Adrien Jayet, 1896-1971

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Adrien Jayet, 1896-1971

SAUTER, Marc-Rodolphe

SAUTER, Marc-Rodolphe. Adrien Jayet, 1896-1971. Archives suisses d'anthropologie générale , 1971, vol. 35, p. 89-91

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103722

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Extrait des A r chi,u e s sui s s e s d,' A nthr o p ol o gie g énér al' e.

. Tome XXXV, r97r.

NÉCROLOGIE

Adrien JAYET

1896-1971

Avec Adrien Jayet, ^que la mort a enlevé le z9 novembre à ses collègues

et

amis

et

à l'affection des siens, disparaît

un

des derniers représentants de ces naturalistes de

la

vieille tradition, formés avec rigueur à ^plusieurs disciplines et sachant les faire concourir à la recherche d'une vérité diffrcile à trouver mais qu'ils savent ainsi cerner.

Adrien Jayet était avant

tout

^géologue;

il

avait une connaissance très pousséc dcs problèmes de la géologie des Alpes et du Jura, et ^de la paléon- tologie. Assez tôt il ^se sentit attiré vers Ie Quaternaire et, tout naturellement, vers la préhistoire. On ne s'étonnera pas que dans ses enquêtes sur la pré- histoire régionale

il

ait insisté sur les données ressortissant au domaine des sciences naturelles. A l'école de Jules Favre

il

était devenu un malacologiste de ^grande autorité;

la

paléontologie des Vertébrés

lui était

familière;

il

s'était mis, ces dernières années, à la palynologie, après avoir marqué une grande méfiance à son égard. Toutes les disciplines de la géologie sédimen- taire,

il

les appliquait à cette recherche de l'ère anthropozoïque.

La préhistoire

lui

doit la fouille

et

la publication ^(avec G. Amoudruz) de la petite station des Douattes, près de Frangy, dans le vallon des Usses (Haute-Savoie), _{avec son} industrie magdalénienne. Ce fut ^pour lui ^l'occasion de reprendre l'étude du Magdalénien

et

de son cadre géologique et biolo- gique, ce qui I'amena à publier son

utile

revue sur le Paléolithique de la région de Genève (rg+S), oir

il

reprenait entre autres ce qu'il est possible de savoir sur les stations de Veyrier (r.'trembières, Haute-Savoie). On

doit

à

Jayet

d'y

avoir suivi pendant des années les travaux des carrières qui détruisent inexorablement les gisements pouvant encore exister dans d'éven- tuels abris sous blocs. C'est ainsi

qu'il

put recueillir plusieurs éléments de squelettes dont I'attribution au Magdalénien touche à

la

certitude, et qui sont déposés au Département d'Anthropologie de I'Université de Genève.

On doit aussi à Jayet ^des travaux sur la grotte des Dentaux, haut dans le massif des Rochers de Naye (Villeneuve, Vaud); oir

la

couche

à

Ours lui a livré un éclat en quartzite qui pourrait avoir de faible traces de retouche;

NECROLOGIE

sur les pauvres vestiges moustériens de la petite grotte de Sézuet, dans le Jura ^gessien (Thoiry, Ain), sur

la

station mésolithique de Sous-Sac (Ain), sur I'abri du Malpas près Chaumont (Haute-Savoie), avec ses niveaux du Néolithique moyen, du Bronze moyen et de I.a Tène. En arrêtant là cette énumération nous escamotons plus dlun sondage pratiqué avec des.amateurs, dans de nombreux gisements archéologiques, abris, stations de plein air, stations lacustres;

Il

faut, à propos de celles-ci, dire I'intérêt que Jayet leur porta, et qui

l'avait

conduit, en se fondant surtout sur

la

malacologie, à conserver I'idée traditionnelle des habitations sur plan d'eau, mais de très {aible profondeur.

Le nom de Jayet ^est étroitement lié au problème d.es glaciations quater- naires. Ayant, au cours de sa carrière, accumulé d'innombrables observations stratigraphiques,

il

était arrivé à des conclusions qui allaient à l'encontre des théories habituellement reçues, en ne retenant que les glaciations de Riss et de Wùrm, en attribuant à cette dernière la plus grande extension dans

le

bassin rhodanien,

et

en interprétant les ^< alluvions anciennes >

comme des formations dépendant du phénomène glaciaire. Ces id.ées

-

^que

nous ne faisons ici que schématiser à l'extrême

-, ^il

^{les a défendues avec}

une vigueur allant jusqu'à l'âpreté,

par

réaction

à

des critiques

qui

ne respectaient pas toujours les règles de la discussion scientifique. Se fondant sur le principe de la primauté du stratigraphique sur le topographique,

il

refusait d'accorder aux reliefs morainiques

la

valeur

qu'ils

avaient aux yeux de ceux qui suivaient les théories de Penck et Brûckner. Mais

il

avait fait appel à d'autres méthodes pour vérifier."r idé"., par exemple en étudiant

de très près la structure fine du front d'un ^glacier vivant, celui de Valsorey dans

le Val

d'Entremont (Bourg-Saint-Pierre,"Valais)

; il y avait

relevé entre autre le rôle que peuvent jouer les laisses de glace morte pour expliquer certains dépôts morainiques.

Adrien Jayet ^a enseigné à l'Université d.e Genève, comme privat-docent dès r9z9 puis comme chargé de cours depuis 1956; en 196r la Faculté des Sciences lui avait témoigné son estime en lui accordant le titre d.e professeur associé. Mais à côté de cette activité universitaire, dont beaucoup d'étudiants gardent un, souvenir très vivant; Jayet a dû ^se consacrer à l'enseignement secondaire jusqu'à l'âge-limite de 65 ans, en 196r.

Il

a d'autant plus de

mérite d'avoir réussi une carrière aussi riche, en dépit d'obligations péda.

gogiques astreignantes. Mais ce savant avait le gorit de I'enseignement;

il

a su captiver des jeunes et en entraîner à l'étude critique des formations quatcrnaircs

ct

holocènes'et de

la

faune.

Il

a celtainenreirL lail", ùe celLe manière aussi, progresser la science qui

lui

tenait à cceur,

. NÉcRoLoGIE

9r Exigeant pour

lui et

pour les autres, rebelle

à toirt

embrigadeinent, réfractaire à la àotion d'autorité ^{d.ans le d,omàine} scientifique, Adrien Jayet pouvait d.onner parfois une impression de rugosité.

c'était

la surface qu'il présenÎait en effet en certaines qccasions _; elle cachait alors un Caractèreloyal, généreux, la senÈibilité du vieux Genevois qui a la pudeur de ses sentiments.

cela

lui

a valu ^quelqugs inimitiés, certes, mais surtout _.de nombreuses et strres amitiés,

qui

transcendaient les éventuelles oppositions dlidées pour créer autour de

lui

^cette corona.a.nticorurn, oit se reconnaît le rayonnement , d'un homme de valeur.

Les

mémbres du ,Département d'Anthropologie

de

l'UniVersité ^de Genève, oir Adrien Jayet

était

toujours accueilli ^avec plaisir, rendent ici un hommage ému à sa mémoire et assurent sa famille de leur vive sympathie.

Marc-R. SaurBn.