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Dans le contexte national, mais aussi mondial, doit-on augmenter la productivité forestière ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01268898

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Submitted on 27 May 2020

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augmenter la productivité forestière ?

Jean-Marc Guehl

To cite this version:

Jean-Marc Guehl. Dans le contexte national, mais aussi mondial, doit-on augmenter la productivité forestière ?. Innovations Agronomiques, INRAE, 2014, 41, pp.1-11. �hal-01268898�

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Dans le contexte national, mais aussi mondial, doit-on augmenter la productivité forestière ?

Guehl J.-M.

UMR Ecologie et Ecophysiologie Forestière INRA, Université de Lorraine, F-54280 Champenoux Correspondance : guehl@nancy.inra.fr

Résumé

Les forêts françaises et européennes sont en expansion depuis près d’un siècle. Leur productivité s’est accrue et leur stock de biomasse ligneuse est en constante augmentation. Les prélèvements de bois restent nettement inférieurs à l’accroissement biologique. Ce constat global reflète certes une réalité caractérisée par une grande hétérogénéité des forêts, de leurs modes de gestion et de valorisation de la ressource. Il n’en demeure pas moins que cette évolution se traduit par un accroissement sensible de la biomasse ligneuse exploitable.

Les défis planétaires climatique, énergétique et environnementaux auxquels la société est confrontée amènent à considérer de façon prioritaire la mise en en œuvre de la transition énergétique et de l’économie verte. Le développement de la bioéconomie, basée sur l’utilisation de ressources renouvelables issues du vivant, notamment la biomasse ligneuse, constitue une perspective majeure dans cette direction. Des innovations technologiques importantes sont attendues pour ce secteur.

Les objectifs d’intensification des systèmes de production forestiers sont à la convergence des deux dynamiques décrites ci-dessus. Ils ne pourront être réalisés qu’à condition de concevoir et développer des modes de gestion respectant les critères de gestion durable et multifonctionnelle des systèmes, dans leur diversité.

Mots-clés : économie verte, bioéconomie, biomasse ligneuse, gestion forestière durable, multifonctionnalité.

Abstract: In the national context, but also worldwide, should we increase forest productivity?

French and European forests have been in expansion for nearly a century. Their productivity has increased and their woody biomass stock is steadily increasing. Wood harvests remain significantly below biological growth. This general statement certainly reflects a reality characterized by a great diversity of forests, their methods of management and use of the resource. The fact remains that this change is reflected in a significant increase in exploitable woody biomass.

The climate, energy and environmental global challenges society faces lead to consider as a priority the setting out of the energy transition and the green economy. The development of the bio-economy, based on the use of renewable resources from living organisms, namely woody biomass is a major perspective in this direction. Significant technological innovations are expected for this sector.

The objectives of intensification of forest production systems are at the convergence of the two dynamics described above. They can be achieved only if we succeed in designing and developing management methods that meet the criteria of sustainable and multifunctional management of systems, taking into account their diversity.

Keywords: green economy, bioeconomy, woody biomass, sustainable forest management, multifunctional management.

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Introduction

L’accroissement des prélèvements forestiers est d’actualité, mais sa mise en œuvre fait l’objet de débats importants concernant autant les acteurs de la gestion forestière que des acteurs majeurs du domaine économique et la société dans son entier. De fait, cette problématique se situe à l’interface entre une demande économique et sociétale en émergence (bioéconomie, économie verte) et une offre en ressource ligneuse de disponibilité accrue mais confrontée aux exigences d’une gestion durable et multifonctionnelle (Figure 1).

Figure 1 : L’augmentation de la demande économique et sociétale à l’interface entre demande économique et offre en ressource ligneuse.

1. Des demandes économiques et sociétales croissantes

Notre planète est confrontée à de multiples défis liés à sa démographie en expansion et une croissance économique largement fondée sur l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables (en premier lieu desquelles les carburants d’origine fossile) et présentes en quantité limitée. Ces développements sont générateurs d’impacts concernant le climat et la biosphère elle-même. Peut-on en limiter les effets en réformant nos stratégies énergétiques et en ayant recours à une économie moins dépendante du carbone fossile tout en étant source de croissance économique ? Trois défis planétaires, liés entre eux, concernent cette problématique :

- Le défi climatique, avec le réchauffement qui, selon le Groupement International des Experts sur le Climat (GIEC), pourrait progresser de + 3,5°C à + 8°C d’ici 2100, à cause de l’accumulation dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (GES) liés à l’activité humaine.

