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L’inscription au Patrimoine mondial, un vecteur de préservation des sites d’art rupestre ? Enseignements à partir des sites d’art rupestre du bien UNESCO « Parc Maloti-Drakensberg », Afrique du Sud-Lesotho

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Academic year: 2021

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Submitted on 21 Feb 2021

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L’inscription au Patrimoine mondial, un vecteur de préservation des sites d’art rupestre ? Enseignements à partir des sites d’art rupestre du bien UNESCO “ Parc

Maloti-Drakensberg ”, Afrique du Sud-Lesotho

Mélanie Duval

To cite this version:

Mélanie Duval. L’inscription au Patrimoine mondial, un vecteur de préservation des sites d’art ru- pestre ? Enseignements à partir des sites d’art rupestre du bien UNESCO “ Parc Maloti-Drakensberg

”, Afrique du Sud-Lesotho. Heimich et al. (eds.). Art rupestre et patrimoine mondial en Afrique subsaharienne, Hémispères Editions, pp. 45-65, 2021, 978-2-37701-069-1. �hal-03078966�

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1 Référence :

Duval M. 2021. « L’inscription au Patrimoine mondial, un vecteur de préservation des sites d’art rupestre ? Enseignements à partir des sites d’art rupestre du bien UNESCO « Parc Maloti- Drakensberg », Afrique du Sud-Lesotho », In : Heimich et al. (eds.), Art rupestre et patrimoine mondial en Afrique subsaharienne. Paris, Hémisphères Editions, pp. 45-65.

Mélanie Duval

Chercheuse CNRS, géographie des patrimoines et du tourisme

Univ. Grenoble Alpes, Univ. Savoie Mont Blanc, CNRS, EDYTEM, 73000 Chambéry, France;

Rock Art Research Institute, GAES, University of Witwatersrand, South Africa melanie.duval@univ-smb.fr

https://orcid.org/0000-0003-3570-3104 Financements

Cette recherche a été rendue possible par le financement de l’IFAS-recherche (UMIFRE 25, CNRS/ MEAE) dans le cadre des bourses d’aide à la mobilité des chercheurs.

Titre : L’inscription au Patrimoine mondial, un vecteur de préservation des sites d’art rupestre ? Discussion à partir du bien UNESCO « Parc Maloti-Drakensberg », Afrique du Sud- Lesotho

Résumé : Ce chapitre discute des effets performatifs de l’inscription au patrimoine mondial sur la protection des sites d’art rupestre, notamment en contexte sub-saharien. Dans quelle mesure l’inscription au patrimoine mondial a-t-elle des effets sur la protection des sites d’art rupestre et de quelle manière ? Pour ce faire, la réflexion s’appuie sur l’étude de cas constituée par le bien UNESCO « Parc Maloti-Drakensberg », bien mixte initialement inscrit en 2000 en Afrique du Sud, avec, en 2013, une extension transfrontalière et l’intégration du parc national de Sehlabathebe situé au Lesotho. Après avoir précisé le contexte de l’extension du bien UNESCO, le chapitre examine les effets de l’inscription sur la préservation des sites d’art rupestre situés au Lesotho. Mobilisant une entrée géographique, celui-ci démontre l’importance qu’il y a à contextualiser, à différentes échelles, la question des effets d’une inscription au patrimoine mondial sur la préservation, dans la mesure où les effets de l’inscription sont fonction de jeux d’acteurs multiscalaires. In fine, l’article conclut sur les conditions nécessaires à l’activation des dimensions performatives de l’inscription au patrimoine mondial en matière de préservation et souligne la spécificité des biens transfrontaliers.

Mots clefs : patrimoine mondial, préservation, stratégies d’acteurs, approche mutliscalaire, sites d’art rupestre, massif du Maloti-Drakensberg, Lesotho

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Introduction

Adoptée le 16 novembre 1972 par l’Organisation des Nations Unies, « la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel » est une Convention internationale visant à préserver des lieux et des espaces identifiés comme ayant une « valeur universelle exceptionnelle ». Progressivement ratifiée par la majorité des États, sa mise en place s’inscrit dans une prise de conscience, initiée et formalisée par les élites occidentales (Breen, 2007), des enjeux liés à la préservation de biens culturels (monuments, ensembles urbains, sites archéologiques) et d’espaces naturels, à la fois en raison de leurs dimensions esthétiques et de leurs caractéristiques environnementales (Cameron et Rössler, 2017).

Historiquement, la Convention du patrimoine mondial vise des enjeux de protection (Batisse et Bolla, 2003). Et, c’est en ce sens que le Comité du patrimoine mondial va, dès 1978, procéder à l’inscription de biens culturels, naturels ou encore mixtes sur la Liste du patrimoine mondial (Anatole-Gabriel Vinson, 2016).

Dès le début, les sites d’art rupestre ont figuré au registre des biens ayant une valeur universelle exceptionnelle nécessitant et justifiant leur inscription sur la Liste (Chadburn, 2014 ; Clottes, 2008). En 1979, sont ainsi inscrits les biens « Art rupestre du Valcamonica » (Lombardie, Italie) et « Sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère » (Dordogne, France). Depuis, les inscriptions se sont poursuivies : en 2012, selon le dernier inventaire publié, trente-cinq biens contenant des sites d’art rupestre sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial (Sanz, 2012). Si l’on ajoute les biens enregistrés depuis, et que l’on considère ceux affichant les sites d’art rupestre comme raison principale de leur inscription, le nombre de biens inscrits contenant des sites d’art rupestre est aujourd’hui de quarante- quatre. Parmi ces derniers, douze sont situés sur le continent africain : « Parc Maloti- Drakensberg » (Afrique du Sud/ Lesotho, inscription en 2000, extension en 2013), « Paysage culturel de Mapungubwe » (Afrique du Sud, inscription en 2003), « Tasīli-n-Ăjjer » (Algérie, inscription en 1982), « Tsodilo » (Botswana, inscription en 2001), « Écosystème et paysage culturel relique de Lopé-Okanda » (Gabon, inscription en 2007), « Sites rupestres du Tadrart Acacus » (Libye, inscription en 1985), « Art rupestre de Chongoni » (Malawi, inscription en 2006), « Falaises de Bandiagara (pays dogon) » (mali, inscription en 1989), « Twyfelfontein ou /Ui-//aes » (Namibie, inscription en 2007), « Sites d’art rupestre de Kondoa » (Tanzanie, inscription en 2006), « Massif de l’Ennedi : paysage naturel et culturel » (Tchad, inscription en 2016), et « Monts Matobo » (Zimbabwe, inscription en 2003).

Dans la continuité des réflexions engagées par W. Ndoro (2016), l’objectif est ici d’analyser dans quelle mesure l’inscription au patrimoine mondial participe effectivement à la préservation des sites d’art rupestre concernés. Cette analyse s’effectuera à partir du bien

« Parc Maloti-Drakensberg », bien mixte transfrontalier associant des espaces protégés et des sites d’art rupestre en Afrique du Sud (images 1, 2 et 3) et au Lesotho (images 3, 4 et 5).

