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ARTICLE ORIGINAL
Comportement des étudiants en médecine de Casablanca vis-à-vis du tabac en 2010
Attitudes and behavior in relation to smoking among medical students in Casablanca in 2010
N. Zaghba
a,∗, N. Yassine
a, Z. Sghier
b, L. Hayat
a, K. Elfadi
a, I. Rahibi
a, S. Hilali
a, A. Ech-cherrate
a, F. Mounaji
a, H. Benjelloun
a, A. Bakhatar
a,
M. Bennani Othmani
b, A. Bahlaoui
aaServicedesmaladiesrespiratoires,CHUd’IbnRochd,Casablanca,Maroc
bServicedebiostatistiquesetd’informatiquemédicale,facultédemédecinedeCasablanca, Casablanca,Maroc
Rec¸ule22juin2012;acceptéle26janvier2013 DisponiblesurInternetle30avril2013
MOTSCLÉS Tabagisme; Étudiantsen médecine; Épidémiologie; Comportement
Résumé
Objectif.—Letabagismeestunproblèmemajeurdesantépublique.Notretravailseproposait dedéterminerla prévalencedutabagismechezlesétudiantsenmédecineetd’évaluerleur attitudefaceàceproblème.
Patientsetméthodes.—Une enquête transversale aété menée auprèsde 736étudiants en médecine inscritsàla faculté de médecineet depharmacie deCasablanca durantl’année universitaire2009/2010.
Résultats.—Laprévalencedutabagismeétaitde7,9%.Elleétaitsignificativementplusélevée chezleshommes(16%contre3%)etvariaitpeud’unetranched’âgeàl’autre(7—8%).Plusde lamoitiédesétudiants(58%)avaientdéjàtentéd’arrêterdefumer.Lamotivationprincipale étaitlasurvenuedecertainssymptômes(66%).Lesex-fumeursreprésentaient10%del’effectif total.Laloimarocaineanti-tabacresteméconnueparplusdelamoitiédenosétudiants(72%).
Conclusion.—Cetteétudemontreunenettediminutiondelaprévalencedutabagismechez lesétudiantsenmédecine deCasablancaparrapportauxannéesprécédentes,ainsi qu’une meilleureconnaissance desesméfaits. Celaestdûnonseulementàunemeilleureprisede consciencedesétudiantsenmédecinevis-à-visdeceproblèmemaisaussiàl’introductionde l’enseignementdespathologiesliéesautabac.
©2013ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:zaghbanahid@hotmail.com(N.Zaghba).
0761-8425/$—seefrontmatter©2013ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2013.01.011
KEYWORDS Smoking;
Medicalstudents;
Epidemiology;
Behavior
Summary
Objective.—Smokingisamajorpublichealthproblem.Thedoctorshouldbeattheforefront inthefightagainsttobacco.Ourstudyaimstodeterminetheprevalenceofsmokingamong medicalstudentsandtoevaluatetheirattitudestowardsthisproblem.
Patientsandmethods.—Across-sectionalsurveywasconductedamong736medicalstudents enrolledinthefacultyofmedicineandpharmacyofCasablancaintheacademicyear2009/2010.
Results.—Theprevalenceofsmokingwas7.9%.Itwassignificantlyhigherinmen(16%against 3%inwomen)andvariedlittlefromoneagegrouptoanother(7—8%).Theaveragenumberof cigarettessmokedperdaywaseight.Morethanhalfofthestudents(58%)hadattemptedto quitsmoking.Themainmotivationwastheoccurrenceofcertainsymptoms(66%).Ex-smokers accountedfor10%ofthetotal.Moroccananti-smokinglawwaspoorlyunderstoodbymorethan halfofourstudents(72%).Themajoritywasinfavorofprohibitionoftobaccosalestochildren (92%)andthetrainingofhealthprofessionalstohelppatientswhowanttoquitsmoking(86%).
Conclusion.—Comparedwithpreviousyearsthisstudyshowsamarkeddecreaseinthepreva- lenceofsmokingamongmedicalstudentsinCasablancaaswellasabetterunderstandingofits illeffects.Thisisduenotonlytogreaterawarenessofthisproblemamongmedicalstudents butalsototheintroductionoftheteachingofthepathologiesrelatedtotobacco.