- Un défi énergétique, car ces émissions sont pour plus de 75% liées à la combustion d’énergies fossiles.

- Un défi environnemental, avec l’artificialisation des terres, le recul des forêts tropicales, la perte d’habitats et de biodiversité, les pressions multipliées sur les ressources telles que l’eau, les sols, la biomasse aquatique, agricole et forestière, les ressources minérales et métalliques.

Pour espérer maintenir à +2°C le réchauffement moyen de la terre d’ici un siècle, le GIEC préconise, d’ici 2050, de diviser par 2 les émissions anthropiques mondiales de GES, soit par 4 dans les pays développés, compte tenu de leur responsabilité historique. L’Agence Internationale de l’Energie estime qu’il faudra pour cela laisser dans le sous-sol plus de 80% des ressources fossiles connues et

Augmentation de la productivité forestière et des prélèvements

Demande économique et sociétale

Développement de la bio-économie ; cadre de l’économie verte ; déficit commercial

chronique du secteur forêt-bois

Transition énergétique, bioénergie, facture énergétique

Atténuation du changement climatique (séquestration, stockage, substitution)

Offre en ressource ligneuse

Stocks croissants de biomasse ligneuse en zone tempérée

Disponibilité réelle et exploitabilité de la

ressource ; ressources forestières, plantations et systèmes dédiés

Durabilité (écologique, économique et sociétale) et gestion multifonctionnelle

Risques forestiers et impact du changement climatique

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répertoriées à ce jour et adopter une nouvelle stratégie : réduire les consommations d’énergie, améliorer l’efficacité énergétique, et passer aux énergies renouvelables: géothermie, hydraulique, solaire, éolien, biomasse. C’est ce qu’on appelle la transition énergétique. Le cadre du développement de cette stratégie est souvent désigné par le terme économie verte.

Le concept d'économie verte considère le rôle de la biomasse dans la transition vers une société à faible carbone, mais aussi d'autres formes d'énergie renouvelable (cf. ci-dessus), ainsi que la contribution de ces ressources au bien-être environnemental et social. Selon l'Agence Européenne pour l'Environnement, «L’économie verte peut être considérée comme celle dans laquelle les politiques et les innovations environnementales, économiques et sociales permettent à la société d'utiliser les ressources de manière efficace - améliorer le bien-être d'une manière inclusive, tout en maintenant les systèmes naturels sur lesquels nous nous basons ». Autrement dit, il ne met pas l'accent seulement sur les possibilités que les nouveaux « bio-produits » peuvent fournir, mais il considère aussi la nécessité d'une utilisation efficace des ressources et les caractéristiques de nécessaire résilience des écosystèmes. Le concept d'économie verte est plus large que celui de bioéconomie, qui peut être considérée comme une composante de l'économie verte.

1.1 Développer la bioéconomie et la bioénergie

1.1.1 Considérations générales (Alexandre, 2014a et b; Birot et al., 2013)

La bioéconomie désigne l’ensemble des activités liées au développement économique des produits et des services obtenus à partir de matières premières d’origine biologique ou au moyen de bio-procédés.

Ce sont en premier lieu, et très majoritairement aujourd’hui, les filières économiques existantes issues de l’agriculture, de la pêche et de la forêt : produits alimentaires et non alimentaires (alcools, amidon, et leurs dérivés chimiques), produits du bois (bois d’œuvre, sciages et produits de construction), panneaux de particules et meubles, papier et cellulose, produits chimiques dérivés du bois. Ce secteur se caractérise par une très nette globalisation au cours de la dernière décennie (Figure 2). On assiste au développement d’activités nouvelles, issues de la préoccupation de remplacer progressivement les matières premières fossiles par des ressources carbonées renouvelables. Le monde vivant est le seul à fournir des chaînes carbonées complexes assimilables aux molécules fossiles : la photosynthèse des végétaux chlorophylliens capte l’énergie solaire et produit la matière végétale, bases des chaînes trophiques vers le règne animal.

