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Essays on the Economics of Banking and Corporate Governance

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Academic year: 2021

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Université Libre de Bruxelles

Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Economiques Section des Sciences Economiques

Essays on the Economics of Banking and Corporate Governance

Thèse présentée pour l’obtention du titre de Docteur en Sciences Economiques sous la direction du Professeur Mathias Dewatripont

par

Ariane Chapelle

Membres du jury restreint : Marie-Christine Adam Ronald Anderson Mathias Dewatripont Peter Praet

Ariane Szafarz

Année académique 1998 - 1999

(2)

Remerciements

Avant toute autre chose, je voudrais remercier ici très sincèrement mon directeur de thèse, le professeur Mathias Dewatripont, pour m’avoir fait confiance en acceptant de m’associer à ce projet de recherche et pour m’avoir permis, par son soutien et ses conseils, de réaliser cette thèse dans les meilleures conditions possibles. Je remercie également vivement le FNRS d’y avoir apporté le financement nécessaire.

Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance aux professeurs Marie-Christine Adam, Ronald Anderson, Christophe Croux, Peter Praet et Ariane Szafarz pour l’intérêt qu’ils ont bien voulu porter à cette recherche et pour le temps qu'ils y ont consacré.

J’adresse bien sûr des remerciements particuliers à Marco

Becht, sans qui les traitements statistiques de ce travail ne

seraient certainement pas ce qu’ils sont. Que soient également

remerciés l’ECGN et ses membres pour le support technique et

les informations fournies. Enfin, je ne terminerai pas sans

exprimer toute ma reconnaissance à mon mari et à ma famille

qui m’ont encouragée et supportée avec bonté et patience

pendant toutes ces années et à ma petite fille chérie, Victoria,

sans qui les derniers mois de ce travail n’auraient pas eu tout

leur sel.

(3)

Table des matières

I. Introduction générale 7

II. Chapitre 1 : Impacts des évolutions du secteur financier

sur le choix de portefeuille d’une banque 17

1. Introduction 17

2. Revue de la littérature 18

3. Modèle de base : Pyle, 1971 22

3.1. Théorie 22

3.1.1. Introduction 22

3.1.2. Modèle moyenne - variance 22

3.1.3. Commentaires du modèle 24

3.2. Calibration 26

4. Modifications du modèle de base 29

4.1. Théorie 29

4.1.1. Caractéristiques du nouveau modèle 29

4.1.2. Calcul de l'optimum (cas général) 31

4.1.3. Fin du théorème de séparation 32

4.1.4. Calcul de l'optimum sous certaines hypothèses

simplificatrices 32

4.1.5. Conditions d'intermédiation 33

4.2. Calibration 35

5. Effets de chocs exogènes sur les paramètres 37

5.1. Introduction : évolutions du secteur bancaire 37 5.2. Premier choc : augmentation de la concurrence bancaire 38

5.2.1. Effets théoriques 40

5.2.2. Effets sur la calibration 40

5.3. Deuxième choc : modification du risque d'intérêt 41

5.3.1. Effets théoriques 42

5.3.2. Effets sur la calibration 42

5.4. Troisième choc : introduction du ratio Cooke 43

5.4.1. Effets théoriques 43

5.4.2. Effets sur la calibration 43

5.5. Synthèse des évolutions 44

6. Adaptation du modèle 46

6.1. Aversion absolue ajustée 46

6.2. Théorie et réalité 48

7. Comparaisons à d'autres études 51

(4)

8. Actualisation et extensions 52

8.1. Actualisation 52

8.2. Extensions 55

9. Conclusion 55

10. Annexes 57

III. Chapter 2 : Shareholdings Structure and Separation between

Ownership and Control in Belgium 58

1. Introduction 58

2. Review of the literature 59

2.1. Theory on Corporate Governance 59

2.2. Empirical Studies on Corporate Control 61

2.3. Studies Specific to Belgium 63

3. Methodology 64

3.1. The Model 64

3.2. Examples of Matrixes A and Y 65

3.3. Data Collection 66

3.4. Building up A 67

4. Belgium 71

4.1. Specific Features about Belgium 71

4.2. Quantitative Analysis 72

A. Stakes and Blocks per Listed Firm 73

B. Shareholders and Blockholders 76

C. Ultimate Ownership and Structure of the Ownership Links 77

D. Portfolios of Listed Companies 78

5. International Comparisons 79

5.1. The European Corporate Governance Network : History and

Accomplishments 79

5.2. International Data Comparisons 81

6. Separation of Ownership and Control for Ultimate Shareholders 83

6.1. Theory 83

6.2. Methodology 84

6.3. Other Methodologies Used 85

6.4. Statistical Results 85

6.4.1. Separation Ratio per Firm Type 86

6.4.2. Separation Ratio per Investor Type 88

6.5. Typology of the Large Controllers 89

6.5.1. Controllers Ranked by Portfolio Size 89

(5)

6.5.2. Controllers Ranked by Separation Ratio 90 7. Separation of Ownership and Control : International Comparisons 92 7.1. A European Country Close to Belgium : Italy 92 7.2. A Particular Case in Continental Europe : The Netherlands 93 7.3. A Country from Another Corporate Governance System : The United

States 93

8. Conclusion 94

9. Appendixes 96

IV. Chapter 3:Block Investment and Partial Benefits of Corporate Control:

The Case of Belgium 97

1. Introduction 97

2. Review of the Literature 98

3. United States and Continental Europe : Review of Two Corporate

Governance Systems 101

4. The Theoretical Contribution 105

4.1. The Model 106

4.2. Example and Empirical Evidence 109

5. The Case of Belgium : Data for Listed Companies 110

5.1. Direct Ownership Data 111

5.2. Ultimate Ownership Data 112

6. Empirical Testing for Belgium 114

6.1. Test whether Large Shareholders “create their own space” 114 6.2. Test of a Clientele Effect in the Shareholder Structure 115

6.3. Specific Tests Applied to Belgian Data 116

6.3.1. Direct Ownership Data 117

6.3.2. Ultimate Ownership Data 120

6.3.3. Ultimate Control Data 122

7. Robustness and Limitations of the Model 124

7.1. Robustness 124

7.2. Limitations 124

8. Conclusion 126

V. Conclusion générale 128

VI. Bibliographie générale 132

(6)

Introduction générale

On peut considérer ce travail globalement comme une étude du comportement de certains agents économiques face à leur environnement. A l’échelle d’une nation, il existe trois grandes catégories d’agents économiques : l’Etat, les entreprises et les ménages. L’Etat n’est pas considéré ici comme un agent actif, mais seulement comme élément de réglementation extérieure. Restent les entreprises et les ménages.

L’environnement auquel est soumise une entreprise peut se résumer schématiquement aux éléments suivants : ses clients, ses fournisseurs, la réglementation propre à son secteur d’activité et les autres entreprises du secteur constituant la concurrence. Malgré des domaines d’activités très divers, toutes les entreprises peuvent entrer dans ce type de schéma et ce même pour le type particulier d’entreprises que sont les intermédiaires financiers.

La réaction des intermédiaires financiers aux modifications de leur environnement sera analysée au premier chapitre. Les entreprises industrielles et les ménages feront l’objet des deuxième et troisième chapitres. Nous considérerons ces deux types d’agents économiques pour une fonction particulière qui les réunit dans un même environnement réglementaire et concurrentiel : lorsqu’ils sont actionnaires de société.

Dans leur livre « La Réglementation prudentielle des banques », Dewatripont et Tirole (1992) considèrent les banques comme des entreprises comme les autres, à ceci près que leur dette est détenue par de très nombreux créanciers (les déposants) ce qui crée une situation particulière en terme de contrôle et constitue une des raisons de l’existence des mécanismes extérieurs de contrôle sur l’activité bancaire.

L’environnement spécifique des banques peut se résumer comme suit : les fournisseurs sont les déposants, les clients les débiteurs, la concurrence vient des autres banques et éventuellement, d’autres organismes exerçant certaines activités bancaires (la Poste, les maisons de crédits privées…). Enfin, la réglementation, très lourde, consiste essentiellement en mesures prudentielles et obligations de reporting auprès de la Commission Bancaire et Financière.