©2013ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
Le tabagisme est un véritable fléau mondial, source de morbidité et mortalité très importantes. Ainsi, si rien n’est fait, les décès qui lui sont liés vont augmenter de cinq millions par an actuellement à plus de huit millions en 2020, dont 80% se produiront dans les pays en voie de développement, y compris le Maroc [1,2]. Les études menéesdepuisune dizained’années à l’échellenationale parle service des maladies respiratoiresà l’hôpital d’Ibn Rochd, montraient que la plupart de nos futurs méde- cins n’étaientpas bien préparésà la prise en charge des fumeursdésirantarrêterdefumer.Lebutdenotretravail était de déterminerla prévalence du tabagisme chez les étudiantsenmédecine, d’évaluer leur attitudeface à ce problèmeetdecomparerl’évolutiondansletempsdeleur comportementde1982à2010.Iloffreégalementl’occasion pour sensibiliser lesétudiants contre le tabagisme et ses méfaits.
Patients et méthodes
Ils’agissaitd’une enquêtedeprévalenceréaliséeentrele 17février2010etle26mars2010àlafacultédemédecine et de pharmacie de Casablanca (FMPC). Nous avons pro- cédéà unéchantillonnage engrappe stratifié sur l’année d’étude en se basant sur la liste de répartition des étu- diantspargroupepourlepremiercycleetlalisteannuelle desstageshospitalierspourledeuxièmecycle.Cinqgroupes d’étudiants par année d’étude étaient tirés au sort pour lepremiercycle etquatreàsixservices destageontété sélectionnéspourledeuxièmecycleselonl’annéed’étude.
Latailledel’échantillonétaitcalculéeensebasantsurla prévalenceattenduedutabagisme de21%pourunepréci- sionde3%etunniveaudeconfiancede95%.Unetaillede 710étudiantsaétéestiméeselonlatabledelaloinormale centréeréduite.
Lesétudiantsétaientinterrogésàl’aided’un question- naireanonymestandardiséécritenfranc¸ais;celuidel’union internationalecontrelatuberculoseetlesmaladies respi- ratoires[3], destinéau personnel desantéetadapté aux étudiants en médecine. Il a été distribué aux étudiants de la premièreet deuxièmeannées lorsdes travaux diri- gés(TD)etdestravauxpratiques(TP);alorsque pourles étudiants de troisième, quatrième, cinquième et sixième années,lesquestionnairesétaientdistribuéslorsdesstages hospitaliers. Lesinformationsrecueilliesavaientporté,en plusdesdonnéessociodémographiques,surplusieursitems concernantlecomportementtabagique,lesconnaissances etattitudes vis-à-visdutabac.Lesenquêteursétaientles résidents, internes etétudiantsen sixièmeannée du ser- vice depneumologie du CHU d’Ibn Rochd de Casablanca.
Ils avaientété préalablement familiarisés avec lesobjec- tifsdel’enquête,lesmodalitésd’échantillonnageainsique le mode d’administration et de remplissage du question- naire. Le regroupement des questionnaires s’est effectué immédiatementaprèsl’enquête. Aucunproblème notable n’a étéobservépendant ledéroulementde l’enquête,en dehorsdequelquesdifficultésdecompréhensiondecertains termesparmilesétudiantslesplusjeunes.Desexplications complémentaires ont été alors apportées par les enquê- teurs.Une relanceaétéfaitepourlesabsentslorsdesTD etTPpourlesétudiantsdepremièreetdeuxièmeannéeset lorsdes stageshospitalierspour lestroisième,quatrième, cinquième et sixièmeannées. Les sujets ont été classés, selonleurstatuttabagique,endeuxgrandescatégories:
• lesfumeursactuelsquicomprennent:
◦ lesfumeurspermanents:ceuxquifumentaumoinsune cigaretteparjourquotidiennement,
◦ lesfumeursoccasionnels:ceuxquinefumentpasquo- tidiennement;
• lesnon-fumeursquienglobent:
◦ les ex-fumeurs: ceux ayant déjà fumé et qui ne fumentpasactuellement,
◦ ceuxn’ayantjamaisfumé.
Tableau1 Caractéristiquesdel’échantillonétudiéetdel’effectiftotaldesétudiantsenmédecine.
