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l y a 125 ans, des médecins lausannois, aidés par de généreux donateurs, ouvraient le dispensaire central de Lausanne : la future Policlini
que médicale universitaire (PMU) était née. 125 ans plus tard, ce nu
méro «anniversaire» de la Revue médicale suisse nous donne l’opportunité de lever la tête du guidon, de prendre du recul et de faire le point sur cer
tains enjeux de la médecine ambulatoire d’aujourd’hui et de demain. Ces articles ont été écrits par des cadres de la PMU (médecins, dentistes, pharmaciens, infirmières, administratifs) dans l’esprit caring together, cher à mon prédécesseur, le Pr Alain Pécoud, à la tête de cette belle institution pen dant plus de vingt ans jusqu’à l’année passée.
C’est dire si ces articles ont bénéficié de son influence.
125 ans, c’est aussi l’occasion de pro
poser des regards partagés avec des col
lègues de la cité hospitalouniversitaire lausannoise et de l’étranger, en l’occurren ce de France, du Canada et des EtatsUnis, fruits de liens tissés ces dernières années.
Face à la crise sociétale actuelle, l’article de nos collègues généralistes (P. Samuelson et coll.) suggère que le corps médical devrait réfléchir à des modèles de soins primaires capables de répondre aux défis du futur. La collaboration interprofessionnelle en serait un. Une définition claire des tâches des différents professionnels est cependant nécessaire, ainsi qu’une reconnaissance mutuelle des expériences et des compétences de chacun.
Nous manquons actuellement de clarté dans la définition des champs de compétence des différentes professions, en particulier des infirmières et des pharmaciens. Cette orientation comporte un risque non négligeable, à savoir que, sous couvert de collaboration, apparaisse une compétition.
Quoi qu’il en soit, elle devrait permettre, non seulement de maintenir les valeurs humaines des soins primaires, en se centrant sur le patient, mais aussi de se préoccuper des équipes soignantes et de leur… santé !
Cette position fait écho à celle des cadres administratifs et infirmiers de la PMU (J.M. Bays, F. Ninane et coll.) qui, en collaboration avec des médecins impliqués dans le débat actuel du système de santé suisse, suggère que la PMU devrait s’engager encore plus dans la collaboration interprofessionnelle. Elle pourrait également être un nouvel acteur des réseaux de soins. Dans le cadre d’un mémoire de master en management de la santé, une réflexion a été initiée afin de déterminer les facteursclés de succès et les compétences stratégiques à obtenir pour réussir ce dé
veloppement. Ceuxci sont présentés dans ce numéro.
L’article sur les urgences (P. Staeger et coll.) rappelle que le médecin généraliste reste le professionnel de santé souvent seul responsable lors de la prise en charge d’une urgence médicale. Or, la récente professionna
lisation de la médecine d’urgence a abouti à une diminution de l’exposition de celuici aux urgences vitales, menaçant ainsi son aptitude à les gérer.
Il s’avère donc important que le généraliste préserve ses compétences dans ce domaine.
125 ans au service du public lausannois et vaudois
«… Une définition claire des tâches des différents professionnels est
nécessaire …»
éditorial
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 novembre 2012 2251
Editorial
J. Cornuz
Jacques Cornuz
Médecin-chef
Policlinique médicale universitaire Lausanne
Articles publiés
sous la direction du professeur
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Loin des urgences, l’article de B. Favrat et coll. met en exergue une nouvelle entité clinique : la carence en fer sans anémie. Aton ainsi créé une nouvelle «maladie» ? En faisonsnous trop en médicalisant la fatigue ? Poser cette question, c’est susciter la controverse. Cet article fait le point sur les indications reconnues pour le traitement (oral ou intraveineux) de fer.
Une institution de santé communautaire comme la PMU doit questionner le véritable impact sur le terrain, dans la pratique clinique quotidienne, des avancées de la science médicale. L’article de N. Senn et coll. nous rappelle l’importance des études d’effectivité et d’impact. Complémentaire aux essais cliniques, mais moins attractif sur le plan académique et pour lever des fonds de recherche, ce type d’étude reste le pa
rent pauvre de la recherche ! Une insti tu tion com me une policlinique universitaire se doit de mettre à son agenda ce genre d’étude.
L’article de P. Bodenmann et A. Green rappelle que les marginalisés, les migrants forcés issus de l’asile ou de la clandestinité, les laisséspourcompte et oubliés de la prospérité, ont droit non seulement à un accès aux soins similaire à M. et Mme Toutle
monde, mais également à une qualité de même niveau. La PMU en a fait une des six missions (www.pmuLausanne.ch), dont elle est fière.
Saviezvous que 8% des coûts de santé mondiaux pourraient être évi
tés par un usage plus approprié des médicaments ? C’est ce que nous ap
prennent O. Bugnon, pharmacienchef et son collègue M. Buchmann qui appellent de leurs vœux une plus grande collaboration avec les médecins.
Là aussi, peutêtre beaucoup de craintes de part et d’autre, de mécon
naissance à surmonter avant de regarder ensemble dans la même direction.
Enfin, dans une interview croisée de deux dentistes suisse et français, C. Madrid, médecinchef du Service de stomatologie et de médecine den
taire de la PMU, met en exergue l’importance de l’identification et de la prise en charge de la santé buccodentaire des patients de médecine gé
nérale et de la diversité des activités de son service.
En rédigeant ces articles à l’occasion des 125 ans de la PMU, les diffé
rents auteurs confirment que nous sommes condamnés à changer notre perspective, comme le soulignaient les auteurs d’un récent Perspective paper du New England Journal of Medicine, qui concluaient leur article par «In many respects, our medical systems are best suited to diseases of the past, not those of the present or future.» !1
Bonne lecture et longue vie à la PMU de Lausanne.
2252 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 novembre 2012
«… les différents auteurs confirment que nous sommes condamnés à changer notre perspective …»
Bibliographie
1 Jones DS, et al. The burden of disease and the changing task of medicine. New Engl J Med 2012;366:2333-7.
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