
On parle de transplantation d’un organe lorsque celui-ci bénéficie d’une anastomose vasculaire (exemple de la transplantation hépatique) contrairement à la greffe où le tissu greffé est directement nourri par la vascularisation du receveur (exemple de la greffe de peau).
La réussite de ces techniques est principalement liée au progrès de la chirurgie, à l’amélioration des différentes méthodes de conservation des greffons et au progrès de l’immunologie avec le développement des thérapeutiques immunosuppressives. Ces avancées scientifiques sont nécessaires mais non suffisantes pour atteindre les objectifs escomptés. En effet, la pénurie de greffons dessine aujourd’hui les limites de ces prodigieuses avancées.
Afin de limiter cette pénurie, on considère que chaque personne en bonne santé ( qui est un donneur potentiel) est d’accord pour faire don de ses organes ou tissus après sa mort ; c’est le principe du consentement présumé (loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976). Ainsi, le médecin coordonnateur des greffes d’un établissement de santé doit recueillir le consentement du patient donneur potentiel en vérifiant l’absence d’inscription dans le registre national des refus. Néanmoins, même si ce point ne constitue pas une nécessité au plan juridique, il est tenu compte de la position des proches. Il apparaît en effet primordial, dans un tel contexte, d’établir avec les proches du patient une relation de confiance réciproque. Il arrive ainsi, malgré l’absence d’opposition du défunt de ne pas entamer la procédure de prélèvement car les proches s’y opposent.
On constate qu’une part non négligeable des prélèvements d’organes sur le patient en état de mort encéphalique ne peuvent être effectués en raison d’une opposition de la famille.
D’après les derniers chiffres récemment publiés par l’agence de biomédecine, 1027 patients
en état de mort encéphalique sur 3049 (soit 33,7%) n’ont pas été prélevés en 2010 à cause de
l’opposition des proches. Les motivations de ce refus sont parfois explicitées mais semblent
pour certaines infondées voire parfois inexplicables. La difficulté voire l’impossibilité pour
certains d’avoir, dans ces circonstances, une attitude altruiste et pragmatique est cependant
compréhensible. L’annonce du diagnostic de mort à la famille constitue un moment d’une
extrême intensité voire violence sur le plan émotionnel, d’autant plus que le cœur bat toujours
et que la fonction respiratoire est maintenue artificiellement. Il est parfois difficile pour
certaines personnes de concevoir le concept de mort « cérébrale » dans ce contexte. Nous
comprenons bien que le recueil du consentement du défunt par les proches, bien souvent
sidérés par l’annonce de la mort, dans un temps limité, en vue d’un prélèvement d’organes à
des fins de greffes s’avère douloureux et difficile. Une fois l’émotion atténuée, d’autres
explications que l’anéantissement sont néanmoins exprimées par les proches comme
motivation de leur refus de consentir au don. Crainte de la perte de l’intégrité de la dépouille,
obstacle religieux auquel il est parfois difficile de proposer une explication rationnelle sont
des motifs de refus fréquemment avancés et qui annulent par la même, la procédure du prélèvement. Pourtant, le prélèvement d’organes sur patient en mort cérébrale est aujourd’hui la seule voie permettant de faire face à la pénurie de don d’organes. Il semble ainsi plus que jamais nécessaire d’essayer d’appréhender les raisons de ces refus et d’essayer d’en limiter la portée.
L’information des patients par le médecin généraliste pourrait constituer un axe de cette action. Le décret no 2006-1620 du 18 décembre 2006 (1) précise que le médecin généraliste a pour mission, « à un moment qu’il jugera opportun », d’informer ses patients âgés de seize à vingt-cinq ans et de s'assurer qu’ils ont bien connaissance de la possibilité du don d’organes à usage de greffe, ainsi que des modalités de consentement à ce don. Le médecin doit préciser au jeune patient les sources d'information disponibles provenant de l'Agence de la biomédecine, notamment l'existence de son site internet. Comme le stipule la loi : « Il l'invite à accéder lui-même à ce site, et, s'il l'estime souhaitable, lui remet personnellement une version imprimée des pages spécialement éditées par l'agence à destination des jeunes. Il répond, le cas échéant, aux demandes d'information complémentaires. »
Outre le fait d’informer nos patients sur le don d’organes, il serait intéressant d’observer la réaction des patients consultant dans un cabinet de médecine générale face à la problématique du don d’organes. Le médecin généraliste pourrait recueillir « à froid » leurs impressions sur ce sujet et aussi surmonter certains obstacles, après les avoir bien identifiés, en leur délivrant des informations ciblées.
