R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
J. R INGLER
Réduction des coûts d’essais de fiabilité par la pratique des techniques bayesiennes
Revue de statistique appliquée, tome 27, n
o2 (1979), p. 55-68
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1979__27_2_55_0>
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55
RÉDUCTION DES COUTS D’ESSAIS DE FIABILITÉ
PAR LA PRATIQUE DES TECHNIQUES BAYESIENNES
J.
RINGLER
MATRA 37, avenue Louis Breguet - 78140 VELIZY
RESUME
Les techniques bayesiennes
appliquées
au domaine de la fiabilité peuvent constituer unoutil permettant de réduire le volume des essais de fiabilité "à priori" nécessaires devant être effectués sur un matériel nouveau.
Un rappel succinct du fondement de l’approche bayesienne étant
préalablement
donné,il sera fait usage de cette approche pour la détermination d’un plan d’essais de fiabilité devant
être subi par des batteries argent/zinc dérivées de types existants et pour lesquelles un objectif
de fiabilité a été
assigné.
Il en résulte une nouvelle politique d’essais de fiabilité, sensiblement moins coûteuse que la politique définie par l’approche classique.1. GENERALITES
Dans le cadre des
projets
de réalisation desystèmes
à niveau decomplexité
élevé
(satellites aritificiels,
lanceursspatiaux, systèmes
d’armesautomatiques,
cen-trales
nucléaires, systèmes
detransport automatiques),
il est deplus
enplus
fré-quent
que les industrielsparticipant
à cesprojets
soientsoumis,
par le maîtred’oeuvre,
à des "clauses de fiabilité" dont la mise en oeuvrepeut prévoir
à leurégard
différentessanctions - généralement
financières-lorsque l’exploitation
dusystème
démontre un certain nombre d’incidentsprohibitifs.
Enparticulier,
cesclauses
peuvent prévoir,
pourchaque industriel,
lerespect "d’objectifs
de fiabilité"sur les matériels dont ils ont la
responsabilité.
Afin d’être en mesure de se faire une
opinion
sur lerespect
ou le nonrespect
desobjectifs
de fiabilitéqui
ont étéassignés
à leursmatériels,
les différents indus- triels ontthéoriquement
le choix entre troistypes
d’informations :- les évaluations
prévisionnelles
defiabilité, reposant
essentiellement surl’utilisation des recueils de données au niveau
composants
élémentaires(Recueil
de Fiabilité duCNET,
MIL HDBK217-B, etc.),
- les données
expérimentales
de fiabilité sur des matériels existant etpré-
sentant un
degré
de similitude assezimportant
avec les matériels déve-loppés
au sein duprésent projet,
- les résultats d’essais de fiabilité dont la mise en oeuvre aura été
jugée
utiledans le cadre du
projet.
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
Mots-clés :
Techniques bayesiennes,
Essais de fiabilité56
Le
problème qui
se pose, à cestade,
résidegénéralement
dans la difficultéd’interpréter
et de relier entre elles chacune de ces informations.Ainsi,
il est bienconnu que les évaluations
prévisionnelles
de fiabilité demeurent souventl’objet
de
contestations,
ne serait-cequ’en
raison de lapluralité
des tables de données.D’autre
part,
une estimation dupotentiel
ch fiabilité d’un matérielspécifiquement développé
pour leprojet qui
nereposerait
que sur la seule connaissance du compor- tement enexploitation
de matériels ressemblantsapparaîtrait également
contes-table,
dans la mesure où ce matérielprésente toujours
un certain nombre de diffé-rences
technologiques
avec les matériels existants.Or,
ce sontprécisément
cesdifférences
qui
feront que le nouveau matériel seraplus
ou moins fiable que les matérielsprécédemment développés.