Effectiftotaldesétudiantsn=2734(%) Échantillonenquêtén=712(%) Genre
Masculin 1041(38,1) 274(38,5)
Féminin 1693(61,9) 438(61,5)
Annéed’étude
1e 579(21,2) 144(20,2)
2e 509(18,6) 124(17,4)
3e 459(16,8) 130(18,3)
4e 334(12,2) 61(8,6)
5e 315(11,5) 192(27)
6e 250(9,1) 61(8,6)
La saisie et l’analyse des données étaient réalisées à l’aide dulogiciel Epi-info (version 3.5.1).Pour la compa- raisondesvariablesqualitatives,nousavonsutiliséletest du Chi2, alors que le test t de Student était utilisé pour lesvariablesquantitatives.Leseuildesignificationpources testsétaitarrêtéàp<0,05.
Caractéristiquesdelapopulationétudiée
Autotal,736questionnairesontétédistribuésdont712ont étérecueillis,soituntauxdeparticipationde96,7%.Vingt- trois étudiants étaient absents lors de l’enquête, alors qu’uneseulepersonneavaitrefuséderemplirlequestion- naire.
Sur les 2734étudiants qui étaient inscrits à la FMPC durantl’annéeuniversitaire2009—2010,712avaientparti- cipé à notre enquête soit 26%. Sur les 712étudiants qui avaientparticipéàl’enquête,438soit61,5%étaientdesexe féminin.Lamoyenne d’âgeétaitde21ans,avecunécart typede2,08ansetdesextrêmesde17et33ans.Dansnotre échantillon, lesétudiantsen cinquième année étaientles plusreprésentés(27%)(Tableau1).
Résultats
Prévalencedu tabagisme
Au moment de l’enquête, les fumeurs actuels (perma- nentsetoccasionnels)étaientaunombrede56cassurun ensemble de 712; soit une prévalence du tabagisme de 7,9%avecunintervalledeconfiancecomprisentre(6%—10, 2%). Les fumeurs permanents représentaient 4,4% de l’ensembledel’échantillonenquêtéet55,4%desfumeurs actuels.
Caractéristiquesdesfumeursactuels
L’étudedelaprévalencedutabagismeselonlesexemontre uneprédominance masculineavecuntauxde15,7%parmi les étudiants hommes (p<10—10). La prévalence est de 7,7% chez les moins de 20ans, de 8,1% dans la tranche 20—22ans et de 7,6% chez les plus de 22ans. La diffé- rence est statistiquement non significative (p=0,97). Le pourcentage des fumeurs varie de 11,1% en première
annéeà 7,8% encinquième année. La différenceeststa- tistiquement non significative (p=0,3). La moyenne de cigarettesconsomméesparjourétaitde7,9avecunécart- type de 8 (la médiane étant de 5avec des extrêmes de 1à40cigarettes/j).Lamoitiédesétudiants(53%)consom- maientmoinsdecinqcigarettesparjour.Lescigarettesavec filtreétaientconsommées dans 70%etcelles rouléesàla maindans22%.Lenombredefumeursactuelsayantfumé pendantsixmoisouplusétaitde36;cequireprésentaitun tauxde81,8%del’ensembledesétudiantsdecettecatégo- rie.Ladépendanceàlanicotineétaitévaluéegrâceautest deFagerström.Lamajoritédesétudiants(70%)étaientnon oupeu dépendantsà la nicotine. Enfin,58% des fumeurs avaientdéjàtentéd’arrêter de fumerau moins une fois.
Lesraisonslesplusfréquemmentinvoquéespourunéven- tuelarrêt étaient: «la survenuede certains symptômes» (66,1%);«laprotectiondelasanté»(64,3%).Concernant l’attitude des étudiants fumeurs vis-à-vis du tabac dans l’avenir,52%pensaientqu’ilsnefumeraientcertainement pastouslesjours.
Connaissancesdesétudiants vis-à-visdes méfaitsdu tabac
Lamajoritédesétudiantsinterrogés(92,5%)étaienttoutà faitd’accord(83,3%enpremièreannéeet100%ensixième année)surlefaitqueletabacétaitnocifpourlasanté.Les moinsinforméssurlesméfaitsdutabacétaientlesétudiants depremièreetdeuxièmeannées.Parailleurs,lesconnais- sancesdesméfaitsdutabacs’amélioraientaveclesannées d’étude.Lespathologiesliéesau tabaclesmieuxconnues étaient:lecancerdesbronches(90,7%),labronchitechro- nique(87,1%)etlecancerdularynx(86%).