Or, l’environnement bancaire s’est profondément modifié au cours des vingt dernières années en Belgique : la concurrence s’est très fortement accrue, entraînant une baisse générale de la rentabilité des entreprises du secteur, les formes de l’épargne ont évolué, s’orientant vers des instruments à taux flexibles plus rémunérateurs et un certain déclin s’est amorcé dans le domaine des crédits, notamment à cause de la désintermédiation de certaines grandes entreprises. Enfin, dans le cadre d’une harmonisation internationale menée de front par le Comité des Contrôleurs de Bâle et la Communauté Européenne, de nouvelles règles sont apparues en matière prudentielle, dans le but de contrôler les différents risques encourus par les établissements de crédits. La plus célèbre d’entre elles est sans doute le ratio Cooke, fixant à 8% le rapport entre les fonds propres d’une banque et les crédits accordés au secteur privé.

Dès lors, comment se sont comportées les banques belges face à de tels changements ? Et

quels en ont été les effets sur la structure de bilan, sur la prise de risque, sur le niveau

d’intermédiation du marché ? Les réponses à ces questions font l’objet du premier chapitre.

(7)

Bien qu’il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude de ce type propre à la Belgique, une vaste littérature, à la fois européenne et anglo-saxonne traite des questions de la réaction des banques face à divers éléments de leur environnement réglementaire et concurrentiel.

En ce qui concerne la fonction de comportement des banques, plusieurs articles la modélisent sous forme d’un choix de portefeuille. Pyle (1971) est un des pionniers dans le domaine, et il nous servira d’ailleurs largement de base de réflexion. Dans son modèle, l’intermédiaire financier est considéré comme un investisseur averse au risque et disposant d’un capital positif ayant le choix entre deux actifs risqués qu’il peut soit emprunter, soit prêter (les dépôts et les crédits) et d’un actif sans risque.

Quelques années plus tard, Hart en Jaffee (1974) adaptent le modèle à la problématique plus spécifique de l’activité bancaire. Pour ce faire, ils introduisent la possibilité d'emprunt d'un actif en proportions importantes (les dépôts) et prennent en compte un capital très faible, voire nul, par rapport aux montants investis. Ils suppriment l'actif sans risque et introduisent une concurrence imparfaite où le rendement d'un actif dépend des quantités prêtées ou empruntées.

Une deuxième série de contributions, utilisant toujours l’approche du choix de portefeuille, s’attache à l’évaluation des effets des réglementations prudentielles sur les crédits. Dans ce domaine, Kahane (1977) examine les effets de deux types de mesures prudentielles : les contraintes de levier financier (du type ratio Cooke) et les contraintes sur la composition du portefeuille. L’auteur montre que l'imposition d’un seul type de contraintes ne peut généralement pas être considérée en tant que tel comme un moyen efficace de limiter la probabilité de faillite d'une entreprise ; c’est uniquement la combinaison de ces deux moyens qui permet d'atteindre l'effet souhaité.

Koehn et Santemero (1980) étudient l’effet de la hausse d’un ratio imposé Capital/Actifs en distinguant les intermédiaires financiers selon leur niveau d’aversion au risque. Ils montrent que les banques conservatrices diminueront le niveau moyen de risque de leur portefeuille, tandis que celles moins averses au risque l'augmenteront encore davantage, augmentant par- là la variance et le risque total du secteur tout entier.

Kim et Santomero (1988) tentent ensuite d’estimer les effets des pondérations des crédits selon le type de débiteurs, suite aux décisions du Comité des Contrôleurs de Bâle quant au calcul du ratio Cooke. Ils arrivent essentiellement à la conclusion que l’existence de pondérations par type de crédits est une condition nécessaire pour limiter le risque d’insolvabilité des banques. Des pondérations optimales peuvent être définies théoriquement. Cependant, elles agissent comme des restrictions sur la composition des actifs, altérant par là le choix de portefeuille optimal des banques.

Enfin, clôturant ici la littérature sur les effets de la réglementation prudentielle, Hellwig (1994) critique l’absence de prise en compte du risque d’intérêt dans la réglementation bancaire propre au contrôle de l’octroi de crédits. Cette négligence des risques d'intérêts inclus dans les crédits peut devenir dangereuse du fait de la nature non diversifiable de ces risques : un portefeuille de crédits bien diversifié peut être relativement sûr, mais l'addition des risques d'intérêt de chacun d'entre eux peut représenter un péril qui échappe à la vigilance des contrôleurs, voire des gestionnaires de la banque.

Pour une allocation efficiente du risque, l’auteur prône une assurance adaptée des besoins en

liquidités des déposants, mais sans pour autant les immuniser contre le risque d’intérêt. Il

souligne à ce propos l'immunisation excessive des dépôts contre le risque inhérent à l'activité

(8)

bancaire. Cette protection excessive a provoqué des distorsions qui ont accru l'exposition au risque d'intérêt des intermédiaires financiers.

Enfin, hors des effets de la réglementation prudentielle mais toujours en utilisant une approche de portefeuille, Besanko et Thakor (1993) étudient notamment les conséquences de la concurrence bancaire sur le choix de portefeuille des banques et le bien-être des emprunteurs. L’originalité de cette contribution est la prise en compte du bien-être des emprunteurs et pas uniquement de celui de la banque. La conclusion principale des auteurs est qu’une concurrence trop grande dans le secteur bancaire peut diminuer le bien-être des emprunteurs et non l’augmenter. La raison essentielle tient au fait que si la concurrence s’accroît, le prix du crédit diminue, mais cet effet positif pour les entrepreneurs est plus que compensé par la perte de la valeur de la relation banque-emprunteur, par l’augmentation de la probabilité de faillite ou plus modérément par la probabilité de restriction des crédits dans le chef de la banque.

Au premier chapitre, nous menons une analyse qui tente de réunir quelques-unes des qualités contenues dans ces différents articles. Le modèle de choix de portefeuille reste simple, à la manière de Pyle (1971), mais plus adapté cependant au secteur bancaire, dans l’esprit de Hart et Jaffee (1974) puisque nous supprimons l’actif sans risque pour le remplacer par un actif risqué, représentatif des fonds d’Etat. Nous prenons également en compte l’existence d’un risque d’intérêt sur les actifs de la banque, y compris dans les crédits, comme le préconise Hellwig (1994). Enfin, une valeur importante du modèle réside dans une calibration sur base des données réelles du secteur bancaire belge et montre l’adéquation de ce modèle - même simple - à la réalité.

Cette calibration, pratiquée initialement avec des données de 1975, nous permet ensuite, en modifiant les paramètres, d ‘étudier en chiffres les trois grandes modifications de l’environnement des banques belges entre 1975 et 1992 : l’augmentation de la concurrence, la modification du risque d’intérêt et l’introduction du ratio Cooke. Les activités de hors-bilan sont exclues de l’analyse. Enfin, une dernière calibration sur des données actualisées en 1996 tend à confirmer la validité du modèle pour des périodes plus récentes.

L'étude de ces trois modifications de l’environnement bancaire, individuellement d'abord, simultanément ensuite, a mis en évidence les résultats suivants :

- L'apparente stationnarité de la structure de bilan des banques belges depuis 1975 masque la compensation mutuelle des impacts de l’augementation de la concurrence d’une part, et de la plus grande flexibilité des taux d’intérêt d’autre part.

- L'augmentation de la concurrence bancaire, entraînant la réduction des marges d'intermédiation, a eu pour effet d'entamer la rentabilité du secteur et, par-là, la fragilité financière des établissements de crédits.

- L’introduction du ratio Cooke il y a quelques années ne fut pas contraignant pour la moyenne du secteur, contrairement à ce que certains ont prétendu à l'époque. Suite aux évolutions de leur environnement économique, les banques qui n'auraient pas satisfait au ratio Cooke en 1975 ont réduit leur part de crédits par rapport au capital et satisfaisaient au ratio au moment de son introduction en 1992.

- Si en base 100, les bilans de 1975 et de 1992 se ressemblent, ils cachent pourtant deux différences fondamentales :

• la désintermédiation : prévue théoriquement par le modèle, elle s'élève environ à

22% en réalité entre 1979 et 1992,

(9)

• la diminution de l'aversion absolue pour le risque des banques.