Il
apparaît
donc que le meilleur moyen de mesure de la fiabilité d’un maté- riel conçu pour unprojet
réside dans la mise en oeuvre, par l’industrielresponsable,
d’un programme
spécifique
d’essais de fiabilité. Outre cetobjectif,
les essais defiabilité
présentent
deplus
un certain nombred’avantages :
détection de défauts detype conceptuel,
mise en évidence despoints
surlesquels
un renforcement decontrôle/qualité
estrecommandable,
etc.Cependant, malgré
l’ensemble de cesavantages, l’expérience
montre que les essaisspécifiques
de fiabilité ne sont que très rarement mis en oeuvre dans lesprojets,
ycompris
ceux où desobjectifs
de fiabilité ont étéassignés.
C’est donc leplus
souvent durant leurexploitation
que les matériels nouveaux démontrent des"faiblesses" que l’on ne
soupçonnait
pas àpriori
etqui
font que la fiabilitéopéra-
tionnelle de ces matériels
correspond
assez mal avec le niveau de fiabilitéqui
avaitété établi de manière
prévisionnelle.
Or,
comme on lesait,
l’absence d’essais de fiabilité dans unprojet
trouvegénéralement
sonorigine
dans des raisons d’ordre financier d’unepart,
et de délais d’autrepart.
Eneffet,
lesobjectifs
de fiabilitéqui
sontassignés
à dessystèmes
so-phistiqués
étant leplus
souvent très élevéscompte-tenu
de la nature de lamission,
la vérification durespect
de cesobjectifs
par le seul biais d’essais de fiabilité néces- site un nombre d’heures cumulées d’essaisspécifiques incompatible
avec les délaisdu programme et son
enveloppe
financière.Dans ce contexte, les
techniques d’approche bayesienne
trouvent un dé-bouché
intéressant,
dans la mesure où ellespermettent
une réduction sensible du volume des essais de fiabilité établi sur la base del’approche classique,
moyennantla connaissance de données de fiabilité "à
priori"
sur les matériels concernés(ex :
évaluations
prévisionnelles,
résultatsexpérimentaux
sur des matérielsressemblants, etc.).
Le
présent
article se propose donc derappeler
brièvement le fondement de lastatistique bayesienne,
etd’appliquer
celle-ci à la détermination du volume d’unplan
d’essais de fiabilité sur le cas concret de batteriesargent/zinc.
2. FONDEMENT DE LA
STATISTIQUE
BAYESIENNE2.1.
Rappel
du théorème deBayes
Soit un ensemble de cas
possibles (Al, A2,
...Ai, ... An)
exclusifs entreeux et
susceptibles
degénérer
chacun un évènement observable E.On se donne pour
acquis :
- la
probabilité
P(Ai) d’apparition
de tout casAi (1
in)
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
57
- la
probabilité
conditionnelle P(E/Ai)
pour que, le casAi
s’étantproduit,
l’évènement E soit
génére.
Avec ces
hypothèses, lorsque
l’évènement E est apparu etconstaté,
laproba-
bilité à
posteriori
pour que le casAi
en soit la cause est donnée parl’expression (1)
dite théorème de
Bayes :
Cette
probabilité
est donc mesurée par leproduit
de laprobabilité
condi-tionnelle pour que l’évènement E soit
généré lorsque
le casAi
s’estproduit
par laprobabilité
pour queAi
seproduise,
ramené à laprobabilité d’apparition
de E.2.2.
Passage
du théorème deBayes
à lastatistique bayesienne
Dans l’établissement du théorème de
Bayes,
lesprobabilités P(Ai) d’appari-
tion des causes
possibles Ai
ont été considérées commeacquises
defaçon
certaine.On
peut
voir leschoses,
àprésent,
defaçon
différente. On suppose que :- le
phénomène
observable consiste enl’apparition
de valeurspossibles xl ’
x2, ... , xk ,...susceptibles
d’êtreprises
par une variable aléatoire X issue d’une loi deprobabilité f(x/0)
où 03B8représente
la valeur inconnue duparamètre
0-ou d’un ensemble de
paramètres - caractéristique
de cette loi.- le
paramètre
inconnu 8 est lui-même considéré comme une variable aléa- toire suivant "àpriori"
une loi deprobabilité g(03B8)
etpouvant prendre
l’ensembledes valeurs continues dans un domaine
D(03B8).
