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LE RÉVEIL DE LA FRANCE

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LE RÉVEIL DE LA FRANCE

Dans son livre Mein Karripf, qui est devenu la Bible de l'Allemagne, Hitler a résumé son appel à la nation allemande par ces mots : « Deutschland, erwache! « — Allemagne, réveille- toi ! — mots qui, comme la croix gammée, sont devenus un signe de ralliement pour tous les nationaux-socialistes et ont galvanisé l'Allemagne entière. Cette formule magique, destinée à réveiller dans le peuple allemand les sentiments ancestraux de race et de puissance, a produit dans le I I Ie Reich une révolution qui, en quelques années, a profon- dément modifié toute la structure de la nation, et dont le caractère dangereux pour la paix mondiale s'est révélé 4 ' u n e manière tragique par la conquête de l'Autriche et du pays des Allemands des Sudètes, réalisée en peu de mois en face d'une Europe paralysée, surprise et brusquée.

Placé brutalement devant la douloureuse réalité, le Fran- çais commence à se réveiller de son rêve dangereux et à méditer sur son insouciance et ses erreurs. C'est à lui de s'inspirer maintenant du mot d'ordre qui a électrisé toute l'Allemagne.

Il semble se rendre compte enfin que les temps de la vie facile sont passés, qu'un redressement est nécessaire, s'il ne veut pas déchoir complètement ; mais sa vue est encore embrumée, il ne discerne pas clairement les causes de ce qui lui est arrivé, et il marche à tâtons, en butte aux conseils variés et contradictoires de ceux qui l'ont mené jusqu'ici et de ceux qui voudraient le conduire dorénavant à un meilleur avenir.

Après les conversations de Munich, une vague de soula- gement a déferlé sur toute la France. Que les Français se soient réjouis d'échapper au fléau d'une guerre sans merci,

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ce n'est que trop naturel. Mais les manifestations qui ont accompagné la défaite la plus grave de notre politique exté- rieure depuis l'armistice, n'ont pas toujours gardé cette mesure et cette dignité dont un grand peuple ne doit jamais se départir.

Qu'il me soit permis après tant d'autres d'essayer, à mon tour, de rechercher les causes de notre déclin et les moyens de nous relever. Grâce à une documentation sévèrement contrôlée, j'ai pu alerter à maintes reprises notre opinion publique dans cette Reçue et ailleurs sur les dangers alle- mand et russe, et mes prévisions se sont, hélas ! trop souvent réalisées : il me semble donc que je possède quelques titres pour dire sans ménagement et sans réticence des vérités nécessaires, susceptibles d'éclairer les esprits et de contribuer à notre redressement national.

LE DANGER ALLEMAND

C'est aujourd'hui le plus sérieux, malgré les événements récents. Nous nous sommes trop longtemps nourris d'illusions fâcheuses sur nos voisins.

Notre naïveté, entretenue grâce à l'absence d'une organi- sation française capable de nous renseigner exactement sur l'Allemagne, nous a rendus victimes d'un système de propa- gande admirablement outillé pour tromper ad majorent Ger-

manise gloriam aussi bien les Allemands que les étrangers

et même les Français (1). Pendant que nous nous cantonnions dans notre bon droit et que nous nous abstenions, par un regrettable scrupule, de toute propagande, les Allemands réus- saient à effacer le souvenir de l'origine de la guerre, de la violation de la neutralité belge, des atrocités commises en Bel- gique, en Alsace et en France, à faire oublier les traités de Brest- Litovsk et de Bucarest, qui imposaient aux vaincus russes et roumains des conditions monstrueuses et cruelles auxquelles celles du traité de Versailles ne se comparent pas. Ils accrédi- taient dans le monde la légende de l'encerclement de l'Aller magne contrainte à se battre pour défendre sa liberté. Que ne relit-on les mémoires du prince Lichnovski, ambassa-

(1) Voir mon article sur la Propagande allemande, dans la Revue du 1« malt 1932.

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deur d'Allemagne à Londres en 1914, et de t a n t d'autres diplomates de cette époque, qui donnent des preuves acca- blantes de Ias culpabilité allemande, preuves que l'on trouve même dans les mémoires du prince de Bulowê ancien chancelier de l'Empire (1).

Aujpurd'hui encore, il n'existe pas en France de véritable service de propagande ; on a pendant longtemps aban- donné la radio en langue allemande à des émigrés allemands, en partie communistes, et leurs émissions tendancieuses, imparfaitement contrôlées par les autorités françaises, consti- tuaient une propagande à rebours, qui a provoqué des repré- sailles allemandes et la réprobation de beaucoup d'amis de la France à l'étranger (2). Pour que l'opinion française se réveille et qu'elle se libère des propagandes étrangères, alle- mande, russe, italienne et même japonaise, qui l'influencent malgré elle, la création d'un ministère ou d'un office de pro- pagande est de la dernière urgence. Le président et les membres de ce nouvel organe devront être choisis parmi des personnalités qualifiées et compétentes. Son principal objet sera de répondre aux attaques de la presse et des radios allemande, russe et italienne, et de rectifier leurs publications mensongères.

Dans la dernière crise internationale de septembre 1938, l'absence d'un pareil organe a été particulièrement sensible.

Le Français moyen ne s'est pas rendu compte de l'importance capitale du problème tchécoslovaque pour la France et des véritables intentions de l'Allemagne qui a soulevé et enve- nimé la question des Sudètes pour réaliser son but suprême : l'asservissement de la Tchécoslovaquie, boulevard de la France. Ce but est atteint, et nous avons perdu la face en Europe centrale. Tous les renseignements qui nous par- viennent de nos amis des pays balkaniques confirment l'immense déclin de l'influence française. Il en est de même dans les pays Scandinaves et baltes. Qu'il me suffise de men- tionner les rapports de nos amis d'Estonie, de Yougoslavie de Roumanie et aussi de Suisse, qui considèrent les résultats

(1) M. Jean Siegler a réuni toutes ces preuves dans un article excellent de la Revue politique et parlementaire du 10 octobre 1938.

(2) Grâce aux protestations de quelques journaux patriotes, ce scandale paraît avoir été enrayé.