Figure 2 : Parts de

marché des

productions sciages bois rond et des panneaux de bois, 1990-2013. (D’après Hetemäki, 2014).

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Ces filières s’appuient sur des technologies matures, comme la combustion du bois, ou nouvelles, issues de la recherche :

- Energies renouvelables à base de biomasse : bois énergie, biocarburants, biogaz de méthanisation, et demain de méthanisation ;

- Production de matériaux bio-sourcés pour la construction (bois, paille, chanvre etc...) ;

- Chimie du végétal pour produire des molécules et des polymères alternatifs aux grands intermédiaires pétrochimiques (éthylène, propylène, benzène, butanol, isobutène) et tous leurs produits dérivés issus de polymères (polyesters, polyuréthanes, PVC, polystyrène), pour une très large gamme d’utilisations (engrais, solvants, colles, matériaux plastiques, textiles).

Afin d’améliorer les rendements énergétiques et les bilans environnementaux des procédés, ces différentes productions (énergie et molécules ou matériaux) sont couplées dans des usines spécifiques appelées «bio-raffineries». Dans le monde, de très nombreux projets, et des moyens de recherche considérables, concernent l’amélioration des modèles économiques des «bio-raffineries», encore immatures dans la plupart des cas, et fortement dépendants des modalités et des coûts d’approvisionnement et de pré-traitement de la biomasse. Il est généralement tenté de combiner des technologies de masse produisant des quantités importantes de produits de basse valeur ajoutée (énergies) avec des technologies de pointe produisant de petites quantités de molécules à forte valeur ajoutée (médecine, chimie, cosmétique, hygiène-santé). Deux grands types de technologies sont utilisées : (1) la «voie sèche» qui utilise des matières solides dites ligno-cellulosiques (bois, pailles), qui sont d’abord gazéifiées, puis transformées dans diverses étapes physico-chimiques, et (2) la «voie humide», qui utilise des effluents liquides des élevages, ou des boues de stations d’épuration, ou des plantes entières, traitées par fermentation biochimique dans des réacteurs. Le bois ne sera donc concerné que par les technologies dites «sèches», chaleur et co-génération, puis biocarburants G2 (de seconde génération) et chimie bio-sourcée.

Enfin, une partie émergente de la bio-économie est la «biologie de synthèse», qui repose sur les progrès rapides depuis 10 ans de technologies innovantes issues de la recherche : séquençage haut débit de l’ADN, automatisation de la synthèse d’ADN, modélisation et logiciels informatiques, robotique, microfluidique, nanotechnologies. Elle vise à reproduire ou à créer des voies métaboliques de synthèse, à des fins de production industrielle, pour des usages médicaux, chimiques ou énergétiques : synthèse de nouveaux carburants, molécules de base de la chimie comme le butadiène, et matériaux innovants à haute valeur ajoutée, à partir de l’utilisation de biomasse ligno-cellulosique ou de déchets organiques.

En conclusion, on peut retenir que s’il existe une infinité de combinaisons de procédés physicochimiques en développement, pour produire des énergies et matériaux renouvelables alternatifs au fossile, des médicaments ou des bio-procédés, à partir de biomasse, les matières premières en sont, elles, assez peu diverses: bois, pailles et résidus de culture, plantes entières et plantes alimentaires, boues et effluents d’origine biogénique. Il est donc inéluctable que se développent des concurrences d’usage, déjà sensibles et controversées, et que se pose la question des disponibilités en biomasse pour alimenter toutes ces filières.

1.1.2 Contexte et politiques mises en oeuvre

Il n'y a pas de statistiques officielles pour la valeur de la production de produits forestiers européens.