L’inscription de ce bien s’est effectuée en deux temps, avec i/ l’inscription en 2000 du bien mixte « Parc d’uKhahlamba-Drakensberg », et ii/ l’inscription en 2013 du parc national de Sehlabathebe, situé au Lesotho, comme extension transfrontalière du bien sud-africain, ce processus s’étant accompagné d’une nouvelle dénomination de l’ensemble ainsi constitué, le

« Parc Maloti-Drakensberg » (figure 1). Dans la continuité des recherches précédemment engagées et des publications associées (Duval, 2012, 2013, 2019 ; Duval et Smith, 2013, 2014a, 2014b ; Duval et al., 2018, 2019a, 2019b, 2020), les effets de l’inscription au patrimoine mondial sur la préservation des sites d’art rupestre seront discutés en ciblant la partie sotho

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3 du massif. Il s’agira de voir dans quelle mesure l’inscription au patrimoine mondial du parc national de Sehlabathebe a conduit à des évolutions dans la manière d’appréhender et de répondre aux enjeux de préservation des sites d’art rupestre situés sur ce versant, tout en mettant en avant des effets retours sur la gestion des sites d’art rupestre situés dans la partie sud-africaine du massif.

Image 1 : l’amphithéâtre du Royal Natal National Park, paysage emblématique situé au nord du parc d’uKhahlamba-Drakensberg, crédit photo Mélanie Duval, décembre 2009.

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4 Image 2 : le site d’art rupestre de Game Pass, réserve naturelle de Kamberg, au centre du parc d’uKhahlamba-Drakensberg, fait partie des sites emblématiques du bien UNESCO, crédit photo Mélanie Duval, avril 2009.

Image 3 : détail du panneau principal de Game Pass, crédit photo Mélanie Duval, avril 2010.

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5 Image 4 : paysage du parc national de Sehlabathebe, crédit photo Mélanie Duval, juillet 2017.

Image 5 : un des sites d’art rupestre du parc national de Sehlabathebe, identifié par le code D04b dans le nouvel inventaire réalisé en 2015 (Challis et al., 2015), crédit photo Mélanie Duval, juillet 2017.

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6 Image 6 : parc national de Sehlabathebe, détail du site d’art rupestre identifié par le code B33 dans le nouvel inventaire réalisé en 2015 (Challis et al., 2015), crédit photo Mélanie Duval, juillet 2017.

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7 Figure 1 : les différentes étapes dans la patrimonialisation et l’inscription au patrimoine mondial du bien « Parc Maloti-Drakensberg », crédit illustration Mélanie Duval.

Après avoir précisé le contexte d’inscription du parc national de Sehlabathebe en tant qu’extension du bien « Parc d’uKhahlamba-Drakensberg », je discuterai des effets sur la préservation des sites d’art rupestre en analysant les changements en matière de statut de protection, de mise en place d’une structure gestionnaire, d’adoption et de mise en place effective de plans de gestion avec une réflexion sur les valeurs patrimoniales prises en considération. Complétées par l’analyse de données en ligne sur le site Internet du patrimoine mondial, l’article s’appuie sur des données collectées lors de deux missions de terrain (2014 et 2017), actualisées depuis par des échanges de correspondances : consultation de la

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8 littérature grise (rapports, plans de gestion, correspondances), observations de terrain des modalités d’accès et de mise en tourisme des sites d’art rupestre, entretiens semi-directifs avec les personnes ressources identifiées (une trentaine), que ce soit au Lesotho et en Afrique du Sud, la nature transfrontalière du bien nécessitant de prendre en compte les dynamiques patrimoniales de part et d’autre du massif.

I. Le contexte d’extension du bien UNESCO : prédominance des enjeux environnementaux et géopolitiques

En 2013, treize ans après l’inscription de la partie sud-africaine du massif (Duval et Smith, 2013), le parc national de Sehlabathebe est inscrit au patrimoine mondial en tant qu’extension du bien « Parc d’uKhahlamba-Drakensberg ». Le bien nouvellement nommé prend la dénomination de « Parc Maloti-Drakensberg » (figure 1). Ce processus s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par de forts enjeux environnementaux. Questionner les effets de l’inscription au patrimoine mondial sur la préservation des sites d’art rupestre impose, dans un premier temps, de comprendre le contexte de cette extension, dans la mesure où celui-ci éclaire les politiques patrimoniales engagées par les acteurs sothos en direction des sites d’art rupestre.

1.1. La phase préparation à l’extension du bien inscrit au patrimoine mondial

Dès l’inscription initiale de la partie sud-africaine du massif en 2000, la possibilité d’une configuration transfrontalière est mentionnée dans les rapports d’évaluation de l’ICOMOS1 et de l’UICN2. À ce moment-là, l’absence de ratification de la Convention du patrimoine mondial par le Lesotho empêche les deux pays de présenter un bien mixte transfrontalier. À partir de 2003, le dossier d’extension du bien UNESCO visant l’inscription du parc national de Sehlabathebe sur la Liste du patrimoine mondial, est conjointement préparé par des acteurs binationaux. En Afrique du sud, deux principaux acteurs sont aux manettes de cette extension, Ezemvelo KwaZulu-Natal Wildlife (anciennement Natal Parks Board, agence provinciale gestionnaire des espaces protégés), et Amafa, agence provinciale en charge des volets culturels (pour les jeux d’acteurs au sein de parc d’uKhahlamba-Drakensberg, voir notamment Mazel, 2012 ; Duval et Smith, 2013 ; Ndlovu, 2016). Au Lesotho, sont impliqués les départements de l’Environnement et ceux de la Culture, tous deux faisant partie du ministère du Tourisme, de l’Environnement et de la Culture. L’ensemble des actions préparatoires à la soumission du dossier s’inscrit dans le cadre de la Maloti Drakensberg Transfontier Area.

Établie en 2001, dans une logique de « parc pour la paix » (Belaïdi, 2016 ; Büscher, 2013), la Maloti Drakensberg Transfontier Area est une aire de coopération transfrontalière (Duval, 2013), avec un comité directeur impliquant des responsables de deux pays dans le cadre du Maloti Drakensberg Transfontier Project. La Maloti Drakensberg Transfontier Area englobe le bien UNESCO transfrontalier « Parc du Maloti-Drakensberg » (figure 2). Compte tenu de cette configuration territoriale, les acteurs impliqués dans le Maloti Drakensberg Transfontier Project participent, au côté des autorités nationales des deux pays, à la gestion du bien

1 rapport disponible à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/document/154759, dernière consultation le 08/08/2020.

2 rapport disponible à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/document/154761 ; dernière consultation le 08/08/2020.

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9 UNESCO, tout en ayant également des actions sur le périmètre de la Maloti Drakensberg Transfontier Area non-couvert par le bien UNESCO.

Figure 2 : aire de conservation transfrontalière du Maloti-Drakensberg, crédit illustration Mélanie Duval.

Progressivement, les membres du Maloti Drakensberg Transfontier Project vont travailler de concert pour doter le parc national de Sehlabathebe d’un premier plan de gestion, et in fine, élaborer un plan de gestion conjoint pour l’ensemble de l’aire de conservation transfrontalière (Crowson, 2011 ; Derwent et al., 2001 ; Zunckel, 2007). Adopté en 2008, celui-ci sera renouvelé en 2013, en 2018, puis complété par l’adoption d’une stratégie à vingt ans3. Par deux fois, ces dynamiques vont bénéficier du soutien de la banque mondiale, en 2002 (soutien de quinze millions d’US dollars), puis en 2010 (soutien de sept millions d’US dollars4), lequel a permis de doubler les sommes engagées par les deux États parties. Alors même qu’un volet sur les patrimoines culturels est affiché, les actions conduites vont essentiellement porter sur les volets environnementaux : préservation de la biodiversité, contrôle du développement des plantes invasives, développement d’actions conjointes avec les populations locales du Lesotho en vue de faire évoluer les pratiques de surpâturage et d’enrayer des processus d’érosion des sols. En comparaison, les actions en direction du patrimoine culturel se sont limitées à

3 https://www.peaceparks.org/tfcas/maloti-drakensberg/, dernière consultation le 19/08/2020.