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de la conférence de Munich comme une grave défaite pour la France et l'Angleterre. Tous ces pays estiment que si la France n'a pas pu venir en aide à la Tchécoslovaquie, dont l'armée était la meilleure de l'Europe centrale et qui était protégée par une seconde ligne Maginot, elle serait, le cas échéant, défaillante à l'égard d'autres nations moins solides quant à leur défense nationale.

La tragédie de l'affaire tchécoslovaque nous aura montré les deux visages de la diplomatie allemande qui, t a n t ô t se montre menaçante et guerrière, tantôt au contraire apparaît conciliante et pacifique. Mais, sous les deux aspects, elle poursuit inlassablement sa politique de puis- sance. Après la conquête de l'Autriche et des Sudètes, après les poursuites contre les juifs et les chrétiens, qui avaient provoqué l'indignation du monde entier et particulièrement des Anglo-Saxons, après les manifestations en faveur de la

• paix, qui s'étaient produites dans leur propre pays, les dirU géants du Reich ont estimé qu'une ère de tranquillité était nécessaire pour organiser leurs nouvelles acquisitions territo- riales, pour renforcer leur économie, et pour préparer de nouveaux succès. C'est là la vraie raison du rapprochement anglo-allemand et franco-allemand. Nous aurions tort de nous faire illusion à ce sujet et d'ajouter une importance exa- gérée à la déclaration franco-allemande, signée à Paris, le 7 décembre 1938.

N'oublions pas que l'initiative est partie du Reich, que M. von Ribbentrop, qui a signé ce document, a été, si nous sommes bien informés, le conseiller le plus belliqueux du Fuhrer pendant la période de tension du mois de septembre.

La situation d'aujourd'hui est comparable à celle qui a précédé le traité de Locarno. C'est M. Stresemann qui a été, on l'oublie trop souvent, l'inspirateur de Locarno, destiné à empêcher une entente trop étroite entre la France et l'Angleterre. Nous savons, hélas ! ce que l'Allemagne a fait de ce traité, comme des traités Briand-Kellogg, qui l'ont suivi.

L'Allemagne continuera à armer ; elle construit près de mille avions par mois, alors que nous en produisons deux cents, elle vient de lancer un porte-avions de 19 000 tonnes à Kiel, et si l'on croit certaines informations américaines, elle est en train de porter son armée de terre au chiffre formidable

TOME XLIX. — 1939. SI

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de 900 000 hommes, chiffre dépassant celui de la puissante armée de Guillaume II. Elle espère que les relations « con- fiantes », qui vont s'établir entre la France et l'Allemagne, endormiront la France, comme l'a fait le traité de Locarno, et que la légèreté et la crédulité françaises contribueront à ralentir le réarmement français.

La déclaration garantit une fois de plus la frontière franco?- allemande. Mais le traité de paix avait déjà, après l'accueil enthousiaste des armées françaises libératrices, consacré la rentrée de l'Alsace et de la Lorraine dans le sein de la mère patrie. A Locarno, l'Allemagne avait confirmé solennellement de son plein gré cette disposition du Diktat de Versailles, et le Fuhrer avait renoncé à maintes reprises à nos provinces recouvrées. Je ne puis, comme Alsacien, que me réjouir du renouvellement de cette déclaration dont l'Allemagne finit par abuser; mais ne renonce-t-elle pas simplement à un ter-*

ritoire dont les habitants la répudient plus que jamais, et • d'autre part, s'est-elle engagée à cesser son action de pro*

pagande en faveur de l'autonomisme dont j ' a i à maintes reprises signalé les dangers ?

Beaucoup de nos amis anglais, et non des moindres, croient pourtant à la sincérité allemande. Sir Samuel Hoare ne disait-il pas publiquement à Londres : « Je sais qu'Hitler a affirmé à différentes reprises qu'il ne recourrait pas à la force, et qu'il y a recouru quand même, ce qui n'est pas sans me créer des soucis. J'estime cependant qu'Hitler est sincère dans ce qu'il dit, means what he says. »

Notre amitié ne doit pas nous entraîner à partager leurs illusions. Il nous incombe, au contraire, pour leur démontrer que leur pacifisme généreux les induit en erreur, de leur présenter, par exemple, la liste suivante de quelques-unes des déclarations du Fuhrer qu'il a manifestement violées en s'emparant de l'Autriche et du pays des Sudètes.

Au Reichstag, le 21 mai 1935.

Après avoir proclamé qu'il s'était affranchi des clauses du traité de Versailles concernant le désarmement, il ajoute :

« Le gouvernement du Reich respectera les autres articles concernant les rapports entre les nations, y compris les dispo- sitions territoriales. »

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Au Reichstag, le 21 mai 1935.

« L'Allemagne n'a ni le désir ni la volonté de se mêler des affaires intérieures de l'Autriche, et à plus forte raison de l'annexer ou de l'obliger à l'Anschluss. »

Au Reichstag, le 7 mars 1936,

« Après trois années d'efforts, je crois avoir gagné le combat pour l'égalité des droits de l'Allemagne. Nous n'avons aucune revendication territoriale à faire valoir en Europe. »: '

Traité austro-allemand du 11 juillet 1936.

Conformément à la déclaration du Fuhrer et Chancelier du 21 mai 1936, le gouvernement allemand reconnaît la pleine souveraineté de l'Autriche.

Déclaration de M. Chamberlain à la Chambre des communes, le 14 mars 1938.

« J'ai été informé que le maréchal Gœring a donné, le 11 mars 1938, au ministre tchécoslovaque à Berlin, l'assu- rance, — assurance qu'il a répétée ensuite sur l'ordre exprès du Fuhrer, — que le gouvernement allemand s'efforcerait d'améliorer ses rapports avec la Tchécoslovaquie, et, le même jour, lé baron von Neurath donnait à ce ministre la garantie que l'Allemagne se considérait comme liée par le traité d'arbi*

tragegermano-tchécoslovaque d'octobre 1925. »

Depuis, on; le sait, l'horizon s'est encore élargi pour l'Alle- magne : domination en Europe centrale, reconstitution de l'Ukraine sous son contrôle, poussée vers la Mer Noire, et au delà, à travers l'Asie Mineure, jusqu'aux sources de pétrole de Mossoul, reprise de Dantzig, de Memel et du Slesvig, reconstitution et élargissement de l'ancien empire colonial constituent les objets des convoitises germaniques.