Attitudesdesétudiantsfaceauxpatients dans lalutteanti-tabac
Lamajoritédesétudiantsn’adopteraientuneattitudeposi- tivefaceàleurspatients,enmatièredemiseengardesur lesméfaitsdutabac(telqueparlerdesméfaitsdutabacou conseillerson arrêt),que si cesderniers présentaient des symptômesouunemaladieliée au tabacous’ilsposaient eux-mêmeslaquestion.Surl’ensembledesétudiants,84,4% étaienttoutàfaitd’accordpourdonnerlebonexempleen
Tableau2 Répartition desétudiantsselon lecompor- tementtabagique.
n %
Fumeursactuels 56 7,9
Fumeurspermanents 31 4,4
Fumeursoccasionnels 25 3,5
Non-fumeurs 656 92,1
Ceuxn’ayantjamaisfumé 582 81,7
Ex-fumeurs 74 10,4
Total 712 100
nefumantpas,78,8%pensaientquelesmédecinsdevraient êtreplusactifsenparlantdesméfaitsdutabacàdesgroupes àrisque,alorsque76,7%trouvaientqu’ilétaitdésagréable d’êtreàcôtéd’unepersonnequifume.Cependant,seule- ment 28,1% des étudiantsestimaient qu’ils avaient assez de connaissances pour conseiller les malades qui veulent arrêterdefumer.
Avisdesétudiantssurcertainesmesures législativesanti-tabac
La majorité des étudiants optaient pour une interdiction de vente du tabac aux mineurs (91,6%) et une forma- tiondu personnel pour l’éducation pour la santé (85,9%) (Tableau2).Concernantlaconnaissancedelaloianti-tabac, sur les 707étudiants qui ont répondu à cette question, 201connaissaientl’existencedelaloimarocaineanti-tabac soit28,4%(Fig.1).
Discussion
Le tabagisme constitue un problème mondial de santé publiquequinecessedeprogresser,surtoutdans lespays envoiededéveloppement[1].L’Organisationmondialede lasanté(OMS),estimequ’actuellementplusd’unmilliardde personnesdanslemondefument,soitunquartenvirondes adultes.Laconsommationdutabaccontinue d’augmenter
Figure1. Réponseàlaquestion:«Savez-vousqu’ilexisteuneloi marocaineanti-tabac?».
0 5 10 15 20 25 30 35 40
1982 1988 1994 2002 2010
Fumeurs 34%
19,7%
13% 12,3%
7,9%
Figure2. Évolutiondelaprévalencedutabagisme(%)chezles étudiantsenmédecinedeCasablanca.
danslespaysendéveloppementsousl’effetdelafortecrois- sancedémographiqueetdumarketingoffensifdel’industrie dutabac[2].Principalecausededécès évitable,letabac tuechaqueannée plusdecinq millionsdepersonnesdans le monde. La plupart de ces décès surviennent dans les paysàrevenufaibleouintermédiaire.Si lestendancesse confirment, le tabac ferachaque année plus dehuit mil- lions de victimes dans le monde d’ici 2030, 80% de ces décèsprématuréssurvenantdanslespaysàrevenusfaible ouintermédiaire.Sil’onn’agitpasplusvite,letabacpour- raittuerunmilliarddepersonnesvoireplus,d’icilafindu siècle [3]. Le Maroc n’est malheureusement pas épargné par cefléau commel’atteste de nombreuxtravaux ayant pourbutd’apprécierl’ampleuretl’impactdutabagismeà l’échellenationale.
Depuis1982, lesétudiantsenmédecine de Casablanca ontfait l’objet deplusieurs enquêtesselon le mêmepro- tocole[4,5],cequinousapermisdecomparerl’évolution dansletempsdeleurcomportementtabagique.Lacompa- raison des données recueillies indique une tendance vers la diminution de la prévalence tabagique chez nos étu- diantsenmédecinepassantde34%en1982à7,9%en2010 (Fig. 2). Etant donné que les fillesfument moins que les garc¸ons, le taux faible de fumeurs s’explique, en partie, parlaféminisationdela populationestudiantine, puisque lesétudiantesreprésentaient61,9%del’ensembledesétu- diantsenmédecine de Casablanca inscritsdurantl’année universitaire2009—2010.Plusieursétudesmenéesdansdif- férents payschezlesétudiants enmédecine rapportaient desprévalencesplusélevéesquecelleretrouvéedansnotre étude[6—13].Enmilieuuniversitairemarocain,letauxdes fumeurs variait de 34,8% à la cité universitaire de Casa- blancaen1993à12,7%à l’universitéd’ElJadidaen 2001 [14,15].