4 Trouvé dans les archives d’ Ezemvelo KwaZulu-Natal Wildlife, le rapport de 2002 n’est pas en ligne. Celui de 2010 l’est à l’adresse suivante : http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/415891468053958262/pdf/ICR11770P052361C0disclosed081161101.pdf, dernière consultation le 08/08/2020.

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10 l’organisation d’un atelier de formation en 2005 et à une étude générale sur les ressources culturelles du massif (Cain, 2009). Faisant le constat du déficit des politiques culturelles au Lesotho, cette dernière ne sera pas suivie d’actions concrètes, le volet environnemental captant toute l’attention (et les financements) du Maloti Drakensberg Transfontier Project.

L’intérêt très secondaire porté aux sites d’art rupestre dans le cadre du Maloti Drakensberg Transfontier Project et l’accent mis sur les enjeux environnementaux s’explique compte tenu d’un enjeu transversal stratégique majeur : la préservation de la ressource en eau. Château d’eau de l’Afrique australe, bassin versant des sources du fleuve Orange, le Lesotho représente un enjeu capital pour la région australe, et pour l’Afrique du Sud au premier plan (Heyns, 2008). D’après D. Blanchon (2009), la partie productive du bassin versant appartient presque entièrement au Lesotho. Dès le début du xxe siècle, les politiques et les ingénieurs sud-africains vont ainsi travailler à des projets de barrage visant à assurer des transferts d’eau depuis le Lesotho en direction l’Afrique du Sud. Conçu à partir des années 1970, le Lesotho Highlands Water Project sera officiellement lancé en 1986 par la signature d’un traité international de coopération entre les deux pays. Celui-ci fixe les différentes étapes d’un projet pharaonique visant à capter puis à détourner les eaux du bassin supérieur du fleuve Orange en direction de l’Afrique du Sud (Mirumachi, 2011). Le projet consistait initialement à construire, en quatre phases, cinq barrages de retenue dans le massif du Maloti-Drakensberg.

Les barrages de Katse et de Mohale seront respectivement mis en service en 1998 et en 2002.

La mise en œuvre des trois autres phases est reportée suite à l’étude d’impact réalisée en 2000 par Mesti Consultants, qui concluait sur les conséquences très négatives que ce projet faisait porter sur l’environnement du fleuve Orange, au Lesotho et en aval5.

Loin d’être anecdotique, cette convergence entre les dates de lancement du Maloti Drakensberg Transfontier Project et le rapport de Mesti Consultants qui vient stopper le Lesotho Highlands Water Project met en lumière les enjeux environnementaux et politiques associés aux collaborations entre l’Afrique du Sud et le Lesotho autour du massif du Drakensberg. D’un côté, l’Afrique du Sud : puissance économique, soucieuse d’augmenter et de sécuriser son approvisionnement en eau. À titre d’exemple, l'eau fournie à la mégalopole Johannesburg/Pretoria provient à quatre-vingt-quinze pour cent du Vaal, lui-même dépendant de la Tugela et des transferts d’eau en provenance du Lesotho (Blanchon, 2008).

De l’autre côté, le Lesotho : pays en voie de développement, encerclé par l’Afrique du Sud et dans une certaine mesure, dans une relation de subordination (Liman, 2000). Confronté à des enjeux de développement économique importants (création d’infrastructures et notamment de routes, emplois, production d’énergie, etc.), ce pays voit avec le Lesotho Highlands Water Project un moyen de faire rentrer des devises et de limiter sa dépendance énergétique en développant l’hydro-électricité (Mwangi, 2007). Au milieu, une ressource en eau limitée, des écosystèmes à préserver et surtout, des pratiques à faire évoluer en vue de garantir la préservation de la ressource en eau, à la fois en quantité et en qualité (Hoag, 2019). L’analyse des rapports et plans de management du Maloti Drakensberg Transfontier Project démontre l’importance des actions réalisées en lien avec les populations locales en vue de faire évoluer des pratiques agro-pastorales gourmandes en eau. On mesure ici comment les logiques d’inscription au patrimoine mondial s’imbriquent au sein de différents enjeux : dans le cas

5 Voir notamment l’article https://www.internationalrivers.org/resources/too-many-dams-too-little-water-lesotho%E2%80%99s-rivers- could-become-waste-water-drains-1979, dernière consultation le 08/08/2020.

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11 présent, le Maloti Drakensberg Transfrontier Project, mis en place en vue de préparer l’extension du bien UNESCO, vise avant tout à garantir la qualité de la ressource en eau, dans le contexte des années 2000 où la poursuite des travaux des grands barrages du Lesotho Highlands Water Project est fortement contestée.

1.2. Le déroulé de l’extension du bien inscrit au patrimoine mondial

En 2013, l’extension du bien UNESCO est marquée par une distorsion entre les évaluations des experts et la prise de décision du Comité du patrimoine mondial. Sur la base du dossier de candidature soumis pour l’extension du bien, les experts de l’ICOMOS ont, en effet, jugé que la partie concernant les sites d’art rupestre était incomplète et insatisfaisante. Et pour cause : sa rédaction s’appuyait sur l’inventaire réalisé par l’université nationale du Lesotho dans les années 1980, the Analysis of the Rock Art in Lesotho (ARAL), qui se limitait à localiser les principaux sites, sans analyser leur état de conservation. Paradoxalement, le Maloti Drakensberg Transfontier Project, démarche contractuelle dont l’une des missions était d’accompagner l’extension du bien UNESCO sur les volets culturels et naturels, n’a pas donné lieu à la mise à jour de cet inventaire datant de plus de trente ans. Ce décalage confirme les arguments précédemment avancés, avec l’importance, si ce n’est la prédominance, des enjeux environnementaux dans l’extension du bien UNESCO, et la place secondaire occupée par les sites d’art rupestre. L’intérêt secondaire porté à l’art rupestre se retrouve d’ailleurs dans le processus de rédaction du dossier d’extension, en attestent les propos du coordinateur sud- africain du Maloti Drakensberg Transfontier Project :

« Au début, on était parti pour inscrire le parc de Sehlabathebe comme un bien naturel.

On aurait eu le bien mixte sud-africain “Parc d’uKhalambra-Drakensberg” d’un côté, et le bien naturel parc national de Sehlabathebe de l’autre. Mais à l’UNESCO, ils nous ont dit que cela n’était pas possible, qu’on devait partir sur une extension du bien inscrit en 2000. Et vu que celui-ci a été inscrit en tant que bien mixte, on était obligé de respecter les mêmes critères et on a dû prendre les sites d’art rupestre en compte » (entretien du 03/07/2017).