Les Allemands ne chantent-ils pas en chœur aux congrès nationaux-socialistes ces paroles : « Toute l'Allemagne nous appartient et bientôt le monde entier », et ne se rappellent- ils pas le mot du roi de Prusse Frédéric II, disant : «Prenons d'abord ce qui nous convient, nous trouverons toujours des juristes pour justifier nos conquêtes !»

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PLAN SOCIAL E T MILITAIRE DU REICH

Nous avons trop longtemps négligé de nous renseigner sur ce qui se passe de l'autre côté du Rhin, et d'étudier les progrès que le troisième Reich a accomplis dans les domaines les plus variés. Nous ne saurions méconnaître les efforts métho- diques entrepris pour résoudre le problème social, organiser le travail dans tout l'Empire et exécuter de grands ouvrages d'intérêt général, pour favoriser la natalité, efforts qui ont produit depuis l'avènement du chancelier Hitler des résul- t a t s impressionnants.

En janvier 1933, onze millions et demi d'ouvriers alle- mands travaillent, six millions sont en chômage. E n tenant compte des personnes qui sont à la charge des sans-travail, on peut estimer à plus de vingt millions le nombre des malheureux dans un état de misère. Pour parer à ce danger, le secours d'hiver, organisé sur une vaste échelle par les services du Fuhrer, fournit au moyen de collectes dans tout l'Empire des secours considérables, en nature et en argent.

Au cours de l'hiver 1935-36, la valeur des produits distribués dépasse 350 millions de marks, les quêtes rapportent plus de six millions en espèces. On arrive ainsi à résoudre le pro- blème le plus urgent, celui de l'assistance. Mais les nationaux- socialistes voient plus loin, ils s'attaquent à la racine du mal et une loi du 3 juin 1933 pour la « diminution du chômage » organise, d'après des plans étudiés avec soin et sous la direction de techniciens éprouvés, une série de grands travaux, qui s'étendent à tout le territoire du Reich ; la liste en est longue et variée.

En même temps, le service du travail, déjà amorcé sous les gouvernements antérieurs, devient obligatoire pour toute la jeunesse sans distinction de classe et d'origine. En 1938, il existe plus de 1 000 camps de travail masculins et plus de 300 camps féminins, répartis sur l'ensemble du territoire. Le

« Fuhrer » du travail allemand, Constantin Hirrl, dirige avec des pouvoirs étendus la section du travail au ministère du Travail.

Une division spéciale est créée pour la construction des routes automobiles sous la direction de l'ingénieur Todt, un

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technicien de premier ordre, auquel fut décerné, au congrès de Nuremberg, une des distinctions- qui ont remplacé, en Allemagne, le prix Nobel (1).

Le résultat de toutes ces mesures et d'autres encore, qu'il serait trop long d'énumérer ici, a été une diminution rapide du nombre des sans-travail. Celui-ci était, en 1933, de 97 pour 1 000 habitants. Cette proportion descend à 38 en 1934 et à 28 en 1935. Le chiffre des chômeurs, qui s'élevait encore à 1 700 000 en août 1936, n'est plus que de 770 000 en mai 1937. D'après les dernières statistiques allemandes, il n'y aurait, en septembre 1938, que 179 000 chômeurs dans tout le Reich, alors que le nombre des ouvriers qui travaillent a dépassé 21 millions.

Cette masse énorme de travailleurs de toute catégorie, qui est égale à la moitié de la population française, a été soumise à une organisation unique, le « Front du Travail », sous la direction du Dr Robert Ley, à l'effet de mettre fin à la lutte des classes et de régler les rapports entre le capital et le travail, conformément à l'intérêt collectif.

La réserve du capital humain, qui fournit une main- d'œuvre d'une telle envergure, ne fait qu'augmenter, grâce à la politique que le Reich poursuit pour le repeu- plement de l'Allemagne ; l'excédent des naissances, qui était descendu en 1933 à 223 000, a aujourd'hui plus que doublé.

Une réussite aussi complète dans le domaine technique et matériel en peu d'années, suppose un esprit de discipline du côté des travailleurs et un talent d'organisation de la part des chefs. Mais il suppose aussi des traditions, qui ont permis l'application d'une dure contrainte au mépris des libertés individuelles, contrainte dont jamais un Français ne se serait accommodé.

C'est à l'école du militarisme et du fonctionnarisme prussien que se sont formés les Allemands d'avant-guerre, et les natio- naux-socialistes se sont emparés de cet enseignement; qu'ils ont adapté à leur doctrine et à leurs desseins. L'administra- tion prussienne t a n t civile que militaire est dominée par le

(1) Conformément à la décision du Fuhrer, un Allemand ne peut plus accepter un prix du grand industriel suédois depuis qu'un prix Nobel a été attribué à un pacifiste allemand.

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sens des solutions pratiques, de la conscience professionnelle, de la nécessité des décisions rapides, des responsabilités et de la continuité dans l'effort. C'est un corps de l'État, qui à toujours agi, sauf dans des périodes de crise, à l'abri de l'ingérence des partis, des intérêts particuliers et pour la seule grandeur de la nation.

Hitler, d'autre part, a réussi par ses menaces et grâce à un manque déplorable de préparation militaire et morale des Puissances occidentales, à imposer sa volonté, mais conscient des points faibles de sa défense, il a immédiate- ment après le 21 mai 1938, qui l'avait obligé à retarder ses projets, conçu le plan de cet ensemble de fortifications sur sa frontière occidentale, dont, sur un ton de défi et d'osten- tation agressive, il a proclamé, au congrès de Nuremberg, l'étendue et l'efficacité.

Après avoir fait état de l'accroissement de son armée et de son aviation, qui fut également ordonné après le 21 mai, il donna des détails sur ce qu'il appelle les fortifications lés plus gigantesques de tous les temps. Sous la direction de l'ingénieur Todt, 278 000 hommes travaillent jour et nuit.