Dans cette
approche,
diteapproche bayesienne,
laprobabilité
élémentaire pour que, sachant que la valeur x de la variable aléatoire X s’estmanifestée,
la va-leur du
paramètre
inconnu 8 soitcomprise
entre 8 et 8 + d0 est obtenuepar l’ex-
tention de la formule
(1)
en faisant lestranspositions
suivantes :- évènement E ~ valeur x de la variable aléatoire X
- cause
Ai ~
valeur 8 duparamètre 03B8
de la loi deprobabilité
de X-
probabilité
connue P(Ai) ~
distribution "àpriori"
g(03B8).
Il en résulte une distribution à
posteriori
de 0après
observation de la valeur xde la variable
X,
donnée par la formule :Cette formule
vérifiant,
bien entendu :Autrement
dit, après
avoirpostulé
une distribution àpriori g (8)
du para- mètreinconnu 8,
la formule(2)
fournit la distribution àposteriori g(03B8/x)
de ceparamètre, après
observation de l’évènement X = x.Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
58
Dans
l’hypothèse
de futures observationsportant
sur la variableX,
la distri-bution
g(03B8/x)
doit alors être considérée comme la nouvelle distribution àpriori.
Ainsi,
dansl’hypothèse
d’observations successives xl , x2, ... , xk de la variableX,
la formule(2)
donne lieu à la formuleséquentielle (3) :
La formule
(3)
n’est facilementexploitable
quelorsque
la distributiong(03B8/x1 , x2, ... , xk)
ainsi obteunuegarde
une forme stablelorsque
le nombre k d’observations varie. On démontre que cette stabilité existelorsque
la loi de pro- babilitéf(x/0) possède
un résumé exhaustif(réf. 1). Si,
deplus,
on choisit pourg(0)
une distribution uniforme dans le domaineD (f),
la famille des loisgk
estdite
"conjuguée bayesienne"
de la loi deprobabilité f (x/0).
D’un
point
de vueformel, qui
est celui de lastatistique classique,
deux cri-tiques peuvent
être émises sur le fondement del’approche bayesienne :
1)
On nepeut
en aucun cas assimiler unparamètre fixe,
en l’occurrence0,
à une variablealéatoire,
sousprétexte
que l’on ne connaît pas sa valeur exacte.2)
La distribution àpriori g (0)
ne fait que mesurer le"degré
de connais- sance" que l’on pense avoir sur la valeur d’unparamètre,
et necorrespond
donc pas à la définitionclassique
d’uneprobabilité.
Il n’est pas du ressort de cet article de
prendre position
sur ceplan purement formel,
en faveur des"bayesiens"
et des"classiques",
dont laquerelle
est essentiel-lement
philosophique
et remonte àplusieurs décades,
ainsiqu’en témoigne
la litté-rature
spécialisée.
C’est
l’aspect pratique qui
nous semble ici leplus
intéressant. Sur ceplan,
laprincipale objection qu’on puisse
faire réside dans le choixplus
ou moinssubjectif
de la distribution à
priori g (0).
C’est là uneconséquence
de l’introduction d’un"degré
de connaissance" sur 0qui peut
être très différent d’unanalyste
à un autre.D’une manière
générale,
onpeut
direqu’une grande pauvreté
d’informations àpriori
devra se traduire par une distribution àpriori g (0)
"faible"(fig.1)
de tellesorte
qu’aucune
valeur duparamètre
inconnu 0 ne soittrop particulièrement pri- vilégiée.
Le cas limite d’une telle distribution est la loiuniforme, qui
accorde lamême
probabilité
à chacune des valeurspossibles
de O.Inversement, lorsque
l’ondispose
d’une assezgrande
richesse d’informations àpriori,
il est souhaitable departir
d’une distribution àpriori
"forte"(fig. 2)
au sens où un domaine assez res-treint de certaines valeurs de 0 se trouvera à
priori privilégié :
le bon choix de cette distribution fortepermet
ainsi de minimiser le nombre d’observationsxl ’
X2, ... xk nécessaires pour que la distribution àposteriori g(03B8/x1, ... , xk)
soit suffisamment stabilisée.