Hormis les banques que nous venons d’évoquer et l’Etat qui ne joue ici qu’un rôle réglementaire, il reste deux types d’agents économiques : les entreprises industrielles et les ménages. Ceux-ci, très différents en temps normal, peuvent pourtant être soumis au même environnement, aux mêmes réglementations, et se trouver en concurrence lorsqu’ils occupent une même fonction : actionnaire de société. Leur identité, leur comportement, les rapports de force qui peuvent exister entre eux, surtout lorsqu’ils investissent dans des sociétés cotées, font l’objet des deuxième et troisième chapitres de la thèse.

L’environnement des actionnaires de société comprend deux composantes majeures : la réglementation et la concurrence. Bien que moins pesantes que la réglementation bancaire, les lois et recommandations qui régissent l’actionnariat des sociétés cotées sont nombreuses et en pleine évolution. La concurrence entre actionnaires d’une même firme vise surtout à la prise de contrôle d’une société et à l’octroi voire au partage des bénéfices privés du contrôle si on envisage la possibilité de collusion entre plusieurs actionnaires.

En termes de réglementations s’appliquant aux actionnaires de sociétés cotées, la plus importante est sans doute la loi sur la transparence des participations importantes. A l’instar de la Directive Européenne, celle-ci oblige l’actionnaire détenant directement ou indirectement 5% au moins des droits de vote d’une société cotée, à déclarer sa participation en s’identifiant auprès de la société en question et auprès des autorités de marché.

En Belgique en outre, le principe de l’égalité entre actionnaires implique que toutes les actions portent les mêmes droits. Il existe néanmoins des actions avec et sans droit de vote, ces dernières étant d’ailleurs peu répandues dans les entreprises cotées. La loi définit également, en Belgique comme partout ailleurs, les pouvoirs de l’actionnaire dans le fonctionnement de la société : réunion en Assemblée Générale, pouvoir de nommer, de révoquer, de décharger les administrateurs, d’approuver les comptes, de voter les décisions stratégiques importantes de l’entreprise, etc.

En dehors des législations contraignantes, apparaissent depuis quelques années aux Etats- Unis d’abord, en Europe ensuite, des recommandations sur les principes à adopter dans les mécanismes de contrôle de la gestion des entreprises. Ces règles, comme tous les sujets qui s’y rapportent de près ou de loin, sont réunis sous le vocable de Corporate Governance.

« Tout l’art du Corporate Governance consiste à confier le pouvoir de contrôle au sein des entreprises à des gens compétents qui ne peuvent en abuser.

1

» C’est ainsi que chez nous où les grandes entreprises cotées sont souvent dominées par un « actionnaire de référence » détenant à la fois la plus grande part des actions et soumettant le conseil d’administration à son influence, sont apparues entre autres les recommandations suivantes

2

:

- Majorité de non exécutifs au Conseil d’Administration - Collégialité et égalité entre les administrateurs

- Indépendance des intérêts de la société par rapport à ceux des actionnaires - Présence d’administrateurs indépendants

- Clarté dans la divulgation de l’information - Création d’un comité d’audit

1

Eric De Keuleneer, « L’Autonomie bien contrôlée », éd. La Médiane, 1997.

2

O. Lefebvre, « Structures de financement et de contrôle des entreprises belges : évolution et

perspectives », Société Royale d’Economie Politique, 1999.

(10)

Dans le domaine du Corporate Governance, la littérature existante est à la fois vaste et déséquilibrée : plus théorique qu’empirique, plus anglo-saxonne qu’européenne. Il existe en effet une littérature très vaste aux Etats-Unis traitant de tous les types de questions de Corporate Governance (problème d’agence, liberté du management, contrats d’incitations, protections légales, concentration de l’actionnariat, créanciers puissants, choix du type de financement) qui a d’ailleurs été récemment compilée dans une étude menée par Shleifer et Vishny (1996).

Pour ces auteurs, la difficulté essentielle à laquelle doit faire face le Corporate Governance consiste à trouver les moyens adéquats par lesquels les investisseurs peuvent percevoir, de la part des gestionnaires, les fruits de leurs investissements.

Ceci peut se résumer à un problème d’agence : l’actionnaire (le principal) et le gestionnaire (l’agent) signent un contrat par lequel le gestionnaire s’engage contre rémunération à agir au mieux des intérêts de la société et, partant, de l’actionnaire. Comme le contrat ne peut être complet, il reste un certain nombre d’inconnues, constituant un pouvoir potentiel dont l’allocation va significativement influencer le rapport de forces entre les deux parties.

Puisque les actionnaires apportent les fonds, ils pourraient exiger de détenir ce contrôle.

Cependant, deux facteurs les en empêchent : d’une part, le contrat signé, insuffisamment précis, est difficilement possible à dénoncer devant les Tribunaux ; d’autre part, les actionnaires sont souvent trop petits ou insuffisamment informés pour supporter seuls les coûts de monitoring du gestionnaire. Ainsi, en pratique, les gestionnaires de grandes entreprises disposent souvent de plus de pouvoir qu’ils ne devraient.

Ces pouvoirs étendus peuvent fournir au manager des bénéfices privés et les inciter à agir davantage en fonction de ses intérêts propres qu’en fonction de ceux de l’entreprise. C’est le cœur du problème d’agence. De nombreuses études empiriques ont confirmé l’existence des coûts d’agence (Shleifer and Vishny, 1995, Morck, Shleifer and Vishny, 1990, entre autres).

Il y a cependant deux moyens de pallier ce problème. Le premier est juridique : le législateur peut mettre en place des systèmes freinant l’abus de pouvoir des dirigeants, tels que salaires excessifs ou favoritisme envers des proches ou la famille. Le deuxième est la concentration de l’actionnariat. En effet, un actionnariat concentré diminue l’impact du problème d’agence dès le moment où l’actionnaire atteint une taille critique. A partir là, les coûts du contrôle sur la gestion de l’entreprise sont compensés par les bénéfices perçus via l’accroissement de la valeur de l’entreprise, gérée davantage en fonction des intérêts de l’actionnariat. Plusieurs articles ont présenté la concentration de l’actionnariat des sociétés comme réponse universelle au problème d’agence (Shleifer and Vishny, 1986, Franks and Mayer, 1994).

Récemment en outre, La Porta, Lopez-de-Silanez, Shleifer et Vishny (1996) ont mené une étude empirique dans 49 pays du monde qui tend à montrer que, plus les actionnaires minoritaires sont protégés, plus l’actionnariat des grandes entreprises est dispersé. Tout se passe donc comme si les actionnaires se regroupaient pour contrebalancer leur absence de protection.

Au niveau empirique, de nombreuses études ont également tenté d’identifier l’influence de

la structure de l’actionnariat sur la performance financière de la firme et sur sa structure de

financement. Cette littérature a récemment été rassemblée et critiquée par Helen Short

(1994). Peu de résultats spectaculaires en la matière ont été publiés. Il apparaît en outre que

les travaux empiriques ont, dans leur majorité, adopté une acception très restrictive de la

(11)

notion de contrôle, l’assimilant presque exclusivement à la détention d’actions, et ce pourrait être une des raisons de l’absence de résultats empiriques.

Pour des raisons sans doute ayant trait à la disponibilité des données, on trouve peu d’études qui décrivent et testent les données d’actionnariat d’entreprises européennes. Il existe cependant une exception, constituée par la série d’études initiées par Franks et Mayer pour l’Allemagne (1995), le Royaume-Uni (Franks, Mayer et Renneboog, 1996) et la Belgique (Renneboog, 1996) qui examinent la relation empirique entre la structure d’actionnariat et le turnover du management.

C’est pour pallier ces lacunes dans la disponibilité des données, freinant la recherche, que fut mis sur pied, en 1996, le European Corporate Govenance Network (ECGN). Il s’agit d’un réseau à l’initiative de la Commission Européenne, composé de neuf pays de l’Union comptant chacun un groupe de travail dirigé par un professeur renommé et assisté de plusieurs chercheurs. Le but de la première année de travail de l’ECGN a été d’établir une base de données standardisée et donc comparable pour tous les pays du réseau, couvrant à la fois les aspects juridiques et économiques du Corporate Governance en Europe. Le groupe de travail pour la Belgique, coordonné par M. Dewatripont, est composé de M. Becht, A. Chapelle et L.

