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L'influence des conditions thermiques et biochimiques sur la sédimentation lacustre: diagenèse primaire des différents types de sédiments

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L'influence des conditions thermiques et biochimiques sur la sédimentation lacustre: diagenèse primaire des différents types de

sédiments

SERRUYA, Colette, SERRUYA, S.

Abstract

Le but de cette note est de montrer, sur des exemples précis, l'influence des conditions thermiques et chimiques de l'eau des lacs sur le faciès final des sédiments qui se déposent sur le fond et leur incidence sur les premiers stades de la diagenèse. Nous étudions simultanément le lac Léman et le lac de Nantua, si différents par leur superficie, leur profondeur et leur état d'évolution. Le lac de Nantua, situé dans le département de l'Ain, a une superficie de 141 ha et une profondeur maximum de 42,9 m, alors que le Léman s'étend sur 58 236 ha et que le point le plus profond se trouve à 309,4 m sous le plan d'eau.

SERRUYA, Colette, SERRUYA, S. L'influence des conditions thermiques et biochimiques sur la sédimentation lacustre: diagenèse primaire des différents types de sédiments. Revue de géographie alpine, 1966, vol. 54, no. 1, p. 113-129

DOI : 10.3406/rga.1966.3249

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154771

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et biochimiques

sur la sédimentation lacustre :

Diagenèse primaire des différents types de sédiments

par с Serruya et S. Serruya

Le but de cette note est de montrer, sur des exemples précis, l'influence des conditions thermiques et chimiques de l'eau des lacs sur le faciès final des sédiments qui se déposent sur le fond et leur incidence sur les premiers stades de la diagenèse.

Nous étudions simultanément le lac Léman * et le lac de

•Nantua2, si différents par leur superficie, leur profondeur et leur état d'évolution. Le lac de Nantua, situé dans le département de l'Ain, a une superficie de 141 ha et une profondeur maximum de 42,9 m, alors que le Léman s'étend sur 58 236 ha et que le point le plus profond se trouve à 309,4 m sous le plan d'eau.

I. L'EAU DES LACS.

Cette étude de l'eau des. deux lacs mettra en évidence le rôle de la bathymétrie et de la productivité sur la forme du profil thermique et la teneur en oxygène des eaux du fond.

1 C.S. C.N.R.S., Centre de Recherches Géodynamiques, Thonon-les-Bains, 2 S.S. Station d'Hydrobiologie Continentale, Paris, Etude Interréactions Vase-Eau (D.G.R.S.T. - I.N.R.A.).

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1° La forme du profil thermique (fig. 1).

Dans le Léman il semble y avoir une relation entre la forme du profil thermique et la bathymétrie. En fait celle-ci n'a qu'une

10* 15*

0m

10

20

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0 Tempérât

B.12 T»1,5 Poinř de Bathymétrie 12 et de Transparence 4,5 . léman

Z } Nantua

50

Fig. 1. — Profis thermiques, juillet 1963.

influence indirecte. Par contre la forme du profil thermique est étroitement liée à la quantité de matériel en suspension dans l'eau et principalement à la quantité de matières organiques. Cette gran-

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deur est assez bien traduite par les mesures de transparence

effectuées par la méthode du disque de Secdhi. La figure 1 représente les profils thermiques de plusieurs points de bathymétrie et de transparence variables. On voit clairement que le profil thermique est déplacé vers les températures décroissantes à mesure que la transparence diminue. Pour les eaux de haute productivité, le décalage est tel que le métalimnion se réduit à un plan. C'est ainsi que le lac de Nantua offre un profil thermique très accusé. Il faut noter que pour la période considérée, à bathymétrie égale, la transparence était de 6,8 m dans le Léman et de 1,5 m à Nantua.

Il s'ensuit qu'à partir d'une température de surface de 20° С il fallait, dans le Léman, atteindre 30 m pour passer à 7° C, alors qu'à Nantua il suffisait de 12 m pour arriver à la même température.