Faisant fi des conclusions des experts de l’ICOMOS qui demandent à ce que le dossier soit différé, le Comité du patrimoine mondial valide l’extension du bien. En soi, le fait n’est pas nouveau et, à plusieurs reprises, les décisions du Comité sont allées à l’encontre des rapports des experts, dont l’avis reste consultatif (Meskell, 2012, 2014, 2015). Ce passage en force du Comité s’explique notamment compte tenu de la composition de ce dernier au moment de l’instruction du dossier d’extension du Drakensberg. Composé de vingt et un représentants des États parties signataires de la Convention (élus pour quatre ans), le Comité du patrimoine mondial compte en 2013 parmi ses membres… l’Afrique du Sud. La demande d’extension ayant été déposée par le Lesotho, celle-ci n’est officiellement pas considérée comme étant

« juge et partie ». Ce positionnement « extérieur » lui permet de soutenir le projet. Étant donné les enjeux environnementaux, politiques et économiques entre les deux pays, l’Afrique du Sud a tout intérêt à entretenir des relations de bon voisinage avec le Lesotho, … et ce d’autant plus qu’à cette période, les deux pays sont en train de finaliser la mise en œuvre de la deuxième phase du Lesotho Highlands Water Project. En effet, suite à l’étude d’impact

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12 réalisée en 2000 par Mesti Consultants et au report du projet, des discussions ont été engagées pour repenser les aménagements prévus dans le traité de 1986. En lieu et place du barrage de Mashai initialement prévu, on a choisi de construire celui de Polihali… dont les négociation se déroulent en même temps que le projet d’extension du bien UNESCO6. Très clairement, les enjeux liés à la ressource en eau concourent à expliciter les politiques patrimoniales du massif du Drakensberg.

Tel que démontré par Meskell à propos d’autres études de cas (Meskell, 2012, 2014, 2015), l’analyse des délibérations du Comité du patrimoine mondial7 fait état des alliances qu’il y a eu lors des discussions entre les pays du Sud et les pays du Nord, les premiers adoptant le point de vue de l’Afrique du Sud (Mali, Sénégal, Inde, Ethiopie, Russie), les seconds étant davantage sur la réserve et demandant à ce que l’examen de la demande d’extension soit reportée à l’année suivante (Allemagne, Suisse, France, Estonie). Au fur et à mesure des échanges, les négociations s’affinent et l’extension est approuvée. Pour le Comité du patrimoine mondial, soucieux de travailler à la représentativité et à la diversité de la Liste dans son ensemble (Labadi, 2005), cette extension permet de doter un pays du continent africain de son premier bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, et il s’agit, qui plus est, d’un bien mixte. Pour les pays du Sud, elle vient valider les efforts jusqu’à présent consentis par le Lesotho pour développer des politiques environnementales, tout en encourageant le pays à poursuivre ses efforts pour le développement de politiques culturelles. Quant aux pays du Nord, ils obtiennent que la prise de décision du Comité du patrimoine mondial s’accompagne de la mise en place d’un suivi régulier du site, avec l’obligation de fournir des rapports périodiques sur l’état de conservation du bien, indiquant les mesures mises en place pour répondre aux recommandations de l’ICOMOS. En substance, celles-ci portent sur les points suivants8 :

— mise à jour de l’inventaire des sites d’art rupestre et de leur documentation ; — classement des sites d’art rupestre majeurs en tant que monuments nationaux ;

— documentation de l’histoire orale liée aux sites d’art rupestre, et plus largement aux paysages du parc national de Sehlabathebe ;

— valorisation des volets culturels, dans le cadre d’une mise en tourisme durable, associant les communautés locales vivant à proximité du parc ;

— renforcement des capacités des personnels du parc et formation sur les techniques de conservation des sites d’art rupestre ;

— élaboration d’un plan de gestion des ressources culturelles du parc national de Sehlabathebe ;

— allocation d’un budget annuel spécifique et approprié pour permettre de planifier à moyen et long terme la conservation, la réalisation d’un inventaire et le suivi des ressources culturelles du parc.

6 https://infrastructurenews.co.za/2013/05/28/lhwp-2-to-generate-1-gw-of-power/, dernière consultation le 09/08/2020. Après plusieurs années de négociation, les études de faisabilité et les études archéologiques visant à documenter les sites qui seront enfouis lors de la réalisation du barrage, les travaux du barrage de Polihali ont débuté fin 2019 ; https://www.afrik21.africa/lesotho-le-gouvernement-lance- le-projet-de-construction-du-barrage-de-polihali/, dernière consultation le 09/08/2020.

7 Les débats autour de l’extension du bien UNESCO « Parc du Maloti-Drakensberg » sont disponible à l’adresse suivante,

http://whc.unesco.org/en/sessions/37COM/records/?day=2013-06-22#tP0j8Na-uW4o0 ; la discussion sur l’extension du bien UNESCO début à 9mins20, dernière consultation le 08/08/2020.

8 L’ensemble des recommandations formulées est disponible à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/fr/decisions/5133, dernière consultation le 09/08/2020.

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13 À partir de ce moment-là, des rapports seront demandés tous les deux ans9 par le Comité du patrimoine mondial aux États parties concernés par le bien nouvellement formé. Entre ici en ligne de compte une particularité liée aux biens transfrontaliers : si la candidature est ici présentée par un seul des États parties impliqués (candidature déposée par le Lesotho dans le cas présent), les États parties concernés par l’étendue du bien transfrontalier sont co- responsables de la bonne gestion du site et doivent s’impliquer, à part égale, dans la rédaction des rapports de suivi, en vue de démontrer la bonne gestion du bien. Cela signifie également que si le bien est endommagé dans l’un des pays, c’est l’ensemble du bien qui sera jugé comme endommagé. Suivant l’importance de l’endommagement, le bien peut être placé sur la Liste du patrimoine mondial en péril, voire retiré de la Liste (Duval et al., 2020).

En conclusion de cette première partie, les éléments de contexte suivants sont à prendre en considération dans l’analyse des effets de l’extension du bien inscrit au patrimoine mondial sur les mesures de protection des sites d’art rupestre au Lesotho :

— la prédominance des enjeux environnementaux dans les relations entre l’Afrique du Sud et le Lesotho, avec un intérêt majeur autour de la ressource en eau et la convergence entre des enjeux hydro-géopolitiques et le processus d’extension du bien UNESCO ;

— la place très secondaire des sites d’art rupestre dans la Maloti Drakensberg Transfontier Area pourtant mise en place pour accompagner le processus d’extension du bien UNESCO sur les volets naturels et culturels ;

— les négociations autour de l’extension du bien et la mise en place, dès l’approbation de l’extension, d’une procédure de suivi régulier, avec obligation faite aux États parties de rendre des rapports sur l’état de conservation de l’ensemble du bien au vue des réserves formulées par l’ICOMOS ;

— la configuration d’un bien à la fois mixte et transfrontalier, avec deux États parties également engagés dans la préservation de l’ensemble des valeurs de ce bien.

2. Les effets limités de l’extension du bien UNESCO sur la préservation des sites d’art rupestre

Les effets d’une inscription au patrimoine mondial sur la protection du bien se limitent, bien souvent, à l’analyse du contenu des plans de gestion (Wijesuriya, 2006 ; Card et al., 2007). De mon point de vue, cette approche, trop restrictive, ne permet pas d’appréhender de manière globale les dynamiques en présence. Aussi, je propose d’aborder les effets de l’inscription au patrimoine mondial en analysant les différents volets de la préservation que sont 1/ le statut de protection des sites d’art rupestre, 2/ la mise en place et le fonctionnement d’une structure gestionnaire, 3/ l’état des connaissances avec la réalisation d’un inventaire documenté, 4/ la mise en place d’un plan de gestion et 5/ les valeurs patrimoniales prises en compte.