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
59
3 - APPLICATION DE L’APPROCHE BAYESIENNE A LA FIABILITE DE MATERIELS A MORTALITE EXPONENTIELLE
3.1. -
Conjuguée bayesienne
de la loi de PoissonOn considère un
matériel,
destiné à subir des essais de fiabilité et dont la loi de mortalité est detype poissonien.
La fiabilité de cematériel,
en fonction dutemps,
a pourexpression :
R(t)
=e-03BBt
Cette loi
dépend
d’un seulparamètre, À, qui
n’est autre que le taux de défail- lance du matériel.Supposons
que l’on n’ait àpriori
aucune information sur la valeur réelle duparamètre
À avant le début des essais de fiabilité sur ce matériel. Dansl’approche bayesienne,
on va donc considérer ceparamètre
comme une variable aléatoire dis- tribuée suivant une loi uniforme dans l’intervalle(0 , K)
surlequel
on fera tendre Kvers l’infini.
Lorsque
l’on réalise une série d’essais de fiabilité sur cematériel,
onpeut
définir une variable aléatoire Xreprésentant
le nombre de défaillancesenregistrées
à
chaque
essai.Soit un
premier
essai réalisé sur le matériel considérépendant
untemps
cumuléT 1 (plusieurs exemplaires pouvant
être testéssimultanément). Supposons qu’au
cours de cetessai, xi
défaillances soient apparues(xl
entier >0).
Dans
l’hypothèse poissonienne,
laprobabilité
d’avoirxi
défaillances à taux constant X sur une duréeTl
s’écrit :De
plus,
en utilisant la notation duparagraphe 2,
la distribution àpriori
duparamètre
inconnu X s’écrit :L’application
de la formule(2)
conduit à la distribution àposteriori
de Xaprès
lepremier
essai :Soit :
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVI I, n° 2
60 On reconnaît une loi gamma de
paramètres :
Supposons
àprésent
une série de nessais,
de duréesrespectives Tl, T2, ...
Tn,
et conduisant à l’observationrespectivement
de xl ,x2, ... , xn
défaillancessur les matériels testés.
Alors, l’application
de la formuleséquentielle (3)
conduit àla distribution à
posteriori
de X à l’issue dunème
essai :Il
s’agit
d’une loi gamma deparamètres :
Autrement dit :
an représente le,
nombre de défautsenregistrés
sur l’ensemble des nessais,
- {3n représente
l’inverse dutemps
cumulé des n essais.Il a donc été établi que la famille de distribution gn
garde
une forme stablequand
n vaire : c’est la loi gammaqui
est laconjuguée bayesienne
de la loi dePoisson.
En
particulier,
si on réalise un(n
+1)ème
essai d’une duréeTn+1
et condui-sant à
xn+1 défaillances,
lesparamètres an +1
et03B2n+1
de la loi gamma corres-pondant
à la distribution àposteriori
gn + 1 s’obtiennent àpartir
desparamètres an et On
de la distribution gn de lafaçon
suivante :3.2. - Choix d’une distribution à
priori
non uniformeSupposons,
àprésent,
que l’on ait un certaindegré
de connaissance sur le taux de défaillance du matériel considéré avant la mise en oeuvre des essais de fiabi- lité. Dans cettehypothèse,
il faudra choisir pour distribution àpriori
g(À)
une loinon uniforme telle que la famille de distribution à
posteriori
gkgarde
une formestable.
D’après
cequi
a été vuprécédemment,
la distribution àpriori g(X)
sera uneloi gamma dont les
paramètres ao
et130
seront choisis de manière à ce que cette dis- tribution reflète au mieux les conniassances que l’onpeut
avoir sur leparamètre
inconnu X.
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVI I, n° 2
61
Si l’on considère que
ao
et(30 correspondent respectivement
à un nombre dedéfaillances
xo qui
auraient étéenregistrées
sur des "essais àpriori",
et à l’inversedu
temps
cumuléTo
de cesessais,
onpeut
d’ores etdéjà
tirer lesenseignements
suivants :
- la loi gamma g
(À)
sera d’autantplus
forte queTo
seraimportant,
cequi
se traduit par une faible valeur de
03B20.