Cependant, selon des estimations basées sur des statistiques de la FAO et d'Eurostat et reprises par Hetemäki (2014), la valeur des produits forestiers (pâtes et papiers, produits du bois, la production de bois rond et bois de chauffe) produites en Europe était de 200 milliards d'euros en 2012. Pour l'UE27, ces chiffres étaient de 160 milliards d'euros. La Commission européenne estime que le secteur bioéconomie européen de la forêt, comprenant aussi les industries liées (en plus de la foresterie), présentait un chiffre d'affaires de 644 milliards d'euros. En comparaison, le budget total de l'UE en 2012 était de 147 milliards d'euros, et la somme des revenus des trois géants de l'entreprise européens :

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Nestlé, PSA Peugeot Citroën et Deutsche Telekom en 2012 était égale à la valeur des produits forestiers, à savoir 200 milliards d'euros.

La Commission européenne estime que la bioéconomie européenne tous secteurs confondus a un chiffre d'affaires annuel d'environ 2000 milliards d’euros et emploie 22 millions de personnes - environ 9% de la force de travail totale de l'UE. Les parts du secteur forestier sont évaluées à 31% pour le chiffre d’affaires, et 22% pour l'emploi. Il s’agit là d’approximations qui doivent être interprétées avec prudence. En effet, il est très difficile de définir précisément les contours de la bioéconomie, et ce qui relève du secteur forestier. Néanmoins, les chiffres montrent le potentiel et indiquent que le secteur forestier représente une part importante de la bioéconomie déjà aujourd'hui.

Concernant la bioénergie, la biomasse fournit 10% de la consommation mondiale d’énergie finale. Des premiers soutiens initiés lors du premier choc pétrolier, pour développer l’éthanol biocarburant comme alternative au pétrole dans les années 70 au Brésil, puis les années 80 aux Etats-Unis, on est passé aux politiques de l’énergie et du climat. Après l’adoption en 1992 de la Convention des Nations Unies sur le Changement Climatique, et l’entrée en vigueur en 2005 du Protocole de Kyoto, l’Union européenne s’est dotée en 2008 d’un «paquet énergie climat» qui a affiché «l’objectif des 3 X 20» : réduire de 20% les émissions de GES, réduire de 20% la consommation d’énergie, atteindre 20%

d’énergies renouvelables.

1.2 Atténuer le changement climatique 1.2.1 Généralités

Le secteur forestier mondial est à l'origine de près d'un cinquième des émissions de carbone d'origine anthropique, principalement par la déforestation en zone intertropicale, mais aussi par les incendies de forêt, les dégradations et la récolte de bois. Simultanément, le secteur forestier peut apporter une contribution significative à l'atténuation du changement climatique. Les principales stratégies d'atténuation du changement climatique concernant le secteur forestier sont :

- La séquestration du carbone dans les forêts, par l'accumulation et le maintien du carbone dans l'écosystème (biomasse et sol). Les méthodes pour y parvenir comprennent l'extension de la ressource, accroître sa productivité, limiter les récoltes, la réduction des pertes par une meilleure protection contre le feu ou les insectes, les changements de gestion sylvicoles.

- La séquestration du carbone dans les produits ligneux récoltés. Jusqu'à ce que ces produits (par exemple sciages, panneaux, meubles, papier dans les livres) se dégradent ou sont détruits, le carbone n’est pas libéré dans l'atmosphère. Fabriquer et utiliser davantage ces produits, et maximiser leur durée d’utilisation, implique une séquestration de carbone.

- La substitution de matières premières non renouvelables. La fabrication de produits du bois provenant de forêts gérées durablement, pour remplacer les matériaux provenant de sources non renouvelables, permet de réduire les émissions de carbone, d'autant plus que la transformation du bois émet souvent moins de GES que ses concurrents (aluminium, béton, etc.).

- La substitution de l'énergie non renouvelable. Dans la mesure où le bois provenant de sources durables remplace les sources d'énergie non-renouvelables, les émissions de carbone sont réduites. Le bois représente déjà actuellement la moitié de l'énergie renouvelable utilisée en Europe et joue donc un rôle important dans la satisfaction des besoins énergétiques. Une utilisation «en cascade» du bois est à rechercher (tout d'abord comme produits du bois pouvant être réutilisés ou recyclés et enfin utilisés pour l'énergie).