9 Ces différentes rapports et les évaluations faites par le Comité du patrimoine mondial sont disponibles à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/fr/list/985/documents/, dernière consultation le 09/08/2020.

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14 2.1. Les effets sur le statut de protection des sites d’art rupestre

Lors du dépôt du dossier de candidature pour l’inscription au patrimoine mondial, les sites d’art rupestre sont protégés au titre de la Loi nationale n°41 de 1967, laquelle porte sur les monuments historiques, les reliques, la faune et la flore. Cette loi protège, de manière générique, les monuments et reliques découverts, identifiés comme ayant un intérêt pour la conservation, sans que le terme de « conservation » ne soit clairement défini. Elle prévoit également que les sites majeurs soient classés en tant que monument historique, leur conférant ainsi une mesure de protection spécifique. Pour autant, aucun des soixante-cinq sites d’art rupestre alors recensés dans le parc national de Sehlabathebe ne bénéficie d’un tel statut.

Parallèlement à l’instruction du dossier de candidature, une nouvelle loi générale est adoptée, The National Heritage Resources Act 2011. Suivant un modèle générique rappelant la loi sud- africaine the National Heritage Resources Act (1999), celle-ci attribue le statut de

« patrimoine » à tous les monuments ayant une ancienneté supérieure à 50 ans et liste l’ensemble des activités interdites sur ces derniers. Elle prévoit également que les sites les plus importants puissent être classés au titre des monuments nationaux. En 2020, sept ans après l’inscription du parc national de Sehlabathebe au patrimoine mondial, aucun site d’art rupestre n’a fait l’objet d’une telle procédure. Cette latence à répondre à cette recommandation du Comité du patrimoine mondial est justifiée par la nécessité d’attendre qu’un inventaire détaillé des sites d’art rupestre ait été réalisé. Effectué en 2015 (Challis et al., 2015), cet inventaire approfondi n’a pas donné lieu aux classements attendus. Par ailleurs, aucun projet de loi visant à protéger spécifiquement les sites d’art rupestre n’a été lancé. Sur le volet « statut de protection », force est de constater que l’inscription du parc national de Sehlabathebe au patrimoine mondial est sans effets.

Plusieurs facteurs peuvent être évoqués pour expliquer les difficultés rencontrées au Lesotho pour avancer sur ce volet réglementaire :

1/ la priorité accordée aux ressources environnementales. En lien avec le contexte présenté ci-dessus, les efforts pour faire évoluer le cadre juridique du pays sont concentrés sur l’adoption d’une loi visant à encadrer la protection et la gestion de la biodiversité. Tout comme il n’existe pas de protection spécifique des sites d’art rupestre, il n’existe pas de protection particulière de la biodiversité, laquelle est encadrée par la loi de 1967. En vue de pallier cette lacune juridique, un projet de loi sur la conservation de la nature est engagé en 2005. Depuis lors, il concentre tous les efforts, sans pour autant avoir encore abouti.

2/ les motivations du Lesotho à déposer le dossier de candidature au patrimoine mondial, ici exposées par la responsable du dossier :

« Nous voulions être inscrits au patrimoine mondial pour être reconnu à une échelle internationale. En tant que pays en voie de développement, il y a plusieurs avantages à cette inscription. Avec un bien inscrit au patrimoine mondial, vous avez une reconnaissance internationale, vous attirez plus de visiteurs, vous attirez des financements internationaux, il y a des experts qui viennent vous aider à gérer le site, votre personnel est mieux formé. Ce sont là quelques-uns des bénéfices que vous pouvez avoir quand l’un de vos sites est inscrit au patrimoine mondial » (entretien du 10/07/2017).

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15 Très clairement, l’inscription au patrimoine mondial du parc national de Sehlabathebe en tant qu’extension du bien « Parc d’uKhahlamba-Drakensberg » n’est pas envisagée par les acteurs sothos comme une reconnaissance universelle des valeurs exceptionnelles des sites d’art rupestre mais comme un moyen pour accéder à des financements, pour assister le pays dans des actions de développement et pour exister à l’échelle internationale.

3/ enfin, le positionnement à la marge des sites d’art rupestre dans la construction de la nation sotho explique également l’absence de projet de loi sur les sites d’art rupestre. À la différence de l’Afrique du Sud où les sites d’art rupestre ont été investis, depuis la fin de l’Apartheid, comme un symbole de dialogue et de rassemblement des diversités culturelles du pays (Blundell, 1998 ; Dowson, 1994 ; Jeursen, 1995 ; Smith et al., 2000), les sites d’art rupestre ne sont pas, au Lesotho, identifiés comme une ressource, que ce soit sur le plan symbolique, politique, culturel ou touristique. De manière symptomatique, l’écriture de l’histoire de la Nation s’organise autour de la figure du roi Moshoeshe 1er ; et tout ce qui est antérieur à cette période peine à trouver voix au chapitre (Abela, 2004).

2.2. Les effets de l’extension sur la mise en place d’une structure gestionnaire

Le constat diffère quelque peu en ce qui concerne la mise en place d’une structure gestionnaire chargée de la protection et de la gestion des sites d’art rupestre situés dans le périmètre du parc national de Sehlabathebe. Avant l’extension de 2013, le parc et l’ensemble des ressources qu’il contient sont gérés par les services de l’Environnement, département qui dépend du ministère du Tourisme, de l’Environnement et de la Culture. Faisant pourtant partie du même ministère, les services de la Culture n’ont pas été associés à la gestion des sites d’art rupestre durant toute la période qui a précédé 2013, et il s’agit par ailleurs d’une entrée secondaire parmi l’ensemble de leurs missions (Mohapi, 2010).

De manière volontaire, le projet d’inscription du parc national de Sehlabathebe pour l’extension du bien « Parc d’uKhahlamba-Drakensberg » a été fortement soutenu par le département de la Culture, avec comme objectif de gagner en lisibilité sur le plan institutionnel. La responsable du dossier « Parc national de Sehlabathebe » au sein de ce ministère l’exprime en ces termes :

« Le Maloti Drakensberg Transfontier Project, c’est surtout axé sur l’environnement. Eux ils ne voulaient une extension du bien UNESCO que sur les volets environnementaux.

Heureusement pour nous, ils ont eu des retours de l’UNESCO qui leur a dit qu’ils devaient prendre en compte les sites d’art rupestre. À partir de ce moment-là, on a poussé le dossier en faisant en sorte que la Culture ne soit pas oubliée » (entretien du 10/07/2017).

Sur le plan des institutions, l’inscription du parc national de Sehlabathebe va changer la donne dans la mesure où le service de la Culture devient partie prenante dans la gestion du bien inscrit à l’UNESCO. De manière effective, l’inscription au patrimoine mondial a permis de passer d’une absence d’implication, d’actions et de personnels dédiés au volet culturel du parc national de Sehlabathebe à l’affection de trois personnes, une personne-cadre au sein du

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16 département de la Culture et deux agents sur le terrain. Dans les faits, leurs actions restent cependant limitées, à la fois en raison de la formation des personnels qui n’ont pas de connaissances spécifiques sur les sites d’art rupestre, et en raison de contraintes budgétaires.