C’est là laconséquence
d’une bonne connais-sance à
priori
sur le matériel.- le mode de la loi
g (À)
sera d’autantproche
de zéro que le ratioxo/To
sera
faible,
cequi
se traduit par une faible valeur deao
devant(30.
Cela traduitune fiabilité "à
priori"
bonne sur le matériel considéré ou sur des matérielsressemblants.
La difficulté
majeure
réside donc dans le choix des deuxparamètres
àpriori
de la distribution
g(X) originelle.
Pourcela,
il fautpréalablement
faire un bilan descatégories
d’informations dont ondispose
sur la fiabilitéprésumée
du matériel considéré. Dans un ordre croissantd’objectivité,
ces informationspeuvent
être les suivantes :2022
jugement professionnel qualitatif
2022 calculs
prévisionnels
de fiabilité(s’appuyant
sur les tables de données auniveau
composants)
e résultats
d’analyse
de variables(ex :
méthode dustress/strength
en méca-nique)
2022 données
expérimentales
sur des matériels voisins.Il n’existe pas de méthode
parfaite permettant
d’attribuer les "bonnes va-leurs" aux deux
paramètres
de la distribution àpriori.
On ne saurait toutefoistrop
recommander laplus grande prudence
dans l’attribution de ces valeurslorsque
lesinformations à
priori
sont essentiellementsubjectives.
Larègle générale
doit doncêtre de donner un
"poids"
d’autant moinsimportant
aux données àpriori
queces données sont moins
objectives.
Autrementdit, l’impact
duplan
d’essais de fiabilité du matériel considéré sur la distribution àposteriori gn
sera d’autantplus prépondérant,
enregard
del’impact
des données "àpriori",
que ces données aurontun caractère
subjectif.
En raison de ces
incertitudes,
il n’est pas inutile defaire,
dés lespremiers
résultats d’essais defiabilité,
un testd’hypothèse
sur lacompatibilité
des données àpriori
avec cespremiers
résultats. Onpeut procéder
comme suit : ayant attribué les valeurs àpriori ao
et(30
aux deuxparamètres
de la loi gammag(X),
onpeut adopter
pour estimateur du taux de défaillance àpriori
laquantité :
s0
Les
premiers
résultats d’essaisayant
conduit à l’observation dex,
défaillancessur un
temps
cumuléTl,
onpeut
en déduire un intervalle de confiance0394, à
9 S %par
exemple,
sur le taux de défaillance :- si
0
C A : les données àpriori
sontcompatibles
avec lespremiers
résultatset
peuvent
donc êtremaintenues,
- si
0 0394 :
les données àpriori
sontincompatibles
avec les résultatsd’essais et doivent donc être modifiées en
conséquence.
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII , n" 2
62
4 - DETERMINATION D’UN PLAN
D’ESSAIS
DE FIABILITE DE BATTERIESARGENT/ZINC
PAR L’APPROCHE’BAYESIENNEDans un
projet
relatif à la réalisation d’unsystème complexe,
desobjectifs
defiabilité ont été
assignés
à un certain nombred’équipements
constitutifs dusystème.
Parmi ces
équipements figurent
des batteriesargent/zinc
devant être déve-loppées
etqualifiées
en vue de leur utilisation dans le cadre duprojet. L’objectif
de fiabilité
assigné
au taux de défaillance moyen de ces batteries est le suivant : 03BB10-4/H
à 60%
de confiance. ’Si l’on veut valider cet
objectif
suivantl’approche classique,
il fautprévoir
un
plan
d’essais de fiabilité d’environ 9 000 heures cumulées à zéro défaut. Le volume de ceplan
étantincompatible
avec les contraintes financières et leplanning
du
projet,
on se trouve dansun
castypique
oùl’approche bayesienne peut
être utilementenvisagée, compte
tenu de l’existence de donnéesexpérimentales
sur lafiabilité de batteries
argent/zinc
detype légèrement
différent du modèle actuelle-ment
développé.