2° La température et V oxygénation des eaux $e trouvant au contact de la vase (fig. 2 et 3).

La figure 2 met en évidence les variations de la température des eaux du fond, au cours de l'année, pour des points de

bathymétrie variable. Dans les deux lacs, l'amplitude des variations thermiques du fond augmente lorsque la bathymétrie diminue.

Pour des points de faible profondeur, à Nantua elle atteint 5° C;

•dans le Léman, à 300 m, les eaux sont à une température presque constante toute l'année.

On remarque cependant sur la figure 2 В une exception à cette variation régulière. Le point 96 m présente une courbe très voisine de celle du point 170 m, alors qu'elle devrait se superposer à peu près à la courbe du point 90 m. Or nous voyons, sur le graphique représenté à la partie supérieure de la figure 2, que le point 90 m a eu, à partir du mois de mai, une transparence très inférieure au point 96 m. Il en est résulté un déficit dans la transmission de la lumière et de la chaleur qui se traduit par un décalage de la courbe thermique du fond vers des valeurs plus basses. Notons que l'anomalie de la courbe thermique du point 96 m se vérifie pour plusieurs années et non pas seulement pour l'année 1963. Ce point 96 m se trouve devant la ville de Lausanne. La turbidité des eaux est ici liée à une évidente pollution humaine.

Si, à un moment donné, la température du fond varie suivant les régions du lac, les différences des taux de saturation en oxygène sont encore plus spectaculaires (fig. 3). A Nantua, le point 12 m a, 9 mois par an, un taux de saturation en oxygène supérieur à 50 %, alors que le point 40 m n'est dans ce cas que 4 mois par an. Par ailleurs, au point 12 m le taux de saturation en oxygène ne tombe

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Températures (en degrés C)

8 \ 7 6

A ■

1964 0 ,

5 - Л

10 H S /qO \V/

/

V' Transparence (en métrés )

Températures (en degrés C)

1963

Fig. 2. — Variations, au cours de Tannée, de la température de l'interface vase-eau en fonction de la bathymétrie.

A, Nantua; B, Le Léman.

La bathymétrie des points considérés est indiquée sur chaque courbe.

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jamais à 0 %, au contraire les fonds de 40 m sont dans des

conditions d'anaérobiose pendant plus de 4 mois par an. Dans tous les cas, les couches superficielles sont sursaturées en oxygène pendant tout l'été, par suite de l'intense assimilation chlorophyllienne du phytoplancton.

Pour le Léman, les situations ne sont pas aussi extrêmes, mais les courbes montrent nettement que l'oxygénation générale est bien meilleure au point 50 m qu'au point 300 m.

Ce rapide examen nous montre que :

1° La forme du profil thermique et la vitesse d'établissement du thermocline dépendent de la productivité. En effet, l'énergie solaire arrivant sur la surface de l'eau est utilisée :

— à la synthèse chlorophyllienne;

— au réchauffement de l'eau.

Dans les lacs à très haute productivité, une partie de l'énergie solaire est absorbée par les organismes autotrophes. Le

réchauffement de l'eau profonde est alors beaucoup plus lent et plus faible.

A Nantua on arrive très rapidement à avoir deux lacs superposés, séparés par un métalimnion très mince, alors que dans le Léman ce passage est progressif, la masse d'eau atteinte par le

réchauffement solaire étant beaucoup plus importante.

2° Dans les zones de faible profondeur, la surface de la vase a, en été, une profondeur nettement supérieure à celle de la vase des grande fonds. De plus, le taux de saturation en oxygène reste relativement élevé. Il est donc à prévoir que, dans ces zones,

l'activité bactérienne aérobie, non limitée par de grands déficits en oxygène et accélérée par l'augmentation de température, sera importante.

En hiver par contre, ces régions peuvent être le siège d'un abaissement de température plus important que les grands fonds et même subir les effets du gel dans les lacs peu profonds.

Au contraire, le déficit estival des zones profondes en oxygène limitera très vite l'activité aérobie qui passera par un maximum en hiver ou au printemps.