En dehors de ces équipes, sont encore occupés 84 000 ouvriers, plus 100 000 hommes du service du travail, de nombreux bataillons du génie et des divisions entières d'infanterie.- 100 000 tonnes de gravier ont été employées pour ces travaux et 8 000 wagons de chemin de fer utilisés, saris compter les camions dont le chiffre n'a pas été précisé.

17 000 ouvrages de béton armé et de coupoles en acier seront échelonnés sur trois à quatre lignes de défense et sur une profondeur de ,50 kilomètres.

Le recrutement des travailleurs a été opéré dans les établis- sements privés de toute nature avec une brutalité bien prus- sienne, dont les échos nous sont parvenus de différents côtés.

L'ampleur de ces travaux et la rapidité dans l'exécution nous ont été confirmées par des voyageurs qui ont pu s'en rendre compte sur place. Si les prévisions du Fuhrer, qui comptait que son plan serait terminé avant l'hiver, n'ont pas été réa- lisées, tout porte à croire que vers la fin du mois de mars, l'Allemagne aura élevé, en face de la ligne Maginot, une ligne Siegfried d'une même valeur défensive et peut-être d'une valeur supérieure, étant donné que cette ligne est plus"

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moderne et aura bénéficié de tous les progrès que l'art des fortifications a réalisés dans ces dernières années (1).

L'ILLUSION DE LA POLITIQUE PROSOVIÉTIQUE

L'illusion sur les avantages du pacte franco-soviétique a été au moins aussi funeste à notre politique étrangère que la légende des deux Allemagnes,. dont l'une, la meilleure, prendrait le dessus au contact des démocraties libérales. Ces deux erreurs ont contribué à entretenir la France dans un état d'incurie déplorable. Nous ne nous sommes pas lassé de pré- venir l'opinion publique qu'une entente avec le bolchévisme russe nous entraînerait sur une pente fatale (2). Elle nous a amené le Front populaire, elle nous a aliéné de nombreux amis et ne nous a été d'aucune utilité dans la dernière crise.

Le parti radical-socialiste, qui a eu la grande imprudence de participer à la création du Front populaire, inspiré par Moscou, et de faire cause commune avec les socialistes et les communistes pour des raisons purement électorales, a encouru de ce chef de graves responsabilités. Après plus de deux ans d'une politique qui nous a conduits au bord de l'abîme, il semble avoir reconnu qu'il avait fait fausse route. Mais il a fallu, pour lui ouvrir les yeux, que nos finances, notre éco- nomie et notre prestige mondial subissent des échecs et des pertes qui ne pourront avant longtemps être réparés. Cepen- dant plusieurs de ses membres les plus influents ne sont pas encore convertis.

La reconnaissance des Soviets et la politique de rappro*

chement qui l'a suivie, avaient pour but de renforcer la poli- tique et la puissance militaire de la France et d'empêcher l'Alle- magne de trouver, comme elle l'avait fait après la guerre, dans la Russie un allié redoutable pour notre pays. Les inspi- rateurs de cette politique, MM. de Monzie et Herriot, et ceux qui l'ont poursuivie, comme M. Barthou, n'ont pas craint de se rapprocher d'un gouvernement qui avait partie liée avec le Komintern, la troisième Internationale, et dont, par consé-

(1) L* Gazette de Francfort des 2 et 16 novembre 1938, a donné sur les progrès constants de ces fortifications des détails impressionnants.

(2) Voyez notamment : Moscou à Paris, Le bolchévisme paralyse ta France, dans la Mevue des L« septembre 1936 et 1« mai 1938.

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quent, le but initial et principal était de susciter la révolu- tion communiste dans tous les pays, et en particulier dans le nôtre.

Avant que nous nous engagions dans cette voie funeste, les Allemands avaient d'ailleurs pu se rendre compte des ravages commis chez eux par le bolchévisme, à la suite de leur rappro- chement avec les Soviets. Au moment de l'avènement au pouvoir d'Hitler, en 1933, le communisme avait empoisonné toute l'Allemagne et préparait la révolution.

Quels que soient les abus qu'Hitler ait commis en se parant de la formule antibolchévique, et le choix des moyens employés par lui pour abattre le communisme, on ne peut nier qu'en barrant le chemin au bolchévisme, il a rendu à son pays un réel service, que son action a empêché la vague sovié^

tique de déferler sur l'Allemagne et de mettre ainsi le sort de l'Europe en péril. Toutefois, nous ne saurions oublier que les méthodes du nazisme se rapprochent trop souvent de celles du bolchévisme, que la liberté de conscience et de parole est bannie à Berlin comme à Moscou et que les Soviets se félicitent de la campagne antireligieuse du Reich;

qui poursuit comme celle des Sans-Dieu la destruction du christianisme.

L'année 1934 a été pour la diplomatie française une année d'erreurs aux conséquences désastreuses. Alors qu'Hitler déchaînait une campagne virulente contre Moscou et qu'il abattait par des mesures draconiennes le communisme en Allemagne, le gouvernement français se berçait de l'illusion qu?il pourrait amener l'Allemagne et la Pologne à mettre leurs signatures à côté de celle de la Russie sous un pacte de l'Est. M. Barthou entreprenait ses voyages en Europe cen- trale et orientale, qui n'aboutirent qu'à un échec.

L'U. R. S. S., sous la direction astucieuse de Litvinoff, abandonnant sa politique agressive contre la Société des nations et les États bourgeois, prépare, par l'organisation de fronts populaires, un noyautage des partis de gauche.

En même temps, pour cacher ses desseins, cette Puissance se pose en défenseur de la paix par la sécurité collective.

Litvinoff, qui a déjà pénétré à Genève comme membre de la Commission de désarmement, posela candidature de l'U. R. S. S.