1.2 Rappel historique (2)
Le concept de transplantation d’organes s’inscrit dans l’esprit humain depuis l’antiquité dans différentes civilisations. Nous pouvons citer comme exemple l’histoire du Ganesha, datant du XIIème siècle avant JC, issue de la tradition hindoue avec sa représentation d’un corps d’homme à qui avait été greffée une tête d’éléphant (3).
La fin du XIXème siècle a été marquée par le début des expérimentations sur les
greffes avec notamment les premières tentatives de greffe de peau décrites par Reverdin en
1869.
Le début du XXème siècle se focalise sur les techniques chirurgicales avec l’affinement des sutures vasculaires et les premières greffes de cornée par Eduard Konrad Zirm le 7 décembre 1905 ainsi que la première greffe rénale à partir d’un donneur décédé décrite par Voronoy et Khersov en 1933 ; celle-ci s’étant rapidement soldée par un échec.
Les progrès réalisés dans la seconde partie du XXème siècle dans le domaine de l’immunologie éclairent les possibilités de succès des greffes et transplantations notamment grâce à Dausset qui, en 1952, publie ses travaux sur la découverte du système HLA. Cette même année a été marquée par la première greffe rénale à partir d’un donneur vivant réalisée à l’hôpital Necker à Paris par l’équipe de Louis Michaud. Les suites post-opératoires ont été menées sous la direction du Professeur Jean Hamburger n’empêchant pas le décès du receveur 21 jours plus tard.
A peu près à la même époque, la description historique de la mort cérébrale ou encéphalique par Maurice Goulon et Pierre Mollaret (1959) a incontestablement ouvert les voies du don d’organes. Il s’agit là d’un état où la fonction cardiovasculaire est toujours effective , de manière spontanée, pendant un certain temps malgré l’abolition irréversible des réflexes du tronc cérébral évoluant inéluctablement vers une mort clinique plus communément décrite. Il fut alors permis de procéder à un prélèvement d’organe sur cœur battant. Le patient en état de mort cérébrale est considéré légalement comme étant décédé. Il est alors possible de remplir et de signer le certificat de décès. D’autres éléments de recherche concernant les méthodes de préservation des organes comme l’utilisation du froid d’après Collins et les solutés de conservation d’après Belzer améliorent le pronostic des malades.
L’une des avancées la plus déterminante dans le domaine de la transplantation a été l’utilisation des traitements anti-rejet comme la ciclosporine.
En 1963 a lieu la première greffe hépatique réussie à Denver par Starzl puis la greffe pulmonaire ; celle-ci tentée pour la première fois par Hardy la même année a été un échec. En 1966, R. Lillehei tente la première greffe pancréatique. Il a fallu attendre le 3 décembre 1967 pour que soit réalisée au Cap, par le Dr Christian Barnard la première greffe de l'organe le plus symbolique : le cœur.
La première transplantation partielle de visage a été menée au CHU d’Amiens par les équipes de Bernard Devauchelle et Jean-Michel Dubernard en novembre 2005.