П. SÉDIMENTS A) Sédiments actuels.

Par ce terme nous entendons les sédiments qui viennent juste de se déposer (pellicule de l'interface entre la vase et l'eau) et le sédiment immédiatement sous-jacent.

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Nous utilisons pour le prélèvement de ceux-ci le carottier Mortimer-Jenkins. Cet appareil prélève 10 à 15 cm de vase et la colonne d'eau qui la surmonte, sur une hauteur de 40 cm.

Les échantillonnages effectués nous ont permis de mettre en évidence une répartition très particulière des sédiments récents.

1° A Nantua.

Près du rivage, les sédiments récents sont homogènes, sans structure remarquable et de couleur beige. Plus au large, le

sédiment est gris foncé ou noir et présente un varvage très fin et assez complexe. On y distingue trois sortes de couches : des

1963 1964

Fig. 3. — Variations, au cours de l'année, du taux de saturation en oxygène en fonction de la bathymétrie,

A, Nantua; B, Le Léman. 12 m surface : taux de saturation en oxygène en surface au point de bathymétrie 12 m. La partie hachurée correspond aux périodes pendant lesquelles le taux de saturation en oxygène est supérieur à 50 % au point considéré.

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150?

100

•Л

te

1Э6О 0 ' П ' 0

couches blanches, des couches grises et des couches noires. Ces différents niveaux n'ont entre eux aucune différence granulomé- trique. Les varves ne sont jamais dues, dans les lacs étudiés, à des alternances de niveaux fins et de niveaux grossiers. A une bathymétrie donnée, un type de sédiment exclut l'autre : on ne trouve pas de sédiments varvés vers la côte et les sédiments

homogènes n'existent pas dans les zones profondes.

2° Dans le Léman.

Des séries d'échantillons prélevés à différentes profondeurs, au large de Thonon-les-Bains, nous ont permis de constater une répartition analogue. De la côte jusqu'à 40 ou 50 m nous trouvons, sous une pellicule brun-roux de 1 à 2 cm d'épaisseur, une vase gris clair parfaitement homogène. Au-delà de cette profondeur, le sédiment devient très différent : une mince couche (quelques

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millimètres) de vase rousse recouvre un sédiment gris-noir et varvé.

Les varves sont plus fines qu'à Nantua et ne présentent jamais de couches blanches.

Nous interpréterons ces structures variées, presque contemporaines, d'après ce que nous savons des conditions de la sédimentation :

1° Zones profondes.

Au mois de mai a lieu la première poussée planctonique. Par suite d'une brusque augmentation de l'activité chlorophyllienne, le CO3Ca précipite. Son dépôt sur le fond est favorisé par la faible teneur en CO2 dissous des eaux profondes à ce moment de l'année.

Ce mécanisme aboutit à la formation d'une couche blanche dont l'épaisseur est fonction de la masse du plancton et de la teneur des eaux superficielles en bicarbonates.

Pendant l'été, un déséquilibre se produit entre la quantité de matières organiques qui atteint le fond et la quantité d'oxygène disponible dans l'hypolimnion : le sédiment devient fortement réducteur et prend la teinte des sulfures de fer qui se forment abondamment. En septembre, une nouvelle poussée planctonique active à nouveau la précipitation des carbonates, mais leur dépôt est limité par les quantités importantes de CO2 des eaux de fond.

On observera donc, suivant les cas, un éclaircissement de la partie supérieure de la couche noire d'été, ou bien une couche grise ou encore une nouvelle coudhe blanche.

En hiver, la quantité de matière organique touchant le fond est plus faible et l'oxygène plus abondant. Le sédiment d'hiver aura une couleur claire, grise ou blanche. On voit donc que, suivant les conditions climatiques et biochimiques, on pourra avoir de 2 à 4 couches par cycle climatique annuel.

2° Zones littorales.

Le déficit en oxygène n'est jamais important et toujours de courte durée : à aucun moment de l'année, le sédiment ne se trouve en milieu réducteur et il n'apparaît pas de couches foncées;

les sulfures de fer y sont très rares.