On
dipose pratiquement
des sources d’informations suivantes sur troistypes
de batteriesargent/zinc :
- batteries
type
A : 6 défaillancesenregistrées
sur 71 000 heures de fonction- nementcumulé,
- batteries
type
B : 2 défaillancesenregistrées
sur 27 000 heures de fonction- nementcumulé,
- batteries
type
C : 4 défaillancesenregistrées
sur 40 000 heures de fonc-tionnement cumulé.
En suivant
l’approche bayesienne,
on est donc conduit à élaborer une distri- bution gamma caractérisant la distribution "àpriori"
du taux de défaillance des batteriesargent/zinc
dutype
actuellementdéveloppé.
Pour que lesparamètres
àpriori ao
et(30
de cette distribution reflètent au mieux les connaissancesobjectives
que l’on a des batteries de
type A,
B etC,
il a étéappliqué
une méthodereposant
sur la détermination de
"caractéristiques
de ressemblance".On
peut
en effet définir un certain nombre de critèrescaractéristiques ayant
un
impact
direct sur la fiabilité d’une batterieargent/zinc.
Les critères sélectionnésont été les suivants :
.
(1)
nature desséparateurs
.
(2)
nature du bac.
(3)
nature del’électrolyte
.
(4)
nature des souduresbac/couvercle
.
(5)
nombre d’éléments de la batterie.
(6)
conditions d’utilisation.
(7)
niveau dequalité/contrôle.
Soit une batterie
argent/zinc
d’untype donné,
A parexemple, ayant
fonc- tionnéTA
heures à xA défauts. Relativement àchaque
critère(i),
on définit uncoefficient ki
prenant
la valeur 1 ou 0 selon que :- la batterie A et la batterie actuellement
développée
sont de même natureou non par
rapport
au critère considéré(critères
de 1 à4),
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVI I, n° 2
63
- la
caractéristique
du critère considéré estplus/autant
ou moinspéna-
lisante vis-à-vis de la fiabilité pour la batterie A que pour la batterie actuellement
développée (critères
de 5 à7).
On en déduit un coefficient de ressemblance
kA
ayant pourexpression :
La contribution des données
objectives
issues de la batterie A aux données àpriori
sur la batterie en cours dedéveloppement
se traduit ainsi par :- un
temps
cumulé d’essai "àpriori" : (TO)A
=kA TA
- un nombre de défaillances "à
priori" : (xo)A
=kA
xADe la même
façon,
on évalue les coefficients de ressemblanceka
etkc
parrapport
aux batteries B etC,
ainsi que les données "àpriori" qui
en découlent.On a donc été conduit à faire l’inventaire des 7
caractéristiques précédentes
sur l’ensemble des batteries :
2022
séparateurs
:polyamide (toutes batteries)
· bacs : en
trogamid
sur la batteriedéveloppée
: autres
plastiques
surA,
B et C2022
électrolyte
:hydroxyde
depotassium (toutes batteries)
2022 soudures : par ultra sons sur la batterie
développée
:
classiques
surA,
B et C2022 éléments : 20 sur la batterie
développée
: 25 sur A
: 30 sur B
: 15 sur C
2022 utilisation :
analogue (toutes batteries)
2022 niveau
qualité
: leplus
sévère sur la batteriedéveloppée
Cet inventaire
permet
de dresser le tableau descaractéristiques
de ressem-blance
présenté
ci-dessous :Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
64 D’où:
Les données "à
priori"
utilisables pour la batteriedéveloppée
dans le cadredu
projet correspondent
donc :- au
temps
cumulé d’essais "àpriori" :
heures
équivalentes
- au nombre de défaillances "à
priori" :
La distribution à
priori
du taux de défaillance de la batterie en cours dedéveloppement correspond
ainsi à une loi gamma deparamètres :
Une vérification
préalable
dans une table montre quel’objectif
de fiabilitéprescrit
n’est pas tout à fait atteint sur la base de ces données "àpriori".