1.3 Données épidémiologiques sur le don d’organes
On estime qu’en France plus de 4500 greffes d’organes sont réalisées chaque année et
que 40000 personnes vivent grâce à un organe greffé (4). Chaque année, des patients en
attente de greffe meurent faute de greffon. En 2009 en France, 4580 greffes ont été réalisées,
14403 personnes ont eu besoin d’une greffe et on estime que 250 malades sont décédés faute
de greffon (5). En 2010, trois mille quarante neuf sujets en état de mort encéphalique ont
été recensés. Parmi ces derniers, 1476 ont été prélevés soit environ 48%. Parmi ces patients,
les causes de mort cérébrale étaient : un accident vasculaire cérébral 57%, un traumatisme
25% ou une autre cause 18%. Parmi les patients en état de mort encéphalique, l’opposition
des proches représente environ 33,7% des causes de non prélèvement. Notons que ce dernier
chiffre est en augmentation croissante depuis 2007 où il était de 28,2%. (6)
1.4 Objectifs :
1.4.1 Objectif principal
Il serait intéressant de comprendre les raisons pour lesquelles ces familles s’opposent au don d’organes. Il serait d’autre part pertinent d’évaluer l’état des connaissances des patients consultant un médecin généraliste sur ce sujet. L’objectif principal de ce travail était, d’une part, d’évaluer le ressenti et les connaissances des patients consultant dans un cabinet de médecine générale vis-à-vis de la mort cérébrale et du don d’organes, et d’autre part, de décrire et analyser les principaux motifs de refus.
1.4.2 Objectifs secondaires
Après avoir identifié les principales sources de refus, nous avons tenté d’évaluer
l’impact d’une discussion initiée par le médecin généraliste avec le patient initialement
opposé au don d’organes. Nous avons émis l’hypothèse qu’il pouvait promouvoir le don
d’organes et qu’il avait possiblement la capacité de convaincre ces patients réticents à devenir
donneurs potentiels.
2.MATERIEL ET METHODES
2.1 Cadre de l’étude
Une patientèle de médecine générale a été interrogée sous forme de questionnaire dans un cabinet du 20ème arrondissement de Paris durant une période d’un mois du 30 août 2010 au 30 septembre 2010. Tous les patients ont été informés que les données recueillies feraient l’objet d’une thèse de médecine générale. Une déclaration normale a été faite à la CNIL.(7)
Un poster délivré par l’agence de biomédecine a été affiché dans la salle d’attente (Annexe 1) et des brochures d’informations sur le don ont été mises, en salle d’attente, à la disposition des patients. (Annexe 2)
2.2 Critères d’inclusion et d’exclusion
Les critères d’inclusion étaient les patients âgés de plus de 16 ans acceptant de répondre au questionnaire au terme d’une consultation. Ont été exclus les patients en incapacité à donner leur consentement, ne maîtrisant pas la lecture du français et ceux refusant de répondre au questionnaire. Les patients chez lesquels le diagnostic d’une maladie grave a été annoncé n’ont pas été retenus dans notre étude.
2.3 Déroulement de l’interrogatoire et contenu du questionnaire
Après chaque consultation, nous avons demandé à tous les patients s’ils souhaitaient
répondre au questionnaire (Annexe 3). Le temps passé dans la salle d’attente du médecin
généraliste a été relevé.
Il s’agissait ensuite de recueillir des informations démographiques simples concernant les personnes comme l’âge, le sexe, le niveau socioéconomique d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques INSEE (annexe 4) , l’appartenance religieuse, l’origine ethnique.
La position de chaque patient part rapport au don d’organes a été recherchée. En cas de refus au principe du don d’organes, une liste de motifs plausibles ou semblant vraisemblables a été proposée. (cf questionnaire en annexe).
En cas de méconnaissance ou de doute sur le diagnostic de la mort, la définition de la mort encéphalique ou cérébrale a été expliquée en des termes simples : « Il s’agit d’une destruction irrémédiable et irréversible du cerveau qui de fait ne fonctionne plus du tout. En France à ce stade, le patient est considéré légalement comme mort. Le certificat de décès est signé, même si le cœur bat encore et qu’une machine assure la respiration. Les organes ne peuvent être prélevés que lorsque l’on est mort sur le plan légal. »
Lorsque le motif religieux était la source d’opposition invoquée par le patient, la position des principales instances religieuses a été présentée et expliquée par le médecin généraliste.
Les positions les plus récentes des représentants des principales religions quant au don d’organes ont été recueillies. D’une manière générale, toutes les religions sont d’accord avec le principe du don d’organes dans la mesure où le prélèvement a comme finalité de promouvoir la vie.
Pour le non respect de l’intégrité du corps humain, nous avons expliqué au patient que
l’état du corps après le prélèvement était respecté comme après une intervention chirurgicale
et qu’il n’en persisterait que des cicatrices.