Par conséquent, le faciès des sédiments actuels du lac Léman et du lac de Nantua est fonction de la profondeur à laquelle ceux-ci ont été déposés. Entre la zone littorale et la zone des sédiments noirs existe une région intermédiaire où s'inscrivent très

clairement les oscillations climatiques : l'extension, certaines années, de cette zone vers le large dépend de la rigueur et de la durée des hivers.

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В) Sédiments anciens.

Cette dénomination s'applique aux sédiments au-delà de 20 cm.

Ceux-ci sont prélevés au carottier à piston et à mouton Zullig de 35 mm de diamètre. Ces carottes ont au maximum 5 m de longueur.

Nous étudierons des coupes perpendiculaires à la côte. Les carottes mentionnées ont été prélevées au cours de campagnes effectuées en 1963 et 1964.

1° Le Léman (fig. 4).

a) Les différents sédiments :

L'examen de 50 carottes dans la région de Thonon-les-Bains permet de distinguer trois sortes de sédiments :

— des sédiments beige et gris très clair, non varvés (1);

— des sédiments gris foncé ou noirs, à varvage très net (2). Les varves très visibles sur le sédiment frais disparaissent quelques heures après l'ouverture de la carotte. Il s'agit donc bien, comme pour les varves observées sur les échantillons Mortimer- Jenkins, de varves d'oxydo-réduction.

XLII 170 IX 100 XLVII X 91 XLVIII 40 XLIV 32 XLIX 30 VIII 22 II 10 0 50100150 0 50100150 0 50100150 0 50100:150 0 50100150 0 50100150 0 50100150 0 50100150 050100150

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Profondeurs en m.

1 2 3

■4 5 FSédiment vorvé Sédiment homogène | Sédiment glaciaire \courbe de teneur |X Numéro d ordre 22 Profondeur de de la carotte prélèvement

Fig. 4. — Les sédiments du lac Léman au large de Thonon-les-Bains.

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Ces deux types de sédiments ont une granulométrie très fine : 95 % des particules ont un diamètre inférieur à 40 microns;

— des sédiments plus grossiers, compacts, à faible teneur en eau, très pauvres en matières organiques (3). Ils affleurent sous l'eau près de la côte et plus au large s'enfoncent sous les

sédiments (1) et (2). Cette formation (3) est composée à la partie supérieure d'une vase sableuse qui passe rapidement à un

sédiment à galets : on a relevé, dans une carotte, un galet de 32 mm de diamètre. Ces sédiments ne présentent pas de traces de varves. D'après les études palynologiques, cette formation est contemporaine de l'époque de Dryas II, alors que les vases de type 1 et 2 sont nettement post-glaciaires.

b) Leur répartition :

A partir de la côte et jusqu'à 30 m de fond nous observons le sédiment de type (1) homogène, non varvé, reposant directement sur du sédiment glaciaire.

Entre 30 et 40 m de fond, les sédiments présentent la succession suivante :

a) 50 cm de sédiments varvés;

b) 50 cm de sédiments non varvés;

c) 75 à 100 cm de sédiments varvés;

d) sédiment glaciaire.

Après 40 m, la 'couche (c) devient beaucoup plus importante et le carottier n'atteint plus la; formation glaciaire.

2° Le lác de Nanliia (fig. 5). .;

La fig. 5 représente unie :cojupe N.-O. - S.-E. du lac de Nantua.

Nous trouvons sur le bord ;de laicuvette une vase beige

absolument homogène (carotte SN 29). Au contraire,; au milieu du lac le sédiment est extrêmement yarvéi et de couleur très foncée, comme en témoigne -la carotte 15 qui présente une alternance de varves larges et mal individualisées et de varves très fines, nettes et régulières. Entre ces deux extrêmes se trouve une zone

intermédiaire, où la partie supérieure du sédiment, formée de vase homogène, repose sur une série varvée de couleur brun foncé

(carotte SN 19).