On vadonc déterminer la durée T* de l’essai de fiabilité à zéro défaut devant être entre-
pris
pour quel’objectif
soit réellement atteint.Pour
cela,
il faut considérer la distribution gamma deparamètres :
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
65
On est conduit à chercher le
quantile x v (0,6)
de la distribution du khi-deux,
associé à laprobabilité 0,6,
pour un nombre dedegrés
de liverté :D’où le
quantile
de la variable À associé à la mêmeprobabilité :
L’objectif
visécorrespond
à :On doit donc avoir :
c’est-à-dire encore :
To
+ T*~ 94 000 heures.D’où la durée cherchée du
plan
d’essai :T* = 94 000 -
To
= 94 000 - 92 857
= 1 143 h
Ainsi,
sur la base des données "àpriori",
il a étépossible
de ramener leplan
d’essai de fiabilité d’une durée de 9 000 h environ(approche classique)
àune durée à
peine supérieure
à 1000 h.Dans
l’hypothèse
où une défaillance se manifeste durant l’essai de fiabilité ainsidéterminé,
deux classes d’éventualitéspeuvent
êtreenvisagées :
1)
La défaillancepeut
être considérée comme étantd’origine
aléatoire etne donne pas lieu à des modifications de
conception
ou deprocédés
de fabrication des batteries. Cette défaillance doit donc êtreintégrée
dans la distribution à pos- teriori du taux de défaillance de labatterie,
cequi
nécessite depoursuivre
l’essaide fiabilité
pendant
environ 10 000 heuressupplémentaires,
au détriment des contraintes financières et de délais duprojet.
2)
La défaillance a une cause évidente et se traduit par une modification deconception
ou deprocédé
de fabrication des batteries. Dans cettehypothèse,
ladéfinition du
plan
d’essai de fiabilité àprévoir
pour la batterie modifiée est à étu- dier au cas par cas. Enparticulier,
les résultats de l’essaiprécédent peuvent
êtreintégrés
dans les données "àpriori"
sur labatterie,
et l’onpeut
définir leplan
d’essai
complémentaire
à effectuer en fonction de ces nouvelles données.Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
66 5. CONCLUSION
Il a
été
vu, surl’exemple
de batteriesargent/zinc,
que l’utilisation des tech-niques bayesiennes
peut conduire à une réduction sensible du volume d’essais nécessaire pour vérifier unobjectif
de fiabilité. La mise en oeuvre de ceplan
d’essaisde
fiabilité,
rendue ainsicompatible
avec les contraintes deprojet, peut
être alors raisonnablementenvisagée.
Il convient toutefois de
souligner qu’un
usage immodéré etsystématique
del’approche bayesienne
ne saurait êtrepréconisé.
D’unefaçon générale,
la crédibi- lité destechniques bayesiennes
repose, d’unpoint
de vuepratique,
sur le "sérieux"des informations utilisées dans la construction des données "à
priori.
C’est pour-quoi,
toute informationreposant
sur le seuljugement subjectif
del’analyste baye-
sien restera
toujours,
àjuste titre,
unobjet
de contestation. L’utilisation de tables de données de fiabilité normaliséespeut
êtreenvisagée
dans certains cas, mais leproblème majeur
réside dans le choix de la "force" devant caractériser ces donnéesen
regard
des futurs résultats d’essais. C’estpourquoi, lorsqu’ils
sontdisponibles,
les résultats
expérimentaux
obtenus sur des matérielsressemblants,
ou à fortioriidentiques,
constituent la meilleure information "àpriori" envisageable :
ils four-nissent,
eneffet,
des données raisonnablementobjectives,
etpermettent
dedéfinir,
par le moyen des coefficients de ressemblance entre les
matériels,
un"poids"
réaliste devant caractériser l’ensemble de ces données "à
priori".
Certainespré-
cautions doivent toutefois être
prises lorsque
le matérieldéveloppé présente,
parrapport
aux matérielsexistants,
unecaractéristique
nouvellejugée
àpriori
"cri-tique"
d’unpoint
de vue fiabilité. Onpeut envisager,
dans ce cas, d’attribuer despoids
différents auxparamètres caractéristiques
du matérielconcerné,
lepoids
maximum étant affecté au
paramètre jugé critique.