En effet, si les salaires des agents sont assurés, les sommes nécessaires à l’exercice de leurs fonctions le sont moins. La responsable du dossier « Parc national de Sehlabathebe » au département de la Culture l’explique en ces termes :

« Le département de la culture, il fait partie du ministère du Tourisme, de l’Environnement et de la Culture. Il y’a des arbitrages à faire au sein du ministère, et il faut se battre pour que le budget de la culture ne soit pas oublié. C’est comme partout, il faut faire du lobbying » (entretien du 10/07/2017).

Alors même que l’extension du bien UNESCO en 2013 s’est assortie de la recommandation du Comité du patrimoine mondial d’« allouer un budget annuel spécifique et approprié pour permettre de planifier à moyen et long terme la conservation, la réalisation d’un inventaire et le suivi des ressources culturelles du parc », force est de constater que l’État partie peine à répondre de manière positive à cette dernière. Aussi, les actions effectivement engagées sur les sites d’art rupestre dépendent des sources de financement mobilisées à l’extérieur, auprès de bailleurs internationaux. Je reviendrai sur ce point.

Dans le même temps, les très faibles ressources liées à fréquentation touristique du parc ne permettent pas de dégager des marges de manœuvre pour développer des actions en direction des sites d’art rupestre. Situé à plus de sept heures de route de la capitale Maseru, principale porte d’entrée des touristes dans le pays, à respectivement quatre et six heures de route des deux principaux cols permettant d’accéder au parc depuis l’Afrique du Sud (Qacha’s Neck Pass et Sani Pass), avec une dernière portion de trajet nécessitant un 4 x 4, le parc national de Sehlabathebe est peu fréquenté, avec environ mille visiteurs par an10 : si l’été austral (décembre-janvier) peut enregistrer jusqu’à cinquante visiteurs par semaine, l’hiver (juillet-août) est une saison morte.

À ces difficultés d’accès s’ajoute l’absence d’infrastructures pour accueillir des touristes, avec des possibilités d’hébergement très limitées. En effet, après trois ans de fonctionnement (2013-2016), le pavillon d’une quarantaine de places, construit avec l’aide de la banque mondiale attribuée en 2010 dans le cadre du Maloti Drakensberg Transfontier Project, est aujourd’hui paradoxalement flambant neuf et fermé. Sa taille démesurée par rapport au potentiel touristique de la région est symptomatique des projections des acteurs administratifs et institutionnels. En partie déconnectés des réalités de terrain, ils pensent bien souvent que la construction de ce type de bâtiment suffira en elle-même à faire venir des touristes, sans prendre en compte l’ensemble des dynamiques touristiques à différentes échelles (Duval et Smith, 2014a, 2014b ; Laue et al., 2018 ; Mokoena, 2017). Cuisine rutilante, literie de haute qualité encore emballée dans leur plastique d’origine restent sous clef, sous l’œil attentif des gardes de surveillance d’une compagnie de sécurité privée. L’été, les visiteurs

10 Ces données chiffrées s’appuient sur les discussions avec les agents du parc. Elles recoupent celles exposées dans le document « Maloti- Drakensberg Park World Heritage Site Sustainable Tourism Strategy 2018-2028 », dont une version est annexée au dossier rendu par les Etats parties du Comité du patrimoine mondial ; document disponible à la page suivante, https://whc.unesco.org/document/170984 ; à partir de la p. 576 du pdf, dernière consultation le 13/08/2020.

p.12 de la stratégie, il est précisé que le parc national de Sehlabathebe a enregistré, pour la période allant du 1er octobre 2017 au 31 mars 2018, 1426 visiteurs journaliers et 764 nuitées touristiques.

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17 souhaitant dormir sur place peuvent camper en amenant leur propre matériel. L’hiver, les températures interdisent la pratique du camping. Après réservation auprès du responsable du parc, les visiteurs souhaitant dormir sur place sont accueillis dans deux petites habitations initialement construites pour accueillir des équipes de recherche, lesquelles ont une capacité maximale de cinq couchages. Dans une logique cumulative, éloignement, difficulté d’accès et d’hébergement se combinent et expliquent la faible fréquentation du parc.

Par ailleurs, sur l’ensemble des visiteurs du parc, le nombre de demandes pour visiter des sites d’art rupestre est minime, de l’ordre de cinquante personnes par an. L’un des agents chargés de la culture le justifie en ces termes :

« Quand les visiteurs arrivent, on leur explique les randonnées qu’ils peuvent faire dans le parc. On leur parle des sites d’art rupestre en leur disant qu’il faut être accompagné par un guide pour faire ce type de randonnée. Mais quand ils viennent ici, les gens, ils ont envie d’être tout seul dans la nature, ils n’ont pas envie d’être accompagnés » (discussion informelle, 08/07/2017).

Sur ce volet précis, les études conduites sur d’autres terrains montrent que les motivations des touristes dépendent pour partie des produits qui leur sont proposés, du contenu et de la mise en scène de l’expérience touristique (Card et al., 2007 ; Duval et Smith, 2014a), et des stratégies développées pour vendre la destination. Sur le terrain, au contact des visiteurs, les guides ont un rôle fondamental à jouer dans la mesure où ils participent à créer un processus d’enchantement, condition d’une expérience touristique réussie (Winkin, 1998, 2001). Or, sur ce point, on constate que : 1/ à une micro-échelle, les deux agents chargés de la culture ont une formation partielle en matière de suivi des sites d’art rupestre et plus encore, qu’ils n’ont aucune formation en tourisme, pourtant essentielle à toute forme de mise en tourisme des sites d’art rupestre (Hampson, 2015), et 2/ à une échelle plus grande, les sites d’art rupestre sont des ressources anecdotiques dans la communication du parc national de Sehlabathebe, lui-même peu mis en avant pour promouvoir la destination Lesotho, qui est au demeurant un pays en marge des dynamiques touristiques en Afrique australe.

2.3. Les effets de l’extension sur l’état des connaissances des sites d’art rupestre

Financée par le fond d’assistance internationale géré par le Comité du patrimoine mondial, la réalisation d’un inventaire des sites d’art rupestre est confiée par le département de la Culture au Rock Art Research Institute, Université du Witwatersrand (Laue et al., 2018). Réalisé en 2015, celui-ci donnera lieu à l’identification de deux cents vingt-deux sites archéologiques, dont quatre-vingt-dix-sept sites d’art rupestre (contre soixante-cinq lors du travail d’inventaire réalisé en 1980). Pour chacun d’entre eux, une description détaillée a été réalisée : localisation, description de l’environnement du site, description de chaque panneau, état de conservation, analyse des différents facteurs d’endommagement, etc. Dans le même temps, résultant d’une agrégation entre plusieurs facteurs (vulnérabilité du site, clarté, rareté et complexité des images, potentiel de recherches), un niveau d’importance est attribué à chaque site (« low, medium, high signifiance »). Au final, vingt-cinq sites d’art rupestre ont été identifiés comme ayant une haute importance (Challis et al., 2015).

Ici, un contournement/ retournement du processus d’inscription d’un bien au patrimoine

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18 mondial s’observe. En effet, le travail d’inventaire attendu pour l’inscription d’un bien au patrimoine mondial, devant être réalisé par les acteurs porteurs du dossier (Duval et al., 2020), est ici effectué après coup, par des prestataires extérieurs, sur des budgets internationaux.