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N LA CLUSE

sn3 sn13 sn15 1 cm0

■ 100

•200 -300 -400 .500

200 205

n sédiment LJ homogène

472 Ivarves fines!

380 510

n varves

480 486

я niveau a „, gastéropodes et lâches M CharacéesS débris végétaux Fig. 5. — Le lac de Nantua. Situation. Coupe. Détails des carottes.

L'ensemble des sédiments post-glaciaires présente donc une zonation remarquable, très semblable à celle que nous avons déjà notée pour les sédiments actuels : sédiments clairs et homogènes vers la côte, sédiments noirs et varvés au large. Les varves des sédiments profonds du Léman ne contiennent jamais de couches blanches.

L'existence ou l'absence de varves dans les sédiments a lieu, dans deux milieux aussi différents que Nantua et le Léman, en

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fonction d'un paramètre unique : la profondeur à laquelle s'est effectué le dépôt. Nous étendrons donc les conclusions, esquissées pour les sédiments actuels, à l'ensemble des sédiments

post-glaciaires. La structure et la répartition des sédiments du Dryas et des vases post-glaciaires s'expliquent parfaitement si nous

rappelons brièvement les modifications des conditions de sédimentation au cours des temps.

Dans le Léman, les sédiments du Dryas se sont probablement déposés dans un lac où flottaient des icebergs. La moyenne

thermique de l'atmosphère était encore assez basse et les eaux toujours froides et parfaitement oxygénées favorisaient une sédimentation homogène. Lors du recul des glaciers, le réchauffement estival de la couche supérieure des eaux créa, dans les zones pélagiques, un régime alterné de sédimentation, où la vitesse de minéralisation décroissait périodiquement par suite de la diminution de la réserve d'oxygène du fond. Les sédiments côtiers, eux, continuèrent à se déposer en milieu constamment oxygéné.

Le réchauffement s'accentuant, la vie se développa rapidement et proportionnellement plus vite dans les petits lacs que dans les grands. C'est la raison de la présence des couches blanches dans les sédiments de Nantua et de leur absence dans le Léman; la productivité des eaux de Nantua est, depuis longtemps, bien

supérieure à celle des eaux lémaniques. A Nantua, lors des poussées planctoniques, la précipitation des carbonates est, par suite, plus élevée que dans le Léman où ceux-ci n'arrivent jamais à dominer nettement les autres apports sédimentaires. La présence des couches blanches dans les varves dépend donc directement, dans les cas étudiés, de l'état de pollution des eaux.

Les sédiments post-glaciaires des lacs de Nantua et du lac Léman comprennent en définitive trois types de sédiments :

a) des sédiments homogènes non varvés;

b) des sédiments varvés noirs et gris : varves d'oxydo-réduc- tion typiques qui disparaissent lors du séchage à l'air (type Léman) ;

c) des sédiments varvés noir, blanc, gris : varves où intervient, en plus des différences de rédox, une différence dans la

composition chimique des couches. Lors du séchage à l'air, les couches noires disparaissent alors que les couches blanches persistent (type Nantua).

Pour résumer, nous dirons que l'on assiste dans les lacs, depuis la fin de la période glaciaire, à l'accentuation de la

stratification thermique et à l'augmentation de la masse organique des eaux, phénomène qu'il ne faut pas confondre avec la pollution

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humaine; il s'agirait plutôt d'une pollution « thermique ». Le processus une fois amorcé tend à s'accélérer : plus la masse organique à minéraliser est importante, plus la réserve d'oxygène

du fond s'appauvrit. Alors le fond s'enrichit en produits de fermentation qui sont à nouveau utilisés pour augmenter la masse organique. A un certain moment de l'évolution du système, la faune et la flore du milieu se modifient. C'est ce que mettent en

évidence des études, actuellement en cours, sur les espèces de plancton des deux lacs. Il est probable que de semblables

mécanismes ont joué fréquemment au cours des périodes géologiques.