à la Société des nations, sous le patronage de M. Benès et de

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M. Barthou, qui, dans un discours regrettable, plaide chau- dement la cause des Soviets. La Russie est admise par 38 voix contre 3 et 7 abstentions. Le président de la Confédération helvétique, M. Motta, prononce devant l'Assemblée un réquisitoire enflammé contre le bolchévisme. Après avoir dénoncé le communisme russe comme la négation la plus radicale de toutes les idées qui sont la substance même des nations civilisées, et démontré que son but unique est la révolution mondiale, il considère que la Société des nations tente une entreprise très risquée, et exprime la crainte que Genève ne devienne un foyer de propagande dissolvante au service des Soviets. Ses appréhensions ne se réalisèrent malheureusement que trop, et ce sont la France et la Société des nations qui en furent les principales victimes.

Les événements se précipitent. En septembre 1934, l'Allemagne et la Pologne refusent de signer le pacte de l'Est ; la France continue, néanmoins, ses négociations avec la Russie qui aboutissent au traité du 2 mai 1935. Ce traité suscite la plus grande méfiance de l'Allemagne, et Hitler, dans un discours du 31 mai 1935, déclare qu'il est inconci- liable avec le pacte de Locarno. La France s'efforce de réfuter cette thèse, en accord avec l'Italie et la Grande-Bretagne, mais l'Allemagne lui fait savoir, au début de 1936, qu'elle considérerait la ratification du pacte franco-soviétique par le Parlement français comme un acte inamical à son égard - et incompatible avec les obligations du traité de Locarno.

Le 13 février, le maréchal Toukhatchevsky est reçu à Paris par l'État-major français, et le 27 février, après un grand discours de M. Herriot qui se fait l'apôtre de l'amitié franco- soviétique, le pacte est approuvé par la Chambre et peu de temps après voté par le Sénat. Le 7 mars 1936, Hitler dénonce le pacte de Locarno et déclare rétablir la pleine et entière souveraineté du Reich dans la zone rhénane démilitarisée.

Le même jour les troupes allemandes franchissent le Rhin, sans que les Puissances signataires du traité de Ver- sailles interviennent autrement que par des protestations verbales et par une condamnation platonique de l'Allemagne à la Société des nations.

Le 29 mars 1936, une quasi-unanimité de plus de 44 mil-

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lions de voix allemandes approuve la politique du Fuhrer.

Le réarmement de l'Allemagne commencé avant Hitler, mais poursuivi par lui à une allure de plus en plus accélérée, est couronné par la loi du 4 février 1938 qui transfère le commandement suprême de l'armée au Fuhrer et lui donne tous les pouvoirs pour assurer la préparation militaire de la défense du Reich dans tous lés domaines.

Le court rappel de ces faits démontre que l'utilité de notre pacte avec la Russie, — quelle que soit l'interprétation qu'on lui donne, — est purement illusoire. Il ne fait en réalité

que favoriser et accentuer tous les courants contraires à notre pays. Les résultats s'affirment brutalement : réarmement dé l'Allemagne, Anschluss, Sudètes, amitié polonaise compro- mise, dislocation de la Tchécoslovaquie et ébranlement de notre politique dans toute l'Europe centrale.

La France, pour se réveiller de son rêve probolchévique, ne saurait assez méditer là-dessus.

La lecture de la presse communiste et toutes les mani- festations du parti pendant les mois tragiques d'août et de septembre ont révélé aux Français et au monde entier le dduble jeu du bolchévisme. Il excite violemment à la guerre, mais, sous le prétexte de défendre les droits et le prestige de la France, il ne vise qu'à la livrer à la pire des révolutions.

Fidèle à la politique de Moscou, qui cherche à détourner sur la France la menace allemande, qu'elle redoute, et à pro- fiter d'une conflagration générale pour réaliser plus facilement là révolution dans tous les pays, le parti communiste français et ses porte-parole mènent une lutte acharnée contre la politique de paix du cabinet Daladier-Bonnet. Alors qu'ils ont tout fait pour diminuer le potentiel militaire de la France, ils proclament qu'il faut renforcer ses moyens de défense, mais, grâce aux syndicats qu'ils dominent, ils enlèvent au gouvernement la possibilité d'opérer ce renforcement en temps utile.

I: • Dans des articles particulièrement virulents, leurs spécia-

listes de politique extérieure, Péri et Magnien, poussent

ouvertement à la guerre. Ils excitent les esprits de leurs lec-

teurs non seulement contre Hitler et Mussolini, mais ils

mènent une campagne violente contre le gouvernement

anglais et contre tous ceux qui, comme la Pologne ou la

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Yougoslavie, ne suivent pas aveuglément la politique mosco- vite. Ils cherchent donc à isoler la France de tous ses amis, sauf de Moscou, bien entendu.

« Trahison : il n'y aura plus d'autre moyen pour stigma- tiser la lâcheté franco-anglaise, si Ton ne prend rapidement exemple sur l'U. R. S. S. pour assurer la paix et la sécurité du pays », écrit Magnien le 25 août 1.938 ; le 21, il attaque vio- lemment la Pplogne et la Yougoslavie, entraînées dans le sillage Rome-Berlin, et, le 26 août, il réclame à grands cris l'intervention de la France en Espagne, car « Hitler et Mussolini battus en Espagne ne se risqueront pas à tenter l'agression de la Tchécoslovaquie où ils savent rencontrer aussi la formidable force de l'U. R. S. S. que l'on se plaît à ignorer, mais qui existe et qui le prouve (sic) ».

En septembre, cette campagne se poursuit toujours plus âpre ; et dans la séance mémorable de la Chambre du 5 octobre*

après la signature de la convention de Munich, Péri dénonce dans des termes violents la lâcheté française et le péril aller ni and. Quand la puissance de la France était encore intacte, les communistes ne parlaient pas ainsi ; leurs menées subver- sives ont tout fait pour porter atteinte à notre force militaire et à notre patriotisme. C'est grâce à eux que nous nous sommes trouvés dans une situation angoissante, qui nous a obligés à accepter un accord douloureux, auquel on a dû se résigner pour éviter la guerre.

Cette politique à double face a discrédité le communisme dans l'esprit de la grande majorité des Français.

