LOUIS XIV
Trouvant Louis XVI qui forgeoit des
'
chaînes en chantant
ce couplet :F/ c
TROISIEME DIALOGUE,
Jefuis unpauvrefouverain.
Quin’aplusle pouvoir en main; Mais, par le
moyen
dema
forge,Je feraide nouveauxliens ; Je réduirai les Parifiens,
Ou
jeme
fais couper la gorge.Tôt, tôt, tôt
' Battez chaud
Tôt, tôt, tôt,
'
Bon courage,
Fondions un nouvel efclavage.
Louis XIV,,
P 4RBLEU
, voilà encoremon
ignorant qui se réjouit de ce qui eft à faire; tu t’esdong
-fourré dans la tête de
donner
des fers à tes fujets9 &: tu n’enmourras
pas de douleur?Courage
: à préfent je vois bienque
cette dé«îicatelle
que
tu peignois avant-hier, n’étoit autre çhofeque
de l’hypocrifie ,ou
de la poltronnerie.Pauvre
benêt de roi de carte !encore faut-il
que
j’excepte celui decœur
,car tu ne
peux
entreren comparaifon aveg
lui,
Louis XVI.
Vous me
défefpérez parvos
atrocités ré^•
A
/U ^ui
voltantes. Je ne reçois de
vous que
des^mots
oiitrageans &; des confeils
de
cruautésim^
praîicaljles»
Louis XIV.
Ma
foi, je plains ton-peuple d'avoir^un
roiaiiiTi foible
que
toi-U
vaiidroitmieux
qu’ileût été
gouverné
parun
roiméchant
qui aitfil le maintenir dans l’obéiffance.
Regarde
lestems
paffés,quand
tu étois defpote , tous tes fiijets étoientheureux
; tout étoit tranquille,
&
lecommerce
nourriffoit les indigens ; au-jourd’hui
que
ta bêtife a laifletomber
toiples arts
&
arrêté tous lestravaux ,on
nevoitque
desmalheureux
qui, ne facharit de quel côté tournerla tête , fe jettent a corpsperdu
clans la carrière
du
crime ,ou
fevendent
à tes ennemis,pour un
jour eleverune
contre-^révolution,
&
îerendre laviêhmede
toutestesfoibleffes.
Louis X V L
Ah
! je l’ai toujoürs bien pensé. Si lano-
blesseque
j’ai tant outragéese faitun
parti,^et qu’elle soit victorieuse , je paierai dema
têtedes invectives
que
je lui ai fait endurer.Mais comment
vouliez-vous que
je fasse } ilaiiroit fallurépandre trop de sang
pour dompter un
peuple rebellej&
j’ai cru devoir encoreêtre vertueux, en fléchissant, et
me
faire ad- mirer de tousmes
sujets,Louis XÎV,
Puisque tu étois affez délicat
,
pour
ne pasrépandre leur sang, voilà ce qu’il falloit faire.
Quand
tu asvu
cpie la dépense detaMeffabne
Louis XV L
Mais
comment pouvoir renvoyer
ces minis- tres ? i’ignorois leur coniuite.Vous
savez pourtant bien qu’un roi est à plaindre,quand
il faut qu’il écarte tant de flatteurs intngans enchaînés surses pas , qui ne lui cedent le passage qu’aprèsl’avoir étourdi de leursplati- tudes. Les uns
me
présentoient des plans d’é-conomie
; d’autres, les projets deformer de nouveaux
impôts ; enfin d’autrespour
éleverun emprunt
qui se trouvoit dispersé avantd’être rempli,
Louis XIV.