Concernant le sexe, nous notons une large prédomi- nancemasculineavec15,7%d’étudiantsfumeurscontre3% d’étudiantes fumeuses. Ce résultat est superposable aux données des enquêtes antérieures chez les étudiants en médecinedeCasablanca.Ilressortaussidecetteétude,une importantediminutiondelaprévalencedutabagismetant chezlesétudiantsdesexemasculin(passantde 42,7%en 1982à15,7%en2010)quechezlesétudiantsdesexeféminin
(13,9%en1982à3%en2010).EnTunisie,àl’universitéde Sousse,lesétudiantsfumeursdesexemasculinreprésentent 44,4%contre5,4%desexefémininen2004[7].EnBirmanie, uneenquêteréaliséeparl’OMSen2006auprèsd’étudiants de troisième année dans trois disciplines de santé (soins dentaires,médecineetpharmacie)avaitretrouvé24,8%de fumeursdesexemasculincontre1,4%desexeféminin[3].
CesrésultatsrejoignentceuxretrouvésparSmithetLeggat [16].LestraditionssocioculturellesencorevivacesauMaroc expliquent cette prédominance masculine du tabagisme.
Cette dernière est loin d’être la règle. Eneffet, Crofton etal.[17]danssonenquêteconcernant9326étudiantsen médecine de42pays,constateune faibledifférencedans le taux de tabagisme selon le sexe en Europe. En effet, enIslande, untaux de 26,6% de fumeuses a étéenregis- trécontre26,1%defumeurs[18].L’épidémiedutabagisme parmilesfemmes estenaugmentationdans certainspays etdevientparticulièrementpréoccupante.Lenouveaurap- port del’OMSmontrequela publicitéenfaveurdutabac cible de plus en plus les jeunesfilles. Ilressort des don- nées de151pays,qu’environ7% desadolescentes, contre 12%desadolescents,fumentdescigarettes.Ellessontplus nombreusesà lefairedans certainspaysdontla Bulgarie, leChili,laColombie,laCroatie,lesÎlesCook,leMexique, le Nigéria,laNouvelle-Zélande, laRépublique Tchèqueet l’Uruguay [19]. Dans notre étude, la prévalence du taba- gisme était peu influencée par l’âge et se situait autour de7—8%. Danslesenquêtes précédentesréalisées auprès des étudiants en médecine de Casablanca [4,5,20,21], la prévalencedutabagismeaugmentaitavecl’âge.Lamême tendanceestobservéeàlafacultédemédecinedeMonas- tir, en Tunisie, où la prévalence du tabagisme est passée de 12,2% chezles étudiants âgés de 17à 20ans à 23,6% entre25et31ans[22].UneautreétudemenéeauSénégal retrouveplusdefumeursdanslatranche d’âge25—44ans avecuntauxde76%[23].
Contrairementauxenquêtesantérieuresoùlaprévalence dutabagismeaugmenteselonl’annéed’étude,dansnotre série,ilyavaitunediminutiondutauxdutabagismedela premièreannée(11,1%)àlacinquièmeannée (7,8%)bien quecettedifférenceétaitstatistiquementnonsignificative.
Ce constat pourraitêtre expliquépar unemeilleure prise de conscience des étudiants vis-à-vis de ce problème et l’introductiond’unenseignementdelapathologiedutabac à partirde laquatrième année. Au Sénégal, uneenquête menée en 2003chez les étudiants en médecine de Dakar retrouvelesmêmes résultats que lesnôtres avecuntaux detabagismepassantde41,5%enpremièreannéeà22,2% entroisièmeannée [24]. D’aprèsSmith etLeggat[16], la quasi-totalitédesétudesquiontétéeffectuéesauprèsdes étudiantsenmédecinemontrentqueletauxdetabagisme chezcettepopulationatendanceàaugmenterentrel’année d’entréeetladernièreannée.EnInde,Ramakrishnaetal.