Nous avons contacté par téléphone 10 jours après le premier entretien les patients opposés au principe du don d’organes, les patients souhaitant réfléchir et les patients ignorant la volonté de leurs familles proches sur ce sujet. Il s’agissait d’étudier si leur avis avait changé depuis la conversation avec le médecin généraliste.
2.4 Réflexion des principaux courants religieux sur le don d’organes
Lorsqu’un patient refusait le don d’organes au prétexte d’une interdiction de sa religion, une copie de l’avis des principaux responsables religieux dans le domaine du don d’organes, des greffes et de la transplantation d’organe lui était remise.
2.4.1 Religion chrétienne
La position de la religion catholique sur le don d’organes peut s’éclaircir par les discours de l’ancien pape Jean Paul II et du pape Benoît XVI.
DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AU 18ème CONGRÈS INTERNATIONAL SUR LA TRANSPLANTATION D'ORGANES. Mardi 29 août 2000 (8)
« C'est pourquoi, dans la Lettre Encyclique
Evangelium vitae, j'ai suggéré qu'une façon de
promouvoir une véritable culture de la vie "est le
don d’organes, accompli sous une forme
éthiquement acceptable, qui permet à des malades parfois privés d'espoir de nouvelles perspectives de santé et même de vie" . »
« Je suis certain que les responsables sociaux, politiques et éducatifs renouvelleront leur engagement à promouvoir une véritable culture du don et de la solidarité. Il faut insuffler dans le coeur des personnes, et en particulier dans le coeur des jeunes, une reconnaissance authentique et profonde du besoin d'amour fraternel, un amour qui puisse trouver une expression dans la décision de devenir un donneur d'organes. »
DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI AU CONGRÈS INTERNATIONAL SUR LE THÈME DU DON D’ORGANES ORGANISÉ PAR L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA
VIE.Vendredi 7 novembre 2008 (9)
« L'acte d'amour qui s'exprime par le don de ses
organes demeure un témoignage authentique de
charité qui sait regarder au-delà de la mort pour
que la vie gagne toujours. Celui qui le reçoit
devrait être bien conscient de la valeur de ce
geste; il est le destinataire d'un don qui va au-delà
du bénéfice thérapeutique. Ce qu'il reçoit, en effet,
avant même d'être un organe est un témoignage
d'amour qui doit susciter une réponse tout aussi
généreuse, afin de développer la culture du don et de la gratuité. »
2.4.2 Religion Juive
La position du grand rabbinat d’Israël sur les dons d’organes est rapportée au travers de
l’ouvrage du grand rabbin Michel Gugenheim, directeur du séminaire Israélite de France et
membre du tribunal rabbinique de Paris. Celui-ci nous apporte la position du Grand Rabbinat
d’Israël en sa résolution du 2 novembre 1986 par rapport à la transplantation d’organe.(10)
Une autre source talmudique citée dans la Michna Sanhédrine (4:5) explique que « celui qui
sauve une vie sauve un monde » Pour information, la Michna, rédigée au IIIème siècle, est
une compilation écrite de la loi orale, fondement du droit rabbinique. Le commentaire de ces
lois par les Rabbins de l‘époque s’appelle la Guemara ; l’ensemble Michna et Guemara
constituent le Talmud.
POSITION DU GRAND RABBINAT D’ISRAEL
« Le conseil du Grand Rabbinat d’Israël s’est prononcé en faveur du principe de l’adoption de critères de mort cérébrale et de la pratique de transplantations cardiaques. La source talmudique permettant d’étayer la thèse de la mort cérébrale est, notamment la Michna (Ohalot 1,6) qui stipule : « L’homme ne communique l’impureté que lorsque l’âme l’a quitté…S’ils ont la tête tranchée, bien qu’ils se convulsent, ils sont impurs (donc reconnus comme morts)» Il en résulte qu’en cas de décapitation, tout mouvement, y compris cardiaque, présenté par la victime est à considérer comme une convulsion post-mortem, et ne serait remettre en cause la réalité de la mort. La position du Grand Rabbinat d’Israël se justifie donc par l’identification de la mort cérébrale à une décapitation pure et simple. »
2.4.3 Religion musulmane
A l'occasion de la 6ème journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe
qui a eu lieu le 22 juin 2006, le Conseil Représentatif du Culte Musulman Rhône-Alpes, a
communiqué des décisions de l’Académie du droit musulman basée à La Mecque via son site
internet (11), qui est affiliée à la Ligue islamique mondiale et du Conseil international de
jurisprudence basé à Jeddah en Arabie Saoudite (et affilié à l’Organisation de la conférence
islamique – OCI) sur la transplantation d’organes, que le donneur soit mort ou vivant.