Du point de vue paléogéographique, on serait tenté

d'interpréter les zones sans varves des carottes comme des périodes où le point considéré se trouvait dans une région de faible

bathymétrie. On pourrait ainsi, grâce à un simple examen de carottes, retracer l'histoire du niveau des lacs dans le haut Quaternaire.

Mais d'après ce que nous venons de voir, il peut y avoir

convergence de faciès entre un sédiment côtier déposé en climat tempéré et un sédiment pélagique déposé en période froide, le facteur déterminant étant beaucoup plus le potentiel d'oxydo-réduction du milieu que la température elle-même. Il faut donc, avant

d'interpréter ces zones sans varves des carottes, procéder à de nombreux carottages supplémentaires et à la datation palynologique des échantillons. Une interprétation qui ne serait pas soutenue par ces arguments serait prématurée.

QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA DIAGENÈSE PRIMAIRE DES SÉDIMENTS PRÉCÉDEMMENT DÉCRITS

Nous avons toujours trouvé une corrélation très serrée entre la teneur en eau et le pouvoir réducteur des sédiments

essentiellement dû à leur teneur en matière organique. L'hydrophilie est une propriété fondamentale des colloïdes organiques. Elle est due à la présence, dans la molécule de ces corps, d'atomes qui peuvent développer avec l'eau des liens électrostatiques de cohésion. Ces réactions de cohésion entre l'eau et les colloïdes organiques sont rendues possibles par la structure dipolaire des substances en présence. La structure dipolaire de la molécule d'eau est bien connue et responsable des propriétés si particulières de l'eau. La molécule d'eau subit donc fortement l'effet des champs développés par les groupes OH des alcools, sucres et polysaccharides à longues chaînes, par les groupes SH et NH2 des sulfures et des protéines.

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L'eau dans la matière organique se trouve sous trois formes : 1° L'eau liée intimement, grâce aux groupements hydrophiles par des forces de cohésion (eau de solvation);

2° L'eau libre remplissant les mailles entre les fibrilles du squelette cytoplasmique.

Ces deux types d'eau sont constitutifs de la matière

organique. Par ailleurs les éléments organiques se déposent sur le fond en formant des structures variées dépendant probablement de la vitesse de sédimentation et qui correspondraient aux structures en « nids d'abeille » décrites par J. Bourcart.

3° Ces cellules, lâches au moment du dépôt, enferment des éléments minéraux et de grandes quantités d'eau. Ces vacuoles remplies d'eau correspondent à un troisième état de l'eau.

La pellicule sédimentaire qui vient de se déposer contient donc des éléments minéraux isolés les uns des autres par un

« liant » formé de matière organique et d'eau qui limite le développement des forces de Van der Waals.

Voyons maintenant ce que deviennent les éléments de cette couche dans les différentes conditions de sédimentation que nous avons déjà rencontrées dans le Léman.

1° Cas de dépôt dans une eau peu profonde.

L'oxygène présent va permettre une oxydation relativement rapide des chaînes carbonées et azotées en CO2, NO2, OH2 et certains produits de fermentation. Cette démolition rapide des matières organiques aura des conséquences importantes. Tout d'abord, on peut considérer l'oxydation, du point de vue qui nous occupe, comme une expulsion d'eau de constitution non

négligeable : l'oxydation d'une molécule de glucose donne 6 molécules d'eau. Cependant la matière organique ne dépassant pas 5 % de la masse de sédiment, l'eau de constitution ainsi libérée ne

représente donc qu'une faible partie du sédiment et son départ ne provoquera qu'une très faible diminution de volume. Cependant, le départ de l'eau de constitution entraîne à son tour la désagrégation du protoplasme des cellules et le départ de l'eau libre contenue

dans la matière organique.

A ce stade, les cellules en « nid d'abeille » qui constituent le squelette même, l'armature de la vase fraîche, s'effondrent en

rejetant l'eau qu'elles renferment.

L'oxydation a donc pour conséquence un départ massif d'eau, contemporain du dépôt.