Renneboog.

Dès lors, dans le cadre de l’ECGN, nous avons élaboré une base de données comprenant tous les liens de propriété relatifs aux sociétés belges cotées en décembre 1995 sur la Bourse de Bruxelles : actionnariat direct, sur trois niveaux, participations directes, sur trois niveaux.

Cette base de données se présente sous la forme d’une matrice 1125 x 1125 : elle comprend les 140 sociétés cotées et leurs 985 firmes ou individus, actionnaires ou participations.

Ensuite, l’inversion de la matrice selon une méthodologie développée par Brioschi et al.

(1989) permet l’obtention d’une base de données, non plus uniquement de liens directs, mais de toutes les participations, directes, indirectes, croisées et réflexives de toutes les firmes de cette base de données.

Les données collectées par les différents groupes de travail composant l’ECGN et rassemblées dans un livre à paraître

3

ont permis d’effectuer des comparaisons internationales présentées au deuxième chapitre et aboutissant aux observations suivantes : - Tous les pays d’Europe Continentale connaissent à peu près les mêmes niveaux de

concentration d’actionnariat : la plus grande coalition votante contrôle en moyenne entre 55% (en Belgique) et 43% des voix (aux Pays-Bas), les trois plus grandes coalitions contrôlent en moyenne entre 64% (en Autriche) et 58% des voix (aux Pays-Bas).

- En termes de types d’actionnaires, la situation varie davantage selon les pays : l’Etat joue un rôle important en Allemagne, en Autriche et en France. Les compagnies étrangères jouent proportionnellement un grand rôle sur la Bourse de Londres mais aussi en Belgique, en Autriche et en Allemagne. Les banques dominent en Allemagne. Les institutionnels et les fonds de pension se démarquent au Royaume-Uni, mais également en Allemagne avec des parts très importantes.

Le deuxième chapitre présente d’abord les statistiques descriptives relatives de l’actionnariat des sociétés belges cotées, reflet des activités de l’ECGN. On montre par exemple que :

3 European Corporate Governance Network (ECGN),(1999), « Ownership and Control : A European

Perspective », Oxford University Press (forthcoming).

(12)

- L’actionnariat est très concentré en moyenne, avec de grands écarts de taille entre le premier actionnaire et les suivants : 46%, 11%, 6% sont les tailles moyennes des actionnaires considérés individuellement.

- Si on considère les syndicats d’actionnaires, les concentrations s’accroissent, mais l’écart de taille reste de même type avec 56% pour la plus grande coalition et moins de 10% des votes pour la seconde coalition.

- Il y a en moyenne cinq actionnaires directs déclarés et deux coalitions de votes déclarées par société belge cotée.

- L’actionnariat ultime reste très concentré, surtout si on envisage la possibilité de pyramides de participations : le plus grand actionnaire ultime d’une société cotée en contrôle en moyenne 30%, tandis que le second n’en détient indirectement que 6%.

- Les mêmes sociétés se retrouvent de façon récurrente à différents niveaux des structures d’actionnariat et dans les portefeuilles de participations : la structure de propriété en Belgique ressemble bien davantage à une toile d’araignée qu’à un ensemble de pyramides indépendantes.

- Les actionnaires ultimes sont majoritairement des sociétés belges non cotées, mais les entreprises étrangères prennent une importance croissante. Les firmes françaises sont celles qui, de loin, se taillent la part du lion : en particulier le groupe Suez-Lyonnaise qui contrôle, via la Générale de Belgique, treize sociétés cotées. Les personnes physiques sont nombreuses mais détiennent de petites parts.

Le tableau descriptif ainsi dépeint, il reste à évaluer l’ampleur de la séparation entre propriété en contrôle dans le chef des actionnaires ultimes des sociétés cotées. Ceci a fait l’objet d’un travail personnel, en appliquant une règle simple à la matrice des données de départ : chaque fois qu’un actionnaire détient en direct plus de 50% des droits de vote dans une firme, on lui applique un « pourcentage de contrôle » de 100%. En contrepartie, on impose un niveau de contrôle nul aux autres actionnaires d’une firme dans laquelle il existe un actionnaire majoritaire détenant 100% du contrôle. En inversant cette nouvelle matrice, on obtient l’ensemble de parts contrôlées et non plus des parts détenues. La comparaison de ces deux grandeurs permet de définir un ratio de séparation entre propriété et contrôle, que l’on peut détailler pour chaque firme et pour chaque actionnaire.

La conclusion majeure du deuxième chapitre tient au fait que globalement, en Belgique, les actionnaires de sociétés se comportent de façon telle qu’il n’y a pas de séparation majeure entre les parts détenues et les parts contrôlées. En effet, le ratio de séparation dans le chef des actionnaires de contrôle s’élève en moyenne à 1.7 pour les parts détenues aussi bien dans les sociétés cotées que dans les sociétés non cotées.

Il y a cependant deux exceptions de taille à cet état de fait : le holding français Suez- Lyonnaise, et la société belge Frère-Bourgeois, détenue à 100% par le très médiatique homme d’affaires Albert Frère, d’ailleurs entré récemment dans le capital de Suez à hauteur de 11.5%. Dans ces deux cas, la structure pyramidale est impressionnante et joue un rôle prépondérant dans la séparation entre propriété et contrôle dont les ratios s’élèvent respectivement à 2.6 et 4.7 pour la moyenne du portefeuille de Suez d’une part, de Frère- Bourgeois d’autre part.

Si on applique la même analyse à d’autres pays, les résultats peuvent pratiquement être

groupés par type de système de Corporate Governance. Pour l’Italie en effet, pays proche de la

Belgique dans ce domaine, les résultats du groupe de travail italien de l’ECGN montrent

(13)

globalement une situation similaire à celle de la Belgique avec un ratio de séparation moyen de 1.7, mais qui comporte des cas extrêmes beaucoup plus marqués : les ratios de séparation entre propriété et contrôle dans les groupes privés peuvent atteindre 9 (Agnelli) ou 10 (De Benedetti).

La situation est par contre très différente pour des pays appartenant à d’autres types de gouvernance. Aux Pays-Bas, la présence des administratiekantoor, bureaux détenant les droits de votes de nombreuses sociétés cotées sans en détenir les actions, séparent parfaitement propriété et contrôle, tandis qu’aux Etats-Unis, la dispersion de l’actionnariat et l’absence de pyramides exclut de fait toute forme de séparation entre propriété et contrôle dans le chef des actionnaires. Ces résultats clôturent le deuxième chapitre.

Si on considère maintenant l’aspect de la concurrence entre actionnaires, on peut trouver une littérature théorique extrêmement abondante concernant les luttes de pouvoir entre actionnaires, en particulier dans le cadre des OPA inamicales qui ont secoué les Etats-Unis dans les années 80. Parmi les contributions les plus représentatives, il y a les travaux de Grossman et Hart (1980) qui furent les premiers à souligner le problème du free-riding des petits actionnaires. Il s’agit du cas où les petits porteurs refusent, en cas d’OPA, de vendre leurs actions à un prix inférieur à l’actualisation des profits espérés sous la nouvelle direction et détruisent par-là le profit espéré, et les incitations, de l’acheteur potentiel.

Grossman et Hart (1988), démontrent un peu plus tard la supériorité de la règle « une action, une voix » dans la maximisation des bénéfices du contrôle pour tous les détenteurs d’actions, par rapport à la partie contrôlante. Ceci explique d’ailleurs les déviations de cette règle, via notamment différentes classes d’actions, dans les sociétés où les bénéfices privés du contrôle sont élevés.

Plus proche de nous, Dewatripont (1993) a modélisé, sur base de l’OPA manquée de De Benedetti sur la Société Générale de Belgique, la stratégie d’actionnaire de référence (sans majorité absolue) pour un acheteur potentiel. L’acheteur fait face ici à un arbitrage entre coût et risque : il peut avoir le contrôle sous les 50% en cas d’actionnariat dispersé, mais il risque de se voir voler le contrôle par un intervenant plus grand, rachetant davantage d’actions.