Si, au début de nos relations avec les Soviets, nos gou-

vernants ont pu croire à la puissance russe, il faut être vrai-

ment atteint de cécité pour faire encore confiance aujourd'hui

à un pays dans un tel état de décomposition. Dans la ifcf we

de Paris, du 1e r

janvier 1939, un auteur anonyme fort bien

renseigné établit la faiblesse de l'armée russe. Il démontre

qu'en cas de conflit franco-allemand, l'armée russe ne pourrait

pas intervenir sur la frontière allemande, de sorte que je

traité d'assistance mutuelle franco-soviétique de 1935 engage

la France sans réciprocité, et qu'il constitue au point de vue

militaire un grave danger pour la France. Il conseille par

conséquent de dénoncer ce traité avant son échéance, c'estr

à-dire avant le 2 mai 1939.

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LES DEVOIRS DES FRANÇAIS

Dans la séance solennelle de la Chambre du 5 octobre 1938, où les députés communistes prirent une attitude nettement hostile au gouvernement, comme nous venons de le voir, le président du Conseil, M. Daladier, acclamé par tous les autres députés, sans distinction de partis, définit dans un langage ferme et élevé les devoirs de la France dans le pro- chain avenir : « La paix sauvée, s'est-il écrié, ne saurait être le signal de l'abandon ; elle doit marquer au contraire un nouveau sursaut des énergies de la nation. Je le dis avec toute la force de conviction dont je suis capable : si le pays devait s'abandonner et si le maintien de la paix n'était pour lui qu'une raison d'insouciance, nous irions avec rapidité à des lendemains redoutables. »

Dans son second discours au Congrès radical-socialiste de Marseille, le 27 octobre, le président développe le même thème et dénonce avec la dernière énergie la violence et l'intransigeance du parti communiste qui a paralysé son action en faveur de la paix. Il lui reproche de conduire la France, par ses agissements criminels, vers des destins drama- tiques. Il fustige ceux qui déclarent qu'une France forte doit être à même d'imposer sa volonté, au besoin par les armes, et qui interdisent en même temps aux ouvriers de travailler plus de 40 heures par semaine pour la défense nationale.

Il n'admet pas que des étrangers ou des hommes au casier judiciaire chargé figurent parmi les délégués des ouvriers, et il n'admet pas davantage que des forces étran- gères interviennent et prétendent indiquer aux Français leur devoir national.

On sait l'influence prise par les communistes dans les milieux syndicaux. Au cours du 25e congrès national de la C. G. T., qui s'est tenu à Nantes du 14 au 16 novembre 1938, les opinions les plus contradictoires se sont affrontées. Les représentants de la tendance syndicaliste ont dit de dures vérités aux communistes. Mais, néanmoins, l'unité a été main- tenue, et M. Jouhaux, dans un discours très violent contre le gouvernement et les décrets-lois, s'est rallié en fait à la

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thèse communiste, en envisageant une action qui pourrait aller jusqu'à la grève générale.

Moscou a donc dominé ce congrès. E t cependant la politique bolchevique a subi échecs sur échecs, ces derniers temps. Staline, dans une séance du Komintern, du 20 mai 1938 (1), a proclamé de nouveau la thèse communiste que les antagonismes entre les É t a t s capitalistes doivent être exploités pour les précipiter dans une lutte armée, et exhorté tas partis communistes à faciliter un pareil conflit. Il a échoué en septembre 1938.

Mais il n'a pas désarmé et la lutte recommence, plus âpre que jamais. Elle a son centre en France et en Angleterre, et est dirigée, comme le prouve le manifeste du Komintern du 6 novembre 1938 et toute la presse soviétique, contre les gouvernements actuels français et anglais. « La France et l'Angleterre, est-il dit dans ce manifeste, ce sont les millions d'ouvriers, de paysans, de travailleurs, qui ne peuvent subsister sans frapper impitoyablement ceux qui trahissent leur pays et leur peuple (2). »

Le 30 novembre 1938, jour de l'échec de la grève géné- rale en France, le gouvernement a gagné la première manche ; le 8 décembre, il a gagné la seconde devant la Chambre.

Il a gagné la troisième manche le 22 décembre 1938. La

majorité de sept voix, qu'il avait obtenue de justesse à la \ Chambre, a atteint, à différentes reprises, plus de cent trente

voix lors du vote du budget de 1939.

Le président du Conseil, à la séance du 8 décembre, a parlé en républicain et en patriote, comme un fils du sol de France. Sans mouvement oratoire il a fait appel, en dehors des partis, à tous ceux qui réprouvent la violence, le désordre et l'illégalité, et il a vaincu. Ses anciens alliés, les socialistes et communistes, se sont rangés en bloc serré du côté des ennemis de l'ordre et de la paix, se mettant ainsi en contra ^ diction avec la majorité des Français,qui ne sont ni marxistes ni communistes. M. Daladier n'a pas eu beaucoup de peine à démontrer, par des documents communistes irréfutables,

(1) Cité dans une brochure de Compère-Morel.

(2) D'après l'Almanach de l'Humanité pour 1939, les organisations et associa- tions centrales de caractère communiste ont augmenté en France et, pendant la dernière année, de 29 à 41. . .

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le caractère éminemment révolutionnaire de la grève. Il provoqua les clameurs impuissantes de l'extrême gauche en citant les paroles d'un des principaux leaders syndicaux, M, Hénaff, déclarant qu'il fallait en finir avec le gouvernement et que si la C. G. T. ne réussissait pas le 30 novembre, elle serait amenée à déclencher une grève de caractère msurrec?

tionnel ayant pour but la prise du pouvoir par l'Union des syndicats.

,La rupture du Front populaire, que le parti radical-socia- liste avait déjà réalisée le 11 novembre 1938 par une lettre officielle adressée au comité du Rassemblement populaire, devient définitive e,t irrévocable. La majorité de 315 voix*

Contre 241, qui a exprimé sa confiance au ministère, a en même temps répudié le bloc révolutionnaire.

M» Daladier a prononcé, dans la même séance, le mot libérateur, qui e s t a la base de tout redressement français, le mot travail. La semaine de quarante heures, qui a été la formule mystique du Front populaire, mais aussi son ver rongeur, est condamnée. Elle a été fortement remaniée par les décrets-lois des 12 et 15 novembre 1938. Sa disparition ne saurait tarder. Le chef du Front de Travail allemand, M. Ley, vient d'annoncer l'abrogation de la journée de huit heures en Allemagne pour accroître encore la production allemande. L'armée des tra- vailleurs allemands, dont nous avons estimé le nombre à 20 millions, travaillera donc en général plus de quarante- huit heures par semaine, et dans les usines de guerre plus de soixante heures. Comment pourrions-nous lutter, avec un travail réduit, contre un pareil effort ?