DECISIONS DE L’ACADEMIE DU DROIT MUSULMAN
« Il est permis de prélever un organe d’un mort
pour le greffer dans le corps d’une personne
vivante si sa survie dépend de cette opération, ou
quand celle-ci est nécessaire pour assurer une
fonction essentielle de son organisme. »
2.5 Recueil des données et analyse statistique
Les données relatives à chaque patient ont été recueillies sur un fichier Excel. Les données qualitatives sont exprimées en pourcentage, les valeurs continues en moyenne ±1DS.
Les données quantitatives ont été comparées à l’aide du test t de Student et les données
qualitatives ont été comparées à l’aide du test du Chi-2.
3.RESULTATS
Sur 224 patients ayant consulté dans un cabinet de médecine générale du XXème arrondissement de Paris, 200 patients ont accepté de répondre au questionnaire. Le temps d’attente avant de voir le médecin a été de 13 minutes en moyenne.
3.1 Répartition de la population étudiée en fonction de l’âge L’age moyen est de 39 ±15 ans
Les hommes représentent 46% contre 54% pour les femmes dans la population étudiée.
3.2 Répartition de la population étudiée en fonction des différentes catégories
socioprofessionnelles
1 1% 2
5% 3
12%
4 11%
5 31%
6 9%
7 12%
8 19%
1 Agriculteurs exploitants
2 Artisans, commerçant et chefs d'entreprise 3 Cadres et professions intellectuelles supérieures 4 Professions intermédiaires
5 Employés
6 Ouvriers 7 Retraités
8 Autres personnes sans activité professionnelle
3.3 Répartition de la population étudiée selon les différentes confessions religieuses
Du point de vue de la répartition de la patientèle selon les différentes confessions
religieuses, la majorité des patients était de confession musulmane (56%). Venait ensuite la
religion catholique (20%) puis la religion juive avec (13%), les athées (9%) et enfin la religion protestante pour 2%.
1 20%
2 56%
3 13%
4 2%
5 0%
6 9%
1 Religion catholique 2 Religion musulmane 3. Religion juive 4 Religion protestante 5. Religion bouddhiste
6 Athée
3.4 Répartition de la population selon les différentes origines ethniques
L’Afrique du Nord vient en tête avec 56% des patients. Les caucasiens représentent 30%
de l’échantillon. Viennent ensuite l’Afrique Noire avec 18% et enfin l’Asie avec 1%.
1 30%
2 1%
3 51%
4 18%
1 2 3 4
1 Caucasien 2 Asiatique
3 Afrique du Nord
4 Afrique Noire
3.5 Position des patients face au don d’organes
3.5.1 Avez-vous déjà réfléchi au don d’organes ?
Trente-quatre pour cent (34%) des patients ont déjà eu une réflexion à propos du don d’organes. Il existe une inhomogénéité significative des réponses à cette question selon la profession des personnes interrogées (p=0.02). Ainsi les cadres et les chômeurs ont plus souvent réfléchi au don que les retraités, ouvriers et employés (46% vs 26%, p=0.001). Il n’y a par contre pas de différence significative en ce qui concerne l’origine ethnique ou la confession religieuse.
3.5.2 Connaissez-vous la position de certains de vos proches
(conjoint,parents,enfant(s),grands-parents,frère(s)/sœur(s)) sur le don d’organes ?
Seulement 17,5% des patients connaissent la position de leurs proches sur le don d’organes.
On observe une inhomogénéité qui atteint quasiment la significativité en ce qui concerne la profession (p=0.06) avec une connaissance de la position des proches significativement plus souvent connue chez les cadres et les chômeurs que chez les retraités employé et ouvriers (28% vs 15%, p=0.006). Les cadres et les chômeurs abordent plus fréquemment la question du don d’organes que les employés, ouvriers et retraités (30% vs 11%, p=0.02).