C’efl justement*pour cela
que
j’aurois élor- gné demon
trôneceux
à qui j’aurois soup-çonné
des sentimens aussi vils, etjeme
feroisaffidé seulement trois personnes
que
' j’aurois choisismoi-même
,fans écouteraucune propos
sitiom J’auroîs tenuun
conseil surmes
finan- ces, àùquel j’aiirois déclaré vouloir,conrîoîîre les dettes de l’état ; j’aurois partagé lesditës dettes eiideux ou
trois ans detempérament
;l’aitrois déclaré l’ouverturê d’uneCaisseroyale, qui 'n’aurok duré
que
letemps
limité par lestempérarnens; j’aurois fait fabriquer
une
cer- taine quantitéde
billets propres àpayer
lés dettes échues eî sans emprunts; jeme
feroisA
%/
4
frôitvé quitte en
peu
detemps
: cette opération àuroit ranimé lecommerce &
fait circulerle numéraire 3 parce
que
s’enpouvant
patfer de plüs dé la moitié,ou
n’en auroit pas fait l’agiotage, et àmesure que
les billetsm’auroient été rendus dansmes comptes
^ j’enaurôis brûléune
quantité,et jeme
feroisvu
au-deffus detries dépenses t ensuite j’aurois mis
Un impôt
territorial sur tous les biens, fans
aucune
ex^ception niprivilèges : j’aurois diminué les
im^
pofitions
du pauvre
, parceque
ce n’efl: pas dans la chaumièreque
l’on peut trouver de quoi rétablir les finances; ilsautoientpayé
desdroits
proportionnément
àleurs biensij
Wrois
fait fortir
une ordonnance
de trancherla tête àceux
qui n’auroient pasvoulu y
foiifcrire; parce
moyen
jeme
serois faitami
demon
peuple,
et je n’aurois par
douze
cents tyrans qui con- duisentmon royaume. Un
ambitieux, hypo-- cîited^Auvergne
, quicommande un
peuple de rebelles, dont les soldats sontchoisisdans ceS gens, cesfilousqii’occiipoient autrefoislapolice^c’est-à-dire, des genssans
aveu
et capables de toutpour
de l’argentéL d U
I sX V
îéî^en conviens. Et si
mon royaume
eft dansIm
fl grand bouleverfement^ je le dois àmes
liiiniftres ^
& aux
fottifes demon
épouficé J'aides forts aulTi; mais ne pourroit-oïl pas les réparer, fans entre-
cboquêf
les poignards de ForgUeil&
dêk vengeance
dans tant deCoéUrs, qui, malgré toutes
mes
fautes,mê
f-nudeut encore les témoignâges d’ufte piitê
amitié ,
&
fefment
lesyeux
fut toutesmes
foibleffes ?
Louis XlV*
Pauvre
fotî ne' crois-tu pasque
ton peuple te chérit, parce qu’il t’appelle le reftaurateut de fa liberté?
Va,
crois qu’il ne te refpeéle pas autantque
tu te fimagines;&
s’il te paroîtfournis, c’eft qu’ilcraint
que
tu n’échappesà
fa furveillance ,
& que
tun’aille te ranger fous des drapeaux qui t’attendentpour
lui déclarer la guerre»Louis XV L
Non.
je neveux
pasabandonner mon royaume
; je rougis feulement d’avoirperdu
les plus
beaux
droits de tous les fouverains»Je brûle
du
défir d’être rétabli furmon
trônecomme
i’étoisautrefois ; je ne ferai plusfingrat à toutes les repréfentations» Jevous
exhorte de m’éclairer de vos lumières divines, &L jevous promets
d’exécutervos
ordres ; mais fur-tout jevous recommande
d’épargner le fang»Louis X
1V.
Epargner le fang?
quand on
vouloit nepâS épargner le tien ni celui d’Antoinette, tu asdonc
oubliéque
les draps de fon lit furent percés de coups de poignards?Que
fans labravoure &
la défenfe de tes gardes , elle éîoifaffaffinée à tesyeux?