L’auteur montre que plus le raider achète d’actions initialement, plus cela l’incite à se comporter de façon agressive dans la lutte pour le contrôle, tentant d’éloigner les rivaux potentiels. D’autre part, les petits actionnaires comparent, eux, les bénéfices à long terme qu’ils sont susceptibles d’engranger sous la nouvelle direction, avec le bénéfice immédiat qu’ils pourraient tirer de la vente de leurs actions.

En marge de la littérature théorique, il existe plusieurs articles visant à démontrer l’existence de bénéfices privés de contrôle (à savoir : accès à de l’information privée, collusion avec d’autres firmes du groupe, octroi de marchés, rémunérations excessives, utilité directe dérivée du pouvoir, etc.). Ainsi, Barclay et Holderness (1989) montrent qu’il existe en moyenne une prime de 20% payée lors de négociations privées de gros blocs d’actions pour les firmes cotées en bourse de New York. On observe en outre que ces primes augmentent avec la taille de l’entreprise, sa performance, et la fraction de l’actionnariat négocié.

Zingales (1994) évalue à hauteur de 60% au moins du prix de l’action la valeur des bénéfices

privés de contrôle pour les entreprises italiennes cotées à la bourse de Milan. L’auteur

interprète ce résultat par l’incapacité du système légal italien à prévenir l’exploitation d’une

position de contrôle.

(14)

Dans cette littérature, Zwiebel (1995) émet l’idée originale que les bénéfices de contrôle peuvent, non pas uniquement être détenus par un seul actionnaire à l’exclusion de tous les autres, mais bien être partagés entre différents actionnaires plus petits s’unissant pour acquérir le contrôle d’une entreprise. Pour développer son idée, l’auteur construit un modèle de jeu coopératif, où il existe deux types d’actionnaires : les grands, pouvant détenir seuls le contrôle, et les petits qui sont obligés de s’associer. Zwiebel recherche alors les différents équilibres du jeu afin d’identifier les différentes structures d’actionnariat. Il aboutit aux résultats suivants :

- Les grands actionnaires ont tendance à faire le vide autour d’eux : leur présence dissuade les autres grands actionnaires de venir investir dans la firme.

- Il existe un « effet de clientèle » entre les actionnaires d’une même firme: plus l’actionnaire dominant est grand, moins il y aura de petits actionnaires autour de lui.

Plus précisément, il y a, à l’équilibre, trois types de structures d’actionnariat : 1. les firmes comptant un actionnaire dominant et pas de petits actionnaires

2. les firmes comptant un grand actionnaire et de nombreux petits actionnaires lui contestant le contrôle

3. les firmes sans actionnaire dominant

- Il existe une taille limite au-delà de laquelle un grand actionnaire ne risque plus de perdre le contrôle au profit d’une coalition de plus petits.

Zwiebel confirme ensuite ses prédictions théoriques par de rapides tests économétriques sur les données d’actionnariat des 500 plus grandes sociétés américaines en 1981.

Il nous a paru intéressant de rechercher si un tel modèle de comportement pouvait également s’appliquer à un pays, tel que la Belgique, appartenant à un système de Corporate Governance très différent.

Pour ce faire, nous utilisons les données d’actionnariat direct, ultime et de contrôle présentées au chapitre précédent. Les firmes sont divisées en catégories selon la taille de leur actionnaire dominant. Trois autres variables décrivent l’actionnariat résiduel, excluant le plus grand actionnaire : la taille du second actionnaire, le nombre d’autres actionnaires et la taille moyenne des autres actionnaires. Le test non-paramétrique de Kruskal-Wallis a été utilisé pour tester l’existence de différences significatives entre les variables d’actionnariat appartenant à chaque catégorie.

Il apparaît que les prédictions du modèle de Zwiebel s’adaptent bien aux structures belges d’actionnariat :

- Pour l’actionnariat direct, on retrouve deux des trois types de structures prédites : 50% de l’échantillon environ appartiennent au type 2 : un grand actionnaire (détenant 30%) dont le contrôle est mis en péril en cas d’associations des plus petits (7% en moyenne), au nombre de 6. Le reste de l’échantillon est constitué de firmes dont la structure d’actionnariat est de type 1 : un actionnaire dominant (plus de 55%) dont le contrôle n’est pas contesté.

- Pour l’actionnariat ultime, on peut clairement identifier les trois types de structures

prédites par la théorie : 50% de l’échantillon appartiennent au type 3 : pas d’actionnaire

dominant et de nombreux petits (entre 15 et 24 selon les catégories), 15% de l’échantillon

environ appartiennent au type 2 : le grand actionnaire (28%) voit son contrôle menacé

par plusieurs petits actionnaires (5.2%) et le reste de l’échantillon est de type 1 :

l’actionnaire dominant (59%) règne sans partage.

(15)

- Pour les données d’actionnariat utilisant uniquement les pourcentages de contrôle, on retrouve nettement également les trois types de structures prévues mais les proportions dans la population des firmes sont inversées : 50% de l’échantillon compte un grand actionnaire dont le contrôle est contesté, tandis que 15% de l’échantillon ne connaît aucune domination. Il reste 35% des firmes avec un actionnaire de référence incontesté.

Ce troisième et dernier chapitre souligne ainsi le fait que les déterminants de la structure d’actionnariat d’une entreprise ayant trait aux rapports de forces entre investisseurs restent comparables malgré les différences marquées entre les systèmes légaux et les cultures en matière de gouvernance des entreprises. Précisons toutefois que si la tendance des résultats est la même, le niveau global de concentration de l’actionnariat demeure nettement supérieur en Belgique.

S’il fallait résumer en quelques mots l’apport de ce travail, il tiendrait en ceci : les

établissements de crédits ont su en Belgique s’adapter aux changements importants survenus

dans leur environnement concurrentiel et réglementaire pour garder une structure de bilan

proche de l’optimum, même si c’est au prix d’une désintermédiation partielle et d’une prise

de risque légèrement accrue. Les actionnaires de sociétés, soumis aussi à la réglementation et

à la concurrence, s’adaptent tout autant. Des comparaisons internationales montrent que

cette adaptation aboutit à des comportements différents lorsque l’environnement

réglementaire n’est pas le même entre les pays, comme l’indique les différents niveaux de

séparation entre propriété et contrôle. Par contre, lorsqu’il s’agit uniquement des acteurs

entre eux, les différences réglementaires perdent de leur influence et les comportements

redeviennent comparables, ainsi que le montre l’application à la Belgique du modèle de

Zwiebel.

(16)

Chapitre 1 :

Impacts des évolutions du secteur financier sur le choix de portefeuille d'une banque

1. Introduction

On observe depuis vingt ans une structure de bilan relativement constante pour les banques belges si on exclut toutefois les activités hors bilan qui ont, quant à elles, subi une évolution quasi exponentielle ces cinq dernières années. La structure des grands postes de bilan des banques belges a, en effet, nettement plus évolué entre 1950 et 1970 qu'entre 1970 et 1996.

Sur cette deuxième période, le secteur bancaire a pourtant connu trois modifications de taille.

Tout d'abord, l'augmentation de la concurrence bancaire sur le marché des crédits comme sur le marché des dépôts a entraîné un écrasement des marges bénéficiaires. Ensuite, il y eut une déréglementation progressive des taux pratiqués sur les dépôts bancaires, qui a toutefois quelque peu contrebalancé la pression de la concurrence en permettant aux banques d'adapter davantage la rémunération de leurs moyens d'actions en fonction des fluctuations de rendements de l'actif. Quant à ces derniers, le changement de la structure de la dette publique belge, davantage tournée vers le court terme, a affecté le risque d'intérêt sur les fonds d'Etat dans deux sens contradictoires (plus grande volatilité des taux courts, mais des échéances moins longues) qui ont fini par se compenser pour afficher une volatilité quasi identique des valeurs de l'actif. Enfin, la fin des années quatre-vingts fut marquée par la définition d'une législation prudentielle renforcée, harmonisée au niveau international.

En utilisant les théories de choix de portefeuille appliquées à l’activité bancaire, nous tenterons d’apporter des éléments d’explication à cet état de fait. L’objectif est d’abord ici de définir un modèle simple de choix de portefeuille pouvant représenter l’activité bancaire traditionnelle. Une calibration sur base des données du secteur bancaire belge permet ensuite d’évaluer la capacité du modèle à simuler la réalité économique.