3.5.3 Etes-vous porteur d’une carte de donneur d’organes ?
Sept et demi pour cent (7,5%) des patients portent une carte de donneur d’organe. On observe ici encore une inhomogénéité des réponses selon la profession (p=0.02) mais pas de variabilité selon l’appartenance ethnique (p=0.7) ou la religion (p=0.6). Les cadres sont significativement plus souvent porteurs d’une carte de donneur que les employés ouvriers chômeurs et retraités (20% vs 4% p=0.006)
3.5.4 Connaissez-vous une personne ayant besoin d’une transplantation d’organe ou ayant été transplantée ?
Douze et demi pour cent (12,5%) des patients connaissent un patient nécessitant une greffe ou
ayant été transplanté. On ne retrouve aucune variabilité de ce paramètre expliquée par la
profession (p=0.6) ou la confession (p=0.7). Par contre les patients originaires d’Afrique
Noire connaissent plus souvent une personne ayant besoin d’une transplantation d’organe ou
ayant été transplantée (22%) que les caucasiens (6%) ou que les patients originaires
d’Afrique du Nord (10%). Les patients connaissant une personne attendant ou ayant bénéficié
d’une transplantation sont plus sensibilisés au problème du don d’organes et y ont plus
souvent réfléchi (16% vs 7.1%, p=0.07).
3.5.5 Si de façon accidentelle vous vous retrouviez en état de mort cérébrale (ce que je ne vous souhaite pas), seriez-vous favorable à ce que vos organes soient prélevés?
Cinquante deux pour cent (52%) des patients interrogés seraient prêts à donner leurs organes en cas de mort cérébrale, 37% refusent et 11% sont indécis. On ne retrouve aucune influence du sexe. Aucune variabilité de ce paramètre n’est expliquée par la profession ou l’appartenance ethnique. Les patients ayant déjà réfléchi au don y sont plus souvent favorables (45% vs 21%, p=0.01). Les patients connaissant une personne attendant ou ayant bénéficié d’une transplantation se déclarent plus spontanément favorables au don (17% vs 7%, p=0.1). Par contre il existe une grande variation de la réponse en fonction de la culture religieuse. Le oui l’emporte sur le non chez les catholiques (61%) les musulmans (49%) et les athées (76%) alors qu’il n’est exprimé que par 30% des patients de confession juive (p=0.03).
Si il y a peu d’indécis chez les juifs (3%) et les athées (5%), ils sont significativement plus nombreux (12%) chez les musulmans et chez les catholiques (p=0.03).
3.5.6 D’après vous, les patients fortunés ont-ils plus de chance d’être transplantés avant les autres ?
De façon inattendue, soixante cinq pour cent (65%) des patients pensent que les personnes fortunées ont plus de chance d’être transplantées avant les autres. Cette méfiance est retrouvée chez 55% des caucasiens, 64% des patients originaires d’Afrique du Nord et s’exprime beaucoup plus fréquemment (82%) chez les patients originaires d’Afrique Noire (p=0.03).
Cette croyance est largement plus présente (p=0.03) chez les musulmans (72%) que chez les catholiques (58%) ou chez les juifs (46%). Cette réponse est moins souvent observée parmi les cadres et les chômeurs que chez les retraités employés et ouvriers (59% vs 71%, p=0.1)
3.5.7 Si un membre de votre famille avait besoin de recevoir une greffe de foie en urgence afin de lui éviter de mourir; accepteriez-vous qu’il soit transplanté?
Tous les patients accepteraient qu’un membre de leur famille soit transplanté afin qu’il puisse échapper à la mort faute de greffon.
3.5.8 Avez-vous lu l’affiche d’information dans la salle d’attente ?
Trente deux et demi pour cent (32,5%) des patients ont lu l’affiche dans la salle d’attente.