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Les distances entre les particules solides diminuent et les forces de liaison s'accroissent.

On est passé rapidement d'une vase à un sédiment où dominent des particules minérales à fortes attractions mutuelles. A ce stade, la compaction du sédiment n'est pas encore très grande, mais l'oxydation a agi comme « inducteur » de la diagenèse. De plus, le sédiment obtenu a un faible potentiel d'énergie.

2° Cas de sédiments déposés en eau profonde.

Dans ce cas, les colloïdes organiques ne sont pas oxydés mais seulement incomplètement dégradés par les fermentations. Leur eau de constitution ou l'eau libre qu'elle renferme n'est pas rejetée mais est incorporée au sédiment. C'est ce qui explique les teneurs en eau élevées des sédiments du large par rapport à celles qu'on observe dans les dépôts côtiers.

De plus, ces sédiments gorgés d'une eau qu'ils ne peuvent rejeter ont des propriétés mécaniques très différentes de celles des sédiments déposés en milieu oxydant3.

De tels dépôts conservent un potentiel énergétique relativement élevé.

Deux conséquences importantes découlent de ces observations.

1° La compaction des sédiments glaciaires.

L'interprétation précédente expliquerait l'extraordinaire

compaction des sédiments du Dryas. L'âge relativement ancien de ces sédiments (12 000 ans environ) ne suffit pas à expliquer la compaction importante qui y a été observée. Mais ces caractères se comprennent bien mieux si on fait intervenir le mécanisme de compaction syngénétique que nous venons de décrire.

Les sédiments en question ont été déposés en milieu froid et oxygéné où le peu de matière organique qu'ils contenaient était aussitôt oxydé. C'était donc un sédiment presque dépourvu de

« liant » qui s'entassait sur le fond. Rien ne s'opposait au

développement de très nombreuses et énergiques liaisons interparti- culaires assurant un tassement précoce.

Cette façon de voir expliquerait peut-être aussi les

observations de nombreux auteurs, rapportées par Boswell : de nombreux sédiments post-glaciaires du Nord de l'Europe ont des teneurs en eau et des compactions peu différentes de certaines argiles ceno- zoïques, bien qu'ils n'aient pas été recouverts par des charges

3 Les caractères 'mécaniques des différents types de sédiments feront l'objet d'une communication séparée.

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supplémentaires importantes. Boswell (ouvr. cité, p. 26) montre encore que certaines argiles d'Angleterre, datant du Great Ice Age (1 million d'années), ont des porosités identiques à celles d'argiles carbonifères de 250 millions d'années. Or les conditions de

sédimentation propres à l'époque glaciaire ont été très favorables à un tassement contemporain du dépôt : elles ont en effet contribué à éliminer toutes les substances colloïdales qui, en s'intercalant entre les particules minérales, tendent à en diminuer les forces d'attraction.

2° La zone intermédiaire entre les sédiments relativement compactés de la côte et les sédiments du large, riches en eau et en matières organiques, est particulièrement intéressante à étudier.

C'est le domaine où Ton passe des sédiments de densité

relativement élevés de la zone oxydée à des sédiments de densité nettement plus faible de la zone profonde. Il est très probable que cette

discontinuité dans les propriétés physiques du sédiment soit la cause de certains déséquilibres mécaniques.

La position spatiale de cette zone intermédiaire a pu être modifiée, au cours des temps, par les variations climatiques et les changements du niveau du lac : on peut donc prévoir qu'il ne s'agit pas d'une région étroite mais d'une bande assez large où on trouvera, superposées, des couches sédimentaires de densité différente. L'étude détaillée de ce domaine très spécial est l'objet de travaux en cours dans le lac Léman.

Nous remercions très vivement MM. J. Gagnaire, G. Olivier, A. Orand et M. Romanens, grâce à qui les carottages ont pu être réalisés, et Mme O. Contamine pour son efficace participation au dépouillement des carottes.

Manuscrit déposé le 26 juin 1965.

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Références

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