- Si les yeux des Français réussissent à s'ouvrir devant l'évidence, cette réforme devra être suivie de beaucoup d'autres, dont la principale est la stabilité gouvernementale.

Nous devons renoncer au triste privilège de détenir, avee l'Espagne dite républicaine, le record des crises ministérielles.

L'autorité nécessaire qui en résultera pour le gouverne- ment lui permettra enfin d'envisager la stricte application des lois contre les communistes et, au besoin, la création de lois nouvelles. Dans un article récent (1), nous avons exposé que la

(1) La Législation anticommuniste dans le monde (Revue politique et parlemen- taire de juillet1938).

Une loi du 14 février 1872, qui n'a été abrogée qu'en 1931, déclarait contraire

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815 plupart des nations civilisées avaient adopté des lois très sévères contre les menées révolutionnaires, et que beaucoup considèrent que le seul moyen efficace de combattre les partis communistes est de les interdire sur le sol national. C'est un exemple à méditer et à suivre. L'appel de 430 journaux français adressé le 16 décembre 1938 au Parlement, pour demander la dissolution du parti communiste, l'action de deux députés français devant le tribunal de la Seine pour faire déclarer l'illégalité de ce parti, prouvent que la vérité est en marche.

Cette autorité accrue permettra aussi aux pouvoirs publics de se souvenir que la C. G. T. n'a qu'une existence illégale, et que cette illégalité a été proclamée a différentes reprisés par les tribunaux, et notamment par le tribunal de la Seine, le 13 janvier 1921, qui a dit textuellement dans son jugement :

« Attendu que l'intention, hautement et de longue date proclamée par la C. G. T., a été de faire de la liberté syndicale, non l'instrument d'éducation et d'union que prévoyait la loi de 1884, mais un instrument de guerre sociale ;

« Qu'aucun gouvernement régulièrement constitué par la décision souveraine de la volonté nationale ne peut tolérer que se constitue en face de lui et contre lui, sous la façade syndicale, un autre gouvernement créé par une minorité d'agitateurs et qui prétend lui imposer les volontés de cette minorité. »

M. Jouhaux et trois autres de ses collègues n'ont certain nement pas oublié la condamnation à une amende et aux dépens, qui leur fut infligée par le tribunal.

Bien d'autres problèmes se posent encore que tes gou- vernements successifs ont négligés avec une légèreté impars donnable et dont la solution ne tolère pas de délai : élargis*

sèment du problème financier, problème de la natalité, des étrangers, de la propagande, de la police d'État, de la réforme électorale et tant d'autres, que nous ne saurions aborder ici.

Contentons-nous d'en évoquer deux qui nous paraissent essentiels.

fi la paix publique toute association internationale ayant pour but de provoquer à la suspension du travail, l'abolition du droit de propriété, de la famille, de la religion, et prononçait des peines sévères contre tout Français s'afflliant à une pareille association.

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' 8 1 6 R E V U E DES D E U X M O N D E S .

LE PROBLÈME MORAL E T LE PROBLÈME DU POUVOIR E X É C U T I F

Un des problèmes les plus redoutables est celui de notre redressement m o r a l . Une double réforme s'impose, celle de notre égoïsme individuel et celle de nos mœurs politiques.

Le Français moyen a perdu l'habitude d'élargir son horizon, de placer ses intérêts personnels et immédiats avec les besoins de la Patrie. Mais nous souffrons davantage des abus de la politique des partis, qui a complètement faussé notre régime parlementaire. Nous sommes les esclaves de la toute-puissance du Parlement. Les grandes institutions de l'État ne constituent pas un correctif suffisant à la dépen- dance des députés et des sénateurs vis-à-vis de leurs électeurs, qui ne pensent qu'à leurs petits intérêts locaux ou person- nels et qui entraînent les meilleurs de leurs représentants à se faire les défenseurs de ces intérêts ; nous souffrons aussi d'une corruption dont trop de scandales ont révélé la triste réalité. La faveur, ce qu'on appelle vulgairement le « piston », fausse tous les rouages de l'État, et le gaspillage des deniers publics en est la triste conséquence.

Un autre problème, non moins grave, concerne le pou- voir exécutif. Nous sommes une nation d'hommes intelligents et diserts, mais nous avons trop souvent perdu le sens de la réalisation. Le travail purement cérébral domine dans nos assemblées, nos comités et nos commissions, où les avocats, les professeurs, les journalistes se sont créé une place prépondé- rante. Les discours, les rapports et les contre-rapports étouffent les solutions qui s'imposent, et quand la solution arrive enfin, après des semaines, des mois ou des années, elle n'est plus conforme à la situation présente, ou bien elle est un composé de concessions réciproques et de compromis qui lui ôte sa valeur créatrice et sa force agissante. Voilà la raison pour laquelle dans t a n t de domaines nous sommes surpassés par les nations obéissant à une autorité supérieure, qui, préparée et assistée par des conseils compétents, prend des décisions rapides et en assure l'exécution.

Les habitudes fâcheuses que nos dirigeants ont contrac- tées au contact de nos mœurs politiques pourront-elles céder devant l'impérieuse nécessité du moment ? De louables efforts

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sont faits dans ce sens, mais les lenteurs apportées dans l'exé*

clitiôn des projets législatifs ne laissent pas de nous inquiéter.

LA DÉFENSE DE NOS BIENS SPIRITUELS

L'action violente de l'Italie contre la France, qui a eu pou^ résultat l'accueil triomphal fait à M. Daladier en Corse et en Afrique du Nord, les revendications coloniales alle- mandes, auxquelles la France et l'Angleterre ont opposé une fin de non recevoir que nous espérons définitive, les menées allemandes en Ukraine, à Memel, à Dantzig, etc., sont des épisodes de la lutte engagée entre les États démo- cratiques et les États totalitaires.