Ensuite, la modélisation des principaux chocs exogènes subis par les institutions des crédits nous permettra d’apporter une explication à la stabilité apparente de l'activité bancaire traditionnelle au cours des vingt dernières années.

La section 2 de ce document présente une revue de la littérature consacrée aux modélisations

bancaires sous forme de choix de portefeuille et à l'étude des réactions d'une banque à

l'introduction ou à la modification de réglementations prudentielles. La section 3 présente et

calibre un des premiers modèles originaux d'intermédiation financière comme un choix de

portefeuille à deux actifs risqués (PYLE, 1971). La section 4 étend le modèle à trois actifs

risqués et supprime l'actif sans risque. Une calibration montre que le modèle étendu s'adapte

mieux à la réalité jouit, en outre, d'une plus grande flexibilité. La section 5 étudie,

séparément d'abord, simultanément ensuite, les effets des évolutions subies par le secteur

bancaire ces vingt dernières années : augmentation de la concurrence bancaire, modification

du risque d'intérêt et introduction du ratio Cooke. La section 6 adapte le modèle aux

observations réelles et permet d'évaluer la capacité du modèle à prévoir les grandes

(17)

évolutions du secteur bancaire telles que nous les connaissons actuellement. La section 7 compare les résultats obtenus avec ceux repris dans d’autres études. La section 8 résume les évolutions principales du secteur bancaire depuis 1992 et présente une calibration actualisée du modèle pour 1996. La section 9, enfin, reprend les conclusions et les enseignements de cette analyse.

2. Revue de la littérature

Depuis vingt-cinq ans, une vaste littérature s'attache à modéliser l'activité bancaire et, plus récemment, à définir les réactions des banques aux nouvelles réglementations, plus strictes, de leurs activités. Dans ce domaine, plusieurs chercheurs adoptent les théories de choix de portefeuille pour étudier l'intermédiation financière. Voici quelques articles faisant référence dans ce domaine.

Pyle (1971) est un des premiers à modéliser l'intermédiation financière sous forme d'un choix de portefeuille. Un intermédiaire, averse au risque et disposant d'un capital positif, a le choix entre deux actifs risqués qu'il peut soit emprunter, soit prêter (crédits et dépôts), et un actif sans risque (monnaie). Utilisant une approche moyenne-variance, l'auteur détermine la composition optimale du bilan de l'intermédiaire en dépôts, crédits et monnaie en fonction du risque et du rendement de chacun des actifs, et de son aversion au risque. De cet optimum, il peut également déduire les conditions nécessaires et suffisantes de l'intermédiation financière et les facteurs qui la favorise. Il s'agit là d'un modèle simple, présentant une banque sans contraintes réglementaires d'aucune sorte, mais dont l'originalité pour l'époque en a fait une base de réflexion pour la majorité des chercheurs après lui dans ce domaine.

Hart et Jaffee (1974) reprennent les théories de Markowitz (1952) et de Tobin (1958) - pionniers dans les théories de choix de portefeuille - pour les adapter aux problématiques spécifiques de l'activité bancaire. Pour cela, les auteurs modifient plusieurs hypothèses de base du modèle de théorie de portefeuille au sens de Markowitz et Tobin, telles que l'existence d'un actif sans risque dans le portefeuille d'investissement, un capital de départ important par rapport au portefeuille composé, et un marché des capitaux parfait. Ils introduisent la possibilité d'emprunt d'un actif en proportions importantes (les dépôts) et prennent en compte un capital très faible, voire nul, par rapport aux montants investis. Ils suppriment l'actif sans risque et introduisent une concurrence imparfaite où le rendement d'un actif dépend des quantités prêtées ou empruntées.

Le théorème de séparation de Tobin (1958) précise que la répartition optimale des proportions entre actifs risqués dans un portefeuille ne dépend pas de l'aversion au risque de l'investisseur. C'est uniquement la répartition de la richesse de l'investisseur entre le portefeuille d'actifs risqués et l'actif non risqué qui dépendra de son aversion au risque. Cette propriété a l'avantage de rendre la composition du portefeuille indépendante de la taille de l'investissement. Par le réexamen des conditions d'applicabilité de ce théorème dans le cadre de l'activité bancaire, Hart et Jaffee (1974) démontrent les propositions suivantes:

• pour que le théorème de séparation s'applique, le capital doit être nul ou bien il doit pouvoir varier librement, auquel cas il est considéré comme un des actifs du portefeuille et soumis aux mêmes règles d'optimisation. Dans ces conditions, le théorème s'applique même en l'absence d'actif sans risque;

• a contrario, si le capital est fixé à court ou à long terme, le théorème de séparation ne

s'applique pas, sauf si le portefeuille contient un actif non risqué;

(18)

• si les marchés sont imparfaits, alors le théorème de séparation ne s'applique pas. Cette hypothèse modifie les résultats statiques de la composition du portefeuille, mais n'introduit pas de différence essentielle dans le cadre conceptuel du modèle.

Ainsi, les auteurs définissent les conditions dans lesquelles il est possible d'appliquer les théories de portefeuilles aux activités d'intermédiation financière et, en particulier, les conditions d'application de cette propriété importante qu'est le théorème de séparation.

Kahane (1977) se base sur l'article de Pyle (1971) dans le but d'examiner l'efficacité des réglementations bancaires en vigueur à l'époque dans de nombreux pays occidentaux. Elles peuvent être classées en deux types :

• les contraintes de levier financier, qui peuvent s'exprimer, soit sous forme d'une exigence minimum en capital, soit sous forme d'un ratio minimum entre deux types de ressources (Créances/Capital p.ex.).

• les contraintes sur la composition du portefeuille, en particulier sur les types et les montants d'actifs détenus.

Kahane (1977) adopte un modèle de choix de portefeuille à trois actifs risqués : crédits - dépôts - fonds d'Etat et un capital positif, fixé. On sait depuis Hart et Jaffee (1974) qu'il s'agit d'hypothèses plus adaptées au secteur bancaire, mais le capital fixé empêche l'application du théorème de séparation. Dans le modèle, une réglementation prudentielle est jugée efficace si elle limite la probabilité que les revenus des intermédiaires financiers ne tombent sous un niveau donné (faillite). Notons qu'il ne s'agit pas là du seul objectif de la réglementation, mais d'une optique théorique raisonnable. L'auteur montre que l'imposition seule de contraintes sur la composition du portefeuille ne peut généralement pas être considérée en tant que tel comme un moyen efficace de limiter la probabilité de faillite d'une entreprise, comme ne le peut d'ailleurs, seule, l'exigence d'un ratio minimum de capital. C'est uniquement la combinaison de ces deux moyens qui permet d'atteindre l'effet souhaité.

Koehn et Santomero (1980) apportent leur pierre à l'édifice en distinguant les intermédiaires financiers entre eux selon leur aversion au risque. La réglementation est modélisée ici par la présence d'un ratio minimum Capital/Actifs imposé de manière exogène. Les auteurs étudient ensuite les effets de la hausse de ce ratio imposé. Le problème d'optimisation auquel la banque fait face est de déterminer :

• la taille optimale de son bilan,

• l'allocation optimale de son portefeuille entre les n actifs risqués.

Les auteurs montrent que la réaction de la banque va dépendre de son degré d'aversion au risque. Les banques conservatrices diminueront le niveau moyen de risque de leur portefeuille, tandis que celles moins averses au risque l'augmenteront encore davantage, augmentant par là la variance et le risque total du secteur tout entier.

Au début des années 80, face à l'augmentation des volumes échangés, face aussi à la volatilité sur les marchés en devises et vu le risque croissant de contagion en cas défaillance d'une banque, un comité international de contrôleurs se réunit à Bâle. L'objectif est d'harmoniser et de renforcer la surveillance des banques des pays industrialisés pour toutes les branches de leurs activités.

Entre 1984 et 1988, le Comité de Bâle met en place la mesure la plus célèbre de la nouvelle

législation : le ratio "Cooke" ou risk asset ratio, rapidement intégré dans la législation

européenne puis nationale. Celui-ci impose aux banques de détenir des fonds propres à

hauteur de minimum 8% du montant total des crédits accordés. Le montant total est calculé

(19)

en appliquant aux crédits une pondération dépendant de l'ampleur de leur risque de crédit.