On remarquera
aussi,
d’unpoint
de vuepratique,
que la réduction du volume d’essais à effectuersusceptible
d’être obtenue parl’approche bayesienne
est condi-tionnée
implicitement
par une certaineadéquation
entrel’objectif
de fiabilitéassigné
et les résultatsexpérimentaux
obtenus antérieurement sur des matériels voisins. Dansl’hypothèse
où l’on se seraitassigné
unobjectif particulièrement
sévère en
regard
de la fiabilitéexpérimentale enregistfee
sur des matérielsvoisins,
les données "àpriori"
deviendraientpénalisantes
etl’approche bayesienne
condui-rait à un volume d’essais
plus important
que dansl’approche classique.
Il convient devoir, toutefois, qu’une
tellehypothèse
suppose soit un manque de réalisme dansl’objectif assigné, auquel
cas celui-ci ne saurait êtreatteint,
soit une confiance telle dans la fiabilité destechnologies
nouvelles utilisées sur le nouveau matérielqu’il
est
préférable "d’ignorer"
toute donnée antérieure et de définir leplan
d’essais de fiabilité parl’approche classique. Inversement,
il sepeut
quel’objectif
de fiabilitéassigné
soitdéjà atteint,
dansl’approche bayesienne,
par la seuleprise
encompte
des données "àpriori".
Dans cette dernièrehypothèse,
oùl’objectif
de fiabilitéapparaît
peusévère,
on pourra toutefois définir unplan
d’essais de fiabilité extrê- mement réduit et dont le rôle sera essentiellement de démontrer que les caracté-ristiques
nouvelles du matérieldéveloppé n’apparaissent
paspénalisantes
vis-à-visde la
fiabilité,
et donc que les données antérieures sur les matériels ressemblants sontapplicables
au modèledéveloppé.
Moyennant
cesprécautions,
force est dereconnaître,
enguise
de conclu-sion,
l’intérêt quepeut représenter l’application
destechniques bayesiennes
à denombreux domaines de la
fiabilité,
la détermination deplan
d’essais ne consti-tuant
qu’un exemple parmi
d’autres.Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
67 ANNEXE
Loi gamma
Une variable aléatoire
X,
définie entre 0 etl’infini,
suit une loi gamma à deuxparamètres,
a etj8,
si cette loi a pourexpression générale :
avec :
Caractéristiques :
e moyenne :
03B2(03B1
+1)
2022
variance :a2 (a
+1 )
2022 médiane : a
j3
Tabulation de la fonction de
répartition
On démontre
que
si une variableX 2
suit une loi du khi-deux à vdegrés
deliberté,
la variableX2/2
est distribuée suivant une loi gamma deparamètres :
Pour déterminer la fonction de
répartition
d’une loi gamma deparamètres
a et
j3
suivie par une variable x, il suffit donc de considérer la variable : u =x/j8.
La variable u suit alors une loi gamma de
paramètres
a et 1. Il suffit donc de sereporter
à une tabulation de la loi du khi-deux -dite aussi"gamma
incom-plète"-,
enprenant
pourdegrés
de liberté :Soit
X2 (5)
lequantile
associé à laprobabilité
5.2a+2
On en déduit le
quantile
de la variableinitiale,
associé à la mêmeprobabi-
lité 03B4 :
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVII, n° 2
68 REFERENCES
[1] HANSEL
G. et GROUCHKO D. - Prévisionséquentielle
par la méthode deBayes. (Revue
deStatistiques Appliquées n°
3 -1965).
[2]
IEEE Transactions ofReliability : special
issue onBayesian techniques (August 1972).
[3] Annals
of Assurance Sciences.Eight Reliability
andMaintenability
Conference(1969) :
- BALABAN H. : a
Bayesian approach
toreliability
demonstration.- SPRINGER M.D. and THOMSON W.E. :
Bayesian
confidence limits forsystem reliability.
Revue de Statistique Appliquée, 1979, vol. XXVI I, n° 2