Dans les compétitions entre nations, notre tâche est plus ardue que celle des États totalitaires. Ceux-ci font table rase de la liberté humaine, de la fidélité aux signatures données et des promesses qu'ils ont pu faire dans le passé. La divinité à laquelle ils sacrifient uniquement est la grandeur de leur

nation, la domination de leur race. '{••

Nous avons des biens spirituels à défendre que nous iie sacrifierons jamais. La liberté de conscience, la liberté d'opi- nion, la valeur de l'individu, le respect de la parole donnée, font partie de ce domaine spirituel, qui doit être protégé contre ceux qui en font Un objet de mépris et ne considèrent l'individu que comme une unité négligeable, se fondant dans un É t a t tentaculaire, dominé lui-même par une seule et toutfc- puissante personnalité. Mais ces libertés ont une limita;

elles ne sauraient dégénérer en licences, débordant les fron- tières qu'une saine morale, une saine religion, les nécessités de la défense de l'État et de l'indépendance de la patrie,

ne doivent pas permettre de franchir. i»

L'exemple que nous donne le peuple suisse, dont la démo- cratie est vieille de sept siècles, est admirable. Pendant ces derniers mois, il a fait preuve d'un courage qui lui a vafti les attaques haineuses des presses allemande et soviétique ; c'est avec un magnifique élan que toute la nation s'SÉt levée pour affirmer que chaque citoyen suisse était prêfrà donner sa vie pour sauver sa patrie et son indépendance.

Dans ses discours des 6 et 7 novembre 1938, Hitler a renouvelé avec une violence accrue ,ses attaques contre les

TOME x u x . — 1939. 52

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démocraties, qu'il accuse de tolérer les excitations à la guerre, alors que les É t a t s totalitaires ne les tolèrent pas. Il oublie de dire que l'Allemagne, sous prétexte de défendre la paix que personne ne menace, ne fait que préparer la guerre.

Il s'érige de nouveau en censeur des paroles qui ont été pro- non«ées par MM. Winston Churchill, Eden et Duff Coôper au Parlement anglais, et déclare que t a n t que de pareils excitateurs ne seront pas réduits au silence, il ne consentira à aucun désarmement. Il proclame enfin que l'Allemagne doit continuer à armer intellectuellement, moralement et matériellement. C'est donc la liberté de parole, si chère aux AnglsJs, qu'il voudrait voir supprimée chez eux^

A la même heure, une autre voix s'est élevée en Allemagne,

«elle du cardinal Faulhaber à Munich. Avec prudence, mais fermeté* le prélat le plus représentatif de l'épiscopat allemand défend les libertés du citoyen et du catholique allemand contre l a toute-puissance de l'État. Il revendique pour chaque Aile*

mand le droit de manifester sa foi et de suivre les comman- dements de sa conscience et de sa personnalité.

Un représentant du clergé protestant, le pasteur Niemôller, .ancien héros de la guerre, qui a parlé le même langage, expie sa franchise dans un camp de concentration.

; , € e s témoignages et bien d'autres encore, religieux ou laïque^, nous prouvent que l'Allemagne aura à lutter, le cas échéant, non seulement contre des forces matérielles, mais -aussi contre des forces spirituelles dont elle ne devrait pas m.é&e^timer la puissance. Les réactions que les vioiçnees du jaationâl-socialisme ont provoquées aux États-Unis et qui se sont manifestées dans les deux appels que le président Roosevelt à adressés au chancelier Hitler en septembre 1 9 3 ^ en sont la preuve.

Le Saint-Siège, les Églises protestantes, le monde anglo- saxon, suisse, hollandais, Scandinave, condamnent les réeents excès du; Reich au nom de la morale chrétienne^ à quoi les hitlériens répliquent en condamnant cette morale. L'ancien empereur Guillaume II lui-même, s'il faut en croire une interview donnée à une revue américaine, répudie dans des

termes très vifs le régime hitlérien.. Il qualifie le Fuhrer

« d'homme seul, sans famille, sans enfant, sans Dieu, qjii ne peut être humain, et qui bâtit des légions et non pas une

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81£

nation, car une nation est créée par la famille, une religion, des traditions ».

La conférence panaméricaine, réunie en décembre 1938 à Lima, a réagi hier énergiquement contre les efforts du nationalisme allemand et du fascisme italien, qui menacent le continent américain. M. Cordell Hull, se faisant le porte- parole de l'assemblée, s'est élevé « contre cette propagande subversive et insidieuse qui sème des doctrines de haine ».

Il a déclaré que la conférence se place résolument du côté de là paix, de la justice et de l'équité, et que les nations des deux Amériques se prononcent pour des mesures ayant pour objectif le bien des peuples et non pas l'intérêt des groupes politiques qui les dominent.

Au milieu de ce désarroi général, causé par les ambitions et les appétits des Puissances guerrières et révolutionnaires, nous avons d'impérieux devoirs à remplir.

Pour éviter que notre patrimoine spirituel soit anéanti par la barbarie, il faut que le relèvement de la France s'opère a la fois dans le domaine de la défense nationale, et dans celui de la morale et de la véritable liberté.

Nos devoirs nous ont été nettement tracés par le maréchal Pétain dans le discours qu'il a prononcé à Metz, le 19 novembre 1938, pour fêter le vingtième anniversaire de l'entrée des troupes françaises et je ne puis mieux faire que de citer, pour terminer cet appel au réveil de la France, les magni- fiques paroles du grand' soldat :

« La raison première de notre déclin, s'est-il écrié, c'est l'abandon de toute vie spirituelle dans le cadre de la nation, car ce sont les idées qui mènent le monde.

« Il ne faut pas se laisser absorber uniquement par la matière au point de négliger la meilleure part, c'est-à-dire les plans supérieurs de la pensée et de la morale, les seuls qui donnent du prix à la vie et une âme à l'action.

« Remettons en honneur les forces spirituelles, j'entends par là le respect de l'autorité et de la discipline, le goût du travail bien fait, le culte de l'art, et, pour tous, le sentiment du devoir ; c'est l'ensemble de ces vertus qui a fait de tout temps la grandeur de la France. »

FRÉDÉRIC EÇCARB*

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