Cette pondération est de 0% (de 8%) pour les débiteurs publics - les crédits à l'Etat ne sont donc pas touchés par cette mesure - de 20% (de 8%, soit 1.6% financé par du capital) pour les crédits sur le marché interbancaire, de 50% (de 8%, soit 4%) pour les crédits assortis d'une garantie réelle, et enfin de 100% (de 8%) pour l'ensemble des crédits accordés au secteur privé. Ce ratio est obligatoire depuis 1993 mais un calendrier progressif exigeant un ratio de 7.25% puis 7.50% fut mis en place les années précédant l'entrée en vigueur du ratio Cooke.

Kim et Santomero (1988) s'inscrivent dans la lignée des auteurs qui se sont attachés à détailler les effets de ces nouvelles pondérations dans les calculs de ratios de capital. Leur analyse est un bon exemple de ce que permet, dans ce domaine, un modèle moyenne- variance. Ils aboutissent aux résultats suivants :

• l'utilisation de simples ratios de capital sans pondération n'est pas un moyen efficace de limiter le risque d'insolvabilité des banques;

• pour remédier à ce problème, il est possible de définir théoriquement, de manière explicite, des pondérations propres à différentes catégories de risques et de déterminer ainsi le capital minimum à détenir pour les couvrir;

• les pondérations appliquées à ces risques agissent comme des restrictions sur la composition des actifs, ce qui altère le choix de portefeuille optimal des banques.

Par rapport à l'analyse de Kim et Santomero (1988), on voit que le ratio Cooke est une version simplifiée des pondérations "théoriquement correctes" préconisées par les auteurs pour différents niveaux de risque. De plus, comme le ratio Cooke est aussi une contrainte imposant un niveau minimum de capital, on voit que la réglementation mise en place est proche de la situation souhaitée par Kahane (1977) dix ans plus tôt, à savoir une combinaison entre un ratio de bilan imposé et une restriction sur la composition du portefeuille.

Plus récemment, l'article de Rochet (1992) reprend les conclusions des travaux de Koehn et Santomero (1980) et de Kim et Santomero (1988) et les enrichit de la prise en compte d'hypothèses alternatives quant à la fonction d'objectif de la banque. Il obtient les résultats suivants :

• si l’objectif de la banque est de maximiser la valeur de marché de ses profits futurs, les exigences en capital ne peuvent pas l’empêcher de choisir un portefeuille très spécialisé et très risqué, le cas extrême étant un portefeuille d'un seul actif;

• si la banque se comporte comme un gestionnaire de portefeuille (maximisation de l’utilité), dans le cadre de marchés financiers incomplets, les réglementations de capital peuvent être efficaces, à condition toutefois d’appliquer des pondérations de risque proportionnelles au risque systémique des avoirs (leur β ), de sorte que la banque peut alors continuer à choisir un portefeuille optimal du point de vue du marché.

• De plus, si on prend en compte le risque de faillite des banques commerciales, on peut montrer que cela modifie significativement l'attitude de celles-ci envers le risque. Aussi, un ratio minimum de capital ou une règle de fermeture peuvent devenir nécessaires pour éviter aux banques faillies le « gambling for resurrection ».

Hellwig (1994) tout en utilisant une version étendue du modèle de Diamong - Dybvig (1983),

se base notamment sur l'article de Rochet (1992) et apporte un élément nouveau à la critique

de la réglementation bancaire : la prise en compte du risque d'intérêt. En effet, il y a risque

d'intérêt dès qu'il y a inadéquation entre les maturités des actifs et des passifs (mismatch). Les

crédits recèlent donc, outre le risque de défaillance du débiteur ("risque de crédit"), un risque

d'intérêt car le prix de financement d'un crédit par des dépôts (de termes généralement plus

courts) peut avoir changé avant que le crédit ne soit arrivé à maturité.

(20)

Or, le ratio Cooke ne tient pas compte du risque d'intérêt contenu dans les crédits : le capital minimum est fixé uniquement en fonction de la qualité de la contrepartie. Les pondérations ainsi calculées conduisent à de mauvaises incitations pour certaines banques en manque de capital qui se sont réfugiées dans des crédits « sûrs », tels que les prêts hypothécaires, pondérés à 50% seulement, mais où les risques d’intérêt sont particulièrement élevés. C'est ce qui explique probablement, d'après l'auteur, les difficultés récentes subies par certaines institutions.

La négligence de la réglementation pour les risques d'intérêts inclus dans les crédits peut devenir dangereuse du fait de la nature non diversifiable de ces risques : un portefeuille de crédits bien diversifié peut être relativement sûr, mais l'addition des risques d'intérêt de chacun d'entre eux peut représenter un péril qui échappe à la vigilance des contrôleurs, voire des gestionnaires de la banque. En outre, la séparation du contrôle des risques d'intérêt et de crédit devient particulièrement gênante dans les cas où ceux-ci sont des substituts directs, comme par exemple dans le cas des crédits hypothécaires, ou tout autre crédit pouvant être titrisé. La titrisation est une opération permettant d'assembler des crédits de même nature en un fonds de créances qui est ensuite découpé en titres vendus sur le marché. Le risque de contrepartie est ainsi transformé en risque d'intérêt sur ces titres, dès que la banque rachète les actifs titrisés. Le fonds de créances sort donc du bilan de la banque et provoque un déplacement du risque d’intérêt vers le marché, sans qu'il y ait vraiment de contrôle sur ces risques induits.

Pour une allocation efficiente du risque, Hellwig (1994) prône une assurance adaptée des besoins en liquidités des déposants, mais sans pour autant les immuniser contre le risque d’intérêt. L'auteur souligne à ce propos l'immunisation excessive des dépôts contre le risque inhérent à l'activité bancaire. En effet, les dépôts exigent une rémunération mais ne doivent bien souvent n'être assortis d'aucun risque pour les déposants, si bien que la banque supporte tout entier le risque d'intérêt né de la transformation d'échéances. Cette protection excessive des déposants a provoqué des distorsions qui ont accru l'exposition au risque d'intérêt des intermédiaires financiers.

Quelle est la place de l'analyse menée dans ce travail par rapport à cette littérature? Au départ des premières publications dans ce domaine, nous avons tenté d'assembler quelques- uns des apports originaux de chaque article de façon à synthétiser, en une seule analyse, les différentes facettes d'une même recherche sur les vingt-cinq dernières années. D'autre part, nous avons voulu étendre la problématique au-delà des questions purement prudentielles en abordant d'autres contraintes pesant sur une banque, telles que la concurrence bancaire et la modification des risques. La méthode de calibration utilisée tout au long de cette étude va nous permettre de prendre en compte l'influence des chocs de l'environnement bancaire, liant ainsi la théorie et la réalité.

Le modèle que nous vous présentons tente d'intégrer la simplicité du modèle de Pyle (1971) et le réalisme d'une hypothèse de Hart et Jaffee (1974) : l'absence d'actif sans risque. Le modèle comporte trois actifs risqués comme celui de Kahane (1977), permettant une plus grande flexibilité que seulement des dépôts et des crédits. A l'exemple du même auteur - qui est le seul à étayer ces théories d'exemples chiffrés - l'étude présentée ici accompagne chaque analyse théorique d'une calibration basée, non par sur de simples exemples numériques, mais sur les données réelles, quoique fortement agrégées du secteur.

En outre, le modèle tient compte de l'aversion au risque de l'intermédiaire financier étudié,

comme l'ont fait pour la première fois dans ce domaine Koehn et Santomero (1980). Moins

(21)

détaillé que l'analyse de Kim et Santomero (1988), le modèle ne s'attache pas aux pondérations du ratio mais étudie son impact global ainsi que celui d'autres modifications du secteur bancaire. Plus simple que le modèle de Rochet (1992), cette approche aboutit cependant à une conclusion similaire, à savoir la possibilité de modification de l'attitude des banques envers le risque. Enfin, la prise en compte du risque d'intérêt induit dans les crédits et présent également dans les dépôts nous rapproche de l'analyse originale menée par Hellwig (1994).

3. Modèle de base : Pyle, 1971 3.1. Théorie

3.1.1. Introduction

L'article analyse les circonstances dans lesquelles une firme se posera comme intermédiaire financier, c'est-à-dire acceptera de vendre des titres de dépôts et d'utiliser les ressources ainsi réunies pour acheter un type donné d'actif financier.