[25]ontindiquéquelaprévalencedutabagismevariaitde 7%chezlesétudiantsdepremièreannéedesexemasculinà 16%chezlesétudiantsdecinquièmeannée.EnIran,Ahmadi etal.[26]ontconstatéqueletauxdetabagismeestpassé de18%àlapremièreannéedesétudes médicales,à7%à latroisièmeannée, puis estremontéà 17%en quatrième année.Lamêmetendanceestobservéedansuneenquête menée parHarrabietal.enTunisie [7].Globalement, les étudiants fument autant au premier qu’au second cycle,
cequimontrequelesétudes médicales n’ontpas actuel- lementuneinfluencenettesurlecomportementtabagique.
D’unefac¸on générale,l’éducationsanitaire tardivequelle quesoitsonintensitéetquelquesoitlepublicauquelelle est destinée, semble avoir peu d’effets sur le comporte- mentvis-à-visdutabac.Pourcetteraison, unprogramme depréventionbasésurl’éducationsanitairedoitcibleren prioritélesjeunesdontl’âgenedépassepasceluidedébut dutabagismec’est-à-direentre12et14ans[24].
Concernant la consommation tabagique, la majorité de nos fumeurs (82%) consommaient moins de dix ciga- rettes/j, contre 2% qui consommaient plus d’un paquet parjour.AuBrésil [12],70,6% desétudiantsenmédecine fumentmoinsdedixcigarettes/j,29,4%fumententre11et 20cigarettes/j. Enrevanche,Touré et al.[8] ontrecensé 57,7% de gros fumeurs (>20cigarettes/j), chiffre qui est prochedeceuxdeNdiayeetal. [24]etdeCarrion-Valero etal.[27]touslesdeuxsupérieursà50%.
La majorité de nos étudiants consommaient des ciga- rettesavecfiltre(70%),contre22%quiconsommaientdes cigarettesrouléesàlamain. Celaconcordeavecplusieurs étudesprécédentes réaliséeschezlesétudiantsenméde- cine de Casablanca [4,5,20,21]. D’autres études faites à l’échelle nationale [4,28], et internationale [11,24] rap- portentla mêmetendance.Le taux desétudiantsquiont fumépendant6moisouplusétaitde81,8%.
Nousavonsévaluéledegrédedépendanceàlanicotine enutilisant le testdeFagerström,etnous avonsconstaté que70% desfumeursétaientnonoupeu dépendantsàla nicotine, 19% avaient une dépendance moyenne, et 11% étaientfortement dépendants. Ndiayeet al. [24] avaient retrouvédansuneétudefaiteàlafacultédemédecinede Dakarqueladépendanceétaitmoyennedans59,3%descas, fortedans14%ettrèsfortedans4,7%.
La moitié des fumeurs (58%) ont déjà tenté d’arrêter de fumer contre 42% qui n’ont jamais essayé. Des taux similairesontétéretrouvésdanslesétudesprécédentesréa- liséeschezlesétudiantsenmédecinedeCasablanca[4,5].
Nassafetal.[29]rapportent82%demédecinsfumeursqui ontdéjàessayéd’arrêter defumerau moinsunefois. Un tauxsimilairede81,7% estretrouvéchezlepersonnelde santéfumeuràCasablancadansuneenquêtefaiteparOuah- maneen2005[30].AuBrésil,67,3%desétudiantsfumeurs ontsérieusementessayéd’arrêterdefumer[12].Cesdiffé- rentstauxsontdoncunesourced’espoiretunbonindicateur pourl’aideausevragetabagique.
Dansnotreétude,parmilesraisonsavancéespourarrê- terdefumer,lasurvenuedecertainssymptômes occupait lapremièreplaceavec66,1%de cas,suivie delaprotec- tionde la santé (64,3%) et pour donner un bon exemple auxenfants(57,1%).Desmotifssimilaires,essentiellement d’ordrepersonnel,étaientretrouvés dansd’autres études chezlesétudiantsenmédecinedeCasablanca[4,5,20,21].
EnAlgérie,lesétudiantsayantarrêtédefumerontjustifié cetarrêtparuneconnaissancedesdangersdelacigarette dans 23,6% des cas, sous l’influence de l’entourage dans 16,1% des cas,et pour causede maladie dans 11,4% des cas [6]. À ce jour, la mesure préventive la plus efficace concernant les principaux méfaits du tabac reste l’arrêt de sa consommation [31]. Les médecins généralistes et spécialistes doivent donc s’impliquer activement dans ce domaine.