Dans des pays en développement aux moyens limités, marqués par des arbitrages laissant peu de place aux questions culturelles (Breen, 2007 ; Ashley et Bouakaze-Khan, 2011), l’étude de cas du Lesotho démontre les effets performatifs que peut avoir l’inscription d’un bien au patrimoine mondial sur la préservation des sites d’art rupestre avec l’engagement de programmes, au moyen de soutiens financiers internationaux conséquents. Dans le même temps, cette étude de cas illustre également comment l’inscription d’un bien au patrimoine mondial peut, par des effets retours, conduire à un investissement a minima, voire à une forme de déresponsabilisation de la part des États parties. Si l’inscription du parc national de Sehlabathebe au patrimoine mondial a permis au Lesotho d’accéder à des fonds internationaux pour la mise à niveau de la documentation des sites d’art rupestre, elle conduit également à une forme d’assistanat qui n’encourage pas le Lesotho à affecter les ressources nécessaires à une gestion durable de ces sites. En un sens, cet effet retour (et en partie pervers) de l’inscription du parc national de Sehlabathebe au patrimoine mondial accentue une forme de non-concernement du Lesotho quant aux enjeux de préservation des sites d’art rupestre, positionnement que l’on retrouve à la lecture des effets de l’inscription au patrimoine mondial sur la mise en place d’un plan de gestion.

2.4. Les effets sur la mise en place d’un plan de gestion

La même ambiguïté s’observe en effet avec la rédaction et la mise en œuvre d’un plan de gestion. Sur la base de l’inventaire réalisé, le Rock Art Research Institute est chargé par le département de la Culture de produire un plan de gestion pour l’ensemble des valeurs culturelles du parc (i.e. au sujet des sites d’art rupestre et des autres valeurs culturelles du parc). Rendu en 2017, ce plan ne porte que sur les sites d’art rupestre et plus spécifiquement, sur les vingt-cinq sites ayant été identifiés comme étant de « haute signification » dans la phase d’inventaire. Treize d’entre eux sont retenus pour être ouverts à la visite, six peuvent éventuellement faire l’objet de visites, six autres sont identifiés comme devant rester fermés aux visites, en raison des différentes formes de vulnérabilité perçues. Pour chacun d’entre eux, des mesures de gestion sont proposées. Dans une partie transversale, il est fortement recommandé au parc d’embaucher des guides qualifiés pour y conduire des visiteurs, et de se doter d’un responsable du volet culturel spécialisé sur ce type de site (« a rock art conservator »), à même de mettre en œuvre le plan de gestion.

Le processus de rédaction du plan de gestion est symptomatique du positionnement du Lesotho par rapport aux sites d’art rupestre. Alors que des réunions de travail conjointes sont organisées, le Rock Art Research Institute est très rapidement installé dans une position d’expert-exécutant, mettant à mal des dynamiques de co-construction. Le responsable du projet, chercheur au Rock Art Research Institute, l’exprime en ces termes : « au départ, ce n’était pas prévu que l’on fasse le plan de gestion. La commande, c’était de faire l’inventaire, et ensuite, c’était à eux d’en prendre connaissance et de décider ce qu’ils voulaient en faire.

Il y’a eu des pressions, et on s’est retrouvé à rédiger le plan de gestion, sans qu’il y ait d’implication de leur part » (entretien du 14/07/2017). En poussant la réflexion, on peut ici légitimement se poser la question de l’instrumentalisation de la réputation de cet institut de recherche par le département de la Culture du Lesotho, avec le rendu auprès du Comité du

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19 patrimoine mondial d’un inventaire et d’un plan de gestion estampillés « Rock Art Research Institute ».

Localement, la rédaction du plan de gestion a donné lieu à très peu de changements. Sans tenir compte des sites ayant été identifiés comme pouvant faire l’objet de visites touristiques, les gardes continuent de conduire les quelques visiteurs intéressés sur les sites anciennement visités. À une échelle régionale, le « non-concernement » du Lesotho par rapport aux sites d’art rupestre a des effets induits sur les modalités de gestion des sites d’art rupestre sur le versant sud-africain.

Depuis l’inscription au patrimoine mondial de la partie sud-africaine du massif en 2000, les sites d’art rupestre localisés dans les limites du bien mixte sont gérés par l’Amafa, structure provinciale chargée des patrimoines culturels du Kwa-Zulu Natal. Le volet environnement et tout ce qui est relatif à la biodiversité sont gérés par l’Ezemvelo Kwa-Zulu Natal Wildlife, également impliqué dans le Maloti Drakensberg Transfontier Project (cf. supra). Mettant en avant des ressources limitées et un besoin constant en formation, le département de la Culture au Lesotho fait appel aux compétences de l’Amafa pour former les agents sur place, mettre en place le plan de gestion, etc. La responsable du dossier « Parc national de Sehlabathebe » au ministère de la Culture l’explique en ces termes : « avec l’Afrique du Sud, on est responsable de la bonne gestion du même bien UNESCO, ils ont une plus grande expérience que nous, ils doivent nous aider. Sinon, il y a le risque de perdre l’inscription au patrimoine mondial » (entretien du 10/07/2017). Tenu par une obligation de coresponsabilité propre aux biens UNESCO transfrontaliers, le personnel de l’Amafa se retrouve en charge d’accompagner le Lesotho dans la gestion de ses sites d’art rupestre… tout en fonctionnant à personnel et moyens constants, alors qu’eux-mêmes ont des ressources limitées (Duval et Smith, 2013). Par ailleurs, alors même que l’on est en présence d’un bien mixte transfrontalier, les fonds internationaux obtenus, versés au gouvernement du Lesotho, sont utilisés pour la seule partie du bien comprise sur son territoire national, et à ces fonds s’ajoutent donc les moyens humains et financiers de l’Amafa. Ces logiques cumulatives et rétroactives illustrent comment une configuration transfrontalière peut permettre, à des pays moins avancés en terme de gestion patrimoniale, de profiter à la fois d’une aide internationale et du soutien des autres pays engagés dans la gestion du bien, … sans pour autant s’investir de manière effective dans la gestion du bien en question, avec, comme effet induit, la dégradation des capacités de gestion des autres parties prenantes. La directrice-adjointe du volet « Recherche, services professionnels et conformité » de l’Amafa le résume en ces termes :

« Cela a été très rentable pour le Lesotho d’avoir ce bien inscrit à l’UNESCO. Ils bénéficient de fonds internationaux et en même temps, nous, on est dans l’obligation de les aider parce que c’est un bien mixte. On passe beaucoup de temps à aller là-bas, à les former, le tout gratuitement, et au détriment de nos propres actions (…). On dépense notre énergie à les aider, notre temps, notre argent alors qu’on a toujours le même budget. On n’a pas plus de moyens qu’avant et avec ça, faut faire plus et les aider. Parce qu’il faut tenir compte des demandes de l’ICOMOS, parce que il y’a la pression de bien gérer un bien UNESCO mais eux, en face, ils ne font rien. Il se cachent derrière le fait qu’ils ont des ressources limitées et nous, on doit les aider (…). Ils voulaient avoir un site inscrit au patrimoine mondial, ils l’ont eu, mais ils ne font rien pour le gérer » (entretien du 03/07/2017).