On verra qu'une condition nécessaire et suffisante d’intermédiation financière est un taux d'intérêt sur les crédits supérieur au taux sans risque et un taux sur les dépôts inférieur à ce taux, s'il n'y a pas de corrélation entre les distributions de rendement entre l'actif et le passif.

S’il existe une corrélation positive entre les rendements de l'actif et du passif, celle-ci est favorable à l’intermédiation et peut compenser l’existence d’une prime de risque positive sur les dépôts tout en maintenant l’intermédiation financière possible.

Deux types d'approches mènent à ces résultats. La première considère une fonction d'utilité croissante et concave d'un intermédiaire financier et formule les résultats en termes de propriétés de la distribution jointe des rendements des crédits et des dépôts. Celle-ci insiste surtout sur les conditions d'intermédiation, sans préciser de structure optimale de bilan, nous ne la présenterons donc pas ici. La deuxième approche, par contre, présente un modèle basé sur une approche moyenne-variance de choix de portefeuille permettant de dériver les expressions d'une structure optimale de bilan.

3.1.2. Modèle moyenne - variance

Un intermédiaire financier a le choix entre trois actifs, dont deux ont un rendement incertain.

Ces actifs risqués sont considérés comme des crédits et des dépôts. Soit x

j

, le nombre de dollars du titre j acheté ou vendu par la firme à la fin de la période et i

j

, le rendement du titre j, admettant par hypothèse une distribution Normale (m

j

, σ

j2

), sauf l'actif sans risque qui a un rendement fixe m

0

. Soit x

0

la position de l'intermédiaire en actif sans risque, x

1

sa position en crédits et x

2

sa position en dépôts. On cherche à connaître les conditions qui satisfont x

1

>0 (l'octroi de crédits) et x

2

<0 (la collecte de dépôts) simultanément, sous la contrainte de bilan :

K = x

0

+ + x

1

x

2

(1)

où K, positif et constant, représente les fonds propres de l'intermédiaire.

L'expression du revenu de l'intermédiaire s'écrit :

(22)

Y = m x

0 0

+ i x

1 1

+ i x

2 2

En substituant (1) dans l'équation on obtient :

Y = ( i

1

m x

0

)

1

+ ( i

2

m x

0

)

2

+ m K

0

Les éléments de la fonction de préférence F(µ,σ

2

) de type moyenne-variance sont le rendement moyen du portefeuille et le risque de celui-ci :

[ ]

E Y = = µ ( m

1

m x

0

)

1

+ ( m

2

m x

0

)

2

+ m K

0

σ

2

= x

12

σ

11

+ x

22

σ

22

+ 2 x x

1 2 12

σ

Le portefeuille sélectionné maximise la fonction de préférence : F(µ, σ

2

) avec δ F/ δµ >0 et δ F/ δσ

2

<0. Après optimisation de F en fonction de ses deux arguments (max µ, min σ

2

) , les conditions de premier ordre donnent les x*

1

et x*

2

optimaux d'expressions :

[ ]

( )

x m m m m

1

1 0 22 2 0 12

11 22 122

*

( ) ( )

= − − −

σ σ

σ σ σ θ (2)

[ ]

( )

x m m m m

2

2 0 11 1 0 12

11 22 122

*

( ) ( )

= − − −

σ σ

σ σ σ θ (3)

où θ = - ½ [δF/δµ / δF/δσ

2

] = l'inverse de l'aversion absolue pour le risque.

En revenant aux équations (2) et (3), puisque θ est positif car δ F/ δµ > 0 et δ F/ δσ

2

< 0 par hypothèse, les signes de x*

1

et x*

2

sont déterminés par les termes entre crochets. De plus, le dénominateur est toujours positif à moins d'une corrélation parfaite entre les crédits et les dépôts. Aussi, la firme s'engagera dans l'intermédiation uniquement si :

[ ( m

1

m

0

) σ

22

( m

2

m

0

) σ

12

] > 0 (4) et [ ( m

2

m

0

) σ

11

( m

1

m

0

) σ

12

] < 0 (5)

On voit qu'en cas d'indépendance entre les rendements des crédits et des dépôts ( σ

12

= 0), une prime de risque positive sur les crédits (m

1

- m

0

> 0) et une prime de risque négative sur les dépôts (m

2

- m

0

< 0) sont une condition nécessaire et suffisante d'intermédiation

4

.

Cependant, pour la plupart des intermédiaires, il est raisonnable de supposer une dépendance positive ( σ

12

> 0) plutôt qu'une indépendance entre les crédits et les dépôts.

Ainsi, il est possible que cette corrélation positive - élément favorable à l’intermédiation -

4

En effet, si la prime de risque était positive sur les dépôts, l'intermédiaire aurait avantage à financer

l'octroi de crédits par un actif sans risque tel que de la monnaie, qui lui coûterait m

0

plutôt que

m

2

>m

0

. La situation s'inverse quand m

2

<m

0

ce qui donne une des conditions de l'intermédiation

financière.

(23)

puisse compenser l’existence d’une prime de risque positive sur les dépôts (m

2

- m

0

> 0) tout en maintenant l’intermédiation financière rentable.

En effet, une corrélation positive entre les crédits et les dépôts vient, par exemple, de la possibilité pour la banque de répercuter sur le taux des crédits octroyés une hausse des taux des dépôts. Cette flexibilité dans l'ajustement des rendements de l'actif et des coûts du passif est donc clairement un avantage pour l'intermédiaire financier et, de ce fait, facilite les conditions d'intermédiation. Il apparaît donc que, dans ce cas, une prime de risque positive sur les crédits et une prime de risque négative sur les dépôts sont une condition suffisante mais non nécessaire d'intermédiation.

On peut ainsi mettre en évidence les trois conditions facilitant l'intermédiation :

1. Une faible prime de risque sur les dépôts (m

2

- m

0

) et une prime de risque élevée sur les crédits (m

1

- m

0

).

2. Une forte corrélation positive (ρ

12

>0) entre les crédits et les dépôts.

3. Une grande variance pour la distribution du rendement des dépôts (σ

22

) et une variance faible pour la distribution du rendement des crédits (σ

11

).

3.1.3. Commentaires du modèle

Fonction d'utilité F (µ, σ

2

) = E[U(Y)] de type moyenne-variance

La deuxième approche présentée dans l'article calcule l'optimum sous l'hypothèse d'une fonction d'utilité de type moyenne-variance ou "espérance d'utilité - variance". En effet, sous certaines conditions précisées ci-dessous, l'espérance de l'utilité du revenu E[U(Y)] s'exprime comme une fonction croissante de l'espérance et décroissante de la variance du revenu, sans qu'aucun autre moment de la distribution de probabilité n'intervienne.

Les conditions d'admissibilité de ce type de fonction d'utilité portent soit sur la fonction d'utilité elle-même (cette propriété est satisfaite dans le cas d'une fonction quadratique, à condition de placer une borne supérieure à Y de façon à ce que la saturation des besoins ne se produise pas

5

), soit sur la distribution de probabilité de Y : E[U(Y)] doit être fonction uniquement des paramètres de la distribution de Y, soit ici la moyenne et la variance des rendements i. Les distributions de rendements admises pour l'hypothèse d'une fonction d'utilité de type moyenne-variance sont donc les suivantes : la loi normale, la loi lognormale, la loi binaire et la loi binomiale.

6

Ce type de fonction d'utilité est couramment utilisé dans les optimisations de portefeuilles de titres financiers. C'est donc cette même approche que nous utiliserons pour l'extension du modèle de Pyle à trois actifs risqués.

Thêta

De par sa définition, thêta vaut - ½ fois le rapport entre la variation d'utilité totale de l'investisseur causée par l'accroissement de rendement (dF/dµ) et la variation d'utilité causée par l'accroissement de risque (dF/dσ

2

). Le signe moins traduit le fait que l'investisseur

5

Ainsi, une fonction d'utilité quadratique où la consommation est bornée supérieurement est aussi une fonction d'utilité moyenne-variance.

6

Voir à ce propos "Les titres financiers", B. Dumas et B. Allaz, Puf, 1995, pp48 et suivantes.

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