Les diverses stratégies d'atténuation sont actuellement traitées très différemment dans les processus comptables du Protocole de Kyoto, et il n'y a aucune certitude sur le futur. Il existe des règles pour la comptabilisation de la séquestration du carbone dans les forêts, mais elles s’appliquent dans des conditions bien définies, et il y a des plafonds imposés par les Accords de Marrakech. À l'heure actuelle, aucune comptabilité n’est considérée pour les produits ligneux récoltés. Le carbone incorporé

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dans les produits ligneux récoltés est supposé retourner dans l'atmosphère quand ils sont fabriqués, pas quand ils sont effectivement en fin de cycle d’utilisation. Il n’y a pas non plus de «crédits» pour l'utilisation de sources renouvelables en substitution, que ce soit pour les matières premières ou l’énergie. L'avantage de ces substitutions est ailleurs dans le processus comptable, du fait que les émissions à partir de matières non renouvelables et de l'énergie fossile vont diminuer pour d’autres secteurs.

Il y a des compromis entre les différentes stratégies d'atténuation et d'autres fonctions de la forêt : entre la séquestration du carbone et l’utilisation du bois, entre la gestion intensive (que ce soit pour la séquestration rapide de carbone ou pour la production de bois) et la biodiversité ou les loisirs, etc.

Cependant, de nombreux compromis ne sont pas quantifiés. Il est donc très difficile, voire impossible, de déterminer objectivement la combinaison optimale de mesures sylvicoles et politiques permettant d’obtenir l'atténuation maximale, avec des conséquences négatives minimales pour les autres dimensions de la gestion durable des forêts. En conséquence, ces différentes composantes ne sont toujours pas incluses dans les modèles climatiques mondiaux, qui sous-tendent la prise de décision dans le secteur.

1.2.2 Etude prospective européenne à l’horizon 2030

L’UNECE/FAO (2011) a conduit une intéressante étude prospective du secteur forestier à l’échelle de l’Europe à l’horizon 2030 en considérant plusieurs scénarios par rapport aux objectifs des politiques forestières, parmi lesquels : un scénario de référence (business as usual), un scénario maximisant la séquestration de carbone (tout en maintenant la production de bois), un scénario privilégiant le bois- énergie et donc la substitution. Les résultats de simulations à l’aide de modèles mathématiques, montrent que globalement (dernière ligne du Tableau 1), en considérant à la fois la séquestration du carbone et les émissions évitées (de substitution), la stratégie « séquestration de carbone » est plus efficace que les autres, car elle combine des mesures pour maximiser la séquestration du carbone dans la biomasse avec une production de bois inchangée.

Unités Scénario référence Maximiser séquestration

de carbone

Promouvoir le bois-énergie

2010 2030 2030 2030

Stocks de carbone

Biomasse forêt Mt C 11 508 13 214 14 130 13 100

Sols forêt Mt C 14 892 15 238 15 319 14 994

Flux de carbone

Variation biomasse forêt Mt C/an 85,3 131,1 79,6

Variation Sols forêts Mt C/an 17,3 21,4 5,1

Variation récolte de bois Mt C/an 18,2 18,2 17,6

Effets de substitution

de produits non renouvelables Mt C/an NA NA NA NA

d’énergie non renouvelable Mt C/an 61,6 83,0 83,0 121,7

Totaux Stocks (en forêt seulement) Mt C 26 400 28 452 29 449 28 093

Flux (séquestration + substitution) Mt C/an 203,7 253,6 224,0

Tableau 1 : Stocks et flux de carbone pour les scenarios EFSOS II (The European Forest Sector Outlook study II) (UNECE/FAO, 2011).

La stratégie se concentrant entièrement sur les effets de substitution (promotion du bois-énergie) atteint son objectif élevé d'émissions évitées, mais au prix d'une accumulation de carbone plus faible dans la forêt. Cette conclusion doit cependant être nuancée par le fait que, pour le long terme, la limite de capacité de séquestration de carbone de la forêt sera atteint, et la seule possibilité de favoriser l'atténuation sera la récolte régulière, pour stocker le carbone dans les produits ligneux récoltés ou obtenir une substitution de matériaux ou d’énergie non renouvelables.