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20 Coïncidence ou pas, en 2019, l’Amafa met fin à son implication dans la gestion du bien UNESCO. La préservation des sites d’art rupestre incombe désormais à la South Africa Heritage Resource Agency, agence nationale en charge des ressources patrimoniales du pays, aux moyens très limités (Ndlovu, 2011a, 2011b). À notre connaissance, en août 2020, soit un an après ce désengagement, aucun personnel n’a été désigné pour gérer les sites d’art rupestre compris dans la partie sud-africaine du bien UNESCO. Suivant les sensibilités des populations et acteurs locaux, ces derniers continuent d’être gérés selon les modalités précédemment définies par l’Amafa, avec un suivi à distance des personnels d’Ezemvelo KwaZulu-Natal Wildlife. De manière paradoxale, et en l’état actuel des choses, les risques d’endommagement des sites d’art rupestre du bien UNESCO sont aujourd’hui plus élevés en Afrique du Sud qu’ils ne le sont au Lesotho.

2.5. Les effets de l’extension sur les valeurs patrimoniales considérées

Les recommandations du Comité du patrimoine mondial portent également sur la nécessité de prendre en compte l’ensemble des registres patrimoniaux, incluant les traditions orales liées aux sites d’art rupestre et, plus largement, aux paysages du parc national du Sehlabathebe. Sur ce point, l’obtention de fonds internationaux va permettre au département de la Culture de mandater Francis C. L. Rakotsoane, professeur des études en religion et en théologie à l’Université nationale du Lesotho, pour réaliser un rapport sur l’histoire orale du parc national de Sehlabathebe11. Ayant une visée générale, ce rapport fait état des valeurs attribuées par les communautés locales au parc dans son ensemble : valeurs utilitaires, en lien avec l’ancienne utilisation des terres pour le pâturage des bêtes ; des valeurs économiques, en lien avec les emplois créés par la mise en tourisme du parc ; des valeurs médicinales, avec l’utilisation de plantes et d’animaux pour la fabrication de potions traditionnelles ; des valeurs spirituelles avec plus d’une vingtaine de pages (sur les trente-cinq pages que compte le rapport) sur les histoires orales associées aux mares rocheuses avec un état des lieux des croyances autour du serpent de la pluie. Concluant à une altération de l’ensemble de ces valeurs, le rapport énonce une série de recommandations de manière à restaurer les liens entre les populations locales et le parc.

Sur la question spécifique des sites d’art rupestre, le rapport contient très peu d’éléments qui tiennent en une page. En substance, il est mentionné 1/ qu’aucun membre de la communauté locale ne revendique des filiations San, 2/ que lorsque les Sothos sont arrivés, les San sont partis et qu’on ne les a jamais revus et enfin, 3/ que les tracés récemment ajoutés sur les sites d’art rupestre sont le fait de jeunes enfants de la communauté qui ont joué à dessiner comme les San, sans autre signification particulière. Sans entrer dans un débat sur la scientificité de cet argumentaire, on peut néanmoins mettre ce dernier en regard de deux éléments : 1/ le traitement à la marge de l’histoire des San dans l’histoire nationale du pays et la déconsidération envers ce peuple de chasseurs-cueilleurs (cf. supra) ; 2/ le fait que cette étude ait été confiée à un spécialiste de l’histoire orale des Sothos et des croyances associées au serpent de la pluie (Rakotsoane, 2011). A minima, la question des liens entre les populations locales et les sites d’art rupestre appellerait un débat contradictoire, avec le lancement d’une étude similaire par un historien ou un anthropologue spécialisé sur les descendants des populations San, et ce d’autant plus que les sites d’art rupestre font l’objet de différents types d’appropriation locale à quelques encablures de là, dans la partie sud-africaine du massif du

11 Ce rapport a été inclus dans le document rendu par les États parties au Comité du patrimoine mondial en 2016. Il est consultable à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/document/156441 ; à partir de la p. 7 du pdf, dernière consultation le 14/08/2020.

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21 Drakensberg (Francis, 2009 ; Prins, 2009 ; Duval, 2012). In fine, comme le rapport sur les traditions orales conclut à une absence de liens entre les communautés environnantes et les sites d’art rupestre, cette assertion vient entériner une approche esthétisante des sites d’art rupestre, avec des mesures de gestion visant à préserver « ce que l’on voit ». Les valeurs intangibles liées aux traditions orales, pourtant appelées par le Comité du patrimoine mondial et d’ailleurs intégrées dans les plans de gestion d’autres biens UNESCO d’Afrique australe (i.e.

Tsodillo au Bostwana ; Keitumetse et al., 2016), ne sont ici pas prises en compte du fait d’une absence de documentation précise sur ce point.

Conclusions

En soi, l’inscription au patrimoine mondial n’est pas porteuse d’effets ; tout dépend de ce que les acteurs en font. La manière dont ils vont se saisir de l’inscription au patrimoine mondial pour améliorer les mesures de protection de leur bien dépend des enjeux qu’ils associent à cette forme de reconnaissance internationale, lesquels sont à la fois multiples, connectés et multiscalaires. Sur le plan méthodologique, cette étude de cas démontre dès lors l’importance qu’il y a à contextualiser, à différentes échelles, la question des effets d’une inscription au patrimoine mondial sur la préservation de ce dernier, tant les effets de l’inscription sont fonction des contextes dans lequel prend place le bien inscrit. Couplant les entrées diachronique et synchronique, tout en étant à même d’analyser des jeux d’acteurs pluriscalaires, l’approche géographique est pertinente pour conduire ce type de réflexion.

Sur le plan opérationnel, cette étude de cas souligne l’importance pour les instances onusiennes et les gestionnaires de biens UNESCO impliquant plusieurs sites (biens transfrontaliers mais également les biens sériels) de veiller à l’équilibrage des acteurs en présence et à l’équité dans l’affectation des aides internationales. C’est notamment à ce prix que l’inscription au patrimoine mondial d’un bien transfrontalier peut jouer sur la préservation de ce dernier. Si la crainte d’être retiré de la Liste du patrimoine mondial peut pousser les acteurs à œuvrer de concert pour la bonne préservation d’un bien UNESCO, l’exemple du bien « Parc Maloti-Drakensberg » démontre que suivant le type de bien (bien transfrontalier) et la configuration du schéma actoriel (entre deux pays de niveau de développement différent), l’agitation du bâton « être rayé de la liste en cas de manquement dans la bonne gestion du site » peut avoir comme effet l’enfermement d’un des acteurs dans une relation d’obligation. En l’absence d’une augmentation de ses budgets de fonctionnement, l’acteur obligé ne peut tenir les engagements imposés par la configuration de bien transfrontalier qu’au prix d’un désengagement par rapport à ses propres actions.

Cette situation est particulièrement exacerbée dans le cas du bien « Parc Maloti- Drakensberg » où les aides internationales allouées au bien mixte profitent au seul gouvernement du Lesotho, qui continue, dans le même temps, à solliciter l’aide des partenaires sud-africains, sans pour autant s’investir en interne avec la mise en place d’un budget annuel dédié à la préservation et la gestion des sites d’art rupestre. En retour et par un effet induit, cet investissement a minima de la part des acteurs sothos n’est pas sans effet sur la gestion de l’ensemble du bien transfrontalier, avec actuellement, un retrait de l’Amafa de la gestion du bien UNESCO côté Afrique du Sud.

In fine, cette recherche démontre que les effets de l’inscription d’un bien au patrimoine mondial sur la préservation de ce dernier dépendent, fondamentalement, d’une connexion, voire d’une convergence, entre les enjeux que les acteurs porteurs associent à l’inscription au patrimoine mondial et les enjeux de préservation du bien, initialement visés par la Convention

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