Concernantle comportementfutur desétudiants(dans cinqans);52%pensentqu’ilsnefumeraientcertainement pastous lesjours.Cetaux restefaibleparrapportàcelui retrouvé dans les études menées chez les étudiants en médecinedeCasablancaen1988eten1994,maisplusélevé queceluiretrouvéen2002.D’aprèscertainesétudes,plus de70%desfumeurssouhaitentarrêterdefumer.Malheureu- sement,onconstateque,si30%à40%d’entreeuxessayent chaqueannée,seulement5%réussissentsansaide[31].
Lamajoritédesétudiants(92,5%),reconnaîtqueletabac est nocif pour la santé, y compris les fumeurs et quelle quesoitl’annéed’étude.Cetteconstatationressortaitdans touteslesétudesréaliséeschezlesétudiantsenmédecine deCasablanca[4,5,20,21].Untauxsimilaire(92,3%),aété retrouvéchezlesétudiantsenmédecineauBrésil[12].En Pologne,lamajorité desétudiantsenmédecine pensaient que le tabagisme était nuisible pour la santé [13]. Dans l’ensemble, lesétudiantssemblent conscientsdela noci- vitédutabacetlesétudesaméliorentleursconnaissances vis-à-visdesmaladiesengendréesparletabac.
Dans notre étude, les complications respiratoires du tabacétaientlesmieuxconnuesparlesétudiants,notam- mentlecancerdesbronches(90,7%),labronchitechronique (87,1%),le cancer du larynx(86%). Néanmoins, certaines pathologiesrestentencoremalconnuesparlesétudiantsy comprisceuxdecinquièmeetsixièmeannée.Ilenestainsi descomplicationsurologiques,sexuellesetgynécologiques quin’étaientreconnuesquedans53,1%pourlecancerdela vessie;49,4%pourl’impuissancesexuelleet49,3%pourla mortaliténéonatale.Cesrésultatssontenaccordavecceux obtenusparHarrabietal.chezlesétudiantsenmédecineà Sousse[7].AuSénégal[8],parmilespathologiesinduitespar letabac,lesplusconnuesparlesélèvesétaientlespatholo- giespulmonairesetcardio-vasculaires.Ainsi,lespathologies liéesautabacrestentencoremalconnues.Cetteconstata- tiondoitinciteràunrenforcementdeseffortsd’information auniveaudel’enseignementdelapathologieliéeautabac.
Concernantl’attitude des futursmédecinsfaceà leurs patientsfumeurs,ilressortquelesétudiantsnesemobili- seraientcontreletabagismequelorsquecelui-ciintervient dansl’étiologiedelamaladie(92,7%)ouconstitueunepré- occupation pour le malade (86,1%). En revanche, ils ne conc¸oiventguèreletabagismecommeunfacteurderisque contrelequel ilfautagirsystématiquement (39%).Cela a étéégalementretrouvédanslestravauxantérieursréalisés chezlesétudiantsenmédecinedeCasablanca[4,5,20,21].
Des résultats similaires ont été notés dans des études nationalesdansdifférentescatégoriessocioprofessionnelles [29,30,32].EnTunisie[7],97,5%desétudiantsdecinquième annéepensentqu’ilfautinformerlespatientssurlesméfaits dutabacquandilsprésententdessymptômesouunemala- dieliésautabac,contreseulement27,7%quipensentqu’il fautlefairedefac¸onsystématique.Quarante-quatrepour cent des étudiants de la faculté de médecine de Dakar [24]mettraientsystématiquementengardeleurs malades contrelesméfaitsdutabacet37,2%demanière nonsys- tématique. Lorsque le malade pose des questions sur le tabagisme,93%donnerontlesinformations nécessaires et 94,6%nelesdonnerontquelorsquelemaladeprésentedes symptômesouunemaladieliésautabac.Lesétudiantsen médecinedoiventêtrepréparésdavantageàlaréflexionsur lapréventionetaurôleimportantdumédecindanslalutte
anti-tabac.Parmilesétudiantsenquêtés;84,4%sonttoutà faitd’accordpourdonnerlebonexempleennefumantpas.
Cetteconstatationaétéégalementretrouvéepard’autres auteurs[7].