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1.2.3 Un bilan pour la forêt françaises et ses filières

Au niveau français métropolitain, la synthèse et les compilations de chiffres réalisées par le groupe de travail coordonné par Madignier (2014) fournissent des bilans et caractéristiques très intéressants pour la forêt et ses filières dans l’état actuel :

- Des émissions d'origines énergétiques (CO2), relativement réduites et limitées à l’exploitation forestière, au transport et aux industries de transformation ;

- Un stockage massif de carbone dans la forêt (69 Mt CO2/an)

- Un stockage dans les produits de la filière bois, à l'aval (4,7 Mt CO2/an), qui n’est pas encore comptabilisé dans l’inventaire national des GES (il devrait l’être à partir de 2015) ;

- Un stockage important dans les sols forestiers, mais il s'agit là d'un puits encore mal interprété, mal mesuré et non comptabilisé de fait ;

- Une substitution énergétique croissante dans les chaufferies collectives, industrielles et domestiques aux performances sans cesse améliorées (environ 9 Mtep/an correspondant à environ 35 Mt CO2/ an) ;

- Une substitution parallèle de la biomasse dans l'usage des matériaux (béton, acier, plastique...) : On en fait une évaluation grossière de 35 Mt CO2/an.

Au total selon cette étude, le bilan de la forêt et de ses filières consiste en un stockage de 69 Mt CO2/an en forêt (soit 19 Mt C/an si l’on veut comparer avec les chiffres du Tableau 1) + 5 Mt CO2/an dans les produits bois, ce qui représente environ 15% des émissions annuelles totales de GES (en équivalents CO2). En outre, la substitution de produits et énergies fossiles par des bioproduits a permis une économie d’émission d’environ 70 Mt CO2/an. Ici apparaît, au-delà de la séquestration et du stockage photosynthétique en forêt, le rôle majeur du stockage et de la substitution tout au long des filières du bois, énergie comprise. Ce rôle est d’autant plus important que la cascade d’usages est la plus longue possible (matériaux, puis recyclage, puis valorisation énergétique ultime). La stimulation de la sylviculture et de la récolte, avec valorisation complémentaire du bois d’œuvre à l'aval (prioritairement), ainsi que du bois d'industrie et du bois énergie, apparaît donc comme un des leviers « climatiques » les plus puissants.

2. Disponibilités en ressource ligneuse

Les résultats des bilans FAO (2010) font clairement ressortir une augmentation des surfaces forestières ainsi que du stock de biomasse des peuplements en Europe, qui est en contraste avec la déforestation nette tropicale revêtant un caractère très alarmant. Cette tendance est confirmée et affinée par les résultats des inventaires forestiers nationaux au niveau européen (une des sources de données des rapports FAO). Cependant, l’ensemble de ce stock additionnel de biomasse n’est pas exploitable en raison de contraintes abordées ci-dessous.

Au niveau français, l’IGN (Institut National de l’Information Géographique et Forestière) dans ses numéros d’IF (le supplément d’IGN Magazine sur l’information forestière, http://inventaire- forestier.ign.fr/spip/spip.php?article54) à partir de juin 2011, a fourni une analyse globale de la ressource et de son prélèvement (la production biologique de la forêt française est actuellement de 85 Mm3 par an dont 50 Mm3 environ sont prélevés, la différence contribuant à l’augmentation du stock sur pied), puis détaillée par régions et par espèces de l’exploitabilité des ressources au niveau métropolitain français. La situation française peut être extrapolée qualitativement à l’Europe.

Dans ce qui suit, nous n’avons pas considéré l’impact des changements climatiques sur la production ligneuse, considérant que leur influence ne sera pas très sensible dans le cadre temporel de l’horizon 2030 considéré ici. Au-delà de 2050, les effets prédits seront plus marqués en fonction des scénarios d’émissions de GES (Loustau, 2010).

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2.1 Les potentialités en ressources ligneuses de la forêt européenne (Spiecker et Schuler, 2014 ; Nijnik et al., 2014)

Les forêts européennes (à l'exclusion de la Fédération de Russie) couvrent une superficie de 200 millions d'hectares, ce qui représente un tiers de la superficie des terres. La plupart d'entre elles sont disponibles pour l'approvisionnement en bois. Le stock de bois sur pied, actuellement environ 100 m3 ha-1, est toujours en augmentation, puisque les prélèvements annuels sont nettement inférieurs à l’accroissement annuel total de bois qui est d’environ 700 millions de m3.