Qu’ils ontvu
rnaf»facrer plufieursnoblesde
tamâifon
? Etqifenfin des brigands t’ont forcé à lesfuivreau
milieu de leur caverne? Rappelle-toi ce jour d’hor- reur î enyilage les dangers&
les affrontsque
J
6
tii as effuyé,
& que
tavengeance
foit le prî^èAq
tant de crimes.L O U
I SX V L
ÎI eft vrai^ je ne puisreconnoître
mes
fujetsque comme
coupables9êcje confensà déclarer qidiîs méritent de terribles chaînes,& même
des
tourmens
fans bornes ; mais lis ont tropion^tems
languidansla mifere avant des’aban-donner
à ces excès.Louis XIV.
Ne
m^étourdisplus par des obférvations qui m’excedent;je te répétépour
ladernierefois ^que
tu n’as aucunsmomens
à perdrepour
tevenger, & donner une
nouvelle fplendeur à ta pùîffance, te faire admirer des autres rois^&
reprendre tonpouvoir
fouverain defpo- tique.Il n’y a rien de plusfacile&
de plus furque
lemoyen que
je vais tedonner pour
cela.Ton
frere deProvence
n’a-t-il pas âuffilieu d’être olFenfé ? car de prince héritierdu
trône ,il eftdevenu un
citoyenaêlif; crois-tuque
, malgré fonmorne
filence, il ne feroit pas fatisfait de rentrer dans toüs fes titres ?Le
cielte le conferve peut-être
pour
te rendrê tes états. Profitede ce que lepeuple ne penferiende
lui. Repeterlui lestourmens
de ton cœiir^lui feiil peut tarir la fource detes
maux.
Louis XV L
Ah! mon
perelque vous
le connoiifez mal!-îl eil trop lâche
&
trop ingratpour
m’aider feulement à {apportermes malheurs;
com-^ment
voulez-vous qu’ilme
releve dema
aucun
accident, nimême que
l’onn
écoutépas les inveaives de fes ennemis.
D
Artoislui a dit cent fois qu’il étoit
un homme
fans çaraaere,quele peuple devoltplutôt craindreque
lui, 'parce qu’on ne favoit pas cequi
avoit aufond du cœur
, Sf qu’aumoins
lui,on voyoit
qu’ilétoitdu
parti ues noiis,Louis XIV.
C’eft juftement
pour
celaque
jeveux que
tu l’aille trouver,&
lifi_
dire
qu
il ait pitié d’un roimalheureux
qui implorefon
fecourspour
reprendre lesrênes de fonroyaume
, parun moyen immanquable
,qu’ilne peut executer fans lui: tu lui diras d’abord de gagner fecre-tement
lenombre
desmécontens
par des bienfaits,dont
plus dedeux
cents cinquante milleâmes
ont befoin , regrettent lestems
paffés,
&
voudroientde
tout leurcœur que
les chofes reviennent
comme
elles etoient tuferas avertir ta maifon, cette jeune
& cou-
rageufe nobleffe qui a
remporté une
fi belleviftoire à
Fontenoy
, de fe tenir fous lesarmes,
en fecret; il te ferarendu
plufieurs jré^iniÊns t6font rcflcs fidclcs dans lêFond
de leurcœur
; d’autresqui ne polTedent qu’un efpritfoldatefque, c’eft-à-dire ,patriotespour
6 livresjroyaliftespour
douze,Le
clergé tant' 8
irrité s’armera fecrétement
,
&
ferangera foustes ordres; enfin ton trere
&
tes princes qui ont juréde nerentrer en Franceque
lesarmes
a lamain,
béniront ces projets ,&
ferontgiorieiix de mêler leurs lauriers à ton illufire entreprife ; alors tu verras bientôt tous les partifans,
&
lepeuplemême
,tetendrelesbras,
&
tedemander
les fecoiirs^ dûs àFhumanité
fouffrante
&
preffée par la faim.Adieu
, je rentre dansmon
féjour de ténèbres,&
je teîaiffe le foin de reprendre le régné des Bour- bons, Puifie