Lecomportementdumédecindoitêtreexemplairecarun médecinfumeurperddesaforcepersuasivepourconseiller ou interdire à ses malades de fumer et sa vigueur anti- tabagique estd’autant plus grande qu’ilest lui-même un ancien fumeur [24]. Les pays qui ont réussi à contrôler l’épidémie tabagiquey sont parvenus au prix d’une prise de conscience du médecin qui s’est accompagnée d’une diminutionimportantedutabagismechezlesmédecins[5].
La majorité des étudiants attribuent au médecin un rôle importantdanslalutteanti-tabac.Eneffet;78,8%d’entre eux pensent que les médecins devraient être plus actifs en parlant des méfaits du tabac à des groupes à risque et 70,1% estiment qu’il est de leur devoir de convain- cre les autresd’arrêter de fumer. Lesmédecins, quelque soit leur spécialité, représentent ainsi un groupe profes- sionnel particulièrement concernépar cefléau dufait de leur rôle essentiel dans l’éducation pour la santé. Par ailleurs,si68,6%desétudiantsinterrogésconfirmaientque lesmédecinsseraientplusenclinsàconseillerauxpatients de cesser de fumer s’ils avaient assez de connaissances enmatièred’aideau sevragetabagique,seulement28,1% desétudiantspensaientqu’ilsavaientassezdeconnaissan- ces pour le faire. En Tunisie [7], il n’y avait que 39,5% des étudiants en cinquième année qui estimaient avoir assez de connaissances pour conseiller les malades dési- reuxd’arrêterdefumer.Untaux de58%aétéégalement rapporté en Colombie [33]. Les résultats de notre étude montrent clairement qu’il ya une nécessité derenforcer les efforts d’information au niveau de l’aide au sevrage tabagique au cours des études médicales et la nécessité de développer dans le cadre de la formation médicale continue,unprogrammed’enseignementd’aideausevrage tabagique.
Lamajoritédesétudiants(91,6%)optaientpourinterdire la vente du tabac aux enfants et former les profession- nels de santé pour conseiller et prendre en charge les fumeurs(85,9%).Enrevanche,seuls59,4%semblaientêtre convaincusqu’unemajorationdesprixdecigarettespouvait diminuerlaconsommationtabagique.Cesrésultatssonten accordavecceuxretrouvésparHarrabietal.[7].AuSénégal [24],70,4%desétudiantsoptaientpourl’interdictionabso- luedutabagismedansleshôpitaux;79%pourl’interdiction de la publicité et 94,5% trouvaient nécessaire de for- mer le personnelde santéà l’éducation pour la santé. Il existe un large consensusquant à la manière possible de combattrecette épidémie,àsavoir mettreenœuvre une stratégie anti-tabac globale, constante, durable et adé- quatement financée. La lutte anti-tabac doit s’organiser surplusieursfronts:prévenirl’initiationautabac,favoriser le sevrage,protégerles non-fumeurscontrela fumée des autres,réglementerlesproduits àbasedetabac.Concer- nant la connaissance de la loi marocaine anti-tabac, sur les707étudiantsquiontrépondu àcettequestion;71,6% méconnaissent son existence. Dans une stratégie globale delalutteanti-tabacetdelaprotectiondesnon-fumeurs, lelégislateuradisposéuneloi anti-tabacvotéele 29avril 1991publiéeaubulletinofficielno4381le20août1995etqui n’estpasencoreentréeenvigueur[34].
Conclusion
Ilressort de cette étudeune nette diminutionde la pré- valence du tabagisme chez lesétudiants enmédecine de Casablanca, une améliorationgénérale des connaissances des méfaits du tabac et une meilleure prise de consci- encedesétudiantsvis-à-visdecefléau.L’introductionde l’enseignement de la pathologie du tabac dans le cursus des étudiants en médecine depuis 1983, menée de pair avecleconcoursdesmédiasacertainementcontribuéàces résultats. Le personnelsoignant, en particulier lesméde- cins,parleur contactavecla population,leurcrédibilité, etl’autoritémoraledontilsjouissentenmatièredesanté, doiventprendreconsciencedeleurrôlecruciald’éducateurs etdeleurdevoird’implicationdanslaluttecontreleshabi- tudesetattitudes tabagiques.Laloimarocaineanti-tabac représenteungrandapportdanslechampdelaluttecontre letabagisme.Cependant,ilnesuffitpasdedécréteruneloi, encorefaut-illamettreenœuvreetlafairerespecter.
Déclaration d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.
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