La gestion forestière de révolution longue est le mode le plus répandu en Europe. Alors que la production de révolution rapide ne dépasse pas des cycles de 20 ans, l'âge de récolte en cycle forestier long augmente légèrement actuellement et varie considérablement selon les espèces et le site, et en relation avec la tradition et la législation des aménagements dans différentes régions, il peut être supérieur à 150 ans. Les principaux produits des systèmes de révolution longue sont les bois de sciage, le papier et d’autres produits du bois, alors que seule une proportion mineure, bien que croissante, des résidus est directement utilisée pour l'énergie. L'objectif de l'Union européenne pour 2020 est de couvrir 20% de la consommation d'énergie avec des sources d'énergie renouvelable. Par conséquent, il est prévu que l'utilisation du bois pour l'énergie augmente beaucoup plus vite que pour d'autres usages, et que la part d'autres utilisations diminuera dans la consommation totale de bois.

La limite théorique de la biomasse exploitable correspond à l’accroissement biologique en biomasse se produisant de manière durable. Selon les estimations à l’aide de modèles mathématiques, le potentiel théorique de production de biomasse des forêts européennes s’élève à 1 300 millions de m3 par an.

Cependant, il y a différentes contraintes qui ne permettent pas que cette limite théorique soit atteinte.

2.1.1 Contraintes biologiques et techniques

Une contrainte biologique majeure est liée au fait que l’extension des forêts en Europe est un phénomène récent ; de nombreux peuplements n’ont pas atteint leur âge d’exploitabilité. Certaines pertes liées à la récolte et à l'exploitation forestière sont techniquement inévitables. Les pertes sont généralement plus élevées lorsque la surface exploitée est faible. Les pertes relatives en biomasse foliaire, de branches, et de la partie supérieure de tige sont plus élevées que celles du bois de tige. Les pertes dépendent également des techniques de récolte et d’exploitation, de l'infrastructure routière et de la logistique et peuvent être modifiées par les conditions météorologiques. Des contingences sylvicoles, visant à éviter les dommages aux arbres restants et à la régénération dans les forêts de couverture continue, peuvent également augmenter le niveau des pertes acceptées.

2.1.2 Contraintes environnementales

Les contraintes environnementales ont une importance croissante pour la gestion des forêts. Elles varient selon les conditions du site et les règlements locaux. Les sites de valeurs écologiques particulières - zones tampons le long des rivières et des lacs, sites sensibles à l'érosion ou au compactage, zones de protection des eaux, zones de biodiversité spéciale ou d’importance culturelle particulière - conduisent à des restrictions dans l’exploitation. Afin de favoriser la biodiversité, une certaine quantité de bois mort doit être maintenue dans la forêt.

Les exportations de nutriments peuvent conduire à une autre contrainte environnementale pouvant conduire à limiter le prélèvement de biomasse afin de maintenir la productivité du site. La quantité des exportations d’éléments nutritifs liée à l’enlèvement de biomasse varie selon la qualité du site, les espèces d'arbres et l'âge des arbres. Elle est également liée à la proportion des différents compartiments d'arbres.

La concentration en nutriments augmente dans l'ordre suivant : bois de tige < branches < grosses racines < écorce de la tige < racines fines < aiguilles < feuilles. La quantité d’éléments nutritifs du feuillage peut atteindre jusqu'à 50% de la quantité totale de l'arbre et leur concentration peut être plus

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de 20 fois plus élevée dans les feuilles que dans le bois de la tige. Ainsi, une faible augmentation du prélèvement de biomasse peut entraîner une exportation importante de nutriments. En général, les arbres sur des sites fertiles ont des teneurs plus élevées en éléments nutritifs ; cependant, ces sites sont moins sensibles aux exportations d'éléments nutritifs que les sites pauvres. En raison de la grande quantité de nutriments dans le feuillage et les branches, dans certains états européens les systèmes de certification ne permettent pas la récolte d'arbres entiers, tandis que d'autres imposent un recyclage par des cendres issues de biomasse afin de compenser l'exportation de nutriments. Le désouchage peut conduire à la décomposition accélérée de la matière organique du sol et peut augmenter la sensibilité au lessivage des éléments nutritifs et à l'érosion. L’enlèvement intensif du bois réduit la quantité de bois mort, un indicateur de la biodiversité forestière.