Aucune variabilité dans la réponse à cette question n’est imputable à la profession à
l’appartenance ethnique ou religieuse
3.5.9 Avez-vous consulté le guide d’information sur le don d’organes disponible dans la salle d’attente?
Seulement 12,5% ont lu le guide sur don d’organes et 2% de ces patients pensent que la lecture de ces documents peut changer leur perception sur le don d’organes. Pour 4,5% cela leur a donné envie d’en parler à leur proche. Aucune variabilité dans la réponse à ces questions n’est imputable à la profession à l’appartenance ethnique ou religieuse
3.5.10 Avez vous déjà donné votre sang ?
Dix sept pour cent (17%) des patients interrogés ont déjà donné leur sang. Le fait d’être donneur de sang est associé à une probabilité significativement plus élevée d’accepter le principe du don d’organes (25% vs 6% , p=0.03).
3.6 Motifs de refus des patients
Les patients opposés au don d’organes ou indécis évoquent la crainte d’une interdiction d’ordre religieuse dans 42% des cas, l’atteinte de l’intégrité corporelle dans 27%
des cas et enfin pour 18% d’entre eux, il n’y a pas d’explication à leur refus de donner leurs organes.
1 5%
2 42%
3 27%
4 0%
5 7%
6 1%
7 18%
1 Diagnostic de mort incertain, espoir de « réveil du coma » 2 Barrière religieuse
3 Non respect de l’intégrité du corps humain, mutilation du corps et impact sur les funérailles
4 Méfiance envers les médecins :Peur qu’ils ne mettent pas tout en œuvre pour sauver la vie du donneur potentiel
5 Votre famille n’approuverait pas votre décision de donner
6 Autre explication 7 Absence d’explication
Le refus est rarement (5% ) motivé par la crainte que le diagnostic soit erroné ou le coma réversible. La crainte de la réprobation des proches est avancée dans 7%
des cas.
Aucune variabilité dans le refus pour motif religieux ne semble être expliqué par la profession (p=0.6). Par contre l’origine ethnique est responsable d’une variabilité significative de ce paramètre (p<0.001). Ainsi le refus est rare chez les caucasiens (1%) mais significativement plus élevé (p=0.02) chez les patients originaires d’Afrique Noire (24%) ou d’Afrique du Nord (37%).
La barrière de la religion est très fortement associée au refus du don.
Néanmoins, cette réticence est variable selon la confession (p=0.02). Si le motif religieux est rarement avancé par les catholiques (2%), il l’est beaucoup plus fréquemment chez les musulmans (33%) et chez les patients de confession juive (42%). La différence est alors significative (p=0.001).
La crainte de la perte de l’intégrité corporelle est avancée par 27% des patients indécis ou opposés au don et n’est par contre jamais avancée par les patients qui y sont favorables (27% vs 0%, p=0.001). Enfin, la réponse à cette question n’est pas influencée par la profession, l’ethnie ou l’appartenance religieuse.
3.7 Position des patients opposés au don après discussion avec le médecin généraliste.
Les patients initialement opposés (74) ou indécis (22) sur le principe de donner leurs
organes en cas de mort cérébrale, soit 48% de la population, ont discuté brièvement avec le
médecin généraliste lors de la consultation.
Le temps de l’entretien était de 10 minutes en moyenne. Sur les 96 patients ayant initialement refusé le principe du don ou ayant besoin de réfléchir, 34 modifiaient leur opinion au terme des explications et se déclaraient finalement favorables au don d’organes, 26 patients restaient indécis et 36 patients restaient opposés au principe du don. Aucune influence de la profession, de l’appartenance ethnique ou religieuse n’était mise en évidence pour expliquer une quelconque variabilité de l’aptitude à changer d’avis après quelques explications.
3.8 Répartition des différentes méthodes d’information souhaitées par les patients sur le don d’organes
Soixante dix-sept pour cent (77,5%) des patients souhaitent être plus informés sur le
don d’organes par respectivement les médias télévisés, le médecin généraliste et internet.
1 42%
2 3 1%
20%
4 1%
5 10%
6 26%
1 2 3 4 5 6
1 Les médias télévisés 2 Les journaux 3 Internet
4 Affiche et brochure dans la salle d’attente de votre médecin généraliste 5 Guide d’information sur le don d’organes envoyé directement à votre domicile 6 Le médecin généraliste lui-même