2.1.3 Contraintes économiques

Comme le prix de la biomasse-énergie reste relativement faible, il concerne du bois de faible qualité et d'autres compartiments de l’arbre, tandis que le bois de qualité supérieure - principalement utilisé pour le placage, le bois de sciage et d'autres produits industriels – n’est généralement pas adapté pour une utilisation énergétique. Même si les prix de la biomasse-énergie sont faibles, les coûts d'approvisionnement en forêts sont relativement élevés et la fertilisation, pour compenser les exportations de nutriments, peut augmenter sensiblement les coûts.

2.1.4 Contraintes sociales

Les contraintes sociales ont également un impact croissant sur la gestion forestière dans la mesure où la société met en avant des services autres que la production de bois (Figure 3). La fourniture de services environnementaux, tels que la conservation de la biodiversité, la qualité de l'eau, est un élément clé de la gestion forestière actuelle. Lois et règlements ainsi que le manque de motivation des propriétaires forestiers peuvent réduire le potentiel de fourniture de biomasse ligneuse. Une contrainte majeure est la volonté du propriétaire de la forêt de récolter des arbres. Un nombre croissant de propriétaires n’est pas intéressé par la gestion de leurs forêts car ils génèrent des revenus provenant d'autres sources. En conséquence, la biomasse sur pied augmente et les forêts sont plus sensibles aux risques naturels tels que les tempêtes, aux pullulations d'insectes et aux risques de maladies fongiques.

Comme les écosystèmes forestiers sont complexes et à cycle de révolution long, ils ne peuvent être modifiés que très lentement. Cependant, comme la demande de biens et services forestiers est en train de changer rapidement, une gestion intégrée s’impose qui optimise la fourniture de différents biens et services d'une manière adaptative.

Figure 3 : Relations entre intensification de la gestion forestière et la fourniture de services écosystémiques (Nijnik et al., 2014).

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2.2 Les potentialités de la sylviculture à courte révolution

La sylviculture à courte révolution se réfère à des plantations avec des espèces et des cycles de production n’excédant pas vingt années, avec des arbres à croissance rapide. Bien que ces systèmes aient traditionnellement été utilisés pour la production de pâte à papier, dans les dernières décennies, un nombre croissant de plantations a été créé pour produire de la biomasse à des fins énergétiques, généralement sous la forme de combustion directe pour produire de la chaleur et / ou de l’électricité.

Ces systèmes sont principalement installés sur des terres agricoles. Leur gestion (densité de plantation, fertilisation, cycles de récolte, etc.) est moins intensive que les cultures agricoles classiques, mais plus intense que la foresterie conventionnelle.

Conclusions

Les éléments rassemblés dans cet article, montrent le potentiel du développement de la bioéconomie et son intérêt par rapport aux enjeux des défis planétaires climatique, environnemental et énergétique. Ils font également état d’une disponibilité significative en ressource ligneuse rendant possible une intensification de son exploitation, notamment en Europe. La réalisation de ces objectifs nécessite des progrès en termes d’innovations technologiques et socio-économiques et de définition de modes de gestion performants et prenant en considération les critères de gestion durable et multifonctionnelle des systèmes de production forestière ainsi que la diversité des objectifs de développement régionaux.

Dans le présent tour d’horizon, se limitant essentiellement à une vision prospective à moyen terme (2030), nous n’avons pas pris en considération les impacts des changements climatiques qui seront radicaux au-delà de 2050, avec une augmentation des contraintes liées à la sécheresse et aux fortes températures dans le sud de l’Europe qui imposeront des mesures d’adaptation des forêts et des plantations afin de limiter les réductions de production de biomasse